« Une soirée au violon ». C’est avec ce titre-humoristique comme souvent- d’une composition de Martial Solal que le concert de Jean-Luc Ponty au Châtelet a été introduit par le maître de cérémonie, François Lacharme, par ailleurs président de l’Académie du Jazz.
Une boutade à double sens ! Jamais le violoniste n’avait pu s’exprimer à Paris dans une telle configuration, une sorte d’hommage en deux temps, avec grand orchestre symphonique et en petites formations ; jamais non plus il n’était apparu plus libre de ses mouvements, suscitant ce 11 avril une ovation finale de spectateurs debout.
Exilé volontaire aux Etats-Unis au début des années 70, Jean-Luc Ponty, fan de jazz-rock, avait déjà l’été passé marqué les esprits par une prestation virevoltante à l’Olympia au sein du groupe Return to Forever. Neuf mois plus tard, c’est le violoniste acoustique, plus classique, qui avait les honneurs du théâtre du Châtelet.
Pour commencer, l’ex premier prix de violon du conservatoire de Paris a retrouvé ses marques avec l’orchestre symphonique Pasdeloup visiblement en état de grâce derrière un tel soliste, le public enfreignant même les règles du concert classique en interrompant un morceau par ses applaudissements. Par ses échanges avec le pianiste, Ponty a fait mentir Maurice Ravel qui n’hésitait pas à qualifier le piano et le violon d’instruments « essentiellement incompatibles » (cité dans Piano ma non solo. Jean-Pierre Thiollet. Anagramme Editions. Avril 2012).
Photo : Jean-Louis Lemarchand
En seconde partie, l’ex « petit prince du violon » a confirmé de brillante manière son sens de l’improvisation et du rythme en compagnie de jazzmen « purs et durs ». Au sein tout d’abord d’un trio à cordes constitué pour l’occasion avec le contrebassiste Stanley Clarke, vieux complice, impérial, et le guitariste Biréli Lagrène, le « bleu » de la formation, très concentré. Un nouveau trio qui tournait à la perfection se mettant en valeur spécialement sur deux compositions de Stanley Clarke « Song for John », en souvenir à Coltrane, et « Renaissance ».
Le même Stanley Clarke, après un hommage à la vedette de la soirée (« trésor national » du jazz français et référence du violon jazz dans les dictionnaires américains), rejoignit ensuite le trio historique violon-batterie-orgue de la fin des années, reconstitué pour l’occasion, H(Humair)-L(Louiss)-P(Ponty). Alors, ces retrouvailles entre Jean-Luc, Daniel et Eddy, donnèrent lieu à l’interprétation de standards conduits tambour battant comme dans les « bœufs » d’après-minuit. Une soirée unique qui mériterait une traduction enregistrée.
Jean-Louis Lemarchand