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8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 21:31

Body And Soul Documentaire franco-italo-allemand

Sortie Août 2011 (1h42)

Michel-Petrucciani-Film-de-Michael-Radford.03.jpg

 

 

Il est difficile de ne pas céder à l’émotion devant le documentaire de Michael Radford

consacré à Michel Petrucciani, qui mourut en 1999, le 6 janvier, à l’âge de 36 ans, après un parcours hors norme. On comprend que le film ait été présenté en avant-première à Cannes cette année, car la vie de Michel Petrucciani vaut bien un roman. Et méritait d’être filmée en tous les cas.

Cette biographie est illustrée d’archives rares, d’extraits de concerts tournés au plus près, d’interviews de la « caravane » de fidèles, le premier cercle des intimes, ses compagnes, les producteurs Jean-Jacques Pussiau, Francis Dreyfus, le cinéaste Frank Cassenti (dont on se souvient du  beau portrait sur Arte, Lettre à Michel Petrucciani, en 1983), le journaliste  Pierre Henri Ardonceau…(1) Beaucoup de musiciens témoignent comme Aldo Romano, qui avait le privilège de le porter sur la scène, comme un enfant. Car Petrucciani se déplaçait difficilement avec des béquilles et confiait ce soin à ses proches, y compris ses femmes.

Atteint d’une maladie très rare des os qui l’empêchait de grandir, Petrucciani eut très vite conscience que ses jours étaient comptés. Il n’eut alors de cesse d’accomplir ses rêves, de vivre furieusement, sans compter, et de se consacrer à la musique ! Il ne se souciait pas vraiment de l’avenir, mais il n’aimait pas perdre son temps ni rester immobile. Seule la musique pouvait le faire tenir tranquille, au piano.

Né dans une famille de musiciens, dès la petite enfance, il est encouragé, poussé par un père plutôt sévère qui tenait un magasin de musique, à Montélimar. « Petru » écoute inlassablement les disques pour apprendre les mélodies et efface systématiquement toutes les cassettes de cours par correspondance pour enregistrer de la musique. Immensément doué pour tout ce qui l’intéressait, il apprit parfaitement l’anglais en six mois, slang compris.

Il décide de partir très vite à l’ouest pour vivre le rêve américain, et c’est à Big Sur en Californie qu’il rencontre sa première femme Linda, descendante d’un chef Peau rouge (selon ses dires) et surtout le saxophoniste Charles Lloyd avec lequel il jouera longtemps. Il mène grande vie : limousines, avions, hôtels cinq étoiles, circuit des grandes salles et festivals, heureux de cette flamboyance qui durera une dizaine d’années, entre Californie et Côte Est. Car il choisit de s’installer à New York, ville mythique aux innombrables clubs de jazz comme le Village Vanguard : il y fait des rencontres décisives, respire le même air que ses idoles, Freddie Hubbard, Chick Corea, Herbie Hancock, Wayne Shorter…   A 22 ans, en 1983, il entre dans la légende, car il est le premier Français à signer sur le prestigieux label Blue Note.  Quelle est sa place exacte dans l’histoire du jazz ? Le film ne le dit pas. Mais Francis Dreyfus lui donna ce précieux conseil : « Trouve ta propre histoire et tiens là…ne fais pas du Bill Evans. Car si Petrucciani possédait toute la tradition du jazz, il était sous l’emprise de Bill Evans.

Assez tardivement, le film révèle quelques traits forts de sa musique : une main droite étonnamment forte, la capacité de créer des lignes mélodiques fascinantes et de les tenir, une technique forcément inimitable de par la nature même de son handicap. Il apparaît surtout qu’il jouait follement, exagérément, en puissance, se fracturant en permanence bras, coude, clavicule, doigt, mais il continuait, semblant ignorer la douleur…  

La dernière partie de sa vie coïncide avec son retour en Europe, il est alors une  super star, mais il a vieilli de façon accélérée, usé par trop d’excès, et les attaques de sa maladie sont impitoyablement rapprochées. Epuisé par le rythme effréné de concerts -plus de 220 par an- il laisse venir la mort, qu’il appelle de par sa vitalité même.

Il dévorait la vie et tout ce qui s’offrait à lui, sans chercher à savoir si c’était bien ou mal. Amant généreux, il attirait les femmes et il collectionna les aventures, mais se maria plusieurs fois ; iI adorait le changement, capable de quitter  immédiatement la compagne du moment. Il  y en eut une cependant avec qui il voulut faire un enfant qui malheureusement est atteint de l’ostéogénèse imparfaite. Alexandre intervient d’ailleurs dans le film -nul besoin de le présenter- il est la copie conforme de son père. L’instinct de vie, la pulsion irrésistible qui poussait Michel Petrucciani à se déclarer heureux malgré tout, pas moins « normal » que les autres, l’ont-il incité à parier ainsi sur la vie ? C’est un douloureux héritage qu’il aura laissé à son fils, conscient qu’il n’a pas beaucoup le choix, sur la crête étroite entre bizarrerie et exception.

Au fur et à mesure que le film déroule sa progression impeccable, on ressent toute l’ambiguïté, la fascination de l’artiste envers la mort : il a vécu dans la recherche effrénée de la jouissance, s’autorisant tous les excès, précipitant ainsi sa fin. Car Michel Petrucciani, ange difforme, ne pouvait être qu’une figure tragique. Et à ce titre, il aura alimenté le mythe, la liste tragique des figures musicales hallucinées qui se brûlèrent les ailes. Il a travaillé aussi consciencieusement, passionnément son instrument qu’il a contribué méthodiquement à sa propre fin : « Toute vie est bien entendu un processus de démolition » écrivait en 1936 Francis Scott Fitzgerald, qui connaissait le sujet, dans son recueil de nouvelles « La fêlure ».

Sophie Chambon

 

( 1) Il est dommage que ne soient pas cités un seul nom des témoins filmés ou interviewés.

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7 septembre 2011 3 07 /09 /septembre /2011 19:02

PING MACHINE : « Des trucs pareils »

Neuklang 2011

 PingMachine_desTrucs_w.jpg

 On retrouve ici, sous la direction de Fred Maurin, cette formidable mécanique bien huilée qu’est Ping Machine, big band flamboyant dont nous nous sommes fait déjà l’écho à plusieurs reprises dans ces colonnes (cf. notre précédente chronique de Random Issues) . Deux ans après Random Issues, Maurin montre et démontre à nouveau l’éventail de son savoir faire et surtout le foisonnement de ses idées orchestrales.

En développant ici les climats un peu sombres et glauques de polar ( c’est en tout cas ce que cela me suggère) et surtout en écrivant des mini suites ( Des Trucs pareils, Dissonances cognitives), le jeune guitariste chef d’orchestre fait entendre une musique forte et pleine de surprises, jamais linéaire, évoluant entre la densité de la masse orchestrale et le dépouillement extrême ( qui peut aller jusqu’à une partie où le sax joue purement et simplement seul).

Lire la suite : PING MACHINE : « Des trucs pareils »

 

Retrouvez ici l'interview de Fred Maurin

 

ping machine

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 19:33

Cristal records 2011

Michel El Malem (ts, ss), Marc Copland (p), Michael Felberbaum (g),Marc Burronfosse (cb),  luc Isenmann (dm)

 michel-el-malem.jpg


Il y a dans ce deuxième album du saxophoniste Michel El Malem ( le précédent avait été publié sur le label Fresh Sound New talent) une aventure beaucoup plus collective que dans le premier. Autant dans le précèdent album il s'agissait de la rencontre avec un musicien qui exprimait quelque chose de très personnel, comme une présentation de lui-même au public, autant dans cet album là il s'agit d'une rencontre musicale avec un groupe de haut niveau et surtout une rencontre avec un pianiste exceptionnel, Marc Copland dont on aurait juré son univers très éloigné de celui du saxophoniste.

Et pourtant c'est sur le chemin de thèmes aux harmonies chaleureuses qu'ils se rencontrent avec une certaine évidence.  Il y a, dans cet univers maîtrisé l'alliance de la douceur du groove et d'un jazz modal sous contrôle. Et ça tourne formidablement bien notamment parce que chaque membre du groupe y affirme une réelle personnalité musicale forte, tout en parvenant à se fondre dans  l'ensemble.

Les compositions sont superbes. Elles sont parfois un peu mélancoliques, mais toujours sans pathos juste avec l'effusion de sentiments forts. Une sorte de touchante tendresse que les résonances du clavier de Marc Copland mettent en valeur avec une certaine profondeur. Chaque intervention du pianiste y est magnifique, faisant sonner le medium grave de son clavier ou en allant chercher des renversements harmoniques et des accords d'une infinie richesse ( à entendre sur Reflets). Michel El Malem continue lui de s'affirmer dans cette lignée des saxophonistes dans une lignée très Breckerienne. Saxophoniste puissant et formidable improvisateur qui parvient à éviter tous les effets débordants pour au contraire maîtriser son lyrisme avec une force d'évocation saisissante. Il y a dans son jeu la force de Brecker (on l'a dit) mais aussi la fluidité d'un Shorter. Et un son magnifique ciselé dans le roc.

Michael Felberbaum est quant à lui une sorte de caméléon imprimant par la diversité de son jeu autant de couleurs différentes, allant chercher les oppositions à la couleur centrale pour mieux la faire ressortir par contraste (la fenêtre).

Et puis cette rythmique, ici parfaite dans l'intelligence de ce qu'elle doit jouer. Une rythmique affirmée et dont la présence est d'une grande cohésion. Marc Burronfosse, ici immense, confirme ce que nous écrivons depuis longtemps : il s'agit bien d'un de nos plus grands contrebassistes, essentiel et indispensable. Son association avec Luc Issenmann est lumineuse et contribue largement à la réussite de cet album.

 

Parenthèse apaisée, cet album magnifique est empreint d'une grande sérénité. Il fait partie de ces albums dont on peut espérer qu'il bénéficie d'une large distribution. Il le mérite grandement

Jean-marc Gelin

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5 septembre 2011 1 05 /09 /septembre /2011 09:40

Sunnyside 2011

Aaron Goldberg (p), Guillermo Klein (kybds, compos, arr), Miguel Zenon (as), Chris Cheek (ts,ss), Matt penmann (cb), Eric Harland (dm)

bienestan.jpg  C’est tout d’abord l’histoire d’une rencontre : celle du pianiste New-Yorkais Aaron Goldberg

et du compositeur argentin Guillermo Klein. Deux musiciens qui, s’ils se sont souvent côtoyés à New-York développent néanmoins des univers assez différents. Assez différent en tout cas pour que leur rapprochement aiguise notre curiosité.

Du pianiste on sait qu’il affectionne les belles mélodies et les standards. Pianiste subtil des grands espaces qui, à l’instar de ses maîtres comme Jamal, affectionne les silences et les respirations de la musique. On l’a beaucoup entendu, dans un autre registre, auprès de Joshua Redman (http://www.lesdnj.com/article-15655761.html). Quant à Guillermo Klein, après avoir tenu l’un des bigs bands les plus inventifs de New York ( Los Guachos, dans lequel figuraient justement Zenon et Cheek) et de repartir ensuite pour son pays natal, il s’impose aujourd’hui comme l’un des compositeurs majeurs de la scène du jazz (http://www.lesdnj.com/article-24945795.html). Ses univers fascinants puisent dans un ensemble de références hétéroclites avec un sens raffiné de l’arrangement qui en faisait l’un des bigs bands les plus excitants de la scène New Yorkaise.

La rencontre de ces deux grands musiciens avait donc largement de quoi susciter notre curiosité.

Et le résultat est tout aussi séduisant que surprenant, marqué par l’hésitation à prendre un parti pris esthétique pour au contraire afficher un ensemble de propositions assez différentes les unes des autres. Très déconcertant en ce qu’il refuse toute linéarité esthétique, privilégiant à la fois la diversité des formats (les saxs n’interviennent que sur quelques titres) et des univers où un thème très épuré comme Burrito laisse place à un Human feelporté par un ostinato de sax et une rythmique bouillonnante.  Reprenant des standards parfois très bop comme sur Moose The Mooche ( où la sax de Zenon s’y fait magnifiquement Parkerien !), la musique de Goldberg/Klein flirte ensuite avec la musique sérielle ou minimaliste ( l’entente de Goldberg et de Klein sur Implacable y est réellement magnifiée sur Airport Fugue). Ces variations stylistiques vont même jusqu’à proposer celles des thèmes eux-mêmes avec deux versions différentes de All The Things you are ( qui ouvrent et clôturent l’album) et deux versions de Manha De Carnaval. Choix de duplicité que contesteront certains qui démontre assurément l’exceptionnelle qualité d’arrangeur de Guillermo Klein mais témoigne aussi d’une incertitude sur la ligne directrice sur laquelle Goldberg et Klein semblent avoir  hésité.

À l’inverse ces variations contribuent aussi grandement au charme iconoclaste de cet album dont la profondeur et la légèreté en font à la fois un objet d’envoûtement et de grâce indéfinissable. Comment résister par exemple à la tension dramatique sous-jacente d’un Impression de Bienestar, cet état de bien-être lentement, très lentement pulsé par Matt Pennman. Ce dernier s’impose d’ailleurs comme la pièce maîtresse de l’album lui donnant une incroyable couleur empreinte de gravité et de douceur, s’insérant dans les espaces que lui laissent les deux claviers.

S’amusant à nous perdre, Guillermo Klein et Aaron Goldberg au contraire nous captivent.

Résultat étonnant.

Jean-Marc Gelin

 

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3 septembre 2011 6 03 /09 /septembre /2011 10:58

fred-maurin.jpg                                                    © Christophe Alary
 

 

 

A l’issue du concert de Ping Machine le 2 Juillet dans le cadre du Paris Jazz Festival, les DNJ ont eu un entretien avec Fred Maurin, le leader du groupe. Une occasion pour lui de faire le point sur le succès justifié du Big Band à travers les influences musicales de ce groupe.

 

Les DNJ : 

Pour commencer, j’aimerais que tu nous donnes tes impressions de votre prestation sur la scène du Parc Foral ; le concert était réussi et pourtant le public ne semble pas être celui que vous avez l’habitude de côtoyer ; on y voit beaucoup de familles qui pique-niquent, des jazzfans, des visiteurs ...

 

Fred Maurin :

C’est une première pour Ping Machine de jouer sur la scène du Parc Floral et nous sommes très heureux d’avoir été invités. Le public est très réactif et cela change beaucoup de celui des clubs ou autres salles de concerts. Pour ce qui est de notre prestation, c’est un peu particulier, car le format était beaucoup plus court que sur les concerts que nous donnons habituellement. Nous avons joué à peine plus d’une heure ...

 

Les DNJ :

Je voudrais que tu nous parles du répertoire de Ping Machine. Tu es le leader et le compositeur du groupe ; peux-tu nous en dire plus sur tes influences musicales ?

 

Fred Maurin :

Mes influences sont diverses ; elles vont du classique au rock comme Zappa, Hendrix ou King Crimson. Mon écriture est aussi très influencée par la musique contemporaine comme Ligeti. Je m’attache à faire de la musique tempérée et de la musique spectrale. C'est d'ailleurs pour cela que j'apprécie beaucoup  ce que fait Steve Lehman ou Steve Coleman. Et puis dans mes influences, il y a le Jazz bien sûr, Wayne Shorter, Duke Ellington, Gil Evans ...

 

Les DNJ :

Tu composes plutôt au piano, ou à la guitare, ou les deux ?

 

Fred Maurin :

Je compose plutôt au piano et parfois à la guitare mais maintenant, il y a pas mal de chose que je fais à la tab ; ça dépend : chaque morceau a un parcours différent. Le temps de composition est variable ; je compose certains morceaux en 15 jours et d’autres en 3 ou 4 mois. Ce qui est vrai, c’est que je n’amène jamais des versions ni définitives ni stables au groupe et ça, je crois que leur plait ! Généralement, lorsque je propose un morceau au groupe, je sais qu’il suivra. 

 

Les DNJ : 

Parlons du groupe justement, et notamment du renouvellement des musiciens depuis 2007. Il semble que ce renouvellement ait donné une autre dimension au groupe ?

 

Fred Maurin

C’est vrai que l’on a toujours des limites dans ce que l’on peut réaliser que ce soit pour des questions techniques ou alors parce que l’on a des temps de répétitions limités mais malgré cela, j’essaie toujours d’être sur le fil du rasoir ; je veille à pousser la musique en avant parce que je connais mes musiciens et ce qu’ils sont capables de produire. C’est dans cet esprit que nous avons beaucoup progresser ces 5 dernières années. L’orchestre hier et l’orchestre aujourd’hui c’est le jour et la nuit. Nous avons vraiment avancé ensemble sur des projets ambitieux. Si nous arrivons au bout de ces projets c’est parce que tous les musiciens du groupe s’y impliquent. C’est justement pour ça que ça fonctionne ! Par ailleurs, nous préférons motiver les gens par la musique, que par l’argent : la musique, ça fonctionne !

 

Les DNJ :

Tu es leader de Ping Machine, mais joues-tu exclusivement avec ce groupe ?

 

Fred Maurin :

Je joue avec d’autres formations, mais Ping Machine me prend beaucoup de temps. J’ai encore un projet en quintet radicalement différent qui se nomme Cartel Carnage avec lequel nous allons probablement sortir un disque à l’Automne, le disque est prêt mais nous sommes encore en quête d’un distributeur ; c’est un projet avec Alex Tomaszewski (basse), Rafael Koerner (batterie), Sylvain Bardiau (trompette) et Sylvain Cathala (saxophone). Avec ce quintet, nous avons un répertoire radicalement différent de celui de Ping Machine puisque c’est un répertoire death métal, free jazz expérimental. C’est Alex Tomaszewski qui dirige ce projet. Je dois avouer que depuis deux ou trois ans, j’ai mis un peu de côté les trios et quartets car le temps me fait défaut.

 

DNJ :

J’ai l’impression que tu ne te considères pas vraiment comme un soliste …

 

Fred Maurin :

C’est surtout qu’aujourd’hui, j’ai concentré mon action sur l’écriture et comme je suis perfectionniste, cela me demande beaucoup de travail, j’ai donc moins de temps pour l’instrument. J’essaie tout de même de garder une place dans Ping Machine mais sur scène, il est difficile de gérer en même temps guitare et direction : physiquement je veux dire. On a une espèce d’instrument dissymétrique dans les mains qui complique un peu les choses … et par rapport à cela aussi j’ai dû faire des compromis. Mais j’aimerais beaucoup avoir un peu de temps et rejouer en trio ou en quartet. Mais ça reviendra !

 

DNJ :

2011 est une année chargée, on a beaucoup parlé de vous dans la presse, vous avez eu des critiques élogieuses … vous avez un projet de sortie disque à la rentrée je crois ?

 

Fred Maurin :

En effet, avec Ping Machine, nous avons réussi à mettre en œuvre un projet un peu improbable en début d’année ; nous avons monté une tournée de neuf dates qui nous a permis de roder le nouveau répertoire et à la fin de cette tournée, nous sommes allés directement enregistrer en Allemagne au Studio Bauer où se trouve notre label (Neuklang). Le disque sortira en Septembre 2011. Le concert de sortie de disque avec le nouveau répertoire aura lieu le 12 Octobre prochain à la Dynamo des Banlieues Bleues et puis il y aura ensuite une tournée dans le sud de la France et enfin, un concert au Studio de l’Ermitage en Novembre 2011.

 

DNJ :

Les morceaux que vous avez joués aujourd’hui font-ils partie du nouveau disque ?

 

Fred Maurin :

Les morceaux que nous avons joués cet après-midi font partie du nouvel album mais comme je l’expliquais au début, avec un format plus court ! Il y a plus de morceaux sur le disque. Je précise d’ailleurs que le disque sort en bac en Septembre 2011 mais qu’il est disponible en téléchargement depuis le 1er Juillet sur Qobuz à l’occasion du concert que nous venons de donner au Parc Floral.

 ping-machine.jpg

                                                               ©photo : Christophe Alary

 

Propos recueillis par Julie-Anna Dallay Schwartzenberg

 

PingMachine desTrucs w

 

 liveweb.arte Ping Machine au paris jazz festival

 


 

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3 septembre 2011 6 03 /09 /septembre /2011 10:20

Pour cette deuxième soirée du festival de la Villette, ce sont deux versions de l’art du piano jazz qui nous étaient offertes. Et lorsque l’on dit « deux versions », il s’agit bien de deux styles carrément, radicalement, fondamentalement opposés qui se succédaient hier soir sur la scène de la Cité de la Musique à Paris.

 la-villette.jpg

En première partie, le pianiste Yaron Herman se livrait seul à l’exercice de l’improvisation totale qu’il affectionne. Reprenant quelques-uns de ses titres enregistrés, surfant sur un All the Things you are, déstructurant Radiohead ou quelques morceaux traditionnels et finissant par un Hallelujah de Leonard Cohen. A l’écoute de cette première partie de 45mn, Yaron Herman montrait une virtuosité impressionnante, un peu débarrassé de ses penchants Jarretien. Un éventail de son savoir-faire impressionnant, voire bluffant voire même un peu trop lorsque le pianiste utilise le bois de son instrument comme caisse rythmique. Le pianiste trentenaire jouait souvet vite, souvent dans le forte et souvent dans le grave de son piano, dévalant le clavier au gré de ses fantaisies d’improvisations, des idées qui lui arrivent aussi rapide que l’éclair évoquant une sorte de tumulte intérieur, multipliant les jeux en block chords et les virtuosités. Au point que , me retournant vers mon voisin je lui demandais à un moment «mais après quoi cours Yaron Herman » ?

photos-2011-2012 0296

 

Question qui depuis longtemps ne hante plus le vieux sage de 77 ans, Abdullah Ibrahim qui offrait dans la deuxième partie tout l’opposé, avec son trio (si rare en France) composé de Belden Bullock à la contrebasse et de George Gray à la batterie. Ici, point de course avec le temps mais au contraire une suspension de celui-ci. Un peu comme le murmure des anges. Il s’entend pour celui qui sait l’écouter, dans une délicatesse du son qui oblige parfois à tendre l’oreille. Le public est à l’unisson de cette concentration. Où il est avant tout question de feeling et de poésie dans ce concert envisagé comme toujours par le pianiste, d’une seule traite, un peu comme celui qu’il nous avait offert il y a quelques années dans cette même salle de la Cité de la Musique. Ici il est en trio. Trois musiciens qui s’écoutent dans une concentration et une maîtrise de leurs gestes qui touche à l’art zen. Le pianiste caresse l’ivoire de son clavier, revient sans arrêt sur Blue Bolero comme le fil rouge de son concert qui divague entre les thèmes de son répertoire choisis au hasard au bout de ses doigts. Son piano semble porté alors par le vent de hauts plateaux. Et c’est un pur moment de grâce et de spiritualité qui met La Villette en lévitation.

abdullah-ibrahim_dr.jpg

Jean-marc Gelin

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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 23:02

MALCOM BRAFF : «  Inside »

Enja 2011

Malcom Braff (p), Reggie Washington (elec b), Lukas Koenig (dm), Aurélie Emery (vc)

 malcom-braff.jpg Difficile d’être vraiment convaincu par le nouvel album du pianiste hélvétique. Bien sûr il y a un groupe qui fonctionne vraiment très bien et qui voudrait (ou pourrait) s’inscrire sur les traces de EST, avec ce sens du groove porté notamment par la basse ronde et puissante d’un Reggie Washington rayonnant. Bien sûr il y a aussi le style inimitable de Malcom Braff, fait de syncopes et de notes suspendues, et de silences qui viennent marteler le tempo.  Un phrasé à la fois mordant et tout en rupture. Malcom Braff tourne autour de sa musique, crée de vrais suspens musicaux, laisse l’auditeur dans l’attente d’un développement qui reste toujours un peu suspendu. Le pianiste vous emmène ainsi sur des pistes et vous laisse, vous et votre imaginaire, vous créer les propres suites d’une histoire tout juste suggérée.

On pourrait marcher dans ce système artistique si le pianiste ne semblait pas user et abuser des mêmes grosses ficelles. Comme cette fascination obsessionnelle pour les tourneries qui résonnent parfois comme un paravent à des développements qui n’arrivent pas. C’est le cas pour Mantra ou pour Yay. Ou encore des morceaux qui semblent répéter les mêmes structures comme ce Emphaty for the Devil qui reprend le même principe d’ostinato de basse que sur Dance of the fireflies. Si l’on peut adhérer à un morceau funky comme Sexy MF porté par le groove de Reggie Washington ( mais il s’agit là d’une composition de Prince) on la sentiment en revanche que cette veine funky s’use un peu plus sur the Mirror. On oubliera aussi ce pauvre John Coltrane venu d’on ne sait où prêter main forte au pianiste sur un « Love Suprême » un peu tarte à la crème, jeté comme ça sur Mantra parce que finalement tout étant dans tout pourquoi ne pas faire chanter au groupe «  a love Suprême, a love suprême » un peu tombé comme un cheveu sur la soupe. On oubliera aussi le côté un peu pathos de Dawn qui vient clôturer l’album d’une manière un peu lourde.

 

Au final il y a dans cet album beaucoup de frustrations tant on est persuadé que Malcom Braff a de l’or au bout des doigts, un talent fou et un groupe qui fonctionne à merveille ( il fut découvrir le jeune batteur Lukas Koenig). Il reste seulement à Malcom Braff à aller au bout de ses idées. Ce disque-là nous laisse en effet un goût d’inachevé.

Jean-Marc Gelin

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1 septembre 2011 4 01 /09 /septembre /2011 21:43

1 CD ECM 2011

 mantler.jpg

Ne pas se tromper sur l’étiquette. Michael Mantler que l’on avait laissé avec ses formidables Concertos (ECM 2054, 2008) n’apparaît pas ici en tant qu’instrumentiste dans cet album mais comme le compositeur de 18 petites compositions brèves écrites pour un duo guitare-piano. Comme toujours avec Mantler il y est question de la relation étroite entre l’écrit et l’improvisé. Mais ne pas non plus se tromper sur la supposée interaction entre les musiciens. En effet, cet album a d’abord été enregistré en solo par le pianiste danois Per Salo un peu comme pour en définir le cadre formel, lui revenant ainsi la part la plus écrite de la musique. C’est ensuite deux mois plus tard que le guitariste Bjarne Roupé a lui-même enregistré en play-back sa partie très largement improvisée. Et si le cadre ainsi défini peut sembler d’un certain académisme c’est tout le travail du guitariste qui, au travers de la richesse de ses improvisations et des effets qu’il multiplie, parvient à animer ce travail constitué de petites saynètes de 2 minutes à peine. On a parfois le sentiment que Bjarne Roupé utilise 5 guitares différentes tant l’éventail de ce qu’il montre est varié. Les structures musicales de Michael Mantler sont complexes, flirtant avec la musique contemporaine. Guitare et piano dans ce format exigu échangent les rôles en se partageant les espaces harmoniques sur des séquences courtes et riches. Le plaisir subreptice est conceptuel et souvent fascinant. Il relève avant tout de la curiosité d’esthète.

Jean-marc Gelin

Bjarne Roupé (g), Per Salo (p)

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30 août 2011 2 30 /08 /août /2011 23:01

« Songs of mirth and melancholy »

Marsalis Music 2011

Brandford Marsalsi (ts, ss), Joey Calderazzo (p)

 branford-marsalis-and-joey-calderazzo-songs-of-mirth-melanc.jpg Brandford s’offre un petit intermède, une sorte de parenthèse avec le pianiste de son groupe, Joey Calderazzo (celui là même qui a remplacé il y a quelques années l’irremplaçable Kenny Kirkland) pour un exercice en duo dont le titre ne saurait mieux résumer l’atmosphère. Car ce dont il est question est effectivement la Mélancolie avec un grand « M », dans un album où la plupart du temps Brandford Marsalis joue du soprano et s’y affirme comme l’un de tout meilleur sur cet instrument. Brandford Marsalis m’avouait dans une interview que j’avais recueilli pour Jazzman qu’il s’était mis sur le tard à travailler beaucoup son instrument et surtout sur le soprano au point de maîtriser à la perfection ce subtil vibrato comme peu le font aujourd’hui. Dans cette même interview, le saxophoniste New orléanais me parlait de son amour de l’opéra et de son désir de faire chanter son soprano comme un chanteur. Et c’est exactement ce qu’il fait ici dans une posture qui le conduit à une forme de classicisme de musique de chambre que certains ne manquent pas de reprouver venant d’un musicien de jazz qui semble un peu trahir ses propres racines ( rassurez vous je n’adhère pas à cette thèse). Soyons juste cela dégouline quand même parfois dans le genre tire-larme au point de frôler le mélo, le mauvais pathos. Mais soyons encore plus juste, cela frôle aussi parfois le sublime. The Bard Lacrymose dont le son de Brandford Marsalis transperce l’âme par exemple. Moi je pense à des lieds de Schubert et cela m’émeut. Mais je dois reconnaître qu’en gommant toute notion de jazz dans ces interprétations, Brandford Marsalis pourrait tout aussi bien aussi glacer son auditoire.

Marsalis sur ce terrain-là ne surprend qu’à moitié. Car ceux qui avaient entendu « Braggtown » il y a deux ans reconnaîtrons par exemple Hope qui figurait dans cet album et qui est ici repris à l’identique en duo. Il y  avait déjà alors les prémisses de ce nouvel album qui, malgré une ouverture très old school, se tourne résolument vers ces thèmes d’opéra ou d’église ( inspiration du lieu) . Thèmes sur lesquels l’expressivité du saxophoniste et sa sentimentalité explosent véritablement. Presque du théâtre. Il faut l’entendre sur Face on the barroom floor, entendre sa puissance, son vibrato qui s’accommode de la droiture du son qui transperce tout, et ce léger glissando qui irait presque jusqu’au blues, si seulement…. Et il faut aussi entendre comment il fait sonner son sax sur Endymion où le son se confond presque avec un violon alto. Une progression de ce thème ( l’éloignement de Brandford du micro témoigne d’un album qui garde la sincérité des 1ères prises) où pour une fois Joey Calderrazzo semble trouver l’axe pour propulser Brandford Marsalis dans un chorus de très très haute volée pour un de ses solos sur lequel l’on décèle la marque des très très grands saxophonistes. Ceux qui loin de se laisser emporter par un torrent de sentiments savent lui donner son expressivité ravageuse. Ce qui doit être peu ou prou ce que l’on nomme le feeling et qui n’appartient qu’à une poignée de musiciens.

Les deux hommes ressentent quelque chose de plus grand qu’eux dans ce H"aiti Heritage Center" dans lequel l’album a été enregistré.

Et il faut certainement écouter cet album avec un capital de tendresse pour entrer dans cette forme de musique pour laquelle les deux musiciens ont certainement mis une grande dose d’humanité. L’émotion qu’il véhicule peut parfois faire sourire ou agacer par son côté bel canto un peu kitsch. Mais il peut aussi émouvoir les âmes simples qui entreront dans cet album sans aucun préjugé. Je dois certainement faire partie de celles-là.

Jean-Marc Gelin

 

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28 août 2011 7 28 /08 /août /2011 23:49

Gallimard NRF – L’Un et l’autre

2011, 116p, 16,50 euros.

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 La poésie, c’est de la musique ! On l’a déjà dit. Tout le monde l’a dit. Et c’est peut être ce qui explique pourquoi Duke Ellington a amené l’immense écrivain Jacques Reda à la poésie à moins que ce ne fut peut être le contraire. Faudrait lui demander. Dans tous les cas c’est une histoire d’amour. D’amour curieux. D’amour et de fantasmes. Car Jacques Réda ne peut pas s’en empêcher, d’imaginer. Il est curieux et il imagine, se raconte des histoires et nous embarque avec. C’est ainsi qu’effeuillant les grands titres des compositions qui marquent l’épopée Ellingtonienne, Jacques Réda retrace ce grand Orchestre peuplé de femmes, ces Béatrices (après tout chacun le sienne), ces héros ( il les appelle des Dieux), et ce nuancier de couleurs du bleu au sépia virant à l’indigo.

Il décortique avec son imaginaire et sa grande érudition aussi. Il voit les relations de Duke avec le blues. Péché originel ? Car Duke et le blues, ce sont des relations ambiguës qu’il aime à décrypter Jacques Reda.

Parce qu’aussi il prend le jazz suffisamment au sérieux pour, à son âge, avoir le loisir de s’en amuser aussi. Le site web Criss Cross (excellent au demeurant) a eu la bonne idée d’aller interviewer le mâitre des mots. Le poète et romancier, le choniqueur de jazz qui a eu la bonne idée de publier cet été cette « Autobiographie du jazz » écrite à la première personne. Et c’est  avec une facétie de sage que celui-ci s’était prêté au jeu de cette interview avec autant d’humilité que de savoir précieux à tous et à toutes.

Mais revenons à notre ducale affaire. Celle qui déclencha tout chez le jeune Réda lui aussi jeune amoureux des femmes et de cette musique nouvelle. Jacques Réda  qui ne sait pas encore, qui goûte à tout pour revenir ensuite à ses premières passions.

 

 Morceaux choisis

« Puis nous avons constaté que notre irruption post-ellingtonienne dans l’histoire de la musique n’en avait pas inversé le mouvement, et nous devînmes du jour au lendemain « be-bop » à outrance. Julius ne jurait plus que par Thelonious Monk et, reniant Sonny Greer pour s’inféoder à Max Roach, Nanard cherchait l’inspiration en précipitant des seaux à charbons vides dans l’escalier de sa cave ».

Sa relation au Duke, on l’a compris aurait pu tourner court.

 

Mais voir Duke, voir son orchestre. Le rêve : 

« Si je les ai connus ? En tout cas je les ai vus comme je vous vois, et j’aurais pu me faufiler à l’entracte dans les coulisses pour les voir de plus près, leur mettre un crayon dans la main afin qu’ils signent discrètement mon programme. Mais ce ne sont pas mes moeurs »

Suit un analyse subtile de l’œuvre de Duke. Aléatoire et revendiquée comme telle.

On commence par L’Orchestre Amour ( Duke et les femmes et cette Adelaide Hall par qui tout commence. On notera en revanche dans toute cette gynécée : pas un mot sur Ella). On poursuit par L’Orchestre Bleu ( "A la première écoute, avant d’avoir compris que Duke s’en était pris à l’état d’âme dépressif que l’expression «  the blues »c ommunément résume, plutôt qu’à une forme musicale qui le structure et permet de le surmonter, j’ai failli céder à la tentation de me croire plus proche du blues que lui ». Enfin L’Orchestre Club peuplé de héros et de danseuses à frivolités. Les héros de la litanie Ellingtonnienne, les vieux hussards, les fidèles d’entre les fidèles.

« Dix jours après Paul Gonsalves, dont la longue cavalcade à Newport en 1956 avait, « Diminuendo and Crescendo in blue » rendu patente la métamorphose de l’orchestre tel qu’en lui-même ; quelques mois avant Harry Carney qui en était resté la poutre maîtresse pendant quarante-sept ans après l’apparition de la jeune créole ( référence à Creole Love callde 1927) Duke mourut à New-York le 24 mai 1974. C’est pourquoi je n’aime pas les biographies, elles finissent toujours mal »

 

Au travers de ces courts chapitres, ce petit ouvrage  conserve cette extrême élégance de l’érudition qui n’écrase pas. Qui ne vous renvoie pas à votre crasse ignorance. Jacques Réda est plutôt du genre à vous prendre par la main et, en regardant les étoiles vous invite à fermer les yeux et à écouter ce qu’il sait, ce qu’il présume, ce qu’il suppose et ce qu’il imagine. Et c’est presque si Jacques Réda s’en voudrait de se montrer trop savant sur son sujet qu’il est vrai, on parcourt d’autant mieux que l’on a les oreilles ce petit East Saint Louis Toodle-Oo avec en toile de fond la parole qu’il rend à ce trompettiste trop oublié, Bubber Miley que Jacques Réda dans une moment de réminiscence passionnée arrache à l’oubli injuste et le rend ici un peu à la vie. Et aux étoiles.

Jean-Marc Gelin

 

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