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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 18:12

 

Tim Berne (saxophone alto), Hank Roberts (violoncelle), Aurora Nealand (accordéon, clarinette, voix)

Brooklyn, 9 août 2022

Intakt records CD 403 / Orkhêstra International

https://timberneintakt.bandcamp.com/album/oceans-and

 

Une fois encore, Tim Berne me surprend, et m’épate. Après avoir, pendant des années, sur disque et en concert, offert des audaces écrites, développée dans des improvisations vertigineuses, et avec des partenaires de choix (dont Marc Ducret), il nous tend un bouquet d’improvisations collectives avec des complices tout aussi choisi(e)s. Et une instrumentation pour le moins inusitée. Le violoncelliste est pour lui (pour nous aussi) une vieille connaissance. Quant à Aurora Nealand, je dois avouer que je la découvre avec ce disque. Un disque très collectif, où chacune et chacun lance une bribe, une idée, une phrase, qui devient instantanément langage collectif, projet esthétique en mutation instantanée…. On croise au détour d’une phrase, ou d’une effusion, le souvenir des musiques qui nous sont en mémoire (fantôme d’un standard ?). Mystérieux, jouissif, et infiniment musical. Un rêve de musique improvisée, en quelque sorte.

Xavier Prévost

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29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 10:45
MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

MOONDOG raconté par Guy Darol & Laurent Bourlaud

 

Editions de la Philharmonie

Collection Supersoniques (paru en avril 2021).

Supersoniques #1 : Moondog, la fortune du mendiant | Philharmonie de Paris
 

En découvrant l’ouvrage de Laurent de Wilde sur le père du synthétiseur Robert Moog aux éditions de la Philharmonie, on a eu envie de poursuivre notre exploration de la collection Supersoniques où écrivains et dessinateurs conjuguent leurs efforts pour mettre en valeur un parcours musical souvent atypique.

Le rembobinage conduit à s’intéresser au premier ouvrage de la collection qui en comporte sept à présent, qui traite du cas de l’excentrique Moondog, vu cette fois par l’écrivain, essayiste, critique musical, Guy Darol dont l’une des passions est Frank Zappa qui avouait être influencé comme son pote Captain Beefheart par le Viking de la Sixième avenue. Rien de surprenant puisque Louis Thomas Hardin, devenu aveugle très jeune, qui se baptisa Moondog en souvenir de son chien Lindy qui hurlait à la lune, fascina des compositeurs d’envergure, tous styles confondus, en premier lieu des jazzmen comme Benny Goodman, Charlie Parker (Moondog composa en son honneur le fameux "Bird’s lament"), Mingus avec lequel il joua, Miles... Mais il intéressa aussi Leonard Bernstein qui lui donna quelques leçons pour conduire un orchestre, Steve Reich, Philip Glass qui l’hébergea pendant un an. Pour ces derniers, il était même le précurseur du minimalisme!

Dans ce bel ouvrage coloré et rythmé par Laurent Bourlaud,  Guy Darol, dans un style élégant et poétique, décrit très clairement les points forts d'un parcours "beyond category". En neuf petits chapitres que l’on avale d’un trait, Guy Darol nous conte la vie et l’oeuvre de Moondog jusqu’au  clin d’oeil final : pour la dernière découpe, donc la neuvième, on apprend que ce passionné de numérologie et du chiffre neuf (il en avait fait la mesure de sa musique) mourut un jour avant la date de la parfaite harmonie, le 9/09/99. S’il ne néglige pas les bizarreries du personnage, ses conditions de vie extrême -il vécut sans abri dans les rues de New York, mais aussi de Francfort ou Hambourg, jouant aussi devant les salles de concert et de maisons de disques ( la Tour Columbia), Darol s’intéresse surtout à définir son style. Avec un sens élaboré des formules, il avoue qu’ il faisait du neuf avec l’ancien. Ce musicien strictement tonal qui commença avec des serpents de son (Snaketime rhythms) était fou de musique classique, de contrepoint qu’il étudia sérieusement, et bien sûr de Jean Sébastien Bach. Loin d’être post-moderne, Moondog se revendiquait comme un classique, continuateur de Bach et Beethoven en disant “Je ne vis pas dans le passé c’est le passé qui vit en moi”.

Bien que compositeur d’une oeuvre foisonnante, entièrement en braille, et connu de son vivant grâce au label Roof de Bernd Kowalzik et en France  par Daniel Caux et Martin Meissonnier, son oeuvre fut peu diffusée et enregistrée. Sa musique ne fut pas oubliée pour autant après sa disparition puisqu’elle fut reprise et prolongée par des samplers dont la technique ne lui était pas indifférente, en amoureux inconditionnel du rythme.

La musique de Moondog est résolument américaine, marches militaires, ragtime, jazz mais aussi percussions amérindiennes jouées pour des danses traditionnelles du soleil (un souvenir de son séjour chez les Arapaho dans les années vingt, une tribu dont la science du regard admet l’invisible), sans oublier les bruitages des rues de New York. Il inventa d'ailleurs de nouveaux instruments pour créer de nouveaux timbres, l’itsu, le trimba, le hüs qui manifeste de son goût pour la culture et mythologie scandinaves que trahit son accoutrement qui ne le faisait pas passer inaperçu.

 

Ce texte apparaît-et ce n'est pas le moindre de ses attraits, comme un conte illustré, une fiction merveilleuse; la playlist fournie à la fin de l’ouvrage donne des pistes non exhaustives mais déjà suffisantes pour flâner dans l’oeuvre de ce musicien hors norme, dont la vision du monde était fondée sur l’harmonie.

 

Sophie Chambon


 

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20 juin 2023 2 20 /06 /juin /2023 21:42

 

Jozef Dumoulin (piano, piano électrique, synthétiseur, guitare, voix, programmation, inserts sonores)

Carton Records (CD, vinyle, téléchargement)

https://cartonrecords.bandcamp.com/album/this-body-this-life

 

Dix ans après l’enregistrement du disque «A Fender Rhodes Solo», Jozef Dumoulin retrouve l’exercice solitaire du clavier. Le pianiste nous dit que voici quelque temps le producteur d’un label lui avait suggéré de faire un album qui mêlerait piano acoustique et piano Fender Rhodes. Il s’était alors mis à l’ouvrage, mais le producteur voulait l’orienter vers une esthétique à laquelle il n’adhérait pas. Et il reprit le projet en suivant ses propres critères. Ce disque est donc une sorte de manifeste artistique de Jozef Dumoulin, donnant libre cours à ses idées, ses envies, ses fulgurances…. Et le résultat vaut la peine d’être découvert. À partir de nombreuses improvisations sur le piano et sur le piano électrique, le musicien a élaboré 14 plages très singulières, d’une indiscutable richesse musicale. Les sons et les langages se mêlent, en contrastes, tensions, ruptures, tuilages ou subite cohésion. Pour avoir écouté le pianiste, depuis des années, dans les contextes les plus divers, je croyais avoir entendu toutes les ressources de sa large palette sur les divers instruments. Eh, bien une fois encore, il m’a étonné, surpris…. Et ravi !

Xavier Prévost

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18 juin 2023 7 18 /06 /juin /2023 09:18
JeanPaul Ricard & Jean Buzelin  GIRLS           VOCAL GIRL GROUPS  JAZZ POP DOO-WOP SOUL (1931-1962)

JeanPaul Ricard & Jean Buzelin

GIRLS VOCAL GIRL GROUPS

JAZZ POP DOO-WOP SOUL (1931-1962)

 

Frémeaux& Associés

Go On - YouTube

I'M On The Wagon - YouTube

When You Were Sweet Sixteen - YouTube

Editions, Galerie, Librairie Sonore et Vignobles Frémeaux & Associés (fremeaux.com)

 

 

Le label Frémeaux&Associés nous fait découvrir une fois encore des enregistrements rares mais pas nécessairement obscurs, tout à fait dignes d’intérêt. Un coffret de 3 CDs sur un thème inédit et très original...

Nous avions salué comme ils le méritaient les précédents coffrets, toujours de 3 CDS chez Frémeaux & Associés qui redonnaient enfin aux femmes dans le jazz un rôle plus conséquent, une plus juste place. JP Ricard et Jean Buzelin, à l’origine de ces formidables compilations, rassemblaient les pianistes ( 1936-1961) sans oublier les autres instrumentistes (1924-1962) et les Girls Bands (1934-1954), en laissant de côté les chanteuses. Ils partaient du principe que pour le grand public les femmes dans le jazz sont avant tout chanteuses : sexy, elles s’exposent sur le devant de la scène, en pleine lumière, et n’ont jamais eu ce problème de visibilité rencontré par les instrumentistes.

Les chanteuses n’ont pas été dédaignées pour autant par les créateurs de ces coffrets. Encore un autre travail colossal de nos deux experts en jazz et blues qui continuent leur entreprise en orientant leurs recherches cette fois vers une catégorie complètement ignorée aujourd’hui, sous estimée (?). Ils s’intéressent cette fois aux Girls Vocal Groups qui se sont souvent constitués dans le groupe familial, utilisant ainsi les diverses tessitures avec la prédominance d’une “lead singer”. Si ça commence avec des chanteuses blanches dans les années vingt, les Boswell Sisters de la Nouvelle Orleans, accompagnées par les frères Dorsey, connurent un très grand succès au début des années trente avec des reprises sensationnelles de “ Everybody loves my baby”, “Mood Indigo”ou “Alexander’s Ragtime band” sur les disques Brunswick, les Andrews Sisters nous sont encore familières avec les chansons de la période de la guerre “Bei mir bist du schön” ou “Rum and Coca-Cola”sur Decca. Comment ne pas citer les Chordettes dès 1946 qui jusqu’à leur séparation en 1965 enchantèrent le public ( “Mr Sandman” en 1954)?

Mais pour beaucoup de groupes, il était nécessaire d’opérer une réévaluation de ces chanteuses dont le nom nous est souvent inconnu. Très vite les groupes sont constitués par des chanteuses noires avec leur style fait de blues et jazz hot…On peut citer sur le Cd1 les Dandridge Sisters qui passèrent au Cotton Club au sein de l’orchestre de Jimmy Lunceford, Dorothy s’illustrera plus tard dans la "Carmen Jones" de Preminger. Une curiosité à souligner, les Peters Sisters eurent une belle carrière en France et passèrent aux Folies Bergères…) “Comme tu me plais” de Paul Misraki.

Le gospel laisse sa marque avec une chanteuse au premier plan soutenue par le choeur. Les Cookies sont repérées par Ray Charles qui les rebaptisa Raelettes (“What kind of man are you”?1957)

C’est à une véritable explosion du phénomène de groupes vocaux au féminin, y compris dans le style très particulier doo-wop, lancé pourtant par des groupes de garçons, que l’on assiste durant les sixties, avec de grands producteurs qui ont le sens du marché et savent manager des groupes de très jeunes et jolies chanteuses qui envahissent la variété et deviennent la coqueluche des teenagers. Les Shirelles ouvriront la voie aux groupes célèbres qui vont se succéder: le génial Berry Gordy qui fabrique les talents et le Tamla Motown sound encourage au début les Marvelettes “Please Mr Postman” en 1961, Martha and The Vandellas “I’ll have to let him go” en 1962 mais il favorisera surtout les Supremes qui figurent en couverture du coffret ( Vous aurez reconnu sa protégée, Diana Ross qui finira par remplacer en lead singer Florence Ballard ), chanteuses qu’il rendra suffisamment lisses pour le marché pop. (“Buttered popcorn”, “Let me go the right way” en 1961).

Quarante six groupes, un livret de 20 pages avec les renseignements discographiques complets des différentes séances, 26 titres pour le premier Cd, et 28 pour chacun des deux autres.

Jean-Paul Ricard, ardent défenseur des femmes dans le jazz, ne pouvait laisser passer l’occasion de ressortir quelques belles pépites et avec son copain Jean Buzelin, ils étudient cette fois l’art du jeu et des harmonies vocales dans tous les champs de la musique populaire américaine du XXème siècle. A eux deux, ils couvrent toute l’écriture jazz, pop, soul, country music (Staple Singers en 1959 “Downward road”) respectant la législation du domaine public, c’est à dire de 1931 à 1962.

Nos deux auteurs ont puisé cette fois encore dans leur vaste collection de LPs, se sont répartis les styles et après sélection des titres les plus représentatifs de chacun des groupes choisis, ils ont validé après restauration et mastering le nouveau coffret, d’où une très belle qualité de son pour une écoute optimale.

Guidé par l’expertise de tels connaisseurs, on ne peut que se laisser bercer par ces musiques "vintage", ces oldies but goldies et rendre hommage à ce travail de mémoire précis, précieux et indispensable pour l’histoire de la musique.

 

Sophie Chambon

 

 

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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 07:09
EMMANUEL CLERC                  ALBERT AYLER    Vibrations

EMMANUEL CLERC

ALBERT AYLER Vibrations

 

Editions le Mot et le Reste  

Albert Ayler (lemotetlereste.com)

Le mot et le reste

 

Ecrivain des sensations, de l’émotion en musique, Emmanuel Clerc, l’auteur de ce premier livre court mais intense sur Albert Ayler arrive à rendre la tension, les contradictions et le mystère dans un portrait vibrant de ce musicien.

Le titre de ce récit Vibrations qualifie d’ailleurs parfaitement la musique du saxophoniste et aussi la qualité très personnelle de l’écriture d’ Emmanuel Clerc qui songe qu’il a l’âge d’Ayler à sa mort, trente quatre ans. Mise en abyme, identification? Le fait de se mettre en scène et de sortir du cadre purement  biographique, voire hagiographique de livres dédiés à un musicien,  donne plus de chair à une réflexion sincère, enthousiaste et documentée.

La bibliographie est très précise comme toujours dans les parutions des éditions marseillaises mais Emmanuel Clerc en fait un usage vraiment pertinent avec des références et citations des plus adéquates. On comprend à quel point le génie singulier du saxophoniste a été célébré par la critique française d’avant-garde.

Après cette lecture, on sort plus au fait de son sujet, de cette vie de tourments avec quelques hauts et tellement de bas, même si de très belles plumes nous ont fait connaître à l’époque Albert Ayler. On n' oubliera pas de sitôt le portrait insurpassable dans L’improviste de Jacques Réda, les articles inspirés de Philippe Carles (La bataille d’Ayler n’est pas finie) ou de Francis Marmande dans Jazz Magazine, la revue en pointe à l'époque, les chroniques de Daniel Caux, témoin inestimable. Emmanuel Clerc arrive même à glisser le roman de Francis Paudras (La Danse des Infidèles, édité au demeurant chez le Mot et le Reste) jusque dans le titre de son dernier chapitre La Danse des Intranquilles. Et cela fait sens.

Dans ces pages s’exprime un véritable point de vue, que l’on connaisse ou non ce saxophoniste si peu compris de son temps. Aujourd'hui il semble difficile de résister à son appel. Surtout quand on est happé par cette écriture fièvreuse qui fait revivre ce musicien inouï dont la musique n’est pas religieuse dans sa fonction mais dans son essence,  n’est pas une invitation à la prière, elle est prière!

Impressionnant par sa seule présence, Albert Ayler, ce Holy Ghost a la création radicale, enracinée dans la culture afro-américaine. Mais son cri d’amour, de paix, de spiritualité fut souvent incompris. Il n’a pas construit son oeuvre par des évolutions successives, des révolutions esthétiques comme Coltrane, l’aîné qu’il vénère ou Don Cherry, le Petit Prince (toujours chez le Mot et le Reste) avec lequel il a enregistré dès 1964 (en quartet avec Gary Peacock et Sunny Murray). Il a créé sans projet défini ces albums Ghosts ou encore Vibrations, entre célébration et transe au ténor, du plus grave au plus aigu, du plus lent au plus rapide avec un incroyable vibrato d'une profondeur indéfinissable. Au final Albert Ayler a sorti peu d’albums de My name is Albert Ayler ( Debut Records, 1964) à The Last Album (Impulse, 1971) et rencontré peu de succès auprès du public américain, excepté en Europe et ... en France.

L’un des points forts de Vibrations est à cet égard l’évocation des fameux concerts, les 25 et 27 juillet 1970, ces Nuits de la Fondation Maeght dont l’auteur arrive à rendre merveilleusement l’atmosphère, le sentiment d’union mystique avec le public. Des temps forts, tellement exceptionnels qu’ils sont devenus mythiques pour tous les amateurs de jazz. Emmanuel Clerc établit un rapprochement avec les concerts de John Coltrane le 26 juillet 1965 à Juan les Pins. Pas étonnant quand on sait le lien entre les deux saxophonistes, si fort que Coltrane fort admirateur de son cadet, l’aida à plusieurs reprises, le faisant enregistrer sur son label Impulse. Et il demanda qu’Ayler joue à ses funérailles.

"Trane était le père, Pharoah le fils et j’étais le Saint Esprit" dira Ayler!

Si Coltrane disait "Je pars d’un point et je vais le plus loin possible", il est clair qu’ il pensait à Ayler pour continuer, saisir ce passage de relais. Dans l’urgence et avec une certaine rage dans l’expression  qui permet à ceux qui l'écoutent de se sentir vivant. S’affranchissant des cadres,  dans ses interprétations, Albert Ayler repousse toutes les limites, en fort contraste avec son choix de mélodies simples, ballades et berceuses (“Summertime”, "Ol' Man River",“When The Saints go marching in”, marches funéraires  ou militaires, avec ce retour prononcé des fanfares, du gospel, des spirituals et de l’Afrique. "Libérée de son thème, la musique d'Ayler atteint un stade supérieur... où elle fait l'expérience de sa propre vie".

Fort judicieusement, Emmanuel Clerc songe aussi à cet autre météore Jimi Hendrix, apparu au petit matin du dernier jour de Woodstock, le 18 août 1969, devant un public halluciné pour jouer en trio sa version du “Star Spangled Banner”. Version non moins iconoclaste de l’hymne américain que "la" Marseillaise" revisitée par Ayler,  acclamée à St Paul de Vence. Tout se tient et les correspondances artistiques de cette époque sont troublantes.

Vibrations se lit vraiment comme un roman : si ce récit vif, brillant s’attache aux faits et à leur reconstitution, il creuse la réalité pour mettre au jour ce que l' incompréhension de cette musique révèle de la société,  de ses conventions et ses hiérarchies tacites. Le texte analyse et commente, devient même thriller sur sa fin, le temps d’évoquer la disparition du saxophoniste, toujours inexpliquée, le 25 novembre 1970. Car le "miracle" de St Paul de Vence ne fut pas pour autant le début d'une reconnaissance qui aurait été juste. Plus dure sera la chute hélas, et le corps d’Ayler fut repêché dans l’East River, seulement quatre mois après. Mais le message de ce musicien est toujours d’actualité, frémissant, engagé, précieux, universel. L'effet d'un trou noir cosmique pour le jeune écrivain qui a réussi son envol : un coup de maître  que ce Vibrations, assurément!

 

Sophie Chambon

 

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11 juin 2023 7 11 /06 /juin /2023 21:46

Samuel Blaser (trombone), Fabrice Martinez (trompette, bugle, tuba), Christophe Monniot (saxophones sopranino, alto & baryton), Marc Ducret (guitares électriques, composition)

Moulin-sur-Ouanne (Yonne), octobre 2022

Ayler Records AYLCD-178 / Orkhêstra

https://www.ayler.com/marc-ducret-ici.html

 

Une aventure singulière : pendant les confinements, faute de pouvoir se réunir en studio, le groupe s’est rassemblé, entre juillet 2020 et juin 2021, sur les bords d’une rivière bretonne, soumise aux mouvement des marées.

 

 La musique, sommairement captée, fut rejouée en studio dans l’Yonne, et enregistrée là par Antonin Rayon, partenaire pianiste/organiste de Ducret, mais aussi ingénieur du son. Entre ici et là, la magie de l’invention musicale est demeurée intacte. Des harmonies tendues à l‘extrême, des mélodies presque apaisées, des foucades sans entraves dans l’improvisation (d’ailleurs, est-il possible de faire l’exact départ entre l’écrit et l’improvisé?). Les titres égrènent la succession des saisons (L’été, l’automne, l’hiver, le printemps…..) comme autant de tremplins à l’inventivité et à la liberté. La densité des compostions explose dans les escapades improvisées, et pourtant tout cela est d’une incroyable fluidité. Comme si cette expérience dictée par les circonstances pandémique servait de rampe de lancement au plus grand ‘naturel’. Évidemment comme toujours la nature et la culture s’interpénètrent, sans qu’il soit possible d’en déterminer la limite. Grand Art en somme !

 

Xavier Prévost  

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7 juin 2023 3 07 /06 /juin /2023 09:50

Ouvrage de photos de Guy Le QUERREC.
Textes de Jean Rochard et préface de Bernard Perrin.
Les Editions de Juillet. 400 pages. Plus de 300 photos.


     Une épopée musicale d’un demi-siècle, un parcours en zig-zag de Mozart au free jazz. Telle est l’aventure de Michel Portal saisie au plus près par l’objectif (toujours subjectif) de Guy Le Querrec dans un ouvrage monumental qui ravira amateurs de jazz, de photographie et plus largement de culture.

 

     « Le photographe est un funambule sur le fil du hasard qui cherche à attraper des étoiles filantes », aime à dire Guy Le Querrec, une des figures de proue de l’agence Magnum à qui l’on doit notamment « Jazz, de J à ZZ » (Editions Marval. 1996), encyclopédie visuelle de la musique syncopée vivante depuis les années 60.
 


     C’est à cette époque-là qu’intervient la première rencontre du photographe avec le 1er prix de clarinette du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1959. Ce 13 mars 1964, à la salle Wagram, Michel Portal joue dans le big band de Sonny Grey lors d’un concert de bienfaisance destiné à régler les frais médicaux de Bud Powell, présent dans la salle. Le dernier instantané de son « modèle » signé Guy Le Querrec date de mars 2011, un an avant que ce dernier range définitivement son Leica : il nous montre le poly-instrumentiste en compagnie du pianiste Yaron Herman saisi dans les caves bordelaises de Château Palmer.

     Entre ces bornes, un périple qui nous mène sur les scènes du monde et surtout dans les coulisses et les loges où se concocte ce curieux exercice qu’est la musique de jazz sous les doigts de Michel Portal. Ce tandem musicien-photographe, Jean Rochard (producteur, fondateur du label nato), auteur de textes éclairants et précis sur ce demi-siècle, la résume ainsi : « Au fond, Michel Portal a toujours le même âge que les gens avec lesquels il joue. (…) il n’a jamais cessé de chercher et plus souvent qu’à son tour de déclencher. Guy Le Querrec, avec le déclencheur de son Leica, s’ajuste aux questions posées, pénètre en nombre d’or l’espace qui confine à l’expérience personnelle, expérience poétique ».
 


     Au fil des 400 pages et des quelque 300 photos (en noir et blanc), se déroule toute une vie d’artiste, faite de rencontres de haut vol où l’on croise Max Roach, Jack DeJohnette, Joachim Kühn, Henri Texier, Martial Solal, Bernard Lubat, Didier Lockwood, Trilok Gurtu, Gil Evans, Richard Galliano… Et bien entendu, notre héros-héraut, souriant, pensif, espiègle. Car « Michel Portal, au fur et à mesures » c’est non seulement un document riche sur un demi-siècle de vie musicale mais aussi une histoire d’un compagnonnage qui se dévoile, révélant l’œil acéré de Guy Le Querrec et invitant à écouter la musique toujours libre de Michel Portal.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Sergine Laloux et X. (D.R.)

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6 juin 2023 2 06 /06 /juin /2023 14:59

 

Gary Brunton (contrebasse, composition), François Jeanneau (saxophone soprano), Andrea Michelutti (batterie), Emil Spanyi, Paul Lay (piano)

Malakoff, 2022

Juste une trace / Socadisc

 

Après deux disques en trio piano-basse-batterie («Night Bus», «Second Trip»), le contrebassiste revient avec un trio autour du saxophone soprano de François Jeanneau. Trio augmenté, car 9 des 13 plages accueillent alternativement au piano Emil Spanyi et Paul Lay. Du jazz de stricte obédience, mais du jazz d‘aujourd’hui : la présence de François Jeanneau, qui en 1960 enregistrait avec Georges Arvanitas dans un quintette très soul jazz, mais aussi plus tard avec le très contemporain Quatuor de saxophones, donne la mesure des langages partagés dans ces plages. Après les épisodes de ‘Night Bus’, le titre de ce nouvel album, d’un nouveau groupe, évoque le train de nuit tel que le nomme la langue galloise. Peut-être est-ce un voyage, parmi les moments historiques du jazz. Vigueur du premier titre, en quartette, où Emil Spanyi donne toute sa verve d’improvisateur, avant une ballade où la basse va s’épanouir à l’archet, en dialogue avec le piano de Paul Lay. Retour au plus vif, dans un thème qui fleure bon le souvenir des grands orchestres : à quatre ils ravivent cette époque épique, mais les improvisations fleurent bon le jazz d’aujourd’hui. Plage après plage, c’est une parcours panoramique dans les langages du jazz tel qu’on le parle en 2022, la mémoire en éveil, l’inspiration aux aguets. Absolu bonheur d’écouter François Jeanneau, sur qui le temps paraît n’avoir aucune prise. Cohésion du groupe qui manifestement vit ces instants comme une fête : beaucoup des thèmes semblent porter le souvenir des harmonies et des structures de standards, parés d’habits neufs. La magie du jazz en somme, intemporelle, et pourtant toujours en éveil sur le fil du temps.

Xavier Prévost

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5 juin 2023 1 05 /06 /juin /2023 18:18


Erik Truffaz (trompette), 

Marcello Giuliani (contrebasse), Raphaël Chassin (batterie), Alexis Anérilles (piano), Matthis Pascaud (guitare), Sandrine Bonnaire et Camelia Jordana (voix).

 

Blue Note/Universal.

 

       Un brin de nostalgie et un zest de modernité. Erik Truffaz écrit sa partition originale pour une sélection musicale dédiée à quelques films et séries télévisées bien connus des années 50 à 70.

 

       Le trompettiste savoyard joue la carte de la sobriété, à la tête d’une courte formation de musiciens partageant son univers, dont le « vétéran » Marcello Giulani, complice de la période « électro ». La surprise sur le plan orchestral vient de la contribution de la chanteuse Camelia Jordana, qui reprend la partie de Marylin Monroe dans ‘One Silver Dollar’, titre-culte de la ‘’Rivière sans retour’’ (River of No Return) d’Otto Preminger, composition de Lionel Newman et Ken Darby et de la comédienne Sandrine Bonnaire, récitant un extrait de César et Rosalie, de Claude Sautet, sur une musique de Philippe Sarde.

 

       Le choix du répertoire effectué par Erik Truffaz ne connaît pas de frontière et donne lieu à un parcours qui ravira les cinéphiles (et « téléphiles ») et les amateurs de BO. Jugez plutôt : outre les deux films précités, les compositeurs se nomment Nino Rota (La Strada), Michel Magne (les Tontons Flingueurs, Fantomas), John Barry (la série Amicalement Votre, The Persuaders! , où s’illustraient Tony Curtis et Roger Moore), Ennio Morricone (Le Casse), Alain Romans (Les vacances de Mr. Hulot) et idole de Truffaz, Miles Davis (Ascenseur pour l’échafaud).

 

        Une trentaine de minutes en tout et pour tout qui évoquent des sentiments aussi divers que la tristesse, l’inquiétude, l’insouciance. « Quel temps fait-il à Paris ? », la composition d’Alain Romans, à qui Jacques Tati commandera aussi la musique de Mon Oncle, vient clore sur une note alerte ce bref panorama dans un rappel de l’atmosphère des vacances à la mer des années 50.  Et si l’on retenait « ROLLIN’ » comme le disque de l’été 2023 ?

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

En concert en juin à Nice (8), Chatellerault (14) et Vauvert (30).

 

 

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4 juin 2023 7 04 /06 /juin /2023 08:07

Sylvain Kassap (clarinette, clarinette basse, chalumeau), Hélène Labarrière (contrebasse)

Spézet (Finistère), sans date

émouvance emv 1047 / Absilone-Socadisc

 

Retrouvailles sur disque d’un duo qui existe depuis quelques lustres. Avec des thèmes repris de leurs répertoires respectifs, dont certains qu’il jouaient en duo lors de concerts passés. Et de nouvelles compositions aussi, comme celle, intitulée Poul an Serf, qui évoque le lieu où fut enregistré ce disque. Ou Dji-Dji, qui salue la mémoire d’un contrebassiste que beaucoup d’entre nous aimaient et admiraient. Un bouquet de dédicaces qui disent sur quoi ces deux artistes se retrouvent, et qui nous est aussi donné en partage. Profondeur du son, de la basse comme des anches ; soin jaloux des nuances ; éclats surprenants, vifs et libres ; fascinant dialogue de deux esprits connivents : un régal, un chemin de découverte, d’imprévu, d’émois soudains. Et le texte de Jean Rochard, sobrement, entrouvre pour nous la porte de l’écoute. On s’y plonge avec délices.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

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