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3 août 2010 2 03 /08 /août /2010 14:18

 

 

 

                               Deuxième soirée à Marciac pour une affiche encore une fois prometteuse et américaine  dans une sorte de conflit générationnel entre la jeune révélation de la contrebasse, Esperanza Spalding, et celui qui ce soir là faisait office de vétéran, Chick Corea. Rien que cette deuxième partie justifiait sur la papier que la salle de concert du stade de Marciac affiche le sold out des grands soirs.

Ambiance festive d’un après-midi d’été où nous avons pu assister à une course de vaches landaises dans les arènes du village. Festif aussi cet apéritif dynamité sur la place de la mairie en écoutant l’un des trois concerts de Olivier Temime sous le chapiteau de la place du village. Avec sa nouvelle formation composée de Michael Felberbaum (g), Vincent Artaud (cb), Vincent Laffont (p, fder), et Gilles Charlier (dm), le chouchou de Marciac parvenait une nouvelle fois à électriser le village tout entier, balacant des echos de feu sur la soirée gersoise sur des nappes furieuses écrites par Vincent Artaud.  Une tuerie !

esperanza.jpg

                   Photo : Pierre Vignaux

 

 

Direction ensuite le grand stade avec en première partie la jeune bassiste et contrebassiste Esparanza Spaulding , 25 ans au compteur qui, avant d’arriver sur scène avait su galvaniser ses troupes pour leur dernier concert européen par une sorte de cri de guerre que seuls ceux qui étaient dans le bungalow des backstages  ont pu apprécier. Ceux qui étaient à l’exterieur ont juste vu les parois trembler.

Alors que ses dernières prestations s’étaient montrées plutôt décevantes, le moins que l’on puisse dire c’est que, sous sa belle crinière afro-porto-américaine, Esperanza n’avait pas simplement l’air de ressembler à Angela Davis. Elle en avait aussi la passionaria, la grâce et la légèreté en plus. Après une ouverture en impro voix/contrebasse seule sur scène, elle faisait venir sa formation ou plutôt sa bande de copains pour un concert superbement réussi tant par la qualité de sa musique post-fusion,  de ses compositions que par le jeu des musiciens et l’énergie qu’ils dégageaient. On comprenait mieux le sens qu’il y avait à la faire jouer en première partie de Corea tant ses inspirations viennent du jazz rock, de Weather Report, de Return to Forvever et de Wayne SHorter. Passant allègrement au cours d’un même morceau de la contrebasse à la basse électrique, elle parvenait à faire monter la sauce sans chercher le moins du monde à jouer l’économie. Mâitresse absolue du groove, les contrechants mélodiques s’échappaient de sa contrebasse ou faisait tourner en boucle des ostinatos dans l’ultra grave de sa basse. Aux claviers Léonardo Genovese au look de Zappa faisait chauffer un clavier lunaire. On craignait un peu les rondeurs molles entre basse, guitare et fender. C’était sans compter sur la formidable énergie qui émanait d’un quartet à la cohésion magnifique. La belle voix  de Esperanza s’offrait  un pur moment de grâce « argentin », une parenthèse dans un duo avec son pianiste sur La Chacarena composée par Genovese,  petit cadeau à Marciac en  avant goût de son prochain album. Entièrement libérée, sa crinière partait à l’assaut de toute les difficultés harmoniques pour en extraire un jus fort. Avec des airs de petite fille heureuse on sentait la musique lui traverser le corps et sa contrebasse semblait si légère qu ’on la voyait un peu s’envoler au dessus de nous.  Bête de scène , la jeune fille tentait de faire scatter le public qui, bon enfant se laissait prendre au jeu avec délice. Il en redemandait encore. La belle avait fait le show et même bien au-delà, émoustillée qu’elle était de jouer en première partie de son maître.

corea.jpg

 

 

 

 

 

 

De quoi créer l’ambiance pour Chick Corea qui terminait là, lui aussi sa tournée avec Kenny Garrett (as), Christian Mc Bride (cb) et Roy Haynes (dm). Etonnamment c’était plutôt « return to yesterday » avec une formation acoustique tournant plus vers le bop . Tout se passe comme si

                                                                                                 photo Pierre Vignaux

 

Corea semblait avoir conçu le programme pour Roy Haynes. Deux thèmes de ou dédiés à Bud Powel ( Bud Powell et Dusk in Sandi), un Monk ( Monk’s dream) ou un standard ( We’ll be stogether again) materiau de base pour cet all-stars et pour le légendaire batteur que le  pianiste couvait des yeux avec un regard visiblement toujours aussi attendri pour cette légende vivante. Kenny Garrett s’y montrait comme toujours d’un lyrisme absolument torrentiel, égal à lui-même dans son regsitre coltranien mais plus subtil parfois sur des standards comme sur ce We’ll be together again joué de la plus simple des façons sur des lamentos sensuels à emballer toutes les gersoises des environs. Tout cela un peu semblait ronronner, très pro et  les intro de Corea, d’une finesse à tomber par terre nous renversait sur ce Psalm divinement préparé. Sept titres qui tournent avec efficacité. Sans plus. Sauf au dernier morceau, en signe d’ultime hommage, où la coda était laissée à Roy Haynes, qui à 85 ans ( !!)  dégageait un chorus à couper le souffle, faisait tomber le déluge sur Marciac, ses compagnons s’effacant en fond de scène et la batteur à qui l’on aurait donné aisément 20, que dis je, 30 ans de moins. Roy Haynes  faisait sonner la poudre et public et lmusiciens etaient aux anges au bord d’un gigantesque éclat de rire. Le public de Marciac n’y tenait plus, se levait en plein chorus, standing ovation. Le feu prenait sous le chapiteau. Il ya des concerts qui devraient pour sûr, commencer par la fin.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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2 août 2010 1 02 /08 /août /2010 12:17

 

Ce n’est pas la pluie et le temps maussade qui allaient altérer l’humeur badine des gersoises et des gersois qui nous accueillaient à Marciac pour la 3ème journée du festival. On aime cette escale d’été lorsque le village à cette période se transforme en méli-mélo cosmopolite où les stands vignerons côtoient les vendeurs du temple en dreadlocks rasta lorsque les effluves de nang shampa se mêlent à celles du magret grillé sur la place centrale du village baignée de musique de jazz à ses 4 coins. Et comme toujours, on adore.

Et, as usual,  l’affiche de ce 33ème festival s’annonce  maousse costaud dans le genre rencontre de poids lourds. Plus lourds que ça, dans le genre all stars (américaines forcément) y a pas. Ou en tous cas pas beaucoup.

 

Cela avait d’abord commencé avec Diana Krall et Yaron Herman. Puis poursuivi le lendemain avec un Marcus Miller qui paraît-il avait  enflammé le festival dans une « revisitation » de Tutu, l’album de Miles dont le bassiste avait composé le matériau. Mais pas Miles version 86, nous disait Alex Dutilh, qui retransmettait le concert pour France Musique  ( en ligne sur France Musique.com page concert du dimanche 1er 20h).

 

L’affiche d’hier soir était quant à elle alléchante sur le papier puisque, outre la formation de Wynton Marsalis annualisé en parrain tutélaire du festival, la soirée débutait avec le plus africain des pianistes américains Randy Weston qui, à 84 ans affiche toujours l’allure d’un immortel géant. Deux projets pour deux musiciens très marqués par ce rôle de passeurs de l’histoire du jazz.

 

RANDY-WESTON-AFRICAN5.JPG

Le pianiste venait à Marciac avec un nouveau projet consacré à James Reese Europe, célèbre chef d’orchestre du légendaire 369ème régiment, bataillon héroïque de noirs américains envoyés au front durant la première guerre mondiale. James Reese Europe, dont on sait qu’il marqua l’histoire du jazz, fut peut être la première influence de Duke Ellington.

 

Il y avait donc matière à création. Le concert d’ailleurs s’ouvrait avec la projection d’un film documentaire avec images d’archives sur le 369ème régiment. Un vétéran, le major Nathanael James, accompagnait d’ailleurs le pianiste pour venir dire quelques mots d’avant concert. Il ne restait plus qu’aux musiciens à rentrer sur scène et à lever le voile sur l’oeuvre que nous découvrions alors avec…… une grande déception. Car ce projet dans lequel le pianiste s’est très peu investi, laissant la direction artistique à son saxophoniste  T.K Blue était totalement dénué d’inspiration.

 

On aurait pu croire à l'ouverture en forme de fanfare dans les rues de Harlem qui faisait presque danser l’immense Randy Weston si la suite n’avait été d’une rare platitude. Un ensemble de vieux musiciens tristes (à l’exception du contrebassiste Alex Blake qui faisait ce qu’il pouvait pour donner l’illusion), un alignement de chorus sur des thèmes à peine arrangés, dans l’ensemble bâclés, une formation qui joue assez mal ensemble nous laissaientt au bar deviser avec d’autres soiffards sur la misère du monde. On avait certes entendu la magie Westonienne.  Celle du maître qui, dès qu’il touche le clavier transforme le plus insipide en révélation. Mais dans la mesure où ce n’était pas réellement son projet, le pianiste s’effacait et disparaissait trop souvent pour laisser place à son groupe. On avait alors le sentiment d’être en plein concert de gala pour une œuvre caritative menée par l’orchestre de soldats vétérans en plein cœur du Missouri. Ce qui, certes, n’etait pas si éloigné du propos mais sans réel intérêt musical.

 

 Wynton-Marsalis2.JPG Avec d'autres soiffards à la buvette,on se disait qu'avec Wynton au moins à défaut de modernité, on serait sûr d’avoir du show bouillant sur ce projet autour du répertoire du Hot Club de France. Après Piaf et Billie il y a deux ans (en compagnie de Galliano) , Marsalis arrange ici un répertoire en hommage à Django Reinhardt. Place donc à l’homme de la Nouvelle Orléans qui à 49 ans, avec ses jeunes-vieux briscards où l’on retrouve avec plaisir et  comme toujours Walter Blanding au ténor ou encore  Ali Jackson aux baguettes, fers de lance du septet, s’éclate toujours autant dans son jardin Gersois.

 

La formation, visiblement heureuse d’être sur scène (pas comme les Westoniens qui tiraient la tête), pouvait alors enchainer Minor Swing, Sweet Georgia Brown, Oriental Shuf, I’ve Found a new baby avec autant d’enthousiasme que d’esprit mutin. Les arrangements de Marsalis revélaient de petites pépites, alternait les géométries du solo au duo jusqu’au septet au grand complet dans un esprit qui tirait plus vers la cité du Croissant que vers les caves de Montmartre.

 

Les duos entre Frank Vignola à la guitare et Mark O’Connor au violon n’avaient rien de plagiaire et les deux s’amusaient dans des 4x4 sous l’œil complice de ce diablotin de Marsalis qui sortait de sa boîte pour quelques mémorables solos bouffant tout Armstrong sur son passage. Le groupe, lui aussi sous le charme s’arrêtait de

jouer et le laissait seul enchaîner les barres.

Pour un peu il aurait continué jusqu’au bout de la nuit. Et nous aussi.

 

Wynton-Marsalis4.JPG

 

 

 

 

 

Photos : Pierre Vignaux

 

 

 

 

 

 

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1 août 2010 7 01 /08 /août /2010 23:10

  Copie de affiche version 10 juin 2010 JAC

Déjà la fin du festival au Couvent de Cervione. La journée jazz du samedi 31 aout ne débute pas sur la place de la cathédrale pour cause d’enterrement. Pour évoquer la soirée magique du 31 aout, « on vous la fait à l’envers » : sont programmés deux saxophonistes, Gaël Horellou en première et Jacques Schwarz-Bart en deuxième partie et nous commençons par le quintet du saxophoniste antillais.

 

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Brother Jacques Schwarz-Bart©Laure Prieur


Avec le quintet de Brother Jacques (Jacques Schwarz-Bart (ts), Stéphanie McKay (voc), Jonathan Crayford (kb), Linley Marthe (b), Gregory Louis (dr)), le couvent ouvre la deuxième partie par un volume sonore à faire péter les tympans.  Le quintet de Jacques Schwarz-Bart se compose de musiciens performants, surdoués et tous dans la vibration fusion-world-jazzy. Le programme tient à cœur à Jacques Schwarz-Bart : les compositions sont mélodieuses et bien écrites et le groupe envoie une image de fraicheur qui fait plaisir à voir.

 

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Stéphanie McKay©Laure Prieur

 

 

De plus, certaines des pièces appartiennent à la « suite aquatique » qui a commencé avec le formidable album «Abyss», un hommage de Jacques à son père. Gros son, mélodies qui s’adressent au cœur, sincérité du leader, vocalises de Stéphanie McKay font de ce concert, un peu court, un final mérité par le festival.

 

 


Vous l’avez compris, le meilleur moment de la soirée officielle était le concert remarquable de Gaël Horellou en première partie.  Trois extra-terrestres sur scène  (Géraud Portal à la contrebasse, Antoine Paganotti à la batterie) !

 

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Gaël Horellou trio ©Lolita de Villers

 

La musique du trio est faite de compositions du saxophoniste et de standards complètement réarrangés à la sauce Horellou auxquels il offre une nouvelle jeunesse. A 34 ans, Gaël Horellou est un loup du jazz : il croque sa musique à pleine dents, joue à fond avec maitrise et inspiration. Funk naturel, groove puissant, Horellou joue des phrasés pulsatifs.

 

gael-copie-1

Gaël Horellou©Laure Prieur

 

Homme libre et conscient de lui-même, peut-être sans concession, son discours est mélodieux sans excès d’énergie dans le cri (en d’autres termes, Horellou ne fait pas hurler son sax, il en joue à fond). Sa musique est à l’image de l’homme, jeune et vivant, il nous dit : « Cela fait un moment que je me prends moi et ma musique, avec douceur. Je ne suis plus à la recherche égotique de la reconnaissance, je ne cours plus après les gigs, j’ai pris de la distance avec cela. Je choisis les gens avec qui je joue, ceux qui m’entourent aussi. Je passe du temps à composer, à travailler mon instrument, à répéter aussi. Ensuite il faut évidemment présenter sa musique et la vivre en concert, capter l’attention et comprendre ce que les gens ressentent. Evidemment avec une dizaine de gig avec ce trio, ce n’est pas facile. Mais c’est aussi pour cela que nous travaillons : pour nous retrouver et prendre le pied maximum en concert. »

 

 


Et c’est vrai que le pied, comme dit Horellou, nous l’avons tous pris ce soir là. Le trio de Gaël Horellou est un groupe soudé, en pleine communion, qui se donne à 200%. Ses membres sont liés par une franche amitié et une passion commune pour la musique noire américaine qui s’affranchit des codes, la pure et dure aux structures ouvertes et libres, celle de William Parker et de Charlie Mingus. En perpétuelle recherche du canal  des forces universelles, aux couleurs mystiques, le trio affiche une densité remarquable et une énergie renouvelée à tous les concerts qui allie humour dans les arrangements et intensité fulgurante. Horellou garde toute sa personnalité et trace une musique faite de cassures, de schémas rythmiques réjouissants en utilisant toute la tessiture de son instrument avec un son vif et un jeu malicieux.

 

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Antoine Paganotti ©Lolita de Villers

 

A la batterie, Antoine Paganotti, un ancien de Magma, homme tranquille et généreux, est un batteur influencé par Elvin Jones et Christian Vander (« deux gros batteurs » dit-il). Il a un jeu ample et souple, baguettes chargées de générosité, les caisses sont souples à l’oreille : Paganotti est un sonorisateur de la batterie ce soir. Très proche de son contrebassiste sur la scène, Paganotti et Géraud Portal , 22 ans, sont en fusion télépathique.

 geraut-copie-1.jpg

Géraud Portal ©Laure Prieur

 

A l’adolescence, Portal fait une rencontre décisive : le saxophoniste David S. Ware le prend sous son aile et l’invite plusieurs mois chez lui à Plainfield. En totale immersion dans l’esprit de la Great Black Music, Portal joue dans la veine d’un William Parker : les cordes hautes qui font mal aux doigts mais qui sonnent. De ses camarades de scène, Géraud Portal dit, non sans malice et humour: "Gaël est mon père, Antoine ma mère". On vous le dit, une vraie famille.

Voilà un concert renversant: entre swing bebop et transe, entre énergie et nature. Gaël Horellou trio est un plein de musicalité. Messieurs les programmateurs, il vous attend!

A peine l’émotion de la soirée officielle passée, le beuf enquille directement avec le trio de Xavier Thollard et Sébastien Llado. Très rapidement rejoints par le groupe togolais éminemment sympathique Dunamis, la jam part vite en direction de l’Afrique noire et de ses rythmes endiablés : Dunamis, Thollard et Llado mettent le feu avant d’être rejoint par le batteur Grégory Louis, sous le regard envieux de Linley Marthe.

 

P1000128-copie-1Dunamis - © Patricia Antona

 

Au sax, Koffi Assimadi sonne oriental, à la mode éthio ; il est rejoint en fin de soirée par Gaël Horellou qui clouera le beuf tard, très tard. A Jazz au Couvent, les beufs sont des moments privilégiés de musique : l’organisation y met les moyens, l’ambiance y est excellente et les musiciens y sont bien accueillis. A ne pas rater et à noter dans le Guide du Routard du Jazz.

Le Jazz en Corse? Il a toujours été présent. En témoigne la photographe Patricia Antona qui nous a gentiment prêté quelques photos numériques alors qu'elle est spécialisée en argentique. Patricia Antona photographie le jazz depuis 1976. A partir des années 80, elle photographie le jazz en Corse. Jazz au Couvent lui a ouvert ses portes pour une exposition de plus d'une vingtaine de photos argentique où se côtoient connus et moins connus, "vieux" du métier et jeunes artistes". On a plaisir à voir une photo où se ressent toute la timidité de Sophie Alour qui travaille ses partititions sous le regard bienveillant de Jean-Michel Proust en 2002 ou la très belle photo d'Archie Shepp assis sur une scène d'un festival corse ajustant une anche à son bec de saxophone en 1983. Cette photo donne vie au caractère de ce saxophoniste au travail à ses gestes et son visage qui nous parlent fort.

Pour conclure simplement, nous dirons que Jazz au Couvent 2010, convivial agréable, a offert à un public estival et local une programmation vive et fraiche, variée et audacieuse. Une programmation que l’on doit à Tristan Loriaut, programmateur clairvoyant. Vivement une septième édition!

 

Jérôme Gransac

 

  PS: Merci à Viviane et Tristan pour leur formidable accueil, à toute l'équipe si sympathique, à Laure Prieur et Lolita de Villers pour leur talent et au patron du bar de la place de la cathédrale pour m'avoir supporté côté liquide-à-boire lors de mes soucis de connexion internet ... :-)

 

 

 

 

 

 

 

 

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31 juillet 2010 6 31 /07 /juillet /2010 17:00

 

  Copie de affiche version 10 juin 2010 JAC

 

Une originalité du festival Jazz au Couvent est de proposer au public estival un festival off de qualité équivalente à l’officiel.

En cette après midi du 30 juillet, nous retrouvons Xavier Thollard trio et Sébastien Llado sur la place de la cathédrale. Après la prestation solennelle de la scène du couvent, le trio + 1 se retrouve pour une prestation dans un lieu qui se prête à la fête.  Xavier Thollard a troqué le piano pour un Fender Rhodes détraqué et Sébastien Llado pose sa voix diphonique dans les accompagnements en plus de son trombone. Le concert débute par des standards (« I hear a Rhapsody ») pour s’échauffer et rapidement nous assistons à la version acidulée et funk des compositions du trio de Xavier Thollard. Le trio parvient à délier les liens qu’il a longuement tissés au cours de ces quatre dernières années et le tromboniste trouve une place plus prégnante dans cette nouvelle musique : le tromboniste interagit avec l’extérieur (un chien qui aboie ... de contentement ?), se nourrit du jeu obsédant du trio par des atmosphères décalées. Le trio lui répond par des envolées lyriques et électriques et Vincent Touchard, à la batterie, s’amuse à lui glisser des idées et le relancer. Un excellent concert, naturel et straight.

 

Christian.jpgChristian Toucas ©Lolita de Villers

 

CHINA et ELBASAN : CLASSE ET ENTHOUSIASME

Au couvent, le public est au rendez-vous: plus une place de libre. C’est le trio ELBASAN qui ouvre le bal. Composé de Thierry Vaillot à la guitare, Héloïse Lefebvre  au violon et Christian Toucas à l’accordéon, Elbasan est une invitation au voyage de l’Europe de l’Est au sud de la Méditerranée. Elbasan, c’est la passion des musiques tsiganes et manouches, l’amour des chants slaves, la chaleur andalouse, la vibration du Maghreb. Dynamique et rêveuse, mélancolique et envoutante, la musique du trio allie des compositions originales (composées par le guitariste) et une très grande classe artistique. Elbasan se caractérise par l'absence de basse, un son haut perché et l'utilisation abondante de métriques impaires. Les vocalises de Christian Toucas (des talas indiens) nous montrent le chemin rythmique à suivre pour se laisser emporter. La guitare survoltée de Thierry Vaillot et la quiétude de la violoniste Héloïse Lefebvre se confondent avec standing. Les deux forment un duo de belle stature. « Violon dingue » ou « Madrilène biguine » prouvent une fois encore que la musique est universelle. La chaleur sincère du trio Elbasan nous traverse et nous invite à l’empathie et la plus grande tolérance en cette période où la différence entre les peuples est nourrie par nos gouvernants et par quelques maladroits. Rassérénant et envoutant.

 

Heloise.jpg

Héloïse Lefebvre ©Lolita de Villers

 

C’est au tour de la chanteuse China Moses, fille de Dee Dee Bridgewater, et du quartet de Raphaël Lemonnier. China bénéficie d’une forte personnalité et une belle présence sur scène. Avec simplicité, elle le sait et en joue pour notre plus grand bonheur. China a du métier, son premier album date de 1996 : la scène, elle connait. Ce soir, elle incarne la chanteuse-cabotine obsédée par Dinah Washington (c’est China qui le dit !), la petite fille qui voudrait tant ressembler. Cela lui va si bien d’ailleurs. C’est donc à travers un hommage à Dinah Washington que China Moses explose sur scène. Tout le long de son concert, China ponctue sa prestation par des anecdotes croustillantes sur la vie de Dinah Washington, délurée et provocatrice. 

 

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Fabien Marcoz, China Moses, Raphaël Lemonnier ©Lolita de Villers

 

Glamour et distinguée, China est une chanteuse soul  et bluesy qui chante du jazz. Sur scène, sa voix éclate littéralement et Raphaël Lemonnier, qui a écrit les arrangements de son gala, a tout fait pour la mettre en valeur. Chacun y trouve aussi son compte: Daniel Huck au saxophone alto fait une entrée fracassante qui ravit le public, Robert Menière fait un beau solo de batterie en milieu de spectacle et Fabien Marcoz, probablement le meilleur contrebassiste bebop en France, prend son temps pour envouter le public de sa walkin’bass bluesy sur les paroles de la bavarde chanteuse. Oui, c’est un gala mais tendre et drôle!Tout le spectacle est mis en scène. Certes « Cry me a river » et « Call me irresponsible » nous paraissent un peu courtset légers mais l’engouement de la chanteuse, l’enthousiasme coquin des musiciens ne nous trompent pas : ils font plaisir au public et c’est bien là le résultat d’une soirée réussie. Pour terminer, Jazz au Couvent n'avait jamais réuni autant de monde pour une soirée de son festival!

 

 

China2

Daniel Huck, Robert Menière, Fabien Marcoz, China Moses, Raphaël Lemonnier ©Lolita de Villers

 

Quelques minutes plus tard, le bœuf commence, animé par le trio de Gaël Horellou le froudroyant saxophoniste alto, dont nous parlerons demain plus longuement. Après trois pièces bien enlevées, le trio est rejoint par Xavier Thollard, puis Sébastien Llado. Assez rapidement, les musiciens tournent sur scène, le guitariste Thierry Vaillot se met au Rhodes, alors que Daniel Huck donne la réplique à Horellou sur des standards.

P1000173Dunamis © Patricia Antona

 

Après une bonne heure de jazz, c’est le groupe togolais Dunamis qui occupe la scène pour une musique fusion/soul/afro beat complètement envoutante. Pour profiter de la vague togolaise, quelques musiciens, comme Géraud Portal  qui prend la basse électrique, se joignent à Dunamis pour terminer le bœuf à 3 heures du matin. Ce matin, le levée était tardif et difficile pour beaucoup (dont moi) mais le cœur plein de bonheur.

 

 

Jérôme Gransac

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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30 juillet 2010 5 30 /07 /juillet /2010 18:00

Soirée du 29 juillet 2010

 

  Copie de affiche version 10 juin 2010 JAC

Cervione, village qui fût le plus grand de Corse il y a 100 ans, se situe en Haute Corse. L'histoire de la commune est liée à celle des cerfs de la région de la Costa Verde. D’où son nom. Ce village a été la capitale de la Corse pendant six mois en 1736 lorsque le roi de Corse a élu domicile dans le village pendant une des périodes d’indépendance de l’Ile de Beauté. De par sa situation surélevée, Cervione surplombe la mer et c’est ainsi que les corses le surnomment  « le balcon de la mer ».

Depuis six ans, le village se met aux couleurs du jazz à l’initiative de Viviane et Tristan Loriaut, respectivement organiste classique et facteur d’orgues, dans le couvent Saint François à Cervione.

 

Cette année, l’ouverture du festival a lieu sur la place de la cathédrale Saint Erasme, habituellement destiné au festival Off. C’est la chanteuse corse Fabienne Marcangeli accompagné par la section rythmique des frères Philippe et Christophe Le Van et du guitariste David Dupeyre suivis du groupe togolais Dunamis (« puissance » en grec) qui déclenchent les convivialités devant 300 personnes ce mercredi 27 juillet.

Le lendemain, c’est le saxophoniste alto Gaël Horellou et son trio (Antoine Paganotti à la batterie et Géraud Portal à la contrebasse), en marge du festival, qui prennent la relève sur la place. Comme souvent, le trio est en totale communion et se donne sauvagement, aux confins de la transe bop et du swing. Tout sourire, le public de la rue se laisse envahir par la déferlante.

 

FLYING ANTS ATTACK !

En soirée, c’est au couvent Saint François que le jazz poursuit sa soirée avec deux trios de pianiste. Le premier est celui du jeune pianiste breton Xavier Thollard âgé de 27 ans(Youen Cadiou à la contrebasse et Vincent Touchard à la batterie) accompagné par le  tromboniste Sébastien Llado en invité. Le répertoire de la soirée est tiré de « Hoi An », deuxième album du trio qui joue ensemble depuis 2006, et une composition du tromboniste (« Hauts, Bas : Fragile »).

 

Cevione 1-1-1Xavier Thollard et Sébastien Llado ©Lolita de Villers

 

La formation joue en première partie de soirée et en une petite heure, qui paraitra bien courte, le trio + 1 déploie une musique avec une orientation pop et jazz, influencé par le trio qui a fait exploser Brad Meldhau. Ce genre de rencontre est toujours à risque : le trio affiche une belle convergence musicale et adopte des postures musicales travaillées et hautement maitrisées alors que le tromboniste s’immisce en électron perturbateur de la tournerie du trio. Ce soir-là, la mayonnaise prend. Il y a une confrontation entre la compacité du trio et la poésie rêveuse du tromboniste virtuose : la fraicheur de l’expérience prévaut et les âmes empathiques se trouvent.

Voilà qui devrait encourager ces quatre musiciens à poursuivre l’aventure.

 

Cevione-1-1-2.jpgYouen Cadiou ©Lolita de Villers

 

En deuxième partie, c’est au tour du trio « Flower Power » de Baptiste Trotignon (Diego Imbert à la contrebasse, Aldo Romano à la batterie) de jouer alors que des fourmis volantes attaquent à nouveau la scène ! Le trio reprend des tubes des années 70, agrémentée par quelques compositions de Trotignon et de quelques standards.

Autant le dire sans ambages, ce ne fut pas un grand moment de musique et pas le meilleur concert de ce trio.

On distingue nettement deux parties dans ce concert de qualité hétérogène sans qu’aucune des deux ne soit convaincante.

Les mélodies choisies pour le répertoire sont très belles. Bien évidemment. Mais à peine arrangées, un peu comme si le trio les interpérétait avec désinvolture, et jouées sans enthousiasme visible.

 

Cevione-1-2-1.jpgBaptiste Trotignon ©Lolita de Villers

 

 

On se souvient de « Mr Tambourine Man » de Bob Dylan avec un développement qui nous laisse sur notre faim ; « Melody Nelson » et « Je t’aime moi non plus » ont subi des transformations mélodiques (volontaires ?) qui nous ont  glacé le sang et c’est bien dommage. Tout le long de ce concert, nous avons senti Baptiste Trotignon un peu contrarié dans son jeu alors qu’Aldo Romano semble fatigué : son jeu mollasson, voire dégonflé, ne permet pas au trio de jaillir et, à plusieurs reprises, il écrase le tempo. Pour ne pas donner l’impression d’achever un cheval malade, nous devons reconnaitre à Diego Imbert une présence attentive et une inspiration réelle quand on lui en donnait l’occasion.

 

Cevione-1-2-2.jpgDiego Imbert et Aldo Romano ©Lolita de Villers

 

 

Après une version faiblarde de « Say It Ain’t So » de Murray head, le trio se relève en fin de concert avec « The End » des Doors avec un passage paroxystique aux frontières de l’improvisation libre pour ne pas dire free. Suit alors un medley dynamique au développement construit des compositions de Trotignon qui réveille enfin Aldo. Et pour cause, le trio termine par une belle composition  du batteur « Dreams and Waters ». Probablement conscient de sa petite prestation, le trio offre au public de Cervione deux rappels salvateurs où le trio joue vraiment : « Il Camino » de Romano et le standard des années 40 « Just In Time ».

 

Les plus courageux ont assisté à la jam-session dirigé par le trio Elbasan et accompagné par le saxophoniste togolais Koffi Assimadi et de Sébastien Llado pour une session endiablé et très créative. Ouf !


Jérôme Gransac

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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29 juillet 2010 4 29 /07 /juillet /2010 08:29

Frédéric MARTEL

Flammarion, 460p., 22,50euros

 

mainstreamQuel est l’état de la culture et de la diffusion des contenus dans le Monde et quels sont les modèles dominants ?  quel est l’avenir de ces modèles dans un monde global où les flux circulent plus facilement et où internet bouleverse la donne, voilà le constat que Frédéric Martel ambitionne de réaliser au travers de cette magistrale enquête qui a mené le journaliste aux quatre coins du monde à la rencontre de tous les grands décideurs en matière de culture. 30 pays visités et plus de 1200 personnes interviewées dans le monde !

 

A priori, rien de très nouveau dans cette étude. Le constat de départ est sans appel en tout cas dans sa présentation un peu tronquée des chiffres : les Etats-Unis diffusent 50% du contenu culturel dans le monde avec une balance commerciale très largement excédentaire. Rien de très nouveau sous le soleil pourrait-on dire. La Culture mainstream vient de là-bas c’est toujours une évidence incontournable et se diffuse dans le monde entier grâce au savoir faire des américains, à leur puissance financière mais aussi à la maîtrise impressionnante de tous le processus « créatif » qui ne peut se résumer aux seuls blockbusters et autre produits hypermarkétés. Les studios d’Hollywood continuent d’inonder le monde avec des films à la stratégie marketing de supermarché mais les « agences de talent » où se font désormais les contenus de demain ouvrent la voie à des processus créatifs plus audacieux et laissent libre cours à un grand nombre de producteurs et d’artistes indépendants. Tout l’art du savoir faire américain est ainsi de pouvoir rendre à peu près tout mainstream.

 

Mais Frédéric Martel, qui nous avait livré une intéressante étude sur la culture en Amérique («  de la culture en Amérique » - Gallimard, dont « Mainstream » reprend une grande partie de l’analyse),  nous montre surtout un monde culturel bien plus complexe qu’il n’y paraît.


Lire la suite : MAINSTREAM, enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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26 juillet 2010 1 26 /07 /juillet /2010 22:19

le 08 juillet (1/4)

 

C'est par 35° à l'ombre dans la ville, 45° sous les poiriers du chapiteau, que le trompettiste belge Greg Houben ouvre cette deuxième journée du festival. Il nous propose un aperçu de son disque " How Deep is the Ocean ", sur les traces de Chet Baker... que son père, le saxophoniste et flûtiste Steve Houben a bien connu. Dans le cadre d'un trio peu commun, composé du contrebassiste Sam Gertmans et du guitariste Quentin Liégeois, le trompettiste déroule de son souffle velouté de nombreux thèmes de Chet ( Daybreak, How Deep is the Ocean, For Minors Only...) ainsi que des compositions plus personnelles du guitariste, Django d'Or 2009,  et de lui-même. Il interprète également plusieurs chansons " à la manière de ... ", fort convaincantes, dont le rappel signé Tom Jobim qui nous entraîne dans la chaleur du Brésil... si proche de celle dans laquelle nous baignons aujourd’hui.

 

 

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`18H30, Kurt Elling entre en scène d'un pas nonchalant, avec son élégance habituelle, tellement à l'aise, détendu, sûr de lui et de son charisme naturel. Entrée en matière musclée et d'emblée irrésistible avec une excellente version de Steppin'Out de Joe Jackson. Il semble que l'apport d'une nouvelle section rythmique, composée notamment du batteur Ulysse Owens, dynamise la force scénique du quartet. S'en est suivi une interprétation de Say it Over and Over Again ) sur un tempo très lent, affirmant ainsi son immense talent à travers la richesse et la maîtrise d’indéniables capacités. Rarement dans le jazz vocal, un chanteur aura, comme lui, utilisé sa voix comme un instrument à part entière. Ses déplacements imprévisibles dans les harmonies, avec une justesse et un à-propos implacables, captivent l'attention et entraînent dans des univers inconnus.  Arrivé sur le troisième titre, le guitariste John McLean nous gratifie de solos très inspirés. Nous ayant annoncé un ensemble de surprises composées de morceaux choisis à l’occasion d’un concert à  New-York avec Richard Galliano, il donne notamment une interprétation assez inattendue d'une pièce lyrique de Brahms, quelque peu dénaturée par un allemand aux accents de Chicago. Eventail en main, le " crooner " enchaîne avec un Nature Boy indolent qui évolue rapidement vers des tempos puissants propices à une impressionnante démonstration de scat se terminant par un dialogue enjoué avec le batteur, hilare. Laurence Hobgood prend la suite avec une éblouissante déclaration lyrique au piano. Le concert se conclut sur une version très sensuelle du Luiza de Tom Jobim, en portugais, laissant un public ( de tous âges ) sous le charme. Standing ovation. Rappel pour un duo avec son pianiste de toujours, avant de quitter la scène en envoyant des baisers à un public définitivement conquis par une prestation charmeuse mais néanmoins efficace, généreuse et sincère.

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Le troisième concert de la journée est proposé par le duo du saxophoniste Pierre Vaiana et du pianiste Salvatore Bonafede. Bien qu'ils n'aient jamais enregistré chez ECM, leur musique aurait tous les arguments pour séduire Manfred Eicher. Cela nous évoquant d'emblée une filiation musicale « jazz nordique » sans renier pour autant d'évidentes racines siciliennes. En effet, le concert  intitulé " Itinerari Siciliani " nous emmène sur les routes italiennes. Les thèmes abordés au soprano, accompagné d'un jeu de piano étincelant, évoquent les ritournelles, le pittoresque et la truculence d'un cinéma italien en nous projetant comme par effraction dans les films d'un Comencini, d'un Risi, d'un Scola ou du duo Fellini-Rota. L'arrivée du contrebassiste Manolo Cabras, avec la souplesse et la  légèreté de son toucher, n'enlève rien au charme opéré, bien au contraire ! Tout en rigueur et en joie, les instruments se répondent dans un palabre où la flamboyance du saxophone réplique à la précision chirurgicale du pianiste et à la fougue du bassiste, dans des  morceaux inspirés des complaintes et des légendes anciennes, lançant ainsi des ponts entre la Sicile d'autrefois et le monde d'aujourd'hui. A noter, un étonnant chorus de Manolo. Cabras entrecroisant chant d'oiseaux et chant guttural sarde … brillamment suggéré à l'archet. Magique ! Ce trio de musiciens nous donne envie de poursuivre ce voyage avec eux, un verre d'Amaretto à la main, par une douce soirée à Taormine.

En fin de soirée, Ornette Coleman – vêtu ce soir de façon étonnamment sobre - entre en scène avec ses habituels complices, le contrebassiste Tony Falanga, Al MacDowell à la basse électrique et son fils Denardo à la batterie devant un chapiteau comble. Attaquant d'entrée par sa réécriture de l'ouverture du Sacre du Printemps, la dimension de la suite de la prestation était donnée : elle sera énergique, déstructurée à souhait, dans les arcanes de son concept d'"harmolodie". Combinaison d'harmonie et de mélodie pour les uns, absence des deux pour les autres, Ornette Coleman n'en demeure pas moins une figure majeure du jazz qui a bousculé les codes de ses prédécesseurs. Ses 80 ans n'enlèvent rien à son dynamisme en la matière, passant du saxophone à la trompette ou au violon dans une succession de courtes interventions bariolées. L'expression est vive, ardente et toujours provocatrice malgré une sérénité palpable. Sur chacun des titres joués, Tony Falanga lance le tempo, aussitôt relayé par la batterie du fils Coleman. Le jeu de contrebasse de Falanga, assez "classique", soutenu de manière décalée par les lignes de basse plus "actuelles" d'Al Mac Dowell, soulignent par leur contraste la modernité des intrusions déstructurées d'Ornette Coleman. Cela étant particulièrement audible dans son interprétation d'une des suites pour violoncelle de Bach, ou dans quelques standards jazz revisités. Donardo, fidèle à sa réputation, ne donne toujours pas dans la légèreté, mais finalement tout cela sonne de manière très cohérente. Le public en redemande : trois standing ovations. Au rappel, une dynamique interprétation de Lonely Woman, son plus grand succès, clôt avec brio cette seconde soirée.

 

le 09 juillet 10 (2/4)

Cette nouvelle superbe soirée commence avec un ensemble regroupant, autour du pianiste Christian Mendoza, quatre des meilleurs jeunes jazzmen belges actuels pour une musique héritière de celle d'Ornette Coleman, entendu justement hier. PA_92920.JPGBen Sluijs au saxophone alto et à la flûte, Joachim Badenhorst à la clarinette et au saxophone ténor, Brice Soniano à la basse et Teun Verbruggen à la batterie entourent Christian Mendoza, vainqueur  2008 du concours des Jeunes talents de jazz de Gent. Il est l'auteur de compositions où des plages très déstructurées alternent avec des moments mélodiques plus intimes, où un piano minimaliste entame un dialogue complice avec un batteur tout en finesse et recherches sonores. Le jeu de l'ensemble se resserre également dans des lignes mélodiques où chaque instrument s'exprime par petites touches pour créer un corps parfois désarticulé qui progresse lentement vers une reconstruction harmonique. Une musique puzzle dont l'auditeur perçoit mal ce qui est écrit de ce qui est improvisé, tellement tout semble être mûrement pensé auparavant. Une musique qui finalement parle plus à l'intellect qu'au coeur.

 

 

Ceux qui ne connaissaient pas encore le Vijay Iyer Trio pouvaient peut-être s'attendre à un concert " world " où le jazz flirterait avec la musique indienne. Ils ont pu découvrir qu'il n'en était rien tant les racines indiennes de Vijay Iyer sont peu présentes dans la musique qu'il compose. L'essentiel des titres joués ce soir sont issus de sa dernière production " Historicity ", enregistrée l’année dernière chez ACT, avec ces mêmes musiciens qui l'accompagnent ce soir : Stephen Crump à la basse et Marcus Gilmore à la batterie. Ils développent dans un bel ensemble soudé une longue conversation fluide et riche, emplie d'une énergie et d'une puissance physique où le groove du batteur répond au duo fusionnel que forment un pianiste complexe et nuancé et un bassiste qui transpire sa musique. Les prouesses empreintes de maturité de Marcus Gilmore ont de quoi surprendre de la part d'un batteur de 24 ans, sauf de savoir qu'il est le déjà digne héritier de son grand-père, Roy Haynes.  Les notes semblent virevolter autour de thèmes d'une extraordinaire densité, transportant l'auditeur vers ses propres rêves, le rendant complice en l'intégrant à ce jeu qui paraît pourtant si simple et limpide. Cette invitation est baignée d'une telle humilité, d’une telle générosité, qu'on en oublie l'incroyable richesse technique déployée dans cette musique. Les rythmes concoctés par Vijay Iyer sont acrobatiques, montant crescendo vers des sommets électriques pour s'épanouir dans des solos endiablés. Mais l'écoute complice tissée au fil du temps les amène imperceptiblement à soutenir avec douceur les chorus que chacun exécute. Cela illustre qu'avec coeur et générosité la musique peut être recherchée et moderne sans pour autant être rébarbative. Le public, conquis, ne s'y est pas trompé. Standing ovation méritée !

 

Puis vint l'évènement de la soirée : le Freedom Band de Chick Corea composé de Kenny Garrett, Chris McBride et du légendaire Roy Haynes ! Au menu : standards west coast, bop et hard-bop revisités par le génie et l'énergie facétieuse du maestro. A l’image d'une scène de jazz club, la formation était regroupée serrée au centre du large podium du festival. Complicité et proximité affichées avant même les premières notes lancées. La manière relax et joviale que Corea arbore dès les premiers accords fait toujours plaisir à voir et nous invite avec ses acolytes à participer au jeu et à vibrer avec eux. Magnifique Monk’s Dream où vient s’inviter le thème d’All Blues. Kenny Garrett, très à l'aise dans cette formation, est éblouissant à chacune de ses interventions, allant au bout de lui-même, aux limites de son idée créatrice et en en montrant chacune de ses facettes. McBride en métronome implacable balance des chapelets de notes lumineuses que souligne le swing implacable des cymbales d'un Roy Haynes plus jeune que jamais. Corea observe et ponctue en permanence, le sourire aux lèvres et le regard malicieux. Plus que jamais, il incarne la virtuosité transcendée et le plaisir communicatif de jouer. Un dernier titre hard bop ( Steps ! ) est prétexte à un incroyable solo de Roy Haynes, totalement déchaîné... laissant presque craindre pour son coeur ! Même pendant le salut au public il continue, debout, à frapper de ses baguettes cymbales et grosse caisse à la grande joie du public. Au cours du rappel, Jean Pierre de Miles Davis, Chick Corea vient prêter main forte à Roy Haynes à la batterie, McBride prenant les commandes du piano. Puis tout bascule, dans une incroyable et inattendue jam session où, sortis de nul part, se succèdent et se relayent aux instruments Hiromi, Ruslan Sirota et Ronald Bruner Jr ( qui joueront demain avec Stanley Clarke ), Vijay Iyer et ses musiciens  ( dont le petit-fils de… ), sous la conduite d'un duo funky Garrett-McBride pour finir à genoux dans une version délirante et inoubliable du Sex Machine de James Brown ! Le public en liesse chante et scande, à la demande de McBride, des " Roy Haynes " et des " Chick Corea " à  n'en plus finir … Mémorable ! N'est-ce pas là l'expression même d'un véritable " Freedom Band ", libre de faire ce que bon leur semble, selon l’humeur du moment... en l’occurrence très festive et digne d’une époque qu’on pensait définitivement révolue ! Il paraîtrait même que cette " folie " se soit prolongée jusque tard dans nuit, au jazz club de l’hôtel. PA_93096.JPG

 

 

le 10 juillet10 (3/4)

 

Cette avant-dernière journée de notre séjour a commencé de manière fort sympathique avec la formation du jeune guitariste américain Julian Lage, accompagné de Daniel Blake au saxophone, Aristides Rivas au violoncelle, Jorge Roeder à la contrebasse et Tupac Mantilla aux percussions. D'un touché vif, précis, joyeux, il s'invente un folklore très personnel à partir d'une multitude d'autres, intégrés, digérés et partagés. Cet ensemble laisse entendre des sonorités irlandaises, flamenca, méditerranéennes, brésiliennes … pour créer une culture urbaine d'une modernité évidente, où les influences de la pop, du classique et du jazz rencontrent celles des grands espaces du cinéma hollywoodien. Julian Lage possède, à un niveau rare, la qualité technique nécessaire à l'écriture d'une musique complexe mais toujours accessible, ludique et très agréable à l'écoute. Vu il y a 5 ans à Jazz à Vienne en sideman de Gary Burton, son évolution est impressionnante et laisse augurer un avenir radieux. Ce jeune artiste, à l'allure d'étudiant sage quitte la scène, impressionné par l'accueil d'un public conquis, qu'il salue avec humilité.

 

PA_93426.JPGComme un prolongement du concert de Chick Corea d'hier, s'ensuit la prestation d'un autre   fondateur de l'incontournable Return to Forever :  Stanley Clarke. Celui-ci s'est entouré de jeunes musiciens américains auxquels s'est jointe la jeune pianiste japonaise, protégée d'Ahmad Jamal, Hiromi (accompagnant elle-même Chick Corea dans très beau Duet sorti en 2009 chez Concord). Sous des airs de Tiger Wood à casquette, il enchaîne thème après thème entre basse électrique et contrebasse. A la différence de la formation de Corea d'hier où chacun contrôlait parfaitement son domaine dans le cadre de l’ensemble, la fougue de la jeunesse semble ce soir devoir l’emporter sur la juste mesure. Des déferlantes de notes s’abattent tout au long d’une playlist par trop prétextes à des concours de vitesse et de technicité. Il semble que ces jeunes lions ( et lionne ) soient difficiles à dompter, même par un des chefs de file ( de clan ) du jazz fusion des 80's. Les trop rares moments soft de ce feu d'artifice sonore nous laissent heureusement entrevoir l'étendue du registre pianistique et de la musicalité de Hiromi. Après une version musclée de Goodbye Pork Pie HatSpanish Fantasya été pour elle l’occasion d'un admirable solo, énergique et percussif. L'enchaînement de Ruslen Sirota fut beaucoup moins attractif car quelque peu dépassé par sa vélocité et l’emballement de son jeu. Idem pour la partie batterie, excellente au demeurant mais souvent confuse, manquant de maturité et de retenue. Le concert se termine sur un imposant Schooldays. Prestation d’ensemble à l'américaine qui a de quoi séduire mais ne restera pas forcément dans les mémoires.

 

Autre légende du jazz présente sur ce festival : l'irremplaçable harmoniciste Toots Thielemans, ce soir dans sa formation historique avec le pianiste Kenny Werner et le guitariste Oscar Castro-Neves.  Il est évident que nous ne pouvions nous attendre à découvrir des nouveautés. L'heure n'est plus à cela, mais aux regards sur le passé, aux souvenirs, aux hommages… Sous l’oeil facétieux et rieur de Toots se succèdent des standards de Gershwin ( I Loves you Porgy, Summertime ), de Tom Jobim ( Saudade ), de Chico Buarque ... Ces musiciens aguerris nous font entendre qu'il ne leur est nullement nécessaire de rajouter des notes aux notes pour exprimer leurs sentiments et nous dévoiler leur univers musical. Simplicité, musicalité, efficacité. Kenny Werner campe l'étendue de son absolu sens mélodique lors d'un medley de musiques de Sinatra. A plusieurs reprises, il enrobe les notes d’harmonica par de douces nappes électroniques qui les rendent encore plus aériennes. Un Water of March  tout en émotion est propice à de belles interventions bossa d'Orcar Castro-Neves. S'en suivirent deux touchants hommages, l'un à Bill Evans nous rappelant le magnifique Affinity, l'autre à Charlie Chaplin par un Smile poignant. Tout cela vibrait de nostalgie, voire par moments de tristesse, en particulier lors de l'émouvant What a Wonderful World  de Louis Armstrong, au rappel.

 

 

Dernière journée de notre séjour à Gent. Température toujours aussi caniculaire. Les rangs sont plus clairsemés que la veille … l'effet finale de Coupe du monde, avec une rencontre Espagne / Pays-Bas A peine deux mois après les 80 dates ( ! ) de sa tournée Orchestrion, Pat Metheny nous revient cette fois-ci avec son Group pour nous livrer quelques-uns des standards de son propre songbook. Comme à son habitude, il subjugue son public de fans aux premières notes de Are you Going With MeHave you HeardLast Train Home, Question and Answer, Phase Dance, Song for Bilbao ... ou lorsqu'il saisit sa guitare Pikasso pour un titre acoustique d’une grande finesse. L’homme a du métier. Cependant, la magie n'opère qu'à de rares moments. Pour avoir vu ses précédents projets, il apparaît nettement plus perspicace lorsqu'il présente des nouveautés sur scène que lorsqu'il y rejoue uniquement ses standards, certes magnifiques, mais dont la fréquence et la répétition au fil des ans fini par les vider de leur substance. Les seuls morceaux qui semblent susciter l'engouement du Group figurent encore parmi ses plus récentes production, comme ces extraits de The Way Up, laissant place à des envolées lyriques bien plus originales et captivantes que celles des pièces maintes fois jouées. Dans l’ensemble, tout cela manque cruellement de cœur et d’échange avec ses acolytes et son public. D'autant qu'à part Antonio Sanchez, toujours aussi brillant et inventif, les accompagnements sans grand relief de Lyle Mays et Steve Rodby ne l'ont pas beaucoup aidé... Peut-on imaginer une certaine lassitude, une fatigue due aux successions de tournées ( 250 concerts par an, en moyenne ! ) qui l'empêchent de se ressourcer et nuisent à son inspiration sur scène ? Mais... Pat Metheny peut-il vivre sans tourner ?

 

Ainsi s’achève cette excursion au cœur des Flandres et d’une ville très agréable et pittoresque, pour la partie jazz de ce festival de renom qui n’a pas failli, cette année encore, à sa réputation.

 

                                                                      

 

 


Textes : Delphine Delalande

Photos : Patrick Audoux

 

 

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24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 16:12

JASON MORAN :   « Ten»

Blue Note 2010

Jason Moran (p), Tarus Mateen (b), Nasheet Waits (dm)

 

jason moran ten

Le nouvel album de Jason Moran est certainement celui de la maturité. Après 4 années sans album sous son nom, Moran signe là celui de l’accomplissement où le trio, l’un des plus inventif du moment parvient à sortir de ses automatismes pour se nourrir à toutes les influences. C’est que "Ten" yest en grande partie nourri de compositions écrites par le pianiste pour d’autres circonstances, que ce soit pour le cinéma (RFK in the land of Apartheid) ou pour le festival de Monterrey (Fedback Pt 2).

Pourtant dès l’ouverture, sur Blue Blocks dont le titre évoque le goût affirmé de Moran pour l’art contemporain, on craint d’assister non pas à des mises en peinture ( s’agissant d’un amoureux des arts plastiques comme Moran)  mais plutôt à des clichés, ceux qui portent l’empreinte photographique du «destructuralisme » de Jason Moran. On a peur  pour le clavier dont on se dit qu’il ne tiendra pas la distance  après cette ouverture un peu tapageuse. Et pourtant très vite on se rend à l’évidence, le pianiste qui a intégré à des formations comme celles de Paul Motian ( le plus bel album de l’année –motian) ou de Charles Lloyd a de toute évidence grandi. De quoi donner à son trio une « épaisseur », une densité nouvelle que nous ne lui connaissions pas et qui va bien au-delà de son Bandwagon et de son goût pour les mauvaises manières de bad boys. Pas assagi pour autant le trio, juste plus grand. Après dix années passées ensemble ( Gangsterism over 10° years est un des titres de l’album), le Bandwagon est juste un peu plus sage.

 

Certes ils ont toujours leurs allures de mauvais garçons un tantinet dandy. Celles que l’on leur connaissait dans les précédents albums (« Modernistic » en 2002, « Same mother » en 2005). Celle d’un trio qui rend fou de rage les vieux grigous du jazz amateur des langages un peu codifiés ( T’es Peterson ou t’es Monk ?) et qui comme tout un chacun cherchent à se raccrocher à des structures mélodiques, harmoniques ou rythmiques qui devraient obéir à un ordre logique. Mais pour cet amoureux de Basquiat ou de Raushenberg, amoureux de modernisme justement, la musique ne peut se concevoir dans cette approche-là.

Pas de ligne fixe ou droite.

Chez Jason Moran toujours ces manies de détrousseurs, démolisseurs d’harmonies et de toutes rigidités. Ses bandilleros attendent parfois, tapis dans l’ombre  (Study) et laissent passer la caravane avant de finalement lancer une charge héroïque contre les structures rythmiques qui s’accélèrent et partent dans tous les sens dans une mémorable empoignade (Big stuff).  Sur To Bob Vatel of Paris c’est sur des terres plus anciennes, celles du ragtime que la bande de mauvais gars part à l’attaque avec une insolence toute Monkienne. Formidable bouffée d’air frais, déjantée et respectueuse à la fois. Car Moran est amoureux de Monk, mais à sa façon. Amoureux de l’esprit musical de Monk. Il n’est que d’entendre  ce Crepuscule with Nellie totalement réapproprié sans la moindre gêne par le trio et qui ne délivre sa paternité qu’en fin de morceau après que Nasheet Waits s’en soit délicatement emparé. Ou encore ce Thelonious qui conclut l’album pour le coup de manière très "tradi."  Avec Jason Moran l’improvisation est un feu d’artifice, ue salve pyrotechnique, une explosion de couleurs !

Jason Moran c’est la continuation de Monk par d’autres moyens.

 

Son Bandwagon  affiche une insolence joyeuse derrière laquelle c’est tout l’amour des détraqués du piano qui s’affiche. Une passion du jeu, de l’ « amusement sérieux » si l’on peut dire, du pied de nez et de toutes les facéties ( écouter le faux morceau caché sur Old Babies où l’on semble entrer dans une gare de western avec des filles légères en crinolines qui sourient et lancent la jambe pour fêter le départ des bandits)

Mais la maturité de ce Bandwagon qui nous émoustille depuis plus de dix ans, se retrouve aussi dans une forme de classicisme contemporain ( donc de « non modernisme ») auxquels ils aspirent aussi. Subtle One par exemple, morceau écrit par Conlon Nancarow est, à ce titre un moment de grave profondeur, superbe fusion d’un trio justement fort subtil, impressionniste, se jouant des espaces entre les lignes, dessinant librement aux quatre coins du cadre. On pense inévitablement à l’empreinte laissée par Motian.

Tout au long de l’album Taurus Mateen et Nasheet Waits sont comme cul et chemises, se volant la vedette à tour de rôle, prenant parfois la tangente ( comme si Moran ne cherchait jamais à les enfermer). C’est un trio exceptionnel qui se met en œuvre. Jamais prévisible, toujours en alerte permanente. Et ce que fait ce trio avec autant de liberté que de rigueur est formidable d’énergie. Il porte en tous cas la marque des très grands trios du jazz. L'avenir du jazz incarné.

Jean-marc Gelin

 

 

 

 

 

 

Biographie

 

Jason MoranExpo 

 

 

Le jeune pianiste Texan, 35 ans ( né en 1975 à Houston – Texas) est tombé dans les cordes de son piano dès l’âge de 6 ans. Peut être lui arrivait –t-il à l’oreille, dans la cité spatiale, quelques notes de son aîné le pianiste Horace Tapscott (lvoir DNJ Horace Tascott Te dark tree), pianiste maudit s’il en est, originaire lui aussi de la ville du Texas et grand amoureux comme son jeune suiveur de l’œuvre de Cecil Taylor et de Andrew Hill. Ce qui est sûr en revanche c’est que le jeune Jason a fait ses premières  armes avec son professeur Jaki Byard, référence dans les influences marquantes de Jason Moran. Mettons donc ensemble Horace Tapscott, Cecil Taylor, Andrew Hill et Jacki Byard, mélangeons le tout et vous obtiendrons avec Jason Moran, un pianiste qui suit le sillon que ne cesse de parcourir depuis un demi-siècle ces génies du piano tous marqués par l’empreinte tutélaire de Thelonious Monk.

 

C’est en 1997 que, repéré par le saxophoniste Greg Osby, Jason Moran plonge dans le grand bain en suivant le saxophoniste pour une tournée européenne. Expérience réussie au point que Osby l’intère à son album paru la même année. Il apparaît ensuite dans pluseurs albums d' Osby et se fait donc remarquer par Blue Note.

En 1999, le premier enregistrement de Jason Moran en tant que leader, « Soundtrack to Human motion » a d’emblée été encensé par la critique. jason1.jpgC’est l’année suivante que le Bandwagon signe son atce de naissance avec « Facing Left ». Trio qui allait se muer en quartet éphémère l temps d'accueillir Sam Rivers pour un remarqué « Black Stars » très avant gardiste.


Installé à New York le trio signe ensuite plusieurs albums dont  "Modernistic" en 2002 et "Same Mother" en 2005. En 2003, Jason Moran décidemment chouchou de la presse se voit honoré d’une reconnaissance par Downbeat dans trois catégories des révélations : meilleure révélation de l’année, meilleur pianiste et meilleur compositeur.

En 2007 le travail autour de Monk de Jason Moran s’exprime au travers une commande pour Monk at Town Hall : « In My Mind » qui a fait l’objet d’un documentaire filmé par Gary Hawkins.

 

Moran joue desormais avec les plus grands jazzmen américains, Wayne Shorter, Charles LLyod, Dave Holland, Cassandra Wilson, Steve Coleman, Joe Lovano, Paul Motian, Chris Potter et tant d'autres se l"arrachent….

 

Figure incontournable du jazz à New York, Jason Moran y vit, avec sa femme, la chanteuse lyrique Alicia Hall Moran  ( entendue sur plusieurs albums de son mari). Grand amateur et collectionneur d’art contemporain,  Jason Moran a souvent puisé son inspiration musicale dans les œuvres de Basquiat, de Egon Shiele ou de Raushenberg. Où il puise peut-être son sens de la construction, de la déstructuration et son sens de la mosaïque musicale polychrome.

 

 

Photos : Patrick Audoux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 23:26

 

La chanteuse anglaise Norma Winstone vient trop rarement à Paris pour que nous manquions l’occasion de la voir aux Arènes du Jazz. Ce lieu semble pourtant fait pour elle. Car cette chanteuse de la grâce absolue, de la fusion des mots et de la musique, cette conteuse du chant est faite pour chanter au plus proche de son public, à son contact direct, hors du temps et de l'agitation.

Le trio  qui forme la base de ses derniers albums a cette intimité du geste qui nous enveloppe et nous accapare. A l’heure où le soleil se couche sur les Arènes et sur les toits de Paris on entre avec eux dans un autre monde, dans un cottage anglais, fasciné par cette conteuse d’histoire et par ses deux accompagnateurs qui viennent rythmer les mots, viennent lui donner corps lorsqu’elle, leur donne l’âme.

 

Puisant dans le répertoire de « Distances" et surtout de « Story yet to tell » , son prochain album qui sortira le 30 aôut chez ECM, Norma Winstone  charme la musique, chante les yeux fermés, se balance lentement, lost in a dream, frêle et enracinée en même temps, avec cette fragilité et cet abandon à soi-même, si émouvants.

 

On craint parfois de se laisser enfermer dans un schéma en clair-obscur. Mais Norma Winstone le sait. Ses musiciens le savent aussi et Glauco Weiner, le pianiste italien se fait alors mutin, jouant de sa grande complicité avec le formidable clarinettiste-saxophiniste Klaus Gesing pour insuffler un souffle nouveau sur la musique. Norma Winstone se fait alors chanteuse de pop anglaise, retrouve les accents de Azymuth, se paie un blues avec Klaus, ponctue les riffs rythmiques et donne du relief à la soirée. Celle-ci passe trop vite.

La pleine lune se dessine dans le ciel de Montmartre. Le public fait une ovation à la chanteuse. 

Dans le public, la harpiste Isabelle Olivier nous confie qu’elle est au plus près de son rêve.

Nous aussi.

 

 

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22 juillet 2010 4 22 /07 /juillet /2010 07:00

 

 

 

Un critique disait l’autre jour que plus les musiciens de jazz prenaient de l’âge et plus leur jeu devenait dépouillé. Celui-là ne l’avait certainement pas entendu.

A 83 ans Martial Solal, qui nous avait pourtant assuré qu’il ne donnerait plus de concert, se trouvait ce soir là aux Arènes du Jazz avec une humeur des plus mutines, comme un affamé joyeux devant son clavier qu’il dévorait avec une appétence gourmande. Facétieux comme toujours, plus brillant que jamais Martial Solal semblait particulièrement heureux sur cette scène, s’amusant avec le public, dédiant même avec un brin d’humour un Here’s  that rainy Day aux pauvres spectateurs sur qui s’abattait justement une pluie torrentielle.

 

 

 

Dans cette histoire du jazz qu’il visitait avec une vraie révérence à ses maîtres ( Tatum était là hier soir, tout comme Earl Hines et Bud Powell qui fit un tour aussi - j’en suis sûr c’était eux qui étaient en coulisses), Martial Solal apportait la démonstration éclatante de la place qu’il occupe parmi eux. Un géant parmi les géants.

 

Le public trempé jusqu’aux os, restait là et la pluie pouvait bien nous tomber dessus , elle était joyeuse cette pluie là et de toutes façons nous ne la sentions même pas……

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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