LAURENT DE WILDE TRIO
LIFE IS A MOVIE
Sortie le 28 Avril
Label GAZEBO/ L’autre Distribution
Concert de sortie au New Morning le 6 juin
Laurent de Wilde - Life Is A Movie - EPK - YouTube
La vie, ce n’est pas du cinéma a-t-on coutume de dire mais Laurent de Wilde a le sens des tournures et des renversements : dès la pochette, le trio bien calé dans les fauteuils rouges d’une salle obscure voit défiler les images d’un film qui n’a pas l’air de leur déplaire...Le film de leur vie?
Dans ce nouvel album Life is a movie défilent sentiments et émotions les plus divers, exactement comme dans le film d’une vie, traduits en une suite de morceaux différents par leur rythme et leur thème...
Producteur heureux, Laurent de Wilde revient en toute confiance à l’art du trio acoustique, avec ses partenaires de jeu dans cette formule depuis dix ans, le contrebassiste Jérôme Regard et le batteur Donald Kontomanou. Une alchimie perceptible dès qu’ils se retrouvent. L’album devait s’appeler “Back On The Beat” (le deuxième titre au riff entraînant, en hommage à Ramsay Lewis) pour célébrer la sortie d’un alitement forcé de plusieurs mois. Un retour à un jazz essentiel, existentiel après un accident de moto pour un Laurent de Wilde mûri, peut-être assagi. Dans une réinvention permanente de sa musique, il se réenracine dans le jazz qu’il n’a jamais vraiment quitté mais qu’il explore de toutes les façons possibles. Car ce fou des sons sait traduire à merveille son imaginaire en musique!
Les neuf compositions se ressentent d’une gestation particulière, les sons et rythmes propageant l’élan d’une tension créatrice. Comme si le pianiste, spectateur de sa propre histoire, était le personnage d’un film qu’un autre aurait écrit.
Maître du jeu- il a créé son propre label Gazebo- il peut ainsi, en producteur heureux, enregistrer son travail et celui d’amis talentueux, les saxophonistes Géraldine Laurent, Pierrick Pedron, le pianiste Paul Lay. Il a choisi d’enregistrer cette fois, non dans son home studio, mais au studio Gil Evans d’Amiens (lié à l’ historique label Bleu ) qui dispose d’un piano magnifique et de cellules pour isoler chaque membre du trio.
"La Vague qui ouvre l’album, composée en pensant à la mer, commence et finit dans un clapotis de marée basse ou “grave”, précise De Wilde dans des liner notes très bien conçues qui donnent les clés de chaque composition tout comme les teasers de l’album intelligemment montés. Ce flottement, cette incertitude se poursuivent dès l’attaque des cordes de la contrebasse dans “Life Is A Movie” proposé par Jérôme Regard comme titre définitif.
L' album contrasté, souvent intrigant est à la fois cohérent et pluriel. Atmosphères et climats diffèrent comme autant de paysages mentaux dans une partition intime et retenue, presqu’autobiographique : après cette intranquillité vitale, la mélancolie s’empare du pianiste dans cette incroyable composition “les Paradis Perdus” qui glisse entre nostalgie et rêverie positive avec un son particulier de kora. C’est la patafix dans les cordes du piano qui produit cet effet où les cordes de la basse, en tressant leur motif s’enroulent au piano.
Rupture de rythme dans le vif “Easy Come Easy Go” dont les paroles peuvent être chantées sur le pont, comme un mantra. Après les roulements en introduction du batteur, toujours pertinent et léger qu’il soit aux balais ou aux baguettes, le piano chemine allègrement, allant bon train jusqu’au prochain artefact, accident du destin qui se traduit par un “Inner roads” plus sombre et néanmoins limpide. Musique de résilience que suit le sursaut, l’excitation du retour à la vie avec la conviction et l' énergie dégagées sur “Get Up And Dance”, hommage au grand Fela Kuti et à son Afrobeat pulsé par Tony Allen. Groove assuré! Changement de tableau, le jazz flirte avec la chanson d’amour sur “Liane et Banian” en souvenir du duo envoûtant formé avec Ray Lema.
Life is a movie se termine sur la scansion d’un poème mis en musique “Mes Insomnuits” suffisamment explicite.
On reste sur la force vitale que dégage le trio, l’ouverture d’esprit et de goût, l’humour partagés. Comme au cinéma où l’on savoure chaque instant en voulant retarder la fin, en espérant encore un sursis. Un memento mori en somme qui aide à vivre.
Sophie Chambon