Dans la région des Pouilles, au sud de l’Italie, deux manifestations importantes avaient jadis retenu l’attention, l’Europa
Jazz Festival de Noci où fut créé, entre autres, l’Italian Instabile Orchestra, et le festival Talos de Ruvo di Puglia,
le village natal de Pino Minafra. Pour diverses raisons, ces deux événements internationaux ont périclité, et un
troisième est venu prendre le relais, Bari in Jazz, placé sous la direction artistique du saxophoniste Roberto Ottaviano.
![](http://idata.over-blog.com/0/27/67/39/decembre/_MG_4123stella_plage-1.jpg)
Photo:
Gérard Rouy
Après avoir accueilli dans le passé des musiciens aussi divers que Karl Berger, Carlos Zingaro, Bobby McFerrin,
Kenny Barron, Kenny Wheeler, John Greaves et une grande partie de jazzmen transalpins, Bari in Jazz a choisi cet
été de placer sa cinquième édition sous le signe du « sacré » et du « profane », avec une distribution quasi
essentiellement italienne, dans différentes églises de la ville (et elles sont nombreuses !) ainsi que dans la cour en
plein air du Castello Svevo.
![](http://idata.over-blog.com/0/27/67/39/decembre/SDIM4152stella_plage.jpg)
Photo:
Gérard Rouy
Originaire des Pouilles, la chanteuse Gianna Montecalvo n’est guère connue chez nous, si ce n’est par son très bel
album “Steve’s Mirror“ (Soul Note) consacré à diverses compositions de Steve Lacy, en compagnie entre autres de
Roberto Ottaviano et de Gianni Lenoci. Avec sa consoeur chanteuse Rossella Antonacci, elle présentait le quintette
vocal Sussurri, spécialement mis sur pied pour le festival, sur un répertoire de pièces originales se situant entre le
classique, le jazz, le gospel, les musiques du monde et préservant de grands espaces ouverts à l’improvisation, d’où
se détachaient notamment ses grandes qualités vocales et son invention. Rossella Antonacci proposait pour sa part un
quatuor autour des chansons d’Edith Piaf, chantées en français sur des arrangements audacieux, accompagnée
d’un piano, d’un violoncelle et du saxophone de l’Andalou Javier Girotto. Il ne s’agit pas là d’une version « jazz »
de ces classiques (connus ou moins connus) de la chanson française (seul le saxophoniste se permettait parfois des
choruses basés sur la mélodie des thèmes), mais d’une relecture personnelle et souvent émouvante des chansons
de Piaf. Rossella Antonacci a publié en 2007 le CD “La foule“ sur label Dodicilune.
![](http://idata.over-blog.com/0/27/67/39/decembre/SDIM4178-1.jpg)
Photo:
Gérard Rouy
Zappa et Monk, tels sont les sources d’inspiration auxquelles le contrebassiste et compositeur Furio di Castri a choisi
de s’atteler au sein d’un sextette aux couleurs contrastées et vives, avec notamment le guitariste Nguyên Lê, le batteur
Joël Allouche et l’excellent clarinettiste Mauro Negri. Zappa et Monk, deux musiciens totalement visionnaires et
imprévisibles, dont il ne s’agit pas d’offrir ici de simples reprises (hormis le Twenty Small Cigars de l’un et un pot-pourri
des compositions de l’autre) mais au contraire une appropriation ambitieuse du langage des deux maîtres à travers des
pièces originales, dans un jeu savant de références croisées, de citations et de chevauchements instrumentaux au cœur
d’une mosaïque bariolée de timbres.
![](http://idata.over-blog.com/0/27/67/39/decembre/_MG_4136stella_plage.jpg)
Photo:
Gérard Rouy
Après l’excellent quatuor de saxophones Arundo Donax, après le singulier quintette du saxophoniste soprano sarde
Gavino Murgia qui mêle le jazz à des éléments de musique traditionnelle méditerranéenne — suscitant un déploiement
de couleurs en compagnie entre autres du tuba de Michel Godard, de l’accordéon de Luciano Biondini et du
vibraphone de Franck Tortiller —, place au quintette new-yorkais de Tom Harrell.
![](http://idata.over-blog.com/0/27/67/39/decembre/_MG_4322-1.jpg)
Photo:
Gérard Rouy
Il est évidemment toujours troublant d’observer le trompettiste américain replié sur lui-même, comme absent,
quand ses sidemen s’expriment sur scène, et l’assurance et la maîtrise qu’il prodigue dès qu’il se met à jouer.
Aussi à l’aise sur les tempos les plus rapides et sur les ballades, évoquant ainsi à la fois Clifford Brown et Chet Baker,
il se joue des harmonies et des mesures les plus complexes avec une précision et une sonorité exceptionnelles,
superbement soutenu par le bassiste Ugonna Okegwo et le batteur Johnathan Blake.
Gérard Rouy