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1 février 2023 3 01 /02 /février /2023 18:13

 

Aki Rissanen (piano), Will Guthrie (batterie), Joachim Florent (contrebasse, composition)

Malakoff, 21-22 septembre 2021

We Jazz records

https://wejazzrecords.bandcamp.com/album/designers

 

Une belle confirmation, après l’agréable surprise de l’écoute du trio en concert, début novembre, au festival D’Jazz de Nevers. Au premier abord je croyais entendre une machine à groove tournant à toute allure sur des segments répétitifs. Et très vite une écoute plus attentive m’a fait découvrir l’infinité des propositions musicales tapies dans le flux et le flot. Finesse des segments mélodiques, fussent-ils apparemment répétitifs. Car la répétition ici se joue en permanence dans la différence. Quand j’étais étudiant en philosophie et en littérature, dans les années 60-70, on parlait de différance, dans le sillage de Jacques Derrida. Pas pour faire décoratif ou pédantesque, mais pour tenter de cerner la richesse d’un langage : là où la réalisation concrète du projet musical dans l’interprétation et l’improvisation produit ce qui serait un altérité, ce qui diffère du matériau initial. Bref au fil des plages c’est un régal de subtilités jouissives, qui s’imposent à nos oreilles comme une évidence. On est bien loin des groupes façon groove-bulldozer qui ont prétendu rénover le langage du trio depuis le milieu des années 90 : ici la musique et la musicalité règnent en maîtresses absolues.

Xavier Prévost

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Le trio est en tournée en Bourgogne-Franche Comté : le 2 février à Dijon (La Vapeur), le 3 à Chalon-sur-Saône (L’Arrosoir)et le 4 à Saint-Claude (La Fraternelle)

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1 février 2023 3 01 /02 /février /2023 09:52

Quentin Dujardin (guitares, piano et voix), Didier Laloy (accordéon), Nicolas Fiszman (basse électrique) et Manu Katché (batterie).
Agua Music - AGUA 22-011 / Inouïe Distribution.
Parution le 3 février.

 

 

    David Linx, Philip Catherine (même s’il naquit à Londres), Bert Joris et bien avant (les années 50-60) Bobby Jaspar, Jacques Pelzer, René Thomas sans oublier une légende, l’harmoniciste Toots Thielemans, le jazz ne manque pas de talents en Belgique. C’est d’ailleurs ce dernier, l’immortel créateur de Bluesette qui remarqua en 2005 son compatriote le guitariste Quentin Dujardin : « une révélation extraordinaire ».

 

 

    Instrumentiste mais aussi compositeur, notamment de musiques pour le théâtre (Monsieur Ibrahim et les fleurs de Coran) et le cinéma (Paradisiac), Quentin Dujardin n’entend pas se cantonner dans un registre unique. Une ouverture qui caractérise aussi le batteur Manu Katché, déjà invité sur un précédent album (Catharsis, 2016) et le bassiste Nicolas Fiszman (figurant sur Veloma, 2007), auxquels le guitariste dédie l’un des titres (Blues for M & N) de son tout dernier disque (2020).
 


C’est bien un panorama de la guitare que nous présente ici Quentin Dujardin, tout en nuances et en sensibilité en puisant le meilleur de chacun des quatre types de guitare  - nylon, fretless, baryton, acoustique et/ou électrique - mobilisés pour l’occasion.

 

Une des plaisantes découvertes de ce début d’année 2023.

 

Concert prévu le 17 mars au Pan Piper (75011).

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 21:18

 

Boris Blanchet (saxophones ténor & soprano), Gabrielle Koehlhoeffer (contrebasse), Mathieu Bec (batterie)

Novembre 2022

https://mathieubec.bandcamp.com/album/flyin-sufi

 

Un duo survolté auquel se joint la contrebassiste Gabrielle Randrian Koehlhoeffer, et une formidable traversée d’un univers exacerbé où pointe le souvenir de Coltrane et Rashied Ali. Le répertoire de Trane est présent par trois thèmes : The Inchworm, Alabama, et India. et de bout en bout c’est l’esprit de l’expressivité virtuose qui plane sur ce brûlot amoureux du grand saxophone (et du génial saxophoniste dont ce trio convoque les mânes). Des plages de douceur presque diaphane aussi, mais toujours l’effervescence guette, elle rôde comme une sentinelle qui veillerait sur la mémoire d’une beauté inquiète, forcément excessive, même quand la retenue montre le bout de son nez. De grands moments de liberté côtoient aussi l’intense recueillement d’Alabama, pour redonner cette sorte de requiem douloureux inspiré à Coltrane par l’attentat raciste qui coûta la vie à quatre jeunes filles afro-américaines à Birmingham (Alabama) en septembre 1963. Et en coda ce titre dont on ne sait comment il faut l’interpréter : Two Many Bars & No Money : trop de barres de mesures sur ce blues sans but lucratif, ou trop de bistrots dans la rue de la soif et pas un kopeck pour se rincer la dalle…

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert à Paris au Sunside le 31 janvier à 19h30, malgré la grève. Les lignes automatiques de métro, la 1 et la 14, conduiront ceux qui ne sont pas trop loin jusqu’à la rue des Lombards. Attention, la ligne 14 est en travaux à partir de 22h, mais comme le concert est à 19h30, ceux qui la prennent pourront regagner leurs pénates. Tarif préférentiel avec le code promo ci-dessous

 

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28 janvier 2023 6 28 /01 /janvier /2023 09:01

Ed Cherry, (guitare), Darryl Hall (contrebasse) et Gregory Hutchinson (batterie).
Enregistré au Festival JAZZ EN TETE, Clermont-Ferrand, 21 octobre 2019.
Space Time Records – BG 2252 / Socadisc.
Paru le 20 janvier 2023.


   Sur la planète jazz, le nom de Cherry est associé inévitablement à Don, le trompettiste complice d’Ornette Coleman. Il serait bienvenu de citer également Ed. Sans lien de parenté aucun, mais avec un point commun, l’authenticité.


    Natif de New Haven (Connecticut), le guitariste a bien roulé sa bosse depuis ses débuts professionnels dans les années 70 et un apprentissage de haut vol, quinze ans chez Dizzy Gillespie, en petite et grande formation. De quoi vous assurer de solides bases et de vous familiariser avec le répertoire sous toutes ses formes (be-bop, latino, bossa-nova…) ... Tout en vous constituant un bon carnet d’adresses.


  Rencontré en ces temps-là, Xavier Felgeyrolles, alors jeune road manager de Dizzy, invitera quelques décennies plus tard Ed Cherry à se produire à « son » Festival Jazz en Tête.


    Capté lors d’un concert de l’édition 2019, l’album « PEACE », que Felgeyrolles publie sur son label Space Time Records nous donne à entendre un musicien en verve, détendu, à la sonorité lumineuse, cristalline. Certains y retrouveront des accents de Wes Montgomery et pas seulement dans Road Song, composition d’icelui. Le programme retenu dévoile l’éclectisme du guitariste, de Duke Ellington (In a Sentimental Mood) à Thelonious Monk (l’oxymoresque Ugly Beauty) en passant par Wayne Shorter (Edda), Horace Silver (Peace) et, belle surprise Rendaro Taki, compositeur japonais (1879-1903) avec une œuvre délicate, Kojo no tsuki.
 

    Cette heure de direct permet également aux comparses du guitariste, le bassiste Daryl Hall et le batteur Greg Hutchinson, de se mettre en valeur, apportant une contribution aussi élégante que percutante.


    Un album à classer d’ores et déjà parmi les découvertes de 2023 ... Du bonheur simple à l’état pur.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

Ed Cherry Trio - Live at Smalls Jazz Club
Ed Cherry Interview

Space Time Records

 

 

 

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18 janvier 2023 3 18 /01 /janvier /2023 11:55

 

CD 1 «À l’est du soleil»

Guillaume Roy (alto), Dider Petit (violoncelle & voix)

CD 2 «Programmes communs»

Guillaume Roy (alto), Dider Petit (violoncelle & voix)

invité.e.s : Kristof Hiriart (voix, textes), Catherine Delaunay (clarinette), Michele Rabbia (électronique & batterie), Daunik Lazro (saxophone baryton), Yaping Wang (yangqin), Christiane Bopp (trombone)

Reims, 4-6 mai 2022 ; Rouen, 8-9 juillet 2022

coffret in situ 250 / Orkhêstra International

 

À l’origine une aventure qui devait se tenir à Minneapolis, après une tournée états-unienne avec des invités de là-bas. Mais la pandémie a contrarié le projet, lequel s’est reconsidéré en deux phases : un duo de cordes frottées pour le CD 1, puis pour le CD 2 ces rencontres des deux en trio avec les invité.e.s.

Pour le duo, c’est la permanence d’une évidence : ces deux-là sont faits pour s’entendre, s’écouter, jouer avec cette entente et cette écoute dans un espace dont la liberté semble toujours plus vaste. Au commencement, sur un ostinato du violoncelle, l’alto part en lyrisme avec un timbre de saxophone baryton, avant de s’envoler en franchissant la balustrade du possible, bientôt rejoint par la voix. Expressivité tendue, chambrisme du vingtième siècle revu avec l’insolence du vingt-et-unième, escapades comme autant d’accidents délibérément provoqués, et résolus : le voyage est mouvementé, riche de mille paysages et surprises. C’est une expérience plus qu’intense des mystères de l’improvisation, du risque et de l’osmose.

Les trios du CD 2 se jouent à l’aune des invité.e.s. Du chuchotement à la profération en mots hachés, puis au chant, dans une dynamique très large, avec Kristof Hiriart. Dans l’infini mystère d’une libre musicalité avec Catherine Delaunay : dialogue, controverse, esquisse ou esquive, selon les instants …. Avec les sons ou percussions de Michele Rabbia, qui se mêlent à la montée en intensité des cordes, vers l’exacerbation de l’expression, comme une chemin vers un acmé attendu, espéré, qui se résoudra, decrescendo, dans une ultime sonorité, énigmatique. Quand survient le sax baryton de Daunik Lazro, c’est une autre couleur qui se fait jour, teintée de rage autant que de tendresse. Puis survient un autre mystère, avec le yangqin de Yaping Wang : lente procession de notes lancées, diapason flottant, comme autant d’appels à quoi les cordes frottées font écho, jusqu’au tumulte, avant le retour du mystère, toujours indéchiffrable, et une coda majestueuse. Retour de la voix Kristof Hiriart, en pleine liberté de langages imaginaires, avec chuchotements de paroles articulées. Et pour conclure en majesté, le trombone extra-terrestre de Christiane Bopp, fauteur de beautés insoupçonnées, de troubles esthétiques et de révolutions intranquilles, comme un point d’orgue pour une aventure fertile.

En écrivant ces lignes je réalise, comme souvent, la difficulté que l’on rencontre à parler de ces musiques : dans les livrets du coffret, de beaux textes signés Jean Rochard et Hervé Péjaudier vous en diront plus, et mieux.

Xavier Prévost

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Un concert intime de sortie aura lieu le vendredi 20 janvier 2023, à Paris, dans la boutique du disquaire ‘Au Souffle Continu’

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10 janvier 2023 2 10 /01 /janvier /2023 22:35

Baptiste Trotignon (piano solo)

Marseille, 7 février 2022

Paradis Improvisé / L'Autre Distribution

 

Un parti pris, presque un manifeste : un disque de standards, en solo, enregistré dans cet appartement de la Rue Paradis à Marseille, où se sont succédés quelques Maîtres du clavier pour graver un solo dans cette collection joliment baptisée ‘Paradis Improvisé’ : Alain Jean-Marie, Bojan Z, Pierre de Bethmann, Yonathan Avishai,Leonardo Montana, Carl-Henri Morisset…. Baptiste Trotignon ne prend pas le parti de la déstructuration, du passage à la moulinette ou de la lecture transgressive. Il choisit une certaine sobriété, donnant ici au thème un prélude, là une lecture presque littérale, avant de se lancer en toute liberté dans une interprétation-improvisation qui réharmonise à souhait, qui coule de source mais ouvre des chemins de traverse, en demeurant toujours dans un culte jaloux du son, de la nuance, des couleurs. Des standards de Broadway très connus, d’autres qui le sont moins, des ‘standards du jazz’ : classiques de Charlie Parker, comme Passport, dans une folie d’unisson des deux mains, avant un envol débridé ; un ‘tube’ du soul jazz, Moanin, de Bobby Timmons, immortalisé par les Jazz Messengers d’Art Blakey, joué dans l’esprit de l’idiome, mais orné de nuances auxquelles on n’était pas accoutumé ; ou encore, comme une prière à Bill Evans, Emily de Johnny Mandel, d’une douceur presque vénéneuse. C’est d’un considérable niveau musical et pianistique, sans une once d’ostentation, rien que l’amour inconditionnel de cette musique et de cet instrument. Grand disque !

Xavier Prévost

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10 janvier 2023 2 10 /01 /janvier /2023 18:24

Emmanuel Borghi (piano, composition), Théo Girard (contrebasse), Ariel Tessier (batterie)

Les Lilas, 2-3 mai 2022

Le Triton TRI-22572 / l’autre distribution

 

Sans renier le trio qu’il constitue par ailleurs avec Jean-Philippe Viret et Philippe Soirat, le pianiste s’est lancé dans cette nouvelle aventure avec des partenaires de la nouvelle génération. Et après avoir improvisé avec eux de manière informelle, il leur a proposé d’enregistrer ces compositions. Ces petites graines de créativité, qu’il convient d’arroser pour en faire surgir le meilleur, il les a conçues, durant les confinements, à partir de ses réflexions sur la musique dodécaphonique. Le jazz a tenté, dès les années 30, et surtout après 1945, l’abandon du système tonal. Le compositeur et chef d’orchestre Rolf Liebermann formalisa cette démarche avec ambition par son Concerto pour jazz band et orchestre, créé en 1954 au festival de musique contemporaine de Donaueschingen par l’orchestre symphonique et le big band de jazz de la radio de Baden-Baden, avant d’être repris et enregistré aux USA et ailleurs par des chefs qui comprenaient mieux le jazz…. Une foule d’entreprises furent conçues par les jazzmen dans cette direction. Le grand intérêt de ce disque, et de sa musique, c’est de ‘penser jazz en trio’ tout en composant des lignes qui échappent à la tonalité. La qualité des partenaires n’est pas pour peu dans la réussite du projet : ils ne sont pas frileux, et se jettent à corps perdu dans l’aventure. Les thèmes sont tendus, car ils dérogent à nos repères en matière de mélodie, mais ils nous parlent de manière immédiate. Dans les improvisations, on voit resurgir parfois des centres de tonalité, mouvants et éphémères. Et ici ou là le souvenir du blues, ou le fantôme du grand Thelonious. Hardie mais pas ardue, cette musique accomplit son ambition car elle est pensée très artistement. Une réussite, à n’en pas douter.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 18:51
  ICHIRO ONOE            MESSAGES FROM WATER 

MESSAGES FROM WATER   ICHIRO ONOE

 

PROMISE LAND / SOCADISC

Sortie 11 janvier 2023 et Concert le 11 Janvier au SUNSIDE.

 

 

On pourrait dire à l’instar du texte de présentation du dernier album du batteur japonais Ichiro Onoe que sa musique est comme l’eau vive qui change et se transforme en fonction de ce qu’elle rencontre...au fil des plages. 

Dans sa quête très personnelle What I Am qui tente d’augmenter sa compréhension du monde et de ses éléments, le musicien accompagné merveilleusement par un quartet très affûté suit la forme de l’eau à la recherche de signes, après s’être essayé au vent en 2014 avec Wind Child et au feu Miyabi en 2018. Raffinement et élégance continuent à imprégner les 9 compositions originales de Messages From Water sur le label Promise land, tant Ichiro Onoe fait chanter son percussif instrument. Construites avec soin, jamais trop longues, ses compositions adoptent le caractère essentiel de fluidité de l’élément qui inspire l’album.

Le “Diabolus Surf” initial démarre avec un groove irrésistible, bancal mais jamais chancelant d'un pianiste très monkien. Morceau de bravoure, le titre éponyme est présenté une première fois avec le chant de Thierry Péala qui sculpte la mélodie, eau bondissante qui se fraie un chemin du ciel à la mer, des montagnes aux rivières et la version instrumentale souligne les sinuosités de ce parcours accidenté. Dans la ballade “Ermitage” interprétée avec un juste mélange de ferveur et de mélancolie, le saxophone ténor de Geoffroy Secco donne sa pleine mesure alors que le batteur lance une pluie d’étoiles avant de finir par des résonances plus sourdes.

D’une pièce à l’autre, on bascule dans des climats différents, intrigant dans ce “Still Emotion” qui porte bien son nom où le pianiste Ludovic Allainmat valorise les détails de variations atmosphériques. Dans le “Flap’n Flow” qui suit, on ressent les nombreuses ruptures rythmiques qui ne perturbent pas les envolées vibrionnantes et insistantes du saxophoniste. Dans“Resistant” le Fender constitue un alliage fort avec le saxophone. Car tous participent de l’éclat comme de la vitalité de cette musique sans négliger des respirations comme dans “Stabiliology” qui donne la main au contrebassiste Damien Varaillon auquel s’arriment les membres de l’équipage. Autour de cette source fraîche, entretenue avec aisance, style et tempérament, sensibilité et sensualité, les différentes compositions font une ronde qui nous enveloppe de bonnes vibrations jusqu’au final alerte et rebondissant.

Compositeur impressionniste, musicien poète, Ichiro Onoe sait nous éloigner du chaos du monde dans la persistance d’un chant qui sait monter en puissance avec le jeu de son groupe. Du jazz comme on l’aime vraiment !

Sophie Chambon

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6 janvier 2023 5 06 /01 /janvier /2023 09:57

Disponible sur Arte.fr et dans les salles le 11 janvier 2023.

 

     En décembre 1969, Thelonious Monk débarque à Paris, étape d’une tournée européenne, pour un concert à la Salle Pleyel (le 15), et répond à cette occasion à l’invitation de l’ORTF pour une prestation en solo et un entretien avec Henri Renaud qui feront l’objet d’une émission télévisée, « Jazz Portrait » (31 minutes), réalisée par Bernard Lion et diffusée (en noir et blanc) le 28 janvier 1970.


    Le documentariste Alain Gomis  apporte aujourd’hui sa vision personnelle (et vivement controversée, on le verra) de cette rencontre dans ‘’Rewind & Play’’, montage de 65 minutes des rushes  de deux heures détenus par l’INA.
 


     « Les rushes qui ont été conservés nous montrent un Thelonious Monk rare, proche, en proie à la violente fabrique de stéréotypes dont il tente de s’échapper. Le film devient la traversée de ce grand artiste, qui voudrait n’exister que pour sa musique. Et le portrait en creux d’une machine médiatique aussi ridicule que révoltante. » indique le dossier de presse consacré au film coproduit avec l’INA, disponible sur le site Arte.fr et diffusé en salles le 11 janvier prochain.

 

« Renverser l’angle » des images


« Henri Renaud n’est pas journaliste, mais pianiste de jazz, pourtant il en endosse le costume aussi maladroitement qu’avec zèle, analyse Alain Gomis. Il développe sa vision fascinée d’un génie incompris, d’un artiste maudit avant la consécration... On sent bien qu’il est admiratif, mais le décalage est profond. Il semble lui-même le jouet d’un engrenage ».

     Convaincu de la nécessité de « se ressaisir des archives et leur donner de nouvelles lectures », le documentariste franco-sénégalais s’est ainsi attaché à « renverser l’angle avec lequel les images ont été filmées » et à « montrer la machine qui fabrique des points de vue tout sauf neutres et comment la télévision montre un musicien noir à cette époque ».

 

     Le montage sélectif effectué par Alain Gomis présente ainsi les différentes « prises » de l’interview de Monk (1917-1982) où l’on voit Henri Renaud (1925-2002) formuler ses questions, marquer des temps d’arrêt, hésiter, reprendre sa formulation. Rien que de très habituel dans ce type d’exercices pour un journaliste professionnel même si l’intervieweur occasionnel semble vraiment peu à l’aise dans cet emploi. L’amateur de jazz lui aussi se sent pris d’un certain malaise face au traitement réservé à Henri Renaud accusé par le réalisateur de « condescendance » vis-à-vis de Monk tout au long de l’entretien. Serait-il dans l’ignorance des liens amicaux existant entre les deux pianistes qui remontent alors à une quinzaine d’années : c’est Henri Renaud qui fit venir pour la première fois à Paris Thelonious Monk en 1954, qu’il considérait alors comme « un des artistes les plus puissamment originaux de notre époque » ? Serait-il aussi dans l’ignorance du caractère « taiseux » de Monk qui ne goûtait guère (un euphémisme) les interviews et cultivait l’art du silence comme personne, laissant plus d’un interlocuteur pantois, même le plus pointu soit-il ? Et encore passons-nous sous silence les commentaires haineux déclenchés par le documentaire sur la blogosphère où certains qualifient Henri Renaud de musicien « bourgeois » et « raciste » !

 

Monk et Renaud, des amis de longue date

 

    

     Les connaisseurs de Monk remarquent plutôt dans cet interview le regard amusé, empathique du compositeur d’Evidence face à un confrère qui « connaît la musique », respecté par ses pairs pour ses talents de musicien et de producteur (« Henri Renaud ? le grand genre » saluait Claude Carrière). Dans ''Blue Monk'' publié en 1995 par Actes Sud, Jacques Ponzio et François Postif écrivaient à propos de l’émission Portrait de Jazz : « il est évident qu’il (Renaud) connaît Monk depuis longtemps et que celui-ci l’apprécie ». Ayant visionné « Rewind & Play », les spécialistes de Monk contactés aujourd’hui par nos soins n’ont pas manqué de manifester leur « étonnement », leur « effarement » devant une telle relecture de l’histoire, devant une telle utilisation de rushes « simplement jetés en pâture au public ».

 

   

     Et la musique de Monk, me direz-vous ? Filmé au plus près, et disponible en couleurs avec gros plans sur un visage transpirant sous les projecteurs et sur les mains avec bagues aux petits doigts, Monk tel qu’en lui-même, fumant, s’abreuvant, joue en solo du Monk (Misterioso, Round Midnight…). Une heure de bonheur pur qui figurait sur le DVD publié par Mosaïc en 2011 en partenariat avec l’INA et présentant en bonus quelques images du séjour de Monk à Paris et des extraits de son entretien avec Henri Renaud, enrichis d’un livret éclairant. Un DVD hélas difficilement trouvable aujourd’hui. Pour paraphraser la loi de Gresham, « la mauvaise monnaie chasse la bonne ».

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Jim Marshall & X. (D.R.)

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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 12:56
Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.
Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.

Franck Bergerot

John Coltrane

Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne

Jazz Image records, 2022.

 

On croyait que tout avait été dit, écrit sur John Coltrane mais le saxophoniste, cinquante-cinq ans après sa disparition, le 17 Juillet 1967, continue à inspirer musiciens et chercheurs. Une œuvre qui traverse le temps et continue d’interroger. Franck Bergerot a mis à profit ses compétences de critique pour commenter l’une des étapes marquantes de l’évolution coltranienne, la révolution de Giant Steps.

John Coltrane virtuose et révolutionnaire? Sauf que quand l’histoire commence (John Coltrane, Giant Steps, La pierre angulaire du jazz moderne sorti chez Jazz Image Records), Coltrane a vingt-cinq ans «et peine encore à s’imaginer un avenir. Rongé par le doute, il était avide de savoir. La Connaissance serait la grande affaire de ce petit-fils de pasteurs. Il s’élancerait bientôt vers elle «à pas de géant» avec l’album Giant Steps».

L’auteur appuie son travail de recherches sur une bibliographie sérieuse mais aussi une écoute attentive de cette musique, un travail de défrichage des terres coltraniennes, en retraçant les reliefs et dépressions d'un itinéraire obstiné. Une occasion de le mettre à jour, de confronter ses connaissances au mythe.

Coltrane n’a jamais cessé, en effet, dans sa quête insatiable de sens, de travailler, d’enregistrer, de chercher. On le suit pendant ses années de formation où, influençable, il se nourrit de rencontres, se perfectionne aux côtés de Dizzy Gillespie avec lequel il grave ses premiers solos de sax ténor, sans avoir encore de personnalité propre. Le tournant, il le vivra avec le premier quintet de Miles Davis qui sait provoquer la créativité de ses musiciens, et plus encore avec Thelonius Monk au Five Spot de New York. Ce court passage chez le pianiste l’inspire : il usera bientôt de la vitesse à l’état pur avec ces rafales de notes en grappes, ces “sheets of sounds” selon Ira Gitler, critique à Downbeat.

Il use de «beaucoup de notes, comme s’il faisait ses gammes sur scène». Des nappes de son comme avec une harpe, instrument qui le fascine -sa dernière femme, Alice en jouera d’ailleurs!

Soultrane signé sur Prestige chez Rudy Van Gelder annonce l’ émancipation de la période Atlantic. Mais il faudra d’abord en passer par le retour chez Miles avec un nouveau sextet, une session chez Blue Note (Blue Trane) et les deux séances de Kind of Blue intercalées avec les enregistrements de Giant Steps, marquant l’arrivée chez Atlantic, chez Tom Dowd, pionnier de la stéréophonie. Plusieurs rendez-vous, sessions supervisées par le producteur Nesushi Ertegun ( 26 mars, 4 et 5 mai, 2 décembre) seront nécessaires pour graver ces titres mythiques, une première pour Coltrane qui a écrit l’ensemble de ces compositions, références à son entourage familial «Cousin Mary», «Naïma», «Syeeda Song Flute», à son partenaire Paul Chambers «Mr PC». Car sa vie reste indissociable de son oeuvre.

Dans un développement passionnant, Franck Bergerot détaille la révolution de «Giant Steps» et de ce "Countdown" au tempo effréné ou l’harmonie au grand large dans lequel Coltrane enjambe le cycle des quintes, en créant des graphiques- mandalas qui lui permettent d’explorer les modulations ou changements de tonalité. Usant à son tour d’une représentation cartographique, il met au point par des métaphores maritimes, dans une recréation transposée tout à fait passionnante, une navigation au grand large, le long de la côte méditerranéenne, qui prend la forme d’une merkabah juive.

Il insiste aussi sur ce qui fait l’originalité de ce disque, qui ne perd pas pour autant sa qualité «chantante», son lyrisme avec « une comptine, un air de fête et des nymphéas ».

Pour finir, Franck Bergerot souligne l’exceptionnelle influence des solos de «Giant Steps» et «Countdown» dans l’imaginaire des plus grands musiciens de jazz, saxophonistes, pianistes, guitaristes jusqu’à la version toute récente de la  chanteuse Camille Bertault.

L’aventure ne s’est pas arrêtée là. Si cet album sonne le départ de la carrière météorique de Trane, il n’est qu’une étape dans son parcours : d’autres suivront où il continuera son expérimentation, creusant son obsession du plein, son cheminement intérieur vers l’avant-garde. Mais ceci est une autre histoire que l’on espère suivre bientôt sous la plume érudite mais toujours d’une grande lisibilité de Franck Bergerot. 

Un livre que les amoureux du jazz  liront d'une traite  en regardant les illustrations des plus grands photographes tout en écoutant le CD incluant toutes les plages de Giant Steps avec en bonus cinq titres choisis par l'auteur... 

 

Sophie Chambon


 

Franck Bergerot       John Coltrane Giant Steps, la pierre angulaire du jazz moderne.
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