19 novembre 2008
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Il y a des mécontents partout. On les entend toujours et souvent beaucoup plus que leurs compagnons d’humanité optimistes et enthousiastes. Et pour le coup nous pourrions aussi faire notre mea culpa vu qu’il nous arrive parfois aux DNJ de nous égarer dans des faux sujets et de brandir des polémiques inutiles. Il y aurait pourtant si l’on prenait le temps de les déguster, matière à se réjouir des bonnes nouvelles.
Samedi dernier le guitariste américain John Scofield que nous avons rencontré lors de la soirée de clôture de 22èmes rencontres internationales de Nevers, nous parlait de son nouveau projet, « Piety Street Band » réalisé autour du blues et des vieux thèmes du Gospel. Parce que la conversation prit un autre tournant, nous parlâmes un moment de l’événement planétaire qui a bouleversé l’ordre du monde ce 4 novembre dernier. Sincèrement, très sincèrement je peux vous dire qu’à ce moment précis de l’interview j’ai senti John Scofield jusqu’ici très pro dans la maîtrise de son discours, perdre pied, submergé qu’il était alors par l’émotion de l’immense nouvelle que représente pour lui l’élection de Barak Obama. On sait combien les musiciens de jazz Outre Atlantique se sont mobilisés unanimement pour le sénateur de Chicago. On sait moins ce que fût leur souffrance pendant 8 ans de représenter une bannière étoilée dans laquelle ils ne se retrouvaient plus. Alors à ce moment précis de l’interview, le sentiment dominant de Scofield était bien au delà de celui de la fierté retrouvée. Il était celui d’incarner avec ce 4 novembre un pays courageux qui était allé au bout d’une démarche dont la puissance au moins symbolique est exceptionnelle. Et je peux vous dire que l’émotion de John Scofield investit comme tant d’autres musiciens blancs et depuis si longtemps dans la musique afro-américaine, cette émotion là, cette fierté incommensurable était très forte ce jour là.
Seulement voilà il y a des grincheux. Le journal « Libération » à peine Barak Obama élu, c’est à dire dans sa « une » du 6 novembre titrait sur les difficultés d’un mandat à venir dont on sait bien qu’il va être l’un des plus pourris qui soit. Mais quoi, ne pouvons nous pas nous poser et célébrer cette nouvelle si bonne, si heureuse pour l’humanité, savourer cet acte de non racisme à sa juste portée et nous donner le temps de poursuivre un peu notre rêve.
Mais voilà il y a des grincheux tout le temps. Une sorte de besoin de toujours tout remettre en cause et de polémiquer là où il n’y aucune raison de la faire. Tenez, prenez l’ONJ version Yvinec que nous avons rencontré ce mois-ci et qui présentait l’autre jour le programme qui sera le sien pour les trois années à venir. Et bien cet ONJ à toutes les raisons de nous enthousiasmer. Courageusement Yvinec a fait le choix d’ouvrir cette formation à de jeunes talents, de jeunes musiciens pratiquement inconnus du grand public, des talents fous aux univers contrastés. Avec un vrai esprit d’ouverture, Daniel Yvinec joue a fond sa carte de directeur artistique, se propose d’aller à la rencontre de différentes formes d’art, de marier des compétences inattendues ( Alban Darche et Billie Holiday), de s’ouvrir aussi bien à la pop qu’au jazz. Bref foisonne d’idées de créations et de rencontres avec une curiosité qui devrait forcément émoustiller la notre. Rien ne nous est dévoilé pour l’heure de ce que sera la forme aboutie de ces projets mais l’on sait qu’ils seront foisonnants. Une autre conception de l’ONJ assurément. Pas matière à faire le grincheux, pas de matière à la critique. Juste à nous laisser prendre par cet esprit d’ouverture et d’accueil. Aller à notre tour à la rencontre d’un monde qui bouge. Sans arrière pensées.
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Editorial
12 novembre 2008
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CD baby 2008
Sandro Zerafa (g), David Prez (ts), Olivier Zanot (as), Yoni Zelnik (cb), David Georgelet (dm)
Comme quoi il ne faut pas forcément jouer dans les clubs de la grosse pomme pour faire du jazz New Yorkais ! Preuve en est, ce nouveau quintet franco-maltais épatant mené avec beaucoup d’enthousiasme et une sacrée de dose de talent par le guitariste Sandra Zerafa. Grosse révélation de cette rentrée qui ne va pas tarder, c’est sûr à conquérir son public. Car on ne peut manquer d’être séduit par la qualité des compositions et du jeu de ces jeunes musiciens qui tout en s’inspirant de leurs maîtres américains (on reconnaît Rosenwinkell, Redman, Chris Cheek, ou David Biney) va bien au-delà des clichés habituels (son de groupe, groove, évanescences harmoniques) de bon ton de l’autre côté de l’atlantique. Ce côté là de la musique américaine s’y retrouve certes mais il s’en dégage ici un parfum nouveau, une fraîcheur certaine et surtout un réel enthousiasme à jouer une musique faite de tramage et de contrepoint sur lesquels les saxophones ténor et alto de David Prez et Olivier Zanot font merveille. On connaît David Prez et son travail aux côtés de Romain Pilon ne cesse de nous séduire. S’il confirme ici tout le bien que l’on pense de lui et de son phrasé précis et incisif il semble en l’occurrence parfaitement émoustillé et galvanisé par la présence d’un autre saxophoniste. Et quel saxophoniste ! Olivier Zanot à l’alto ne cesse de nous Émerveiller par sa façon de jouer en s’appuyant sur son camarade de jeu.
Jamais dans le « trop - jouer ». Olivier Zanot maîtrise parfaitement un jeu basé sur l’écoute de son partenaire, profitant des espaces laissés libres pour y ajouter toujours la note juste, celle qu’il fallait pour rehausser l’ensemble. Il est vrai que dans cet exercice contrapuntique, il était particulièrement rodé par le duo qu’il formait précédemment avec David El Malek au sein du Blowin trio de Laurent Coq. Ici son association avec David Prez fait merveille chacun se mettant sans esbroufe mais toujours avec une sacrée énergie au service de la musique. Et la paire Zelnik-Georgelet, que l’on a vu souvent tourner ensemble dans le passé se retrouve là aussi à merveille dans l’impulsion d’un groove sous jacent, jamais lourd, une sorte de groove d’une rare finesse. Georgelet y affiche clairement son amour de Motian. Le maître d’oeuvre de cet ensemble c’est Zandro Serafa qui signe là des compositions absolument remarquables d'intelligence autant que de finesse. Subtilité des timbres, équilibres des différentes parties, solistes et non solistes mêlés, tramages et contrepoint un peu à l'image, justement de ce merveilleux album de Paul Motian ( « Garden of Eden »avec Chris Cheek et Tony Malaby) dont on sait qu'il a inspiré l'écriture de Zerafa. Jusqu’à reprendre et surprendre avec un somptueux Lullaby véritable hommage à Ornette. White Russian sonne comme le nom de ce cocktail à base de vodka, de lait et de crème de café. Un alcool à la fois fort et doux. Du genre qui se boit tout seul et dont on ne se lasse pas. Une ivresse assurée.
Jean-Marc Gelin
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12 novembre 2008
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Cristal Records – Abeille Musique
Dans la plus stricte et légendaire formule des trios de guitare et orgue, David Reinhardt nous offre ce mois-ci un album au doux nom de « The Way of Heart ». Accompagné par le précieux Florent Gac à l’orgue et du remarquable batteur Yoann Serra, c’est au détour de compositions et d’arrangements que les musiciens de ce trio accueille sur quelques titres des invités de marque comme Cyrille-Aimée au chant, Sébastien Gimaux au violoncelle et Olivier Témime au sax ténor. Avec un Jazz plein de pudeur et de retenue, la fraicheur transpire du début à la fin de cet opus, avec au passage quelques clins d’œil au passé qu’il est difficile d’ignorer comme par exemple la reprise de cette composition du « chat » René Thomas, « Theme For Emmanuel » ou encore cette composition de Kenny Burrell appelée « Lyresto », puis enfin un « Moon Blue » de Stevie Wonder revisité avec passion. Sans trop de nostalgie quand même, il faut toutefois souligner la somptueuse présence de compositions originales qui révèlent un certain bon goût. Les innombrables qualités des improvisateurs sont largement identifiables par leur audace, leur inventivité, leur originalité aussi. Cette participation inhabituelle du violoncelle au sein d’une telle formation propose un regard nouveau et une vraie question pour l’instrumentation de ce type de Musique, et qui plus est, aux mains d’un violoncelliste talentueux aussi bien dans l’interprétation des thèmes que dans l’improvisation. Ne pas oublier aussi la participation de la voix de Cyrille-Aimée, ajoutant un zest de tendresse. Dans la composition donnant son nom au disque, les arrangements, par moment sous formes de dialogue instrumentaux, sont d’une indéniable beauté, témoignant un lyrisme hors du commun. Nous ne nous retrouvons pas si éloigné d’un style manouche, célébrant principalement le Groove, parfois associé au Swing ou au Bop, avec de légers accents Pop et Soul. Réunissant diverses formules et combinaisons d’instrumentation au fil des titres, cet album nous donne un formidable aperçu de tout un pan de l’histoire de la guitare Jazz, et tout cela enregistré avec talent par François Gaucher au studio Alhambra-Colbert de Rochefort. A noter aussi l’incroyable subtilité du phrasé du saxophoniste Olivier Témime qui, années après années, prends de plus en plus de valeur tel un bon vin qui mûrit. Pour l’avoir invité, on comprend aisément le choix de David Reinhardt. Ce guitariste de seulement 22 ans a déjà tout d’un grand par la remarquable maîtrise de son instrument de prédilection mais aussi par ses idées esthétiques. Est-il encore une fois de plus nécessaire de rappeler que nous avons affaire au petit fils de pas n’importe qui ? Tristan Loriaut
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12 novembre 2008
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Laïka : « Misery »
Blujazz » 2008
Quatre ans ou presque sans nouvelles discographiques de la chanteuse française d’origine ivoiro-marocaine, Laïka Fatien. On ne peut pas dire qu’elle soit de ces chanteuses nous inondent de productions. Elle nous avait fortement impressionnée en 2004 avec son disque-hommage à sa mère, Look at me now. Elle nous revient cette année avec un hommage à sa mère spirituelle, Billie Holliday, à laquelle elle joint sa voix pour nous dit-elle « célébrer la beauté, le courage, la force dont elle fit preuve jusqu’à son dernier soupir ». Un hommage en toute humilité et simplicité. Un hommage qui s’ouvre avec le piano sombre et intense de Robert Glasper, extraordinairement inventif, immensément inspiré, aspiré et respiré par la chanteuse à la manière de Mal Waldron (dans ses duos avec Jeanne Lee). L’album est dédié à la mémoire de Thomas Shipp et d’Abraham Smith, ces deux afro-américains battus et pendus en 1930 par une foule en colère. Laurent Beitler photographia ces corps morts se balançant à un arbre et cette photo inspira à Abel Meeropol, Strange Fruit, le puissant cri de révolte que le public de Billie Holiday aimait tant entendre : « Les arbres du Sud portent un fruit étrange, du sang sur les feuilles, du sang à la racine, des corps noirs se balançant dans la brise du Sud, un fruit étrange pendu aux peupliers ». Dès les premiers accords Laïka Fatien s’installe dans ces mots et dans cette musique de manière très personnelle et très moderne. Elle offre une interprétation sobre sans trémolos ou lamentos, sans se laisser happer par une quelconque émotion de titres parfois méconnus de Billie (You can’t lose a broken heart). C’est une femme d’aujourd’hui extrêmement forte et une chanteuse de jazz sensible qui s’approprie complètement ce répertoire avec l’aide d’excellents musiciens. Car la jeune femme a très bien su s’entourer pour cet album. Elle y convie pour trois morceaux le très généreux saxophoniste ténor David El Malek et son trio de musiciens est très efficace. Mais c’est surtout le pianiste Robert Glasper qui nous surprend sur cet album. De lui, nous ne connaissions pas grand-chose et nous le découvrons ici très en verve, sublime dans les ténèbres (Strange fruit) , lumineux dans les profondeurs (How deep is the ocean), intense dans la solitude (Left alone).
Régine Coqueran
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8 novembre 2008
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Label Bleu 2008
Malik Mezzadri (fl,vc, p), Denis Guivarch’ (ts), Jozef Dumoulin (fender), Sarah Murcia (b), Maxime Zampieri (dm), Nicolas Genest (bg), Airelle Besson(t), Allonymus (vc), Minino garay (perc), Gilbert Nouno (electro), Scoprene Horribile (vidéo)
Double album, double face et double avis sur ce nouvel opus du compositeur- flûtiste Magic Malik dont on sait combien il affectionne les univers musicaux complexes, à l’image de son mentor Steve Coleman. C’est en effet un travail très ambitieux auquel se livre Malik avec une première partie dans laquelle il semble s’affranchir de ses habituelles contraintes pour laisser place à un univers à la fois lounge et mystérieux dans lequel des suites féeriques (Marthe dans la Jungle) côtoient une sorte de pop très actuelle avec luxe d’arrangements. La parlé chanté (créole) s’insert avec des résonances très personnelles donnant le sentiment que Malik nous raconte un peu sa propre histoire, son parcours musical. N’hésitant pas à faire simple lorsqu’il le faut, Malik sait aussi émouvoir sur des thèmes un peu simples et pourtant fort bienvenus. Il y a assurément dans ce premier CD un effet de mode qui en exaspéra certains et donnera au contraire aux autres des pistes à explorer pour un jazz renouvelé. Mais tout se passe comme si dans cette première partie, Malik cherchait son propre discours, hésitait sur les voies à suivre, se laissait parfois aller à plus de simplicité visant un plus large public qui décevra un peu les chapelles jazzistiques et pourra peut être séduire un public venu d’ailleurs. Un public acquis à la soul et au funk et qui se situerait entre la pop, l’électro et le jazz auquel le syncrétisme de Malik donne ici écho.
Dans la deuxième partie Magic revient à ses précédents travaux et à ses thèmes baptisés XP qu’il avait développés dans son précédent album autour de principes systémiques, (parfois de simples mélodies enfantines) qu’il se plaît à retravailler en s’imposant des contraintes harmoniques ou rythmiques. Cette deuxième partie, revient au jazz et s’ouvre logiquement par une reprise très modernisée (et pas terrible d’ailleurs) de Giant Steps.
Mais l’essentiel de cet album réside plus dans l’espace laissé aux musiciens et (une fois n’est pas coutume) à Malik lui même qui, à la différence de ses précédents albums, s’expose beaucoup plus et s’affiche carrément comme une référence absolue de la flûte dans le monde du jazz tant il explose de maestria et d’aisance rarement atteints. Ses compagnons de jeu font aussi remarquable figure qu’il s’agisse de Denis Guivarch’ ou de Jozef Dumoulin ou de Nicolas Genest et Airelle Besson même si leur terrain de jeu est plus étroit.
Un peu schizophrène ce double album brasse assez large un public jeune pour que tout le monde y trouve son compte. Assez consensuel en somme.
Jean-Marc Gelin
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8 novembre 2008
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Must record 2008
La planète de Rhoda Scott qui débarqua ce soir là dans le club de jazz parisien est une gynécée. Et pas de la moindre des espèces. Tenez, quatre filles là sur la scène. D’abord Lisa Cat-Berro qui joue (sublimement) du sax alto et qui vous délivre un chorus renversant de tendresse sur Nizza. Il y a Sophie Alour, saxophone ténor que le grand public connaît un peu mieux et qui maîtrise le « son » comme pas deux, fidèle l’esprit de Joe Henderson très prégnant toujours chez elle. Quand à Julie Saury, elle est là derrière, elle donne l’impression de pas faire grand chose et pourtant il est pas mal de musiciens à paris qui vous diront combien elle assure avec ce drumming assurance tous risques devant lequel il est quasiment impossible de se perdre. Et puis enfin, Rhoda Scot "The Barefoot Lady " (l'Organiste aux Pieds Nus) qui a ici moins les allures de la mamie de ces jeunes bougresses que de la complice qui assurément passe le témoin à la nouvelle génération. Rhoda Scott dont on a à peu près tout dit sur sa façon de nous plonger tout à la fois dans les clubs de la 52ème rue que dans les églises de Harlem. Rhoda Scott qui swingue, Rhoda qui chante le blues (I’m just your fool), Rhoda qui joue le groove et la ligne de basse, Rhoda toujours merveilleuse de générosité envers cette musique qu’elle perpétue (notamment au travers de ses compositions). Car avant de venir, pour sûr ces jeunettes avaient appris par cœur les disques de Jimmy Smith ceux avec Tina Brooks, Ike Quebec ou Lou Donaldson. C’était en 1960. Et ce soir là, même en jouant un audacieux Hymne à l’amour un peu casse-gueule ou en se jetant dans un Pistaccio de Pee Wee Ellis certes plus tardif c’est avec jubilation que l’on replongeait presque 50 ans en arrière. Et c’est avec un pied terrible que l’on se dit que cette musique n’a décidément pas pris une ride. Et Rhoda non plus.Jean-Marc Gelin
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8 novembre 2008
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Yolk Records – Indigo
Bruno Régnier est un créateur bien particulier de projets aussi audacieux que créatif. Cette « Suite… de danses » rassemble un collectif tout à fait intéressant par la présence de Sébastien Texier au sax alto et à la clarinette, Rémi Dumoulin au sax ténor et à la clarinette, Olivier Thémines à la clarinette, Alain Vankenhove à la trompette, Matthias Mahler et Jean Louis Pommier au trombone, Alexis Thérain à la guitare, Frédéric Chiffoleau à la contrebasse et enfin Matthieu Desbordes à la batterie. A la composition et à la direction de cet orchestre à géométrie mouvante, ce créateur nous offre un nouvel opus réunissant des souvenirs de Musique folklorique, dans un climat de Musique de chambre autant que de jazz, où l'écriture se fait vive, fantaisiste et inventive. L'X indique évidemment la variabilité de l'effectif et des possibilités d’assortiments. Cet album s’ouvre sur « Brass Dance », composition débutant sur une longue et rutilante note du tutti, laissant présager une préciosité bien particulière de l’agencement de chaque pupitre. Ce tutti, s’arrêtant net, laisse place par surprise, comme un oublié, au saxophone alto, continuant sa note tenue en solitaire. Tel une forêt d’arbres qui s’échouent tous ensemble pliés par le vent, tous sauf un seul. Et justement. On retrouve ici une idéale manière d’accompagner des images, celle dont use le « Ciné X’Tet » de Bruno Régnier pour accompagner les aventures de Buster Keaton à l’écran. Dans ce disque très fourni en écritures, la place de l’arbitraire demeure importante, étant aux mains de formidables improvisateurs que sont chaque soliste. Au passage, Sébastien Texier illumine par la suprématie de son phrasé, émanant d’une pure intelligence. Il faut aussi souligner la solide musicalité d’une section rythmique donnant la réplique de belle manière à ce cortège, parfois au service de la folie furieuse. Des accents de Musique Free et Contemporaine dans « La claudicante » mais aussi des soupirs élégiaques à consonances d’Europe de l’est, de féériques évocations au cirque dans tous ce qu’il y a de farce et attrape dans « Fin de danse », le swing à couper au rasoir d’un Jazz étourdissant dans « Alaoud ». Une suite de danses remplie d’idées majeures tout en nuances, de long en large composée par la plume d’un savant arrangeur à suivre. Tristan Loriaut
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6 novembre 2008
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Egea 2008
Dans la tradition des grands compositeurs brésiliens, Guinga n’est pas celui dont le nom revient le plus souvent. C’est pourtant une hérésie que nous pardonneraient difficilement les amateurs de la musique des cariocas et du Nordeste qui le considèrent depuis longtemps comme l’une des principales figures brésilienne d’aujourd’hui. A 58 ans en effet Guinga ne compte plus les marques de reconnaissance qui l’ont amené à jouer et surtout à écrire pour les plus grands, jusque et y compris Michel Legrand avec qui il collabora un temps. Le clarinettiste Gabrielle Mirabassi qui signe les liners notes de cet album et qui participe à quelques titres fait partie des aficionados de la première heure et attire notre attention sur l’extrême qualité du quartet constitué autour du compositeur-guitariste et qui regroupe, à ses côtés notamment deux musiciens exceptionnels, à savoir la clarinettiste Paulo Sergio Santos (que Mirabassi porte pour son héros – c’est dire !) et le trompettiste Jorginho Do trompete qui exalte un Ingreja da penha allant chercher on ne sait trop comment dans l’extrême aigu des notes d’une sublime poésie. Car avec une douce mélancolie, ces musiciens semblent chanter les mélodies de Guinga dans un balancement subtil d’un raffinement extrême. Les images du livret montrent d’ailleurs Guinga embarqué dans une ronde, bras en croix, comme emporté par sa propre musique. Sur le titre sur lequel il chante (Senhorinha que l’on entend à l’égal d’un Luiza de Jobim) il crée par sa voix et la complicité fluette du clarinettiste une émotion diaphane au charme irrésistible. Quelque chose de désuet se promène tout le long de cet album avec une démarche gracile et subtile tout à la fois. Doucement cette musique s’empare de la samba, de la bossa nova sans jamais s’y heurter à ses lourds clichés mais en exaltant avec un romantisme charmant la capacité d’émotion. La clarinette de Paulo Sergio Santos pure et claire virevolte, exceptionnelle dans les rythmes égrenés à l’affût de la pulsation légère. Le son cuivré de la trompette arrose de soleil les floraisons mélodiques de Guinga qui, à la guitare se fait aussi mutin que cajoleur. Il est bien temps que nous apprenions ici que, quelque part du côté de Rio de Janeiro (dont il est originaire) se trouve un musicien à l’égal de Carlos Jobim, de Villa Lobos et de Caetano Veloso. Avec une élégante humilité et sans faire de bruit, la musique de Guinga ne cesse de nous charmer, portée ici par des musiciens exceptionnels, en totale empathie avec la musique, superbe d’un très grand compositeur. Jean-Marc Gelin
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6 novembre 2008
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Nonesuch 2008-09-20
Bill Frisell (g), Rone Miles (cnt), Greg Tardy (ts, cl), Eyvind Kang (vl), Hank Roberts (cello), Tony Scherr (cb), Kenny Wollesen (dm)
C’est un album très ambitieux que signe là Bill Frisell. Un album aussi fourre-tout qui résulte pour partie d’un travail déjà commencé à l’occasion de « Mysterio Sympatico », une commande présentée en 2002. C’est dire si l’on va chercher loin pour cet album qui mêle un peu tout, qui associe d’anciennes compositions avec des nouvelles, des parties enregistrées en studio et des parties en live pour un ensemble assez long de 2 CD qui veut se penser comme une suite mais dont il faut bien avouer que l’on perd totalement le fil conducteur. Fidèle à sa tradition Bill Frisell ne sous simplifie pas la vie puisqu’il puise dans plusieurs racines musicales à la fois allant du blues porteur d’une certaine tradition de l’Amérique à des racines plus africaines sur des tourneries où il se plaît à jouer de sa guitare comme d’une Kora. Quelques thèmes reviennent en boucle tel un leitmotiv marquant quelques repères dans cette grande et ambitieuse histoire américaine où les atmosphères cool que Bill Frisell se plaît à créer côtoient une certaine pétulance inventive du côté des cuivres. Lorsque Bill Frisell convie les cordes portées par la percussivité d’un Kenny Wollesen qui délaisse ici le vibraphone on est un peu gêné par l’emprunt de Bill Frisell à son copain John Zorn qui frôlent parfois le plagiat allant puiser à la fois du côté de Bar Kohkba (Probability Cloud) ou des superbes Dreamers (a change is gonna come) dont nous avons parlé cet été dans ces colonnes. De même ses compositions côtoient quelques emprunts tel Jackie-ing (Monk) ou un superbe Subconcious Lee (Konitz) qui tombe ici un peu comme un cheveu sur la soupe.
Alors, à défaut d’une démarche très claire de Bill Frisell , dont on aurait aimé qu’il exprime son propos au travers des liners notes explicites, on se perd dans cette œuvre ( cette somme devrait on dire) un peu magistrale mais surtout décousue où quelques moments superbes ( Probabilty cloud, Baba drame, Struggle part 2) côtoient néanmoins quelques moments d’ennuis distingués parmi lesquels on retiendra notamment quelques moments de bravoure du saxophoniste Greg Tardy ici véritablement décisif. Jean-Marc Gelin
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6 novembre 2008
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Igloo/Abeille. 2007
C’est la crise. La vie est dure et cruelle dans un monde froid et sans pitié où règnent l’égoïsme et la misère des sentiments. Où sont donc passés l’amour, la chaleur humaine et la sensualité ? Qui revendique encore la quête des sens, l’émotion à fleur de peau et la brûlure du désir ? C’est une jeune femme belge et sa bande de musiciens qui va nous réconforter et peut-être sauver le monde. Elle s’appelle Mélanie de Biasio et une boule de chaleur logée au creux de son estomac va se dégager et nous irradier de bonheur et de volupté. Une musique ouatée, hypnotique et envoûtante, portée par une voix sensuelle et mélodieuse. Des compositions originales et lancinantes où règnent l’improvisation et l’invitation à un voyage onirique. Une cohérence musicale, soulignée par un remarquable travail de production, qui nous emporte dans un univers personnel, éloigné de tout formatage. Des chansons qui s’étirent avec générosité et charme, une ossature rythmique imperturbable où naviguent avec bonheur le mélange délicat d’un piano acoustique et d’un clavier électronique (et par moment l’envol d’une flûte charnelle ou d’un saxophone aérien). Une majorité de tempos lents et mediums qui n’empêchent pas le déhanchement d’un swing feutré et irrésistible (Never Gona Make It, Let Me Love You). Une reprise mémorable et déchirante de My Man’s Gone Now de Gershwin et une chanson oubliée, Les Hommes Endormis (jadis chantée par Brigitte Bardot) teintée de blues et de tendre nostalgie. Le charisme de la dame, le talent des musiciens et la beauté des compositions vous attendent le 09 décembre à Paris, rue des Lombards dans la chaleur feutrée du Sunside. Momentanément, il n’y aura plus de crise. Lionel Eskenazi
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