Nocturne 2008
Inclassable. Cet enregistrement ne vous laissera pas indifférent. Difficile de ne pas rester scotché devant un tel monument. Il faut tout d’abord commencer par expliquer qu’il s’agit d’une commande faite par le festival « Jazz entre deux tours » de La Rochelle, à l’intention du pianiste français à renommée internationale Olivier Hutman. Ayant pour thème la francophonie, enregistré en Octobre 2006 au studio Alhambra-Colbert de Rochefort par François Gaucher, ce disque regroupe les musiciens complices du pianiste, en la personne du saxophoniste d’origine guadeloupéenne vivant à New York, Jacques Schwarz-Bart. Mais en comptant également sur les talents du contrebassiste Salvatore De La Rocca et du batteur Hans Van Oosterhout, tous deux originaires de cette Europe du nord franco-flamande, productrice de remarquables artistes. Ce quartet interprète les compositions d’Olivier Hutman tout au long de ce disque au caractère résolument dansant et festif. Les mangroves, cette végétation aux rivages de chaque continents, représentent ce qu’il y a de plus commun entre les terres séparées par les océans. Dans cet hommage plein de « bravitude » commence la première danse de ce disque (« Status Island »). Le groove y est tellement monstrueux qu’il en ferait presque peur. La rythmique de ce quartet développe une énergie déroutante, pleine d’interaction, poussant nos hanches à se trémousser, pour ne pas dire autre chose. Mais rien de vulgaire dans tout ceci, car la finesse du choix du son est poussée à l’extrême lorsque se laisse entendre un étrange effet électronique sur le timbre nasillard d’un saxophone endiablé. S’agirait-il d’une traditionnelle pédale wah-wah ? On connaissait le goût prononcé de Jacques Schwarz-Bart pour les essais électroniques, ainsi que pour l’incarnation de la descendance d’un Sonny Rollins des îles. Aussi, il est impossible de passer à coté des remarquables solos du pianiste Olivier Hutman, jonglant sur les contrastes in et out de l’harmonie, offrant un merveilleux panorama sur sa magistrale technique d’improvisateur. C’est dans sa troisième composition, « The Path That Was Always », que l’esprit dansant des caraïbes refait son apparition, toujours dans un respect scrupuleux des formes traditionnelles du Jazz, thème-solos-thème. Cet album est construit sous forme de suite offrant une série d’envolées exclamatives, mais aussi entrecoupés d’incantations méditatives réalisées à la flûte traversière, en témoigne cette intro du blues intitulé « Chain of Souls ». De long en large, ce recueil de compositions est truffé de redoutables grooves, dynamiques et imposants. Comment rester insensible devant la magie sans cesse renouvelée de ce que le Jazz a de plus majestueux dans ses mélanges. Pour achever ce lancé de pavé dans la mare, le disque se termine par un morceau intitulé « The Cliffs », gorgé d’un swing à géométrie variable, lourdement pénétrant de passion pour la Musique d’Herbie Hancock. C’est par cette passion que l’on devine sans efforts tout le coté enfant des protagonistes de cette œuvre remarquable. Un amusement sans doute partagé par les auditeurs. Tristan Loriaut