Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 11:39

Mouellic-Kwahule.jpgFRERES DE SON : Koffi Kwahule et le Jazz : Kwahulé et le jazz : entretiens

Collection : Éditions théâtrales 2007

 

 Rarement aura t-on entendu propos plus inspirés et plus intelligents sur le jazz. Ces propos tenus à bâtons rompus devant l’universitaire Gilles Mouellic n’émanent pas d’un critique célèbre ou d’un musicien de jazz mais du dramaturge Ivoirien, Koffi Kwahulé. Ce dernier, auteur d’une vingtaine de pièces traduites partout dans le monde partage son amour du théatre et de cette musique et jette les ponts entre son écriture et le jazz. Entre le son des mots et le son du jazz. Entre le rythme de ses pièces et le rythme du jazz. Entre la façon qu’ont les acteurs d’habiter l’espace et celle qu’à le jazz de le faire vivre tout autant.

Il y est alors question de Coltrane et de Monk beaucoup, mais essentiellement au travers d’une réflexion plus large sur ce qui est essentiel dans l’art. Sur ce qui peut prendre la forme d’une question existentielle où il serait affaire de vie ou de mort.

Kwahulé trouve dans son théâtre des résonances avec cette façon qu’à la jazz d’habiter son temps de manière paradoxalement universelle. La création brute et instantanée du jazz ramène à une vérité existentielle de l’homme et à la solitude de l’artiste avec le destin pourtant collectif qu’il (qui) se crée par son jeu. Dans son théâtre comme dans le jazz, on parle de la catastrophe et de la violence de la condition humaine, de la condition de l’homme noir. Kwahulé le dit bien « c’est la musique d’un écartèlement qui a créé une béance.Une béance que le jazz entretient dans sa structure même. Le jazz ne vient pas combler mais « ouvrir » des impasses. C’est une musique du manque »

 

Koffi Kwahulé a écrit entre 1993 et 2006 plusieurs pièces dont Cette vieille magie noire (1993) ;  Babyface ( Gallimard 2006) ; Big Shoot- P’tite Souillure (2000) ; Misterioso-119, Blue-S-Scat (2005) etc…

 

Gilles Mouellic enseigne le jazz et le cinéma à l’Université de Rennes-2. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Jazz et Cinéma : paroles de cinéastes paru en 2006 ( cf. art des DNJ)

 

 

Ce livre lumineux et brillantissime se lit d’une seule traite tant on est séduit par le discours du dramaturge. Le propos n’est pas kéger mais lourd d’un sens que Kwahulé nous revèle dans sa terrible et formidable vérité.

Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 11:37

images-copie-1.jpgpASCAL jOUSSELIN

Treize Etrange 2008 ;  102p

Prix indicatif : 15€

  Dans cette collection de BD qui donne la part belle à l’étrange et au surréalisme, Pascal Jousselin signe quelques petites planches où 14 histoires courtes portent le nom d’un thème de jazz (Blasé (d’Archie Shepp), Let’s get lost (Chet Baker), Olé (John Coltrane), Swing low swing cadillac (Dizzy Gillespie), Over the years (Abbey Linclon) etc……) et où il n’est pas question d’autres chose que de petites fables sans queues ni tête.

On y croise un jazzman qui lave les rues salies par des poissons pourris (dans livre, comme sur la couverture, il pleut effectivement des poissons pourris), un autre est hanté tous les ans à heure fixe par le fantôme de Fred Astaire, dans l’appartement d’un autre encore on s’enfonce dans la moquette jusqu’aux genoux, des geysers de feu explosent un peu partout dans les rues de la ville et les trompettistes ont des oreilles de lapin.

Pascal Jousselin qui avait déjà signé des albums comme les Aventures de Michel Swing, Insomnies ou les Voleurs de Salsifis réalise là un petit album au dessin charmant sur fond bleu et noir. Sous l’apparence d’un dessin très réaliste se dessine en contrepoint la poésie une peu folle, le rêve éveillé. Ce monde est celui dans lequel nous sommes plongés lorsque nous écoutons ces thèmes de jazz, ces morceaux qui ont la capacité de nous transporter. Un peu à la manière de son personnage dans Olé qui lorsqu’elle met la musique dans son lecteur voit le monde hostile qui l’entoure se modifier ou disparaître. Ses héros sont fragiles et un peu paumés, mais pas trop. Ils conservent une sorte de capacité un peu juvénile à se foutre du monde d’ailleurs, du vrai monde dans lequel finalement ils ne sont pas réellement.

Jean-Marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
16 mars 2008 7 16 /03 /mars /2008 11:33

mel-torme-copie-1.jpg
http://www.cherryred.co.uk/el/

 

Chanteur, mais aussi pianiste, batteur, parolier et compositeur, (sans oublier romancier acteur et …pilote de ligne), Mel Tormé était un artiste complet très proche de l’univers du jazz. Moins connu que « the Voice » Frank Sinatra dont il  était de dix ans le cadet, ou de Fred Astaire, auquel il rendit hommage dans un mémorable « Mel Tormé  sings Astaire »,  sa carrière bien remplie  ne connut pas le succès auquel il aurait pu prétendre. Pourtant sa voix fraîche et nuancée, aux intonations subtiles, en fait un crooner de talent, reconnaissable immédiatement. Sa voix de velours (il fut surnommé the velvet fog), une diction impeccable, et une technique parfaitement maîtrisée en font un des grands chanteurs, un de ceux qui comptent dans le panthéon des Jazz male singers ! Il excelle dans la ballade, swingue avec énergie, s’adapte et adopte tous les tempi même les plus « deguelandi » passe du blues à la bossa ou aux rythmes latins (Carioca)

On entend sur cette réédition du label anglais Cherry Red quelques standards qu’il transforme avec intelligence comme l’éternel « Night and Day » de Cole Porter qu’il chante de façon plus musclée que Fred Astaire par exemple et en scatant d’une belle manière .

On entend aussi quelques chansons de son cru comme le délicat « Born to be blue » qui commence l’album, l’éternel « Christmas Song » qui fut repris par tellement de chanteurs et chanteuses, « Welcome to the Club » et une curiosité aujourd’hui un peu défraîchie la  « California suite » où les cordes sont redoutables mais cette suite  historique, plutôt discutable aujourd’hui était dans le style de l’époque. C’est la partie la plus datée du disque.

Mais s’il aimait à s’entourer de big bands plus ou moins suaves, il eut cependant comme compère inimitable et raffiné Marty Paich entouré de nombre de  talents de la West Coast (écoutez à ce propos « the 1956 Tormé-Marty Paich legendary sessions » chez Fresh Sound ) .

Une réédition au final intéressante qui permettra de redécouvrir un grand du jazz vocal !

Sophie Chambon

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:40

Ferre-ITW-copie-1.jpg


DNJ : Que représente pour vos l‘héritage de Django
: Django pour moi c’est le maître de la guitare. Mais je me situe dans quelque chose qui va plus loin. Une conception musicale qui va de Gaston Bachelard à Roland Barthes.




Boulou 

Pendant les évènements de 68 j’habitais rue du Bac, on était un groupe rive gauche avec Godard, Sartre, Simone.  Je me souviens qu’à l’époque JP Sartre disait «  Aragon est vivant, André Breton est mort, c’est un  double malheur pour la pensée honnête ». Je veux dire par là que en tant que Gitan il était important pour moi d’avoir une approche qui aille au-delà de la musique mais qui embrasse la pensée française, une pensée musicale autant que philosophique. Dans ma génération il y a autre chose, il y a les beufs au Chat qui Pêche, il y a Barney Wilen ou Jacques Thollot. A l’époque je me suis pris en pleine gueule Léo Ferré, François Beranger, Colette Magny. Dans mes influences il y a Jimi Hendricks.

Lorsque j’étais au Chat qui Pêche à 17 ans il y avait Dexter Gordon. Joe Jones me poussait la baguette dans la dos en me disant «  go man ! » et m’incitait à y aller. Alors je demandais à Dexter : «  qu’est ce que tu vas jouer » et lui me répondait «  ne me demande jamais ce que je vais jouer parce que à l’instant où je vais commencer je ne sais pas ce que je vais jouer. ». C’est cela pour nous la musique, une profession de foi. On est un peu reliés avec l’invisible.

 

DNJ : Mais quelle est la part de l’héritage dans votre engagement musical ?

 

Boulou : J’appartiens à une génération où les guitaristes qui ont fait bouger les lignes sont Philipp Catherine, moi-même, Christian, Elios. A l’époque j’étais souvent au Chat qui pêche. A l’époque on jouait free. A l’époque je jouais aussi jazz rock avec Stanley Clare. J’avais 18 ans et mon influence était surtout  l’époque celle de JimMorrisson, Jefferson Airplane……Je jouais totalement électrique, pédale wha wha. Mais en même temps dans mon parcours, j’ai fait la première partie de John Coltrane en 63. J’avais 12 ans.

DNJ : Cela fait quoi à 12 ans de jouer en première partie de Coltrane ?

 

Boulou : J’etais tout petit et je me suis retrouvé carrément assis sur ses genoux. Ce qui m’a marqué c’est son attitude. Una attitude d’une suprême élégance. Il avait en lui cette façon de posséder toute la mémoire du monde. On a alors joué un Blues en B flat. Maurice Cullaz etait là, il y avait aussi Art Farmer . Moi j’ai demandé à Coltrane : «  Monsieur Coltrane, qu’est ce que je peux faire ? » . Il m’a répondu «  tu ne fais rien, tu te laisses grandir et tu fais comme une abeille qui butine, tu fais ton miel »

 

DNJ : Mais pour en arriver là il faut que derrière il y ait une solide formation musicale à la base ?

 

Boulou : Moi, je ne voulais pas appartenir à l’enseignement du conservatoire. J’ai pris des cours privé avec Messiaen (?). J’arrivais à la classe et alors le maître se mettait au piano. On jouait rarement ses propres œuvres. Mais on travaillait surtout les compositeurs du moyen âge. Mais surtout à l’époque, en tant que Gitan je me suis pris la msuique contemporaine en pleine figure. Ensuite il y a eu Hendricks notamment à Woodstock. D’ailleurs dans une lettre ouverte à Jazz Hot j’avais dit à l’époque que pour moi les deux maîtres de la guitare étaient  Django et Jimmy Hendricks. Pour moi c’était Verlaine et Rimbaud. C’etait la vierge folle et l’époux infernal.

 

Elios : On a eu la chance de vivre dans une maison qui était en soi un vrai conservatoire. On écoutait en permanence Parker, Dizzy, Miles, Tristano, Konitz etc… Mais en même temps en 65 notre père nous fait découvrir d’autres musiques. Imagine qu’il nous fait même découvrir Ravi Shankar. Quand à moi, j’ai commencé la musique très jeune avec le Flamenco.

 

DNJ : Vous êtes quand même nés avec une guitare entre les bras ?

 

Elios : Non, ça c’est une image d’épinal. Mais c’est vrai que lorsque les autres jouaient aux billes nous on pratiquait la guitare.

 

DNJ : Ce qui semble assez rare dans le jazz manouche c’est que vous avez un père qui vous donne une grande ouverture musicale à d’autres musiques. Il ne vous cloisonne pas dans la tradition.

 

Elios : Tout à fait . Mes oncles, mon père , Django sont des musiciens ouverts. C’est un cliché de penser qu’ils ne l’etaient pas. On a tendance à oublier qu’il y a chez eux une immense ouverture. Par exemple il y a cette dimension d’un jazz européen bien avant l’europe. Ce que nous faisons aujourd’hui, ils l’avaient déjà pensé bien avant. Django si l’on regarde bien il est fou de Ravel, de Debussy, de Bach et de toutes les formes de musiques.

 

DNJ : Cela ramène à des choses très sérieuses

 

Elios : oui , mais musique est sérieuse. Tu peux jouer du hard bop, du be bop , il y a, à la base des formes. Même si au départ tout est basé sur Do. Le free par exemple n’est pas arrivé là par hasard. On ne peut pas démolir des gens comme Mingus ou Dolphy qui sont de vrais créateurs. On peut dire que l’on a pas compris mais on ne peut pas les démolir. Oui la musique est une affaire sérieuse.

 

DNJ : en mai 2005, Jazzman avait fait sa une sur «  le boom du jazz Manouche ». Quel est votre regard là dessus et sur la façon dont il est joué aujourd’hui.

 

Elios : Je pense que c’est bien. D’abord parce que c’est rendre hommage à son créateur, à Django, comme on pourrait rendre hommage à la musique de Parker per exemple. C’est un hommage à cette forme de musiqe sans distinction. Un jour quelqu’un parlait du jazz comme de la musique « noire » et Stan Kenton de répondre «  ok on vous rend les noires vous nous rendez les blanches… ». Parce que la musique c’est comme l’amour. Tu ne demandes pas le passeport. T’as juste envie d’être bien. Chaque musicien, chaque artiste en général cherche à se créer par rapport à sa propre vie et non pas par rapport à un phénomène de mode sinon on devient un cheval de cirque.

 

DNJ : Donc le jazz manouche, c’est une mode ?

 

Elios : Non ! C’est un courant qui revient en force parce que c’est une musique d’une incroyable richesse. Tu écoutes Piaf, c’est un de mes pères ou de mes oncles, tu écoutes Sablon, pareil, tu écoutes avec Joe Privat ou Gus Visseur, c’est mon père ou mes oncles. Ecoutes Piaf, c’est la Billie Holiday parisienne. La jazz de mon père et de mes oncles, c’est le jazz parisien. Et comme disent les architectes,avec une vraie pensée derrière cela : c’est Gabin, c’est le jazz de Paris, c’est Les Halles, c’est Pigalle…..

 

DNJ : Mais ce que tu dis c’est un peu le passé. Le problème c’est que le jazz manouche aujourd’hui sembe ne plus porter ce que Django portait lui même, à savoir une vraie évolution. N’est ce pas un peu sclérosant ?

 

Elios : Quand on parle de Django on le ramène toujours à une même période. Mais le Django d’après 42-43 on l’entend très peu. Du coup c’est un peu l’image d’Epinal parce que l’ on entend toujours les mêms morceaux de son répertoire

 

DNJ : Dans votre DVD « live in Montpellier » vous avez en premier morceau qui est un meddley en hommage à Django mais après vous ouvrez à un grand nombre d’univers musicaux quitte à faire du Bach en blues avec les Belmondo. Et du coup on vous sent presque plus à l’aise ici qu’à Sammois

 

Boulou : Quand on a célébré les 10 ans de la disparition de Stéphane (Grapelli) tout le monde l’a ramené au grand Django. Quitte à occulter toute la musique qu’il a fait hors de Django. Et pourtant Stéphane a été à la fois complémentaire et en même temps tout le contraire de Django que c’est impossible de lui rendre hommage en partant de là. Et c’est fou on ne joue jamais ses propres compositions. Nous avons été intéressé de notre côté par les musiques de film de Stéphane comme « Les Valseuses », ou « Milou en mai ». Les «  Valseuses » c’est une musique tellement belle ! Je me souviens de ce jour où Chancel est venu voir Grapelli en lui disant qu’il voulait absolument qu’il remonte, pour l’émission du Grand Echiquier, le quintet du HCF. Le casting  d’enfer : Grapelli, moi, André Ekian, Mezz Mezzrow ! Quel souvenir !

 

 

 

DNJ : A quel moment avez vous pris la décision de jouer ensemble ?

 

Elios : C’etait dans les années 72. Mais notre premier grand disque a été chez Steeplechase, c’était « Pour Django ». A l’époque on étaient assez copains avec Laurent Gaudet. Un jour Laurent décide de se marier et le mariage s’est fait dans un club qui s’appelait le River Bop. Au mariage on joue et notamment des thèmes de Tristano. Et alors il y a quelqu’un qui débarque et qui nous dit, tiens je ne savais pas qu’il existait des guitaristes, qui plus est des gitans qui jouent la musique de Tristano. Et quelque temps plus tard on nous appelle et on nous dit qu’il y a le grand patron de chez Elektra qui vous veut. Nous on lui dit « ok pas de souci, si ça peut se faire pourquoi pas ». Laurent nous dit qu’il veut faire ça tout de suite, qu’il envoie les contrats imédiatement. Puis deux ou trois semaines se sont passées sans quel’on ne recoive rien. Dans l’intervalle il y a Steeplechase qui pointe le bout de son nez. Et là le label nous voulait aussi. A l’époque sur ce label tu avais Dexter Gordon, Tete Montoliu, Kenny Drew, Lee Konitz ! Et nous, nous etions les seuls français du label.

 

Boulou : Cela nous a permis de cotoyer des gens incroyable. Je me souviens de Ben Webster qui vivait à l’époque au Danemark avec une femme absolument délicieuse. Il y avait Dexter aussi. C’etait l’époque où les jazzmen quittaient Paris pour aller en Europe du Nord

 

DNJ : On évoquait Lee Konitz. Dans le live à Montpellier vous avez tenu à ce que figure deux bonus pris dans un aute contexte mais avec Lee Kontiz. Pourquoi ce choix ?

 

Elios : Tout simplement parce que, comme on vient de l’évoquer, cela fait partie de notre histoire. Tout comme on a aussi joué pas mal avec Warne Marsh. Forcément quand on joue du Tristano il y a Konitz et Marsh pas loin. En fait il y a au départ le fameux New Morning. A l’époque on avait entendu la version de Marshmallow. Beaucoup de sax jouaient cette version mais pas de guitaristes. Ce fameux jour au New Morning (ce devait être en 84), on étaient là. Boulou me dit, j’ai ma guitare, est ce que tu as envie de jouer avec lui ? Moi j’avais surtout envie d’écouter et je dis à Boulou, non mais si tu as envie, vas y toi. Ils ont fait attendre le public plus de 30mn le temps que Boulou aille chercher sa «  Charlie Christian ». Ca a duré plus de deux heures. Il ont fait tout le répertoire. Un grand moment. Cela nous a donné d’ailleurs l’idée de faire quelque chose avec Warne, Pierre Michelot et Kenny Clarke. Mais Warne est décédé et cela n’a pas pu se faire.

 

DNJ : Vous avez effectivement joué avec les plus grands. Qu’est ce que l’on ressens à jouer avec son propre frère? C’est l’héritage que vous partagez qui fait que cela dure depuis plus de 30 ans ?

 

Boulou : Non, c’est beaucoup plus profond que ça. On est comme deux chats siamois. On est émetteurs-récepteurs. On ne choisit jamais sa famille. Mais tu vois, quand j’ai rencontré mon frère, j’ai su que c’etait mon frère. J’ai tout de suite vu qu’il était dans notre musique. Certes je lui ait donné sa chance quand il avait 16 ans mais je savais que Elios c’etait quelqu’un qui se situait au delà de la guitare. Je me souviens de ce soir où j’ai vu ce mec jouer un hommage à Charlie Mingus. Et il a tellement envoyé ce soir là que je me suis dit, c’est un mec qui en a dans le ventre, c’est un vrai jazzman ! Être Gypsy c’est dur à porter. C’est avoir une roulotte dans sa tête, un peu comme Artaud. Etre gitan c’est une attitude, une manière d’être.Nous partageons cela.

 

DNJ : Est ce que cela veut dire que vous jouez ensemble d’abord parce que vous êtes tous les deux gitans ou d’abord parce que vous êtes frères ?

 

Elios : Ce n’est pas aussi simple que cela. Mais on eu le même géniteur artistique et biologique. Boulou de son côté a débuté sa carrière bien plus tôt que moi en faisant son premier « single » chez Barclays. Et au début je ne jouais pas avec mon frère. Je voulais faire autre chose. Du classique bien sûr mais mon truc à l’époque c’etait surtout le flamenco. Ensuite il y a eu, pour moi, le funk, la soul, Marvin Gaye, les Temptations, Emmerson Lake and Palmer. On est de cette génération là.

 

Boulou : Elios et moi on a eu une chance terrible c’est que après 68-70 on a eu tous les outils entre les mains et en plus avec des gens formidables. De mon côté j’ai eu la chance de jouer longtemps avec Dizzy Gillespie. Chaque fois que Dizzy venait à Paris il m’invitait à jouer avec lui au New Morning.

 

DNJ : Mais aujourd’hui il y a encore un musicien encore vivant aujourd’hui avec qui vous voudriez jouer

 

Elios : Lennie Tristano

 

Boulou : Miles. Mais là je ne vous parlerais pas de Miles parce que comme dirait Dostoïevski, c’est une conversation souterraine. Un jour j’ai dit à Dizzy j’ai vu « Miles backstage » et Dizzy m’a révélé que Miles chaque fois qu’il faisait un disque lui envoyait pour lui demander son avis sur ce qu’il faisait. Le rêve de Miles c’etait de jouer comme lui.

Mais cela dit mon plus grand regret c’est pas Miles, c’est Place Pigalle avec Django.

 

DNJ : Mais si l’on parlait d’un musicien actuel, encore vivant

 

Elios : C’est à dire qu’il y en a un paquet. Personnellement il ya Wayne Shorter et Hancock. Un rêve ! Cerise sur le gateau je met Miroslav ( Vitous) à la contrebasse

 

Boulou : Non pas pour moi. Certes il y a Stanley Clarke, il y a Mel Tormé. Il y a Herbie Hancock. Et puis il y a Artie Shaw aussi. Parmi les musiciens vivants, c’est difficile. Le bassiste : Emerson (de Emerson, Lake and palmer), orchestration Vladimir Kopats ou Vince Mendoza, on pourrait aussi avoir comme bassiste John Pattictuci ou Stanley Clarke.

 

DNJ : Mais c’est curieux vous ne citez pas Pat Metheny

 

Boulou et Elios : Non !

 

Boulou : Pat est arrivé en 78 dans la lignée de Abercrombie. Mais il n’a jamais été pour moi quelqu’un de très important. A la différence de Mc Laughin avec Ponty et le Mahavishnu.

 

DNJ : Et Al Di Leola ou Paco De Lucia

 

Elios : ah là oui ! Paco c’est un grand. Il a véritablement révolutionné la musique flamenco.

En musique Flamenco, Paco c’est l’équivalent de Django en jazz.

 

 

DNJ : Quel a été votre pire souvenir de musicien

 

Elios : C’etait en Espagne. On devrait arriver à une certaine heure à l’aéroport et malheureusement l’avion est parti… en avance.Une autre fois en Afrique on devait faire un concerte en Tanzanie. On etait en quartet avec… et Philippe combelle. Mais nous n’etions pas confirmés pour l’avion et on nous refusait l’accès. Du coup on s’est rabattu sur un autre avion. Le problème c’est qu’il s’agissait d’un avion non homologué avec des portes en bois ! On en a pas mal des histoires comme ça.

 

Boulou : Pour moi ce ne sont pas les pires. Cela fait partie de notre histoire. Pour moi un des pire souvenir c’etait cette année à Montpellier. Vladimir avait écrit des orchestrations à cordes jouées par Michel Portal. On devait jouer devant 1600 personnes et ça c’est un surcroît d’angoisse, d’émotion et de peur. Le trac c’est le propre de l’artiste. Quand on est artsiste rien n’est acquis

 

Elios : Mais ce n’est pas un cauchemar ?

 

Boulou : Ce n’est pas un cauchemar mais c’est terrible quand même. C’est la peur de savoir si on va être à la hauteur. Les compositions etaient de Elios, les arrangements de Vladimir et les parties de clarinette basse etaient écrites pour Michel Portal . Et là il y a la dimension de l’enjeu. Une réelle responsabilité. L’ensemble est alors monté comme une pièce de théâtre et tu as 1600 personnes rivées sur toi. C’est un moment terrible. C’est pareil lorsque après je me suis retrouvé à chanter pour un hommage à Barbara à chanter «  Dis quand reviendras tu » tout seul avec un micro.

 

DNJ : Lorsque l’on voit dans le DVD de Montpellier que vous faites un Ornitology avec les frères Belmondo qui en contrepoint font How High The Moon, on sent que vous aimez prendre des risque

 

Elios : oui c’est clair on aime se mettre en danger

 

Boulou : Je peux dire que là j’avais vraiment les mirettes.

 

A ce moment là, Boulou nous présente un garçon qui etait présent depuis le début de l’ITW

 

Boulou : Je voudrais juste avant de finir cette interview vous présenter Vladimir Kopats, qui est un musicien Russe et notre orchestrateur. Il est par ailleurs un très grand ami C’est un musicien merveilleux. Il a travaillé avec nous sur notre prochain projet qui sortira en septembre.

 

A ce moment là Elios met sur la platine CD le master du prochain album qui sortira en septembre. Nous écoutons alors cette musique surprenante dans leur répertoire. Mais de cela nous vous parlerons plus tard……. A la rentrée……

 

 

 

Propos recueillis par Jean-Pierre Foubert et Jean-Marc Gelin

ferre-copie-1.jpg

 

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:38
trio-sud.jpg



Dreyfus Jazz 2008

Sylvain Luc (g), jean-Marc Jafet (cb), André Cecarrelli (dm)

 

 

Sont ils nombreux les disques de jazz qui inspirent une joie profonde, communicative et sans affection, au point de redonner le moral et l’envie, d’éclairer les miasmes d’un dimanche parisien pluvieux par les lumières d’un Sud soudain devenu proche ? Le troisième enregistrement du trio composé par Sylvain Luc, Jean-Marc Jafet et André Cecarreli confirme tout le bien que l’on pouvait penser de cette collaboration virtuose qui ne se la joue pas, de ce trio homogène en diable dont la fluidité et la complicité impressionnent. Le ton est donné dès les deux premières compositions originales signées Jean-Marc Jafet, «  song for my twins » et « Sylvain shadows », d’une séduction immédiate et d’une efficacité imparable. Les reprises «  sweetest somebody I know » de Stevie Wonder , « Infant eyes » de Wayne Shorter ou «  Young and fine” de Joe Zawinul sont ciselées et jubilatoires. « Con alma » a rarement été aussi bien retricoté et «  Darn that dream » dit avec autant de légèreté. Les compositions originales contribuent à introduire d’autres climats : aux limites de la fusion dans «  L’Avenue des diables bleus » et dans « French brothers », mélancolique et suspendu dans le superbe « Renaissance », débridé et tendre dans « Magnificent Marcel », cet hommage sans doute à Marcel Azzola aux reminiscences manouches.

Au final avec ces 13 compositions, Sud réalise une copie presque parfaite, sans redite et sans temps mort, d’une générosité et d’un optimisme précieux par les temps qui courent.

Loic Blondiaux

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:36

Theberge-copie-1.jpg

Cristal 2008

François Théberge (ts,C mélody sax, fl), Lee Konitz (as, ss), Jerry Edwards ( tb), Stéphane elmondo (tp, bg), Alan Jones (dm), Paul Imm (cb), Michael Felberbaum (g), Michel Côté (clb, maïkotron), Claudia Solal (vc), Meta (vc), Richard lalonde (bs), Bastien Still (tba)

 

Voilà bien un disque cool voire même un disque hyper cool. Il est si cool ce disque là que l’on pourrait facilement titrer à la manière des journalistes, « the rebirth of the cool » tant cet album nous renvoie aux célèbres arrangements et aux orchestrations que Gil Evans signait en 47 pour Miles Davis.  On y trouve le même tramage des cuivres, le même art subtil du contrepoint et, puisque Lee Konitz est de l’affaire, les mêmes thèmes Tristaniens. L’altiste signe d’ailleurs 3 compositions sur les 8 de l’album, François Théberge apportant les autres compositions. C’est dire si l’on a affaire à une écriture particulièrement travaillée et soignée, basée sur des systèmes de paliers harmoniques dans lesquels il est autant question de jouer ensemble que de mettre en valeur de très grands solistes au titre desquels Stéphane Belmondo qui s’impose magnifiquement ou encore Jerry Edwards qui est assez chtarbé pour jouer à fond de son growl et apporter ainsi un petit grain de folie délicieusement décalé. Dans cette façon de construire la musique il y a toujours le sens du blues, du down tempo qui se situe au fond du temps dans une sorte de maîtrise de l’espace, des respir’ et du son. Les voix sont utilisées comme des instruments évanescents, comme une sorte de flottement au dessus, au dessous et finalement au milieu des instruments. Cette écriture riche est aussi un moyen de mettre en valeur son complice de toujours, Lee Konitz pour qui cette musique semble avoir été écrite. Lee Konitz y trouve là des habits à sa parfaite mesure et doit se sentir rajeunir de plusieurs dizaines d’années. Mais au delà de l’analogie avec l’oeuvre de Gil Evans il y a aussi des l’histoire du jazz qui éffleure dans ce qui pourrait bien s’assimiler à une sorte de manifeste d’écriture telle qu’elle s’entendait il n’y a pas si longtemps dans les arcanes de la classe de jazz du CSNM que dirigeait il y a encore peu. Et c’est en grand mâitre que Françoios Thénerge nous donne à nous tous une sorte de magistrale leçon de jazz.                                  Jean-Marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:35


schumacher.jpg
Cristal 2008

 Jan Shumacher quartet est un des quartets les plus enthousiasmants qu’il nous ait été donné d’écouter ces derniers temps, de ce côté-ci de l’hexagone. Un quartet qui évolue aux confins d’un jazz moderne et d’une world music délivrée à petites touches. Car, alors que certains veulent faire une world jazz en tournant autour du pot, assaisonnant trop ceci et pas assez cela, collant ensemble des clichés stylistiques, ici au contraire Schumacher ne semble pas se poser ce type de question.

C’est que son écriture, formidable intègre en elle-même quelques condiments qui lui semblent naturels. On est alors dans un jazz formidablement modernisé. Une sorte de mix entre l’écriture du Paris jazz Big Band et l’énergie du quintet de Dave Douglas. Tout y est emballant : écriture superbe mariant la finesse du propos et la sauvagerie des embardées, alliages fins avec la world grâce à la judicieuse intervention des tablas, à quelques mélismes esquissés et aux formidables interventions de solistes.

Les solistes parlons en. Bien sûr Schumacher éclatant et puissant, formidablement inspiré. Un trompettiste comme on les aime, de ceux qui mordent dans l’instrument sans jamais perdre en groove. Freddie Hubbard avait ça.  Il est épaulé sur certains morceaux par le tromboniste Gueorgui Kornazov qui, pour les amoureux du Strada sextet de Texier n’est pas un inconnu et qui apporte dans ces bagages un growl absolument terrible et sauvage. On entend dans son jeu le vertige des grands espaces, des steppes imaginaires et la charge fantastique de quelques chevaux sauvages. Derrière la rythmique est d’une efficacité à faire des envieux un peu partout. Il est vrai que le quartet qui existe depuis 10 ans se connaît parfaitement et maîtrise la science de l’interaction et surtout de ce groove qui, de bout en bout ne lâche pas l’album et maintien l’auditeur dans un état d’éveil constant. Un  groove où peu surgir à tout instant quelques irruptions sauvages. Des écorchures. Des traits saillants. Qu’il s’agisse de Mallorca ou de Consternation, on navigue alors entre idiomes du jazz et peutêtre même du blues. L’esprit de quelques bandas où les cuivres apportent un surcroît de soleil méditerranéen achève de nous emporter dans ce magnifique tourbillon.                  Jean-marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:33

russell.jpgWorld Village 2008




 
Dire que Catherine Russell est tombée dans le jazz quand elle était petite est un doux euphémisme si l’on en croit son pedigree. Pensez, sa mère fut bassiste et chanteuse auprès de Mary Lou Williams alors que son père, Luis Russell fut de son côté pianiste et longtemps directeur musical de Louis Armstrong. Rien moins que cela. C’est dire si cette femme d’âge mûr aujourd’hui cultive son jardin fleuri du côté de la Nouvelle Orléans dont elle est certainement dépositaire d’une partie de sa musique. Une chanteuse capable en 2008 de revendiquer les plus grandes heures de la swing era. Cela pourra peut être faire sourire mais voilà qui dans le paysage actuel est assez farîchement décalé. Mais finalement peu importe tant le résultat apparaît totalement convaincant et même franchement emballant, semblant démontrer que c’est finalement en plongeant au cœur de ses propres racines que l’on pourra réhabiliter le swing.

Catherine Russell a ce truc des voix noires pas vraiment travaillées mais chargées d’histoire, chargée des mauvais quartier et de la gouaille de la rue. Une voix qui ne triche pas. Une voix qui raconte l’histoire de la Nouvelle Orléans ( New 0rleans) ou qui lance quelques clins d’œil appuyés à l’une des plus grande chanteuse de blues, Miss Dina Washington. Il est alors question de balades comme au bord du Mississipi où sont réhabilités des thèmes de Mike Jackson ou de Carmichael ou encore de papa Russel. Des thèmes que l’on écoute comme l’on suivrait la fanfare dans les rues de Canal Street (I’ve got that thing). Le trompettiste Steve Bernstein qui s’y  connaît dans la réhabilitation du jazz traditionnel est de la partie. On sors de là avec la banane au coin des lèvres. Normal, le jazz n’y a pas pris une ride, on a croisé Buddy Bolden sur la route, le parfum du Jambalaya est venu effleurer nos narines et on a fait tourner sur la platine le disque d’une chanteuse vraie, une chanteuse à la sincérité évidente.                         Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:32

Raulin-Oliva.jpgMélisse 2008



 

 Si les chroniques sont le lieu d’euphories et d’admirations, en voilà une démonstration brillante  avec cet  Echoes of Spring sorti sur le tout jeune label du pianiste Edouard Ferlet, Mélisse, autour du Harlem piano stride. C’est peu dire qu’on l’attendait cet album, après que le programme concocté par les deux formidables pianistes que sont François Raulin et Stéphane Oliva, a tourné (plutôt convenablement pour notre époque) dans un certain nombre de festivals depuis  la création  à Grenoble en mars 2006. Merci donc au réseau AFIJMA d’avoir soutenu et porté une telle création à Nevers, Bordeaux…

Le projet  part du jazz sans jamais le quitter, fidèle à cette musique d’imprévus et de liberté très surveillée .Car ce retour aux origines du piano jazz, s’il ne manque pas de modernité, par la recherche des chromatismes et le recours à la dissonance, présente un certains nombre de chausse-trappes dont le quintet se tire à l’évidence brillamment. Cette musique est une recréation de chaque instant, très travaillée malgré l’apparente fluidité, la subtilité frémissante de certains passages, l’incandescence d’autres.  Une évocation lumineuse où tous se livrent à corps perdu : Laurent Dehors joue subtilement des clarinettes, clarinette basse et contrebasse, et Christophe Monniot est son alter ego au saxophone alto, baryton et sopranino ; Sébastien Boisseau  assure seul une rythmique ardente à la contrebasse et bien sûr, comment ne pas s’extasier sur le travail des deux pianistes initiateurs du projet, avec sur la voie droite Stephan Oliva qui assure les parties de basse. Si les deux pianistes ne peuvent permuter leurs rôles, tant cette musique impose de contraintes, ils sont formidablement complémentaires, Raulin souvent plus percussif et impulsif alors qu’Oliva est troublant  sur « In the dark-Flashes » thèmes du cornettiste blanc prodige Bix Beiderbecke de Davenport, dont les deux pianistes ont su saluer la modernité.

Le programme commence  sur les chapeaux de roue avec le  truculent « Carolina Shout » de James P. Johnson, cheval de bataille, aux réminiscences du banjo, percé sur des pianos rolls dès 1918. Puis le délicieux « Morning air »  de Willie The Lion Smith qui aimait broder des mélodies précieuses, musicien empreint de Chopin et ayant entendu Rachmaninoff, avec un sens de la couleur que l’on retrouvera chez Duke  Ellington qui d’ailleurs logiquement lui écrivit un « Portrait of Lion », retravaillé par Stephan Oliva. Eclats de toutes les saisons,  cette échappée de « Ain’t misbehaving » de Fats Waller revu  par Raulin. Ou ce blues déchirant  « Aunt Hagar’s blues » introduit à la basse et à la clarinette Ou encore le final joué à quatre mains  « Fast and Furious »  comme au temps de Duke et Billy Stayhorn, joyeusement nostalgique, débordant de swing . En fait, il faudrait citer tous les titres tant cet album est une réussite. Un pur joyau, une rêverie en jazz d’une douce violence, perturbée par certains timbres particulièrement flamboyants, des rugosités éclatantes  comme dans ce « Boogie Woogie on St Louis blues » dédié à Earl Hines .

 Et bien sûr, nous donnerons pour finir, une mention particulière à la composition titre  « Echoes of Spring » qui illumine par sa douceur mélancolique  ce jazz d’autrefois, que le quintet a formidablement réussi à rendre actuel.  Sophie Chambon

Partager cet article
Repost0
12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:31

Manning.jpgTCB 2008

Chuck Manning (ts), Jim Szilagyi (p), Isa Eckinger (cb), Tim Pleasant (dm)


Chuck Manning est un saxophoniste totalement oublié du côté de chez nous mais quis s’est illustré ailleurs au sein du Los Angeles Quartet. Pourtant tout ceux qui aurons été attentif à l’évolution de la scène de la côte ouest de ces 25 dernières années n’auront pas pu manquer ce ténor de la pure tradition qui perpétue le feeling Lesterien et dont Leonard Feather disait lui même : «  Chuck has a bold sound and keen rythmic sense ».  Quand j’entend un garçon comme celui là (je disais la même chose de Grant Stewart) je ne peux que me réjouir de ce que des saxophonistes comme lui perpétue ce son qui tend aujourd’hui à disparaître. Je ne peux aussi que me désoler de voir l’uniformité actuelle des saxophonistes traumatisés par l’après free et qui semblent d’une même voix rejeter toute cette histoire du sax. Qu’on réécoute sans cesse Barney Wilen pour comprendre combine un ténor peut être simple et beau lorsque les mélodies sont portées avec autant de feeling. Avec Chuck Manning c’est exactement de cela dont il s’agit. Jamais il n‘en fait des tonnes, jamais il ne cherche à surprendre, jamais dans la démesure non plus. Mais quel phrasé sensuel, quelle classe dans sa façon de dire les choses, quelle élégance ! Mon esprit divague alors et je revois en rêve le regretté Guy Laffitte que je n’ai malheureusement pas connu mais dont Chuck Manning me rapproche dans sa façon de jouer les standards (I didn’t know what time  it was ou le sublime Change Partners), dans sa façon d’aller caresser le blues (The spiritual – une compo de son pianiste et complice Isa Eckinger) ou dans ses faux airs de gentils garçon (genre rêve de belle mère) sur une valse très Lesterienne (While we were young). Et ce qui frappe chez Chuck Manning au-delà de son élégance et de son sens inné du swing c’est sa précision rythmique, cette façon de donner un autre chose aux  notes qu’il joue, de donner un peu plus dans le délié de ses phrases. Parfois le garçon évoque (un peu) Dexter Gordon (Eronel de Monk) et parfois c’est carrément un hommage à Coltrane  Dear Lord) où Manning parvient à aller sur les traces du maître dans une évocation très explicite mais sans jamais perdre la continuité de son propre jeu. Les américains ont un mot pour évoquer ce type de musicien, ils disent : « soulful ».  On ne saurait dire mieux le plus d’âme qu’ont certains musiciens. Celle de Chuck Manning est remplie de ce que nous partageons tous ensemble, notre point commun, notre trait d’union irréductible aux  codes et aux modes : l’amour du jazz.                                                                                                         Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0