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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:35


schumacher.jpg
Cristal 2008

 Jan Shumacher quartet est un des quartets les plus enthousiasmants qu’il nous ait été donné d’écouter ces derniers temps, de ce côté-ci de l’hexagone. Un quartet qui évolue aux confins d’un jazz moderne et d’une world music délivrée à petites touches. Car, alors que certains veulent faire une world jazz en tournant autour du pot, assaisonnant trop ceci et pas assez cela, collant ensemble des clichés stylistiques, ici au contraire Schumacher ne semble pas se poser ce type de question.

C’est que son écriture, formidable intègre en elle-même quelques condiments qui lui semblent naturels. On est alors dans un jazz formidablement modernisé. Une sorte de mix entre l’écriture du Paris jazz Big Band et l’énergie du quintet de Dave Douglas. Tout y est emballant : écriture superbe mariant la finesse du propos et la sauvagerie des embardées, alliages fins avec la world grâce à la judicieuse intervention des tablas, à quelques mélismes esquissés et aux formidables interventions de solistes.

Les solistes parlons en. Bien sûr Schumacher éclatant et puissant, formidablement inspiré. Un trompettiste comme on les aime, de ceux qui mordent dans l’instrument sans jamais perdre en groove. Freddie Hubbard avait ça.  Il est épaulé sur certains morceaux par le tromboniste Gueorgui Kornazov qui, pour les amoureux du Strada sextet de Texier n’est pas un inconnu et qui apporte dans ces bagages un growl absolument terrible et sauvage. On entend dans son jeu le vertige des grands espaces, des steppes imaginaires et la charge fantastique de quelques chevaux sauvages. Derrière la rythmique est d’une efficacité à faire des envieux un peu partout. Il est vrai que le quartet qui existe depuis 10 ans se connaît parfaitement et maîtrise la science de l’interaction et surtout de ce groove qui, de bout en bout ne lâche pas l’album et maintien l’auditeur dans un état d’éveil constant. Un  groove où peu surgir à tout instant quelques irruptions sauvages. Des écorchures. Des traits saillants. Qu’il s’agisse de Mallorca ou de Consternation, on navigue alors entre idiomes du jazz et peutêtre même du blues. L’esprit de quelques bandas où les cuivres apportent un surcroît de soleil méditerranéen achève de nous emporter dans ce magnifique tourbillon.                  Jean-marc Gelin

 

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:33

russell.jpgWorld Village 2008




 
Dire que Catherine Russell est tombée dans le jazz quand elle était petite est un doux euphémisme si l’on en croit son pedigree. Pensez, sa mère fut bassiste et chanteuse auprès de Mary Lou Williams alors que son père, Luis Russell fut de son côté pianiste et longtemps directeur musical de Louis Armstrong. Rien moins que cela. C’est dire si cette femme d’âge mûr aujourd’hui cultive son jardin fleuri du côté de la Nouvelle Orléans dont elle est certainement dépositaire d’une partie de sa musique. Une chanteuse capable en 2008 de revendiquer les plus grandes heures de la swing era. Cela pourra peut être faire sourire mais voilà qui dans le paysage actuel est assez farîchement décalé. Mais finalement peu importe tant le résultat apparaît totalement convaincant et même franchement emballant, semblant démontrer que c’est finalement en plongeant au cœur de ses propres racines que l’on pourra réhabiliter le swing.

Catherine Russell a ce truc des voix noires pas vraiment travaillées mais chargées d’histoire, chargée des mauvais quartier et de la gouaille de la rue. Une voix qui ne triche pas. Une voix qui raconte l’histoire de la Nouvelle Orléans ( New 0rleans) ou qui lance quelques clins d’œil appuyés à l’une des plus grande chanteuse de blues, Miss Dina Washington. Il est alors question de balades comme au bord du Mississipi où sont réhabilités des thèmes de Mike Jackson ou de Carmichael ou encore de papa Russel. Des thèmes que l’on écoute comme l’on suivrait la fanfare dans les rues de Canal Street (I’ve got that thing). Le trompettiste Steve Bernstein qui s’y  connaît dans la réhabilitation du jazz traditionnel est de la partie. On sors de là avec la banane au coin des lèvres. Normal, le jazz n’y a pas pris une ride, on a croisé Buddy Bolden sur la route, le parfum du Jambalaya est venu effleurer nos narines et on a fait tourner sur la platine le disque d’une chanteuse vraie, une chanteuse à la sincérité évidente.                         Jean-Marc Gelin

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:32

Raulin-Oliva.jpgMélisse 2008



 

 Si les chroniques sont le lieu d’euphories et d’admirations, en voilà une démonstration brillante  avec cet  Echoes of Spring sorti sur le tout jeune label du pianiste Edouard Ferlet, Mélisse, autour du Harlem piano stride. C’est peu dire qu’on l’attendait cet album, après que le programme concocté par les deux formidables pianistes que sont François Raulin et Stéphane Oliva, a tourné (plutôt convenablement pour notre époque) dans un certain nombre de festivals depuis  la création  à Grenoble en mars 2006. Merci donc au réseau AFIJMA d’avoir soutenu et porté une telle création à Nevers, Bordeaux…

Le projet  part du jazz sans jamais le quitter, fidèle à cette musique d’imprévus et de liberté très surveillée .Car ce retour aux origines du piano jazz, s’il ne manque pas de modernité, par la recherche des chromatismes et le recours à la dissonance, présente un certains nombre de chausse-trappes dont le quintet se tire à l’évidence brillamment. Cette musique est une recréation de chaque instant, très travaillée malgré l’apparente fluidité, la subtilité frémissante de certains passages, l’incandescence d’autres.  Une évocation lumineuse où tous se livrent à corps perdu : Laurent Dehors joue subtilement des clarinettes, clarinette basse et contrebasse, et Christophe Monniot est son alter ego au saxophone alto, baryton et sopranino ; Sébastien Boisseau  assure seul une rythmique ardente à la contrebasse et bien sûr, comment ne pas s’extasier sur le travail des deux pianistes initiateurs du projet, avec sur la voie droite Stephan Oliva qui assure les parties de basse. Si les deux pianistes ne peuvent permuter leurs rôles, tant cette musique impose de contraintes, ils sont formidablement complémentaires, Raulin souvent plus percussif et impulsif alors qu’Oliva est troublant  sur « In the dark-Flashes » thèmes du cornettiste blanc prodige Bix Beiderbecke de Davenport, dont les deux pianistes ont su saluer la modernité.

Le programme commence  sur les chapeaux de roue avec le  truculent « Carolina Shout » de James P. Johnson, cheval de bataille, aux réminiscences du banjo, percé sur des pianos rolls dès 1918. Puis le délicieux « Morning air »  de Willie The Lion Smith qui aimait broder des mélodies précieuses, musicien empreint de Chopin et ayant entendu Rachmaninoff, avec un sens de la couleur que l’on retrouvera chez Duke  Ellington qui d’ailleurs logiquement lui écrivit un « Portrait of Lion », retravaillé par Stephan Oliva. Eclats de toutes les saisons,  cette échappée de « Ain’t misbehaving » de Fats Waller revu  par Raulin. Ou ce blues déchirant  « Aunt Hagar’s blues » introduit à la basse et à la clarinette Ou encore le final joué à quatre mains  « Fast and Furious »  comme au temps de Duke et Billy Stayhorn, joyeusement nostalgique, débordant de swing . En fait, il faudrait citer tous les titres tant cet album est une réussite. Un pur joyau, une rêverie en jazz d’une douce violence, perturbée par certains timbres particulièrement flamboyants, des rugosités éclatantes  comme dans ce « Boogie Woogie on St Louis blues » dédié à Earl Hines .

 Et bien sûr, nous donnerons pour finir, une mention particulière à la composition titre  « Echoes of Spring » qui illumine par sa douceur mélancolique  ce jazz d’autrefois, que le quintet a formidablement réussi à rendre actuel.  Sophie Chambon

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:31

Manning.jpgTCB 2008

Chuck Manning (ts), Jim Szilagyi (p), Isa Eckinger (cb), Tim Pleasant (dm)


Chuck Manning est un saxophoniste totalement oublié du côté de chez nous mais quis s’est illustré ailleurs au sein du Los Angeles Quartet. Pourtant tout ceux qui aurons été attentif à l’évolution de la scène de la côte ouest de ces 25 dernières années n’auront pas pu manquer ce ténor de la pure tradition qui perpétue le feeling Lesterien et dont Leonard Feather disait lui même : «  Chuck has a bold sound and keen rythmic sense ».  Quand j’entend un garçon comme celui là (je disais la même chose de Grant Stewart) je ne peux que me réjouir de ce que des saxophonistes comme lui perpétue ce son qui tend aujourd’hui à disparaître. Je ne peux aussi que me désoler de voir l’uniformité actuelle des saxophonistes traumatisés par l’après free et qui semblent d’une même voix rejeter toute cette histoire du sax. Qu’on réécoute sans cesse Barney Wilen pour comprendre combine un ténor peut être simple et beau lorsque les mélodies sont portées avec autant de feeling. Avec Chuck Manning c’est exactement de cela dont il s’agit. Jamais il n‘en fait des tonnes, jamais il ne cherche à surprendre, jamais dans la démesure non plus. Mais quel phrasé sensuel, quelle classe dans sa façon de dire les choses, quelle élégance ! Mon esprit divague alors et je revois en rêve le regretté Guy Laffitte que je n’ai malheureusement pas connu mais dont Chuck Manning me rapproche dans sa façon de jouer les standards (I didn’t know what time  it was ou le sublime Change Partners), dans sa façon d’aller caresser le blues (The spiritual – une compo de son pianiste et complice Isa Eckinger) ou dans ses faux airs de gentils garçon (genre rêve de belle mère) sur une valse très Lesterienne (While we were young). Et ce qui frappe chez Chuck Manning au-delà de son élégance et de son sens inné du swing c’est sa précision rythmique, cette façon de donner un autre chose aux  notes qu’il joue, de donner un peu plus dans le délié de ses phrases. Parfois le garçon évoque (un peu) Dexter Gordon (Eronel de Monk) et parfois c’est carrément un hommage à Coltrane  Dear Lord) où Manning parvient à aller sur les traces du maître dans une évocation très explicite mais sans jamais perdre la continuité de son propre jeu. Les américains ont un mot pour évoquer ce type de musicien, ils disent : « soulful ».  On ne saurait dire mieux le plus d’âme qu’ont certains musiciens. Celle de Chuck Manning est remplie de ce que nous partageons tous ensemble, notre point commun, notre trait d’union irréductible aux  codes et aux modes : l’amour du jazz.                                                                                                         Jean-Marc Gelin

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:29

Joelocke.jpg

Algorythm

Avec cet album, au titre simplement métonymique, Sticks and strings, on est au cœur d’une musique douce, délicatement nostalgique, dès la première composition, « Time like the present », qui cultive une certaine lenteur, et où l’on  ne serait pas surpris de retrouver la voix d’Henri Salvador. Ou dans les deux reprises de standards  « All of you »  and « I fall in love too easily »  qui s’intègrent parfaitement à l’esprit des compositions originales. 

Le label Algorythm a le talent de produire et distribuer des albums chics, tendrement désuets, joliment indatables. Un retour actuel à une mémoire du jazz en somme. D’autant plus surprenant qu’à la tête du label, on attendrait plus d’énergie ou de rugosité rock de la part du guitariste Jean Philippe Muvien. Mais méfions nous des préjugés tenaces.

Après la dernière livraison d’Algorythm, qui permettait au pianiste Eddie Gomez de rendre hommage à ses chers disparus, voilà un album qui célèbre le vibraphone, redevenu à la mode, ce qui ne pourra que réjouir les amateurs de la petite musique des lames. Joe Locke, très en vogue actuellement aux USA, a connu un gros succès avec un album consacré au héros de l’instrument, Milt Jackson, l’un des formidables leaders de l’indémodable MJQ.

 Le vibraphoniste s’emploie à jouer avec grâce, comme du bout des mailloches, et obtient une frappe particulièrement veloutée, dans les ballades, où l’aspect d’ordinaire percussif de l’instrument tend à lui enlever cette suavité que l’on attribue aux soufflants. L’aspect mélodique est particulièrement soigné dans cet album, ce qui lui confère un aspect par moment un peu sucré (« Sword of Whispers »). Mais ça chante sur les tempos lents, doucement caressants, avec la présence d’un jeune guitariste qui nous était inconnu Jonathan Kreisberg. L’accord est tout simplement parfait ici entre les deux. Et quand le guitariste fait résonner plus énergiquement les cordes de sa guitare dans les morceaux qui ont notre préférence, « The Rosario material » (où le duo est très à l’aise), « Appointment in Orvieto » et «Sixth Sense » dernière composition du batteur au drumming soft, Joe Labarbera, on aime alors vraiment cette manière enjouée et rebondissante, cette alliance toujours subtile avec une rythmique en place et délicatement corsée également.

Un bel album qu’il faut  écouter entre amis, en prenant  son temps, le soir au coin du feu.

Sophie Chambon

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:28


caroline-henderson.jpg

Stunt 2007

 Pas une semaine sans qu’une nouvelle « diva » du jazz ne sorte d’on ne sait où. Le label Stunt d’ailleurs, est assez coutumier du fait qui, tous les mois nous sors une suédoise censée devenir la future-plus-grande-star sur la scène bien encombrée des chanteuses qui chantent bien et qui se trouvent programmées un peu à la manière des gymnastes roumaines à gagner leurs futures médailles d’or de la bonne critique musicale entendez celle qui fera vendre surtoput et avant tout vendre tout pleins d’albums et rapporter pleins de sous à son écurie. Caroline Henderson ne fait pas exception à la règle et croyez moi, la dame a, pour le coup une sacrée dose de talent. Un sacré caractère trempé dans le souffre. De toute évidence Caroline Henderson a l’étoffe d’une pop star hyper bien marketée. Assez explosive et carrément sulfureuse  elle devrait logiquement s’imposer dans les charts. Le blème c’est que ni les compositions ni la musique ne parviennent à hisser le niveau au rang qui lui est dû, incapable de lui offrir une musique ou des musiciens à la hauteur de son talent. Car, si l’on a coutume de dire qu’il ne peut pas y avoir de bon candidat s’il n’a pas un bon programme à défendre, on pourrait tout aussi bien dire qu’il n’y a pas de bonne chanteuse si on ne lui donne rien d’intéressant à chanter. Le groove sonne faux, sonne lounge pour cafés branchés du samedi soir, musique de fond pour jeunes gamins chics en goguette autour d’un verre de whisky. Mais on pourrait se prendre à imaginer ce que la dame, avec cette personnalité bien trempée aurait pu faire avec des musiciens au diapason à qui on aurait demandé autre chose que de servir une soupe bien tiède. On peut se laisser prendre sur New Day où la dame donne à entendre une voix plus tripale. Mais le petit morceau en trio en fin d’album, genre jazz club à l’heure de la fermeture est totalement ridicule dans sa mise en scène. On imagine seulment ce que l’on aurait pu entendre si seulement on avait pensé à autre chose qu’à transformer une chanteuse en machine à cash. Dommage

Jean-Marc Gelin

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12 mars 2008 3 12 /03 /mars /2008 05:24
silent.jpg

JJJJ Joe Fonda/Ramon Lopez/Bruno Angelini : « Silent Cascades »

Konnex 2008

Surprenant. Saisissant. Il n’est pas de superlatif plus approprié pour définir ce « Silent Cascades », disque enregistré en 2005 sur le label Konnex d’un remarquable trio autour de Joe Fonda, contrebassiste américain, accompagné par le pianiste Bruno Angelini et le batteur Ramon Lopez. Dès la première « prise », si j’ose dire, l’auditeur assiste à la naissance du son, par un magma impénétrable et bouillonnant. Ce « Perpetual Motion » met en garde quiconque s’aventurant sur ce chemin improvisé. Au détour de ce sinueux chemin, allongez-vous sur la rive d’un torrent. Il pleut, la tempête s’annonce. Les oiseaux ne volent pas près du sol, ils se sont déjà réfugiés. Il n’y a que vous et le déchainement des éléments. La Musique nous rappelle parfois qu’elle était là bien avant l’Homme, partie intégrante de cette indomptable Nature qui nous entoure, encore pour combien de temps, faut-il le rappeler. Ce disque en est le plus fabuleux des témoignages. Par ce non-conformisme. Cette utilisation des contrastes et de ces couleurs savoureuses qui se goûtent. Enregistré librement autour d’un texte d’Henri Michaux ayant pour titre « Poteaux d’angles », ces trois musiciens usent de la plus savante des façons les principes mêmes de la Musique acoustique, comme par exemple dans ce morceau intitulé « Dense Crowd », où une simple feuille de papier insérée entre les cordes et la touche de la contrebasse transforme le son et donne un nouveau visage à cet instrument, d’habitude si discret. Il y a là une ahurissante recherche contemporaine de l’interaction. Sombrer sans amarres dans cet impressionnisme relève d’une très grande maîtrise de son propre art. Magnifiant chaque geste, chaque intention. Développer le rêve par la négation de toute tonalité, de toute création théorique humaine. Faire croire un instant que le calme est revenu, et repartir de plus belle dans le plus fracassant des chaos. On dirait presque que le piano n’existe pas, ou plus, que la contrebasse à disparu, que la batterie cesse d’exister pour laisser transparaitre à la place une voix intérieure, très profonde, guidé par les instincts les plus animaux, provoquant alors la résonnance de nos plus lointaines origines. Parler de Poésie serait revenir à l’humain. Ces bijoux de créativité ne peuvent subsister que dans l’aléatoire. C’est dans ce hasard que parfois l’on effleure l’intouchable, l’invisible, je dirais même le sublime. Se séparer de toute image moderne et actuelle, ignorer un instant l’abrutissante façon de vivre des êtres humains. Se concentrer à ressentir, à deviner, à réagir. Au cours de l’écoute d’un tel disque, nos sentiments sont mis à rude épreuve à travers chaque ambiance, et on en redemande. Il n’est pas nécessaire de citer des exemples qui, dans le passé, furent les avant-gardistes de cette nouvelle chose qu’était le Free-Jazz. Il est ici seulement question de l’essence même de la Nature, avec tout ce qui comporte de tortueux, d’imparfait, mais aussi de simple, d’unique. C’est un disque qui non seulement s’écoute, mais qui se vie.  Tristan Loriaut

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 07:22

ferre.jpg
Le Chant du Monde 2008

  


Quand on a tout gamin, joué avec Dexter Gordon, Dizzy ou Stéphane Grapelli ça laisse des traces. Quand on a à la maison le culte de la musique et que le père, Matelo, vous a ouvert les portes immenses de Bach et de Django, de Jo Privat et de Gus Viseur et que dans la maison ouverte tournent les mélodies, viennent les amis musiciens, résonnent les accents du jazz du musette, du flamenco, du classique, les voix de Barbara, de Brel, de Ferré et que passe l’esprit des gitans… Ca donne deux frères siamois attachés par les menottes douces des clefs de sol et de fa qui invitent à la table ronde de leur dernier disque l’Europe de l’Est et la fugue de Bach, la folie du flamenco et le swing. Parler de fusion c’est, je crois, comprendre l’esprit des Frères Ferré, Boulou et Elios. C’est comprendre le plaisir du mélange des genres et savoir que ces deux là aiment la musique  car elle est leur passé et leur avenir. Ils le disent tous deux, ils ont butiné. Ils butinent depuis longtemps et croyez le, la ruche zonzonne. Tout ça c’est du bonheur à l’état pur : bonheur du rythme, surprises, accord des styles. Il n’y a pas de frime, pas d’effets faciles juste le coup de nous donner l’envie de faire tourner sur la platine Live In Montpellier.

Jean-Pierre Foubert

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 07:20

elling_duke_drumisawo_101b.jpg
Columbia 1956  - rééd

 A partir de 1955, Duke Ellington commence une nouvelle et dernière phase de sa carrière tout aussi foisonnante et qui illustra une fois encore combien le génie Ellingtonien s’est constamment ouvert à de nouvelles formes musicales lorsqu’il ne les créaient pas lui même. C’est ainsi que durant cette période Duke Ellington enregistra avec Mingus et Roach le célèbre « Money Jungle » ou encore le très faleux duo avec Coltrane. Mais surtout durant cette période, Duke voit dans son orchestre le retour de quelques unes de ses figures mythiques comme Johnny Hodges dans le rôle de l’enfant prodige. Les figures marquantes de l’épopée Ellingtonienne sont toujours ses solistes préférés comme ses fameux trompettistes « Cat » Anderson, Clark Terry ou Ray Nance ou encore Russell Procope éblouissant et Paul Gonsalves qui la même année qu’il participait à ce « A drum is a woman » signait son fameux chorus de Newport. Quand à la rythmique, c’est toujours la paire Sam Woodyard à la batterie associé à Jimmy Woode qui tient la baraque.

En 1956, Ellington exhume un projet qui lui tenait à cœur depuis longtemps, l’écriture d’une suite conçue comme un opéra autour de l’histoire du jazz. Cette idée d’écrire une œuvre racontant l’histoire du jazz était venue à l’origine d’une rencontre en 1941 entre Ellington et Orson Welles, ce dernier lui ayant demandé de réaliser ce travail. Le projet était alors resté dans les cartons et Ellington  petit à petit, entre deux tournées écrivait cette pièce, la testant parfois entre deux concerts avec son orchestre comme ce Congo Square qui figure comme l’un des morceaux majeurs de « A drum is a woman ».

L’histoire : A la base se trouve Joe, Carribee Joe, le primitif attaché à sa jungle et à sa batterie. Celle-ci n’est autre qu’une femme, Madame Zajj. Mais Madame Zajj veut voyager, exposer ses charmes (sa musique) dans le monde avec un « M » universel. Alors Madame Zajj (qui est rappelons le « a drum » c'est-à-dire le rythme, la pulsation dans tout ce que le terme comprend – Ellington le dit dans chaque batterie que l’on entend il y a une femme) part à la Nouvelle Orléans où elle deviendra à l’occasion du mardi gras la reine du King of the Zulus, défilant dans la rues de canal Street au bras de Buddy Bolden figure mythique s’il en est des origines du jazz. Mais Madame Zajj va voyager et triompher partout dans le monde de New York à Los Angeles, San Francisco en passant par Paris et Londres, se nourrissant des multiples influences, évoluant sans cesse vers le swing. Mais où qu’elle soit, dans la nuée des fumée qui enveloppent les clubs de la ville, toujours la mémoire de Joe reste chevillée au corps de Madame Zajj qui malgré tout ce périple et les innombrables Joe qu’elle rencontre partout dans le monde ne parvient pas à l’oublier. Et bien sûr Joen Carribe « Joe » dont le non retentit tel un appel à plusieurs moments de la pièce, n’est autre qu’une belle métaphore de cette Afrique toujours présente (Congo Square) que le jazz ne parvient à oublier. L’Afrique, comme un réminiscence prégnante et éternelle.

Dans cette œuvre, Ellington dont on entend la voix de narrateur, remet les chanteurs à l’honneur avec une chanteuse lyrique qui intervient en introduction, Ozzie Bailey admirable chanteur carribéen et surtout le rôle de Madame Zajj chanté non moins admirablement par Joya Sherrill dont l’histoire est assez belle pour être racontée. La jeune femme, alors qu’elle était étudiante etait venue un jour chanter à son collège en l’honeur de Ellington qui toma immédiatement sous le charme de sa voix syuave et l’embaucha sur le champ.

Alors tout se mêle dans la continuité de cette épopée, où la progression du discours la logique historique, celle qui aboutit à cette « catastrophe féconde » qu’est le jazz, et qui traîne avec elle la nostalgie de Carribe Joe, la nistalgie de cette Afrique dont la mémoire ne s’efface jamais du rêve de Madame Zajj. Cette Afrique toujours présente dans la pulsation primitive, cette sorte d’animalité tribale. Mais le jazz est une femme et une batterie et les solistes apportent à cette histoire autant de l’esprit jungle que de cette puissance érotique, qu’elle vienne des caresses sensuelles de Johnny Hodges (a drum is a woman part 2 ou Ballet of the flying sauce), de la danse envoûtante de Russell Procope ( New orleans) ou des jaillissements spermatique de Clark Terry (Hey Buddy Bolden ) – après tout le jazz ne serait il pas étymologiquement lié à l’orgasme !

Claude Bolling avait repris cette œuvre de Ellington malheureusement trop peu souvent jouée.Cette réédition a le mérite de nous permettre de la redécouvrir. Car il s’agit incontestablement d’un moment essentiel du génie d’Ellington.                                                                                       Jean-Marc Gelin

 

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10 mars 2008 1 10 /03 /mars /2008 07:18
recto-CD-Cordes-Sensibles-Constellation.jpg

 



Après « Invitation » voici le deuxième album de ce séduisant duo vocal constitué il y a quelques années entre Caroline Arène et Isabelle Gueldry. Entre les deux albums les deux femmes n’avaient pas disparu de la circulation mais s’étaient donné le temps de peaufiner un nouveau répertoire fait de nouvelles couleurs entre jazz et Brésil mêlé, à la recherche d’arrangements subtils où les mises en place harmoniques et rythmiques sont périlleuses. Tenez par exemple, aller s’attaquer à un Speak no Evil de Wayne Shorter ! Ou cette samba Frevo de Orfeu du genre à s’arracher les cheveux su le doublement de tempo.

Car le truc est là ! Caroline et Isabelle n’hésitent pas à prendre des risques et à se mettre en danger, refusant les « voix » d’un jazz vocal par trop formaté et souvent nombriliste. Elles, ne sont pas des chanteuses égocentriques, pas du genre à faire des filaments poético-filandreux. Pas de ça ici ! Ici seul le plaisir de chanter. Ici la seule et belle musicalité des voix qui n’ont pour d’autres buts que d’explorer un jazz vocal que visiblement elles adorent. Ici on y entend leur profond respect pour Mimi Perrin, si présente entre les lignes au travers de Feeling minor et surtout de Naïma qui renvoie inévitablement à l’inoubliable version des Double Six. Carine Bonnefoy est de l’aventure qui signe là des sublimes arrangements comme pour ce Portrait en Noir et Blanc de Jobim où elle réalise un travail d’écriture surprenant et poignant.

Les voix de Caroline Arène et Isabelle Gueldry ne sont pas celles de deux solistes. Elles se font surtout intrumentistes. Elles se font chanteuses qui s’unissent se séparent, contre chantent et mêlent leur voix si complémentaires comme deux tisserands tramant sous nos yeux des textures pastel. Des textures sur lesquelles les textes de Gill Gladstone (que l’on connaît pour en avoir signé pour Thierry Peala) apportent un surcroît de poésie. Sans pour autant jamais oublier la pulse celle qui fait le terrain de jeu des amoureux du jazz. De ceux qui savent faire swinguer les clubs de jazz (Nica ‘s dream). Certes tout n’est pas parfait et les deux chanteuses ne sont pas hyper à l’aise sur le phrasé du Brésilien  et certaines pistes auraient peut être mérité une ou deux nouvelle prise. Mais peu importe. Cet album est celui de l’enthousiasme, de l’amour du chant, de la passion de « chanter ensemble », de se situer dans l’instant du chant, dans l’écoute mutuelle et l’attention à poser sa voix en harmonie avec celle de l’autre. Nous en devenons alors les spectateurs attentifs, séduits par un paysage au charme fou. On l’a dit la réussite de cet album tient aussi en partie à la qualité de tous les arrangements. Le guitariste Serge Merlaud qui en signe quelques-uns uns, se fond, tel un caméléon dans l’univers des deux filles, y apportant autant de profondeur que de swing.  Guitariste remarquable d’intelligence du jeu et d’écoute dont le phrasé apporte non pas un supplément d’âme mais plutôt une âme en plus. Les chanteuses avec élégance, lui laisse même une plage Laps de temps où il s’exprime en trio avec autant de grâce que de sensibilité. Et puisque l’on parle de sensibilité, autant vous le dire tout de suite, les « cordes sensibles » c’est sûr ne sont plus deux, elles sont 8 !                 

Jean-Marc Gelin

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