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26 février 2008 2 26 /02 /février /2008 07:29

Cristal 2008


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Vincent Bourgeyx est un de ces jeunes pianistes français bourré de talent qui constitue avec d’autres comme Batiste Trotignon la jeune garde de ceux qui perpétuent une certaine conception du piano jazz toute empreinte de l’école classique. Fini le dilemme Jarrett/ Meldhau, fini aussi le piano minimal. On est ici plus dans une approche dont les sources sont plutôt à situer du côté de Ravel ou Debussy avec un penchant romantique qui évoque bien sûr Chopin voire Litz (qu’il faudra bien un jour penser à réhabiliter !). Il ne s’agit pas de constructions harmoniques complexes ou de métriques compliquées mais plutôt de la mise en valeur d’un discours plus mélodique. Et il s’agit moins de ce qui est dit que de la façon de l’exprimer. Car Bourgeyx s’impose avec allégresse et légèreté, survole son clavier en le caressant, lui imprime une marque très aérienne. Belle leçon de fluidité dans le jeu. Et puis surtout il y a sur 7 morceaux, une forme assez rarement utilisée, celle du duo Piano / Batterie ici totalement convaincante. Cette forme est assez exigeante pour ne s’accommoder que de batteurs de grande classe assez habile pour imposer leur jeu et assez fine pour ne pas écraser le piano. Karl Jannuska dont nous ne cessons de dire qu’il est actuellement l’un des plus grands batteur du circuit parvient à apporter ce surcroît de frémissement, cette nervosité frissonnante qui sied si bien au jeu du pianiste. A écouter dans Beaux Dommages ou sur For KJ (vraisemblablement écrit pour lui) où comme un train lancé à toute allure il déroule un paysage rectiligne. Tout pour plaire assurément. Cependant lorsque l’on entend la belle version que Bourgeyx livre de I’ll remember april, on se plaît parfois à espérer que le jeune pianiste quitte un peu les effluves romantiques certes jolies mais que l’on voudrait parfois un peu plus matinées de blues, juste un peu pus sauvages. Il ne manque pas grand-chose à ce pianiste qui pourrait alors nous convaincre alors sans réserves.                                                                                        Jean-Marc Gelin

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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 07:39
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La Buissonne
/ Harmonia mundi 2008

 

 Gérard de Haro est actuellement  aux commandes d’un formidable studio d’enregistrement, La Buissonne. Il a fini par céder à la tentation de créer son propre label et sa  première livraison  « maison » en 2003, fut  un coup double : un premier solo de  Jean François Jenny Clark, capté sur le vif, au Bass festival d’Avignon 1994 et  le second solo, intitulé Vents et Marées, du pianiste Jean Sébastien Simonoviez.

Quatre ans plus tard, Gérard de Haro retrouve le pianiste pour un projet terriblement ambitieux mais parfaitement abouti : jouer des cordes, avec elles, dans toutes les combinaisons possibles. Ce sera  « Crossing life and strings » où il réunit trois des meilleurs contrebassistes de jazz actuels, Barre Philips, Riccardo del Fra et Jean Jacques Avenel, celui qui introduisit la basse électrique dans le jazz, Steve Swallow,  et pour continuer à se faire plaisir, il ajoute un quatuor à cordes Opus 33 pour exécuter certains arrangements raffinés du pianiste, auteur de nombreux thèmes. De quoi  créer des formules à géométrie variables, toutes sortes de duos autour des thèmes, comme cet « Om » co-écrit avec Riccardo del Fra, qui est ainsi revisité trois fois.

Un festival de cordes où techniques et manières diffèrent mais malgré les différences, c’est l’unité de l’album qui nous frappe, sa cohérence.

Coltrane est présent dès le superbe thème inaugural « Welcome » avec Barre Philips; le répertoire est subtilement construit, alliant à la ferveur quasi mystique de certaines mélodies,  la rêverie romanesque (« My ship » de Kurt Weil/ Gerswhin), des climats sereins, presque tendres Leo Ferré (« A une passante » ), d’autres plus méditatifs « Cavatina »

Le résultat est un album lumineux, comme le prouve cette dernière composition qui rassemble tous les musiciens du projet autour d’une suite en trois parties intitulée « Cosmos ».

 JS Simonoviez exprime une sensibilité accordée à une certaine idée de l’instrument : pas de cascades de notes, de recherche de performance, on « entend » pourtant parfaitement  sa sonorité cristalline et tendre, tranchante aussi, un phrasé si clair qu’il en est presque limpide.

Un intimisme exacerbé était la marque de l’univers du pianiste dans l’exercice du solo. En accompagnateur humble et fidèle d’autres cordes, il laisse les développements prendre leur temps, s’abandonnant à la petite « musique des sphères. » Sophie Chambon

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 07:29
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Cabu Jazz - 2007

 Avec la série Cabu Jazz Masters à prix économique mais à haute densité musicale, nous poursuivons la (re)découverte de petits chefs-d’œuvre, compilés à partir de divers catalogues ;

 la dernière livraison est consacrée cette fois à quatre « fondamentaux » : Stan Getz, Count Basie (en combos), Stan Getz et enfin Oscar Peterson qui vient de nous quitter; ce qui nous permettra de lui tirer une ultime révérence. Le géant canadien s’est éteint en effet le 23 décembre dernier à l’âge de 82 ans.

Après l’édito de janvier de Jean Marc Gelin, particulièrement inspiré,  il semblait en effet opportun de s’intéresser à la sélection de Claude Carrière pour cette collection, dont la couverture sur fond jaune (colorisé par Wozniak) reproduit un dessin de Cabu dont on connaît l’attachement indéfectible au jazz classique.

Oscar Peterson débuta sa carrière en 1949 avec les tournées de «All Stars du JATP» (Jazz at the Philharmonic) organisées par Norman Granz. Ce pianiste considérable reste l’une des véritables stars du jazz dans toutes les configurations possibles : solos, duos avec guitare ou contrebasse, trios, quartets, mais aussi en big bands.

Dans un article du dernier Jazzman (février 2008 n°    ), Stéphane Carini auquel on doit le livre érudit, au titre justement poétique, « les Singularités flottantes de Wayne Shorter »,  rappelle que la critique n’a pas vraiment été tendre avec Oscar Peterson, et si le grand public ne boudait pas son plaisir, des amateurs éclairés, nombreux mais un peu trop radicaux reprochaient rien moins à ce musicien simplement talentueux une virtuosité suspecte.

Ah les querelles de chapelle…

Cet album de la série Cabu Jazz vient remettre les pendules à l’heure et nous rappeler, pour les années 1952 à 1956, toute une série d’enregistrements en trio, la formule reine : ce sont les débuts d’une entente partagée avec le formidable contrebassiste Ray Brown qui fera route commune avec le pianiste pendant quelques années. Les guitaristes de prédilection seront d’abord Barney Kessel, puis Herb Ellis qui, avec ce trio, débutera sa véritable carrière.

A l’écoute première, le Cd 1 révèle donc un trio accompli qui reprend avec aisance des standards de Basie dès le « One o clock jump » inaugural, de Gershwin («Fascinating Rhythm»,) Irving Berlin ou Harold Arlen (une version très originale de « Over The rainbow » qui décomplexe par rapport au chant éthéré de la merveilleuse Judy Garland). C’est que le tempo est toujours vif, même dans les morceaux tendres, la rythmique impeccable, le pianiste « aux gestes d’hirondelle » (ça c’est du Marmande !)

Tout y est déjà…on hésite encore… Mais, c’est le second CD intitulé sobrement Live!qui emporte tous nos suffrages, tant l’interactivité est saisissante, avec un Ray Brown ébouriffant sur toutes les prises en trio enregistré ce 8 août 1956. Le public attentif du « Stratford Shakespearian Festival » avait bien de la chance d’assister à ce concert à la virtuosité jamais démonstrative, offert avec une rayonnante bonne humeur: ça swingue comme jamais, Peterson joue à la perfection jusqu'au final déchaîné de « 52nd street »

Oui, Claude Carrière a raison d’écrire que l’on fond sur « How High The Moon ». La version de «Flamingo», débarrassée des emphases de certains chanteurs, apparaît enfin à sa juste mesure. « Swinging on a star » est ce thème familier, repris par Richard Anthony, le chanteur à tubes des années soixante. A l’époque, le jazz fournissait aux autres styles musicaux…

Quant à Oscar Peterson, il chantonne tout le temps de ce concert mémorable, sans poser à l’artiste inspiré, comme plus tard, d’autres, tout autant inspirés, mais nettement moins discrets et humbles. C’est sans effort semble t-il, et pourtant…. C’est colossal, à l’image de cette figure de légende.

Sophie Chambon

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18 février 2008 1 18 /02 /février /2008 07:28

Le Chant du Monde 2007

Antoine Hervier (p), Costel Nitescu (vl), Yves Rousseau (cb), Yoann Serra (dm), Adrien Moignard (g)

 

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Il faut s’attendre en cette année 2008  à ce que les albums en hommage à Stéphane Grappelli fassent florès dans la mesure où nous célébrons cette année les 100 ans de sa naissance et les 10 ans de sa disparition (1908-1998). C’est le violoniste roumain Costel Nicescu qui ouvre ce bal swing de bien belle façon avec un album qui balance entre compositions originales, mélodies à la manière de Grappelli (Remembering Stéphane, It’s allright with me) et standards de jazz (Nightingale song in Berkeley square ou Nature Boy).

Pas forcément très connu de ce côté-ci de l’Europe où il réside depuis plus de 10 ans, Costel Nicescu est un violoniste qui a évolué en Roumanie auprès des plus grands musiciens de son pays notamment comme premier violon au sein de l’orchestre de Radio de Bucarest ce qui, avouons-le n’est pas rien dans un pays où l’on apprend aux enfants à jouer de  cet instrument en même temps qu’à se servir d’un hochet. Et ce qu’il y a de remarquable chez celui qui tint l’archet dans le groupe de jazz manouche de Tavolo Schmitt ou de Marcel Loeffer c’est qu’il réalise véritablement cette synthèse entre le swing d’inspiration manouche et le lyrisme tsigane dont il ne se départit jamais (pourquoi le ferait il d’ailleurs ?) et qui pointe toujours derrière l’envolée d’une phrase ou dans l’ultime conclusion d’une coda (écoutez la belle ballad for Lleana).  Sur les traces de Grappelli bien sûr ce son si chaleureux et porteur d’émotion, cet art de l’improvisation à la fois virtuose mais jamais dans la précipitation (ce qui est rare chez les violonistes manouches qui tendent souvent à se vautrer dans l’avalanche des triples croches). Sur les traces de Grappelli cette volonté de faire swinguer en diable le moindre bout de phrase sans jamais trop en faire. Prolongement d’un sentiment au bout des doigts agiles. Mais plus que tout il y a le trésor partagé avec le maître Grappelli, cette passion des belles mélodies presque chantantes pour lesquelles chez l’un comme chez l’autre l’on sent effleurer à vif, à fleur de peau en somme, une réelle tendresse.                                               

Jean-marc Gelin

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16 février 2008 6 16 /02 /février /2008 08:14

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EMARCY 2007

Chris Potter (ts,ss), Craig Taborn (fender), Adam Rogers (g), Nate mith (dm) enregistré en fevrier 2007 au Village Vanguard

 

 Attention : tuerie ! Mettez ce CD dans votre lecteur et assoyez-vous. Parce

Qu’il vaut mieux que l’on vous prévienne si on ne veut pas avoir d’ennui et tout ça tout ça : car c’est sûr vous allez rapidement être atteints des premiers symptômes : fourmillement au bout des orteils, battement du rythme avec la tête, les pieds, la tête voire même les oreilles. C’est obligé !

Cet album enregistré en « Live » un  soir à New York dans le club mythique et dans la série des grands « live at the Village Vanguard » nous donne comme toujours un regret immense, celui de ne pas avoir présent ce soir là dans le club New Yorkais de Lorraine Gordon. Parce qu’il faut bien le dire nous avions été un peu déçu lorsque nous l’avons entendu un mois avant cet enregistrement au New Morning. Mais force est de constater que ce concert là n’était pas du même métal. Car à New York, dans son élément, Chris Potter est dans un véritable état second, culminant au sommet que voudraient bien atteindre les autres saxophonistes aujourd’hui. Depuis la disparition de Michael Brecker, peu peuvent prétendre à la succession de ce dernier si ce n’est des hommes de la trempe de Chris Potter qui devrait fort logiquement rependre ce flambeau là. Il suffit pour s’en convaincre de l’entendre (Pop Tune 1) enchaîner, après un soul bien gras de Adam Rogers, un funk endiablé, c’est bien simple on se croirait un soir à Newport lors d’un chorus de Paul Gonsalves mais en mieux. On n’a pas la bande vidéo mais on jurera que les demoiselles devaient danser au Village ce soir de février.

Avec la même énergie qui ne débande pas, le quartet de luxe enchaîne chaque morceau qui chacun mériterait un 4 étoiles tant le niveau y est incandescent. Le groupe y est cohérent, fait entendre un vrai collectif, pas un seul en dessous du point culminant, chacun à une place indispensable se hissant à son meilleur niveau. On pourrait parler de cette façon qu’a Adam Rogers en bandit de grand chemin de salir le son (Viva las Vilnius), de le laisser traîner «  gras » et qui s’oppose en exact contrepoint à la classe et à l’élégance bouillonnante du lyrique Potter. Sans compter Craig Taborn qui est aux musiciens américains ce que Pierre de Bethman est aux français, l’incontournable pilier de Fender, ici dans un rôle où il passe alternativement du rôle de soutier de luxe aussi indispensable que le feu à l’ébullition des éléments, à un rôle où il crève littéralement l’écran comme dans Arjuna ou dans l’africanisant Togo. Sans parler du rôle de

Cet album c’est sûr va longtemps tourner en boucle sur nos platines. Il est carrément jubilatoire. De ceux qui redonnent une sacrée pêche au jazz. Qu’on se le dise Potter ce n’est pas magique, c’est sorcier !

Jean-Marc Gelin

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15 février 2008 5 15 /02 /février /2008 07:38
Mc-Caslin.jpg

Sunnyside 2007

Donny Mc Caslin (ts, fl, as), Dave Binney (as, fl), Ben Monder (g), Scott Colley (cb), Antonio Sanchez (dm), Pernell Saturnino (perc)

 


                     On commence à connaître Donny Mc Caslin de ce côté ci de l’Atlantique depuis que le jeune homme s’est signalé à notre attention à travers quelques enregistrements bien justement remarqués. On se souvient de ses prestations dans l’orchestre de Maria Schneider dont il constitue l‘un des fidèles piliers et l’on se souvient aussi l’avoir entendu dans le magnifique « Meaning and Mysteries » de Dave Douglas malheureusement introuvable ici.

Ce nouvel album (le sixième signé sous son nom) confirme ce que l’on savait de ce futur « déjà » grand du saxophone. Une parfaite maîtrise de son instrument. Un art du contrôle. Jamais de dérapage ou alors parfaitement contrôlés. Sauf qu’à la différence des autres merveilleux saxophonistes de son âge, Donny Mc Caslin a des choses à dire et ne se contente pas de tourner en rond autour de sa maîtrise technique. Il affiche au contraire une très grande maturité musicale qui s’exprime à la fois dans la teneur de ses compositions, jamais uniformes mais aussi dans les leçons qu’il tire d’un jazz qui va puiser autant dans des lignes sinueuses post (ou néo) Shorteriennes que dans la fausse apparente simplicité des airs latinos qui sous sa plume et avec son lyrisme prennent la marque d’une véritable prouesse rythmique. C’est vrai qu’il est pour l’occasion entouré d’une section de luxe avec Antonio Sanchez (le batteur de Pat Metheny) à la batterie et Pernell Saturnino (le percu déjà entendu aux côtés de Danilo Perez) aux percus. Sorte de clin d’œil à son background pour ce saxophoniste Californien de 41 ans né du côté de Santa Cruz quelque part sur la One  O One entre Palo Alto et Monterey. Avec l’autre saxophoniste de l’album, Dave Binney, Donny Mc Caslin s’entend à merveille dans l’art du contre chant et du tramage des voix. On a un peu de mal à savoir qui joue en l’absence de liner notes le précisant et c’est bien dommage. On ne peut ainsi rester insensible aux deux chorus pris sur Madonna où l’on entend deux instrumentistes dépasser la simple progression harmonique pour délivrer un discours bien plus profond. Jamais cérébrales les compositions de Mc Caslin dépassent le cadre du swing pour le swing, de la mélodie pour la mélodie. Une réelle expression, un réel phrasé. On retiendra la précision de ses contre temps sur les airs latinos ( Descarga, Fast Brazil), sa capacité à se transformer en élégant joueur de saxophone d’orchestre salsa ou de boléro ( Send me a postcard) les univers bleutés ( Sea of Expectancy) et les prolongements de l’univers Breckerien ( Village natural , In pursuit), cet univers de Steps Ahead dont fit partie un moment notre saxophoniste. C’est que ce garçon un peu caméléon sur les bords sait tout faire, tout jouer et tout composer. Une sorte de génial éclectique.                                                                                                   Jean-marc Gelin

 

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13 février 2008 3 13 /02 /février /2008 07:43

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www.aurasky.com

François Creamer (clb), Vincent Limouzin ( vb et perc), Christian Duperray (b), David Pouradier Duteil (dm)

 

 Pour leur deuxième album, les inspirateurs de Jaster ont choisit d’explorer un univers quasiment organique aux contours légèrement bizarres. Une sorte d’exploration avec leur Bathyscaphe d’un univers où le poétique côtoie des atmosphères plus inquiétantes. Une plongée dans quelques eaux profondes qui aurait très bien surgir de l’univers littéraire d’un Edgar Allan Poe ou encore d’un Jules Vernes sous substances hallucinogènes. Un univers marin quasiment fantasmagorique. Du coup le quartet s’engage dans la recherche d’une atmosphère, d’une couleur globale où il est moins question d’alterner les solistes que de contribuer à la couleur d’ensemble. Il y a de l’architecture dans ce travail là. L’architecture d’un corps en mouvement. L’exploration d’un univers inconnu, qui oscille entre le calme (Gameland comme une petite musique enfantine) au déchaînement des éléments ou d’une foule en furie (Crow). Car c’est bien d’inconnu surprenant dont il s’agit tant les contours de cet album ont bien du mal (et c’est tant mieux) à répondre à une quelconque classification. Des éléments se juxtaposent qui viennent parfois de l’improvisation contemporaine ( pourquoi ne pas penser à John Cage parfois) ou d’une musique façon Zappa, avide de touts les renversements harmoniques, rythmiques et des cassures nettes. C’est d’ailleurs le reproche que l’on pourrait faire à des compositions dans lesquelles le procédé de la rupture est utilisé de manière quasi systématique. Au risque de perdre en cohérence mais en maintenant constamment en éveil l’attention de l’auditeur explorateur qui embarque intrigué, avec ces musiciens inventifs dans cet étrange sous marin.                                                           Jean-Marc Gelin

 

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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 07:51
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Zig Zag territories 2008-02-02


Chroniquer ce nouvel album de Raphaël Imbert est une tâche aussi ardue que l’œuvre à laquelle il s’attaque. Car ce qui pourrait être considéré facilement comme une « somme » autour des relations entre Bach et Coltrane pourrait aussi facilement décourager les impatients et ceux qui hésiteraient à se plonger dans plus d’une heure de musique que l’on qualifiera du bout des lèvres de « sacrée ». Car cet album n’est pas un objet de consommation musicale immédiat mais au contraire une sorte de thèse manifeste invitant à la réflexion sur le thème de la spiritualité dans la musique. Ceux qui parmi les musicologues chercheront dans cet ouvrage les traces des relations musicales entre Bach et Coltrane resteront peut être sur leur faim même si, sur le thème de l’approche modale et d’une certaine horizontalité dans la musique de Bach et Coltrane il y a des ponts qu’ils n’hésiteront pas à franchir. Au jeu très sérieux des correspondances, Raphaël Imbert nous en livre une brillante démonstration. Ne tombant jamais dans le piège d’une grille de lecture univoque, cet album juxtapose les formes et les motifs. Tantôt un quatuor à cordes (le quatuor Manfred) joue simplement du Bach sans aucune jazzification, tantôt ces opus sont la porte ouverte à l’improvisation démontrant ainsi ce lien flagrant entre Bach et Coltrane. André Rossi qui enseigne l’orgue au conservatoire de Marseille contribue à son tour à en apporter un témoignage qui surprendra certains mais n’étonnera pas ceux qui le dimanche matin entendent quelques uns des grands organistes actuels improviser du côté de Notre Dame de Lorette à Paris.

Lorsqu’il s’agit de la musique de Coltrane, celle-ci est livrée, brute, dans sa splendeur mystique  comme ce Crescent qui, prenant la suite de l’art de la fugue, démontre combien cette musique apporte à l’élévation de l’âme. Il s’agit alors d’une lecture spirituelle de l’œuvre de Coltrane qui se place soit à côté de celle de Bach soit parfois dans son prolongement. C’est ainsi que s’entend ainsi l’improvisation sur B.A.C.H (pour « Si, La, Do et Si bécart ») ou encore Reverend King. Où l’on découvre aussi comment la musique de Coltrane se prête à l’exercice d’un quatuor à cordes, exercice il faut bien le dire (et le regretter) très peu souvent réalisé (une première ?).

Les apports de Jean Luc Difraya dans le rôle du haute contre à la voix (trop) exceptionnelle et qui jetterait les liens entre classique et moderne sont en revanche bien moins convaincants. Car ces liens se trouvent ailleurs. Les sublimes improvisations à haut risque de Raphaël Imbert sur Bach ou celles non moins risquées de André Rossi sont beaucoup plus éclairantes ( les Chorales de Mi).

Raphaël Imbert nous livrait récemment son analyse reposant sur une distinction entre le Mystique (Coltrane), le métaphysique (Pharoah Sanders) et le religieux (Albert Ayler). Sur cette base Raphaël Imbert trouve un autre point de convergence entre Bach et Coltrane, celui de la psalmodie où la réinterprétation du choral luthérien évoque le thème, le psaume comme élément fondateur. Dans la mystique coltranienne, le rapport au divin s’inscrit dans une démarche personnelle d’élévation de soi vers Dieu. La musique en est l’un des témoignages au même titre que la littérature. Raphaël Imbert se plaît ainsi à évoquer le poème écrit par Coltrane dans Love Supreme et à poser la relation avec ceux de Saint Jean De La Croix, fleuron de la littérature mystique d’Occident si tant est qu’il fallait apporter une preuve de la spiritualité coltranienne.

Il faut alors prendre ce travail de Raphaël Imbert pour ce qu’il est. Une visitation bigrement intelligente et quasi universitaire de l’univers de Bach et de Coltrane dans leur double dimension philosophique et musicale. Mise en perspective, juxtaposée ou dans le prolongement l’une de l’autre, cette approche pourrait bien servir de base à la conférence que Raphaël Imbert donnera sur la place du sacré dans la musique.

Les dix dernières minutes concluent magnifiquement cet album. Reverend King puis le Chorale de Mi et enfin O welt, ich muss dich lassen achèvent cette lecture sublime. Car avant tout, ce travail enregistré dans une église où les résonances et les craquements du bois n’ont pas été éliminés, illustre merveilleusement le transport « religieux » que ces musiques évoquent. Qui parlent à l’âme et revêtent ainsi leur part d’exaltation. De divin. Jean-Marc Gelin

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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 07:44

Carla-Bley.jpg 

 

 

La très bonne idée de ce dernier album de The lost chords est d’être allé chercher le trompettiste sarde Paolu Fresu pour accompagner le quartet de la plus suédoise des compositrices américaines, Carla Bley. Une quête contée comme une bande dessinée et avec beaucoup d’humour dans les « liner notes » qui accompagnent l’album. Une rencontre en apparence contre nature tant la pianiste s’est ses dernières années appliquée à l’understatement dans ses compositions, un certain minimalisme froid alors que Paolo Fresu transmet beaucoup d’émotion par  la sincérité et le naturel de son phrasé. Et pourtant le résultat est exceptionnel. La suite The Banana Quintet est une pièce majeure où chaque note semble absolument nécessaire, indispensable. Une harmonie élégante, majestueuse, vibrante, porteuse de lendemains lumineux, sans aucun pathos. Le timbre charnu et rond de Fresu se marrie parfaitement à l’élégance effacée de Drummond à la batterie, au swing de Steve Swallow, toujours parfait à la basse électro-acoustique et au son pur d’Andy Sheppard aux saxophones soprano et tenor.  Quel bonheur ces compositions que nous offre Lady Bley, de la très belle ouvrage, montant en intensité avec subtilité et nous tenant en haleine jusqu’à l’accord final. En apparence d’une grande facilité, la suite est d’une construction très complexe, avec des ruptures harmoniques très brutales, des chorus de cinq mesures et de nombreuses quintes. Et surtout ensemble, les cinq musiciens ont un son d’une homogénéité parfaite, un peu comme si cela faisait vingt ans qu’ils traînaient ensemble dans tous les rades de la planète. Des vieux de la vieille à qui on ne la raconte pas. Ils se sont vraiment trouvés (« find »), au sens fort du terme, trouvés dans le souffle qui les traverse, trouvés dans la pâte sonore, trouvés dans le même amour de la musique. Leur art explose sur le sublime Death of Superman – Dream sequence 1 Flying , une pièce très intime, très lyrique, très dépouillée où Fresu se découvre être le jumeau poète de Sheppard. Absolument bouleversant. A la fin de l’album, ils reprennent une vieille composition de Carla Bley, Ad libitum, qui semble avoir été écrite pour conclure cet album choral. Régine Coqueran


Watt Works 2007
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11 février 2008 1 11 /02 /février /2008 07:41
dbinney2006.jpg 

Mythology 2007

David Binney (as), Bill Frisell (g), Craig Taborn (p, org, synth), Eivind Opsik ( ac & elec b) Kenny Wollesen (dm, perc), Adam Rogers (g)

 

 

 

 

 

Nous avions été emballés il y a un an à l’écoute de « Welcome to life ». Aujourd’hui nous sommes juste un peu plus réservés à l’écoute de « Out Of Airplanes » même si c’est vrai il ne manque pas d’atouts. La conception de la musique telle que la développe ici David Binney est véritablement celle d’une œuvre collective dans laquelle le tramage des voix (Contributors) qui s’emmêlent, se confondent et contre chantent les unes avec les autres, cette conception est celle d’une histoire racontée. Une histoire dans laquelle le rôle du soliste compte beaucoup moins que l’univers dans lequel il semble plonger. Ainsi par exemple les chorus de David Binney s’entendent plus comme la narration d’une histoire que la force évocatrice permet à chacun de s’inventer. Les voicing et les backgrounds  sonores contribuent à tisser l’espace musical sur lequel les voix émergent. Celle de Bill Frisell qui ne fait pas partie de la bande mais est invité pour l’occasion, donne à la force presque romantique de David Binney un contre éclairage plus ténébreux de rock un peu plus trash (Out of Airplanes). Les univers sont complexes mais poétiques. On relève un gros travail de composition jouant sur une réelle complexité harmonique cependant jamais fastidieuse à l’écoute. On est au contraire plus intéressé par la lente organisation des morceaux. Chaque soliste ici reste très respectueux du cadre pas seulement défini par la rythmique mais par chacun d’entre eux. Dans Bring your dream, les acteurs de cette pièce poétique semblent improviser une déambulation dans une sorte de ville fantôme où les éléments traversent l’espace sonore furtivement, craquent et couinent avant de disparaître. Les morceaux sont parfois entrecoupés de petits interludes comme des petites escales qui emmènent ailleurs, changent le décor tout en conservant une certaine continuité. Mais l’essentiel de l’album est conçu comme de lentes progressions de thèmes fondés sur des ostinato dont l’intensité progresse peu à peu et sur lesquels le soliste s’exprime jusqu’à toujours la porter à son paroxysme final (Out of  Airplanes, Home). C’est très beau même si, utilisé plusieurs fois il donne un caractère un peu répétitif. En fin d’album il est encore utilisé sur Instant Distance pour laisser place au batteur qui aura été de bout en bout assez impressionnant et qui conclut un album qui s’étend entre fascination des paysages et émotions vives. En dehors de l’avion s’étend ce paysage cotonneux et inaccessible que nous observons derrière le hublot. En spectateurs, parfois étrangers. Jean-Marc Gelin

 

 

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