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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:17
BEBO VALDES

Samuel Charters

Naïve

183 p. 

BEBO.jpg

 Bebo Valdès n’est pas totalement un inconnu. Pour beaucoup d’entre nous c’est le pianiste cubain légendaire de Calle 54 remis sur le  devant de la scène par le film Buena Vista Social Club. Pour d’autres c’est aussi le père d’un autre grand pianiste, Chucho Valdès.  Mais qui connaît chez nous les Lucuona Cuban Boys ou la Orquesta El Sabor de Cuba ? Quasiment personne, sauf quelques érudits de musique cubaine et de salsa telle qu’on la jouait dans les orchestres de danse dans les années 50 / 60.

 

Samuel Charters, producteur, journaliste et écrivain réalise ici un travail de portraitiste absolument passionnant. Portrait d’un musicien qui depuis la révolution cubaine s’est réfugié en Suède où il a refait sa vie, mais aussi portrait remarquablement écrit où l’auteur dévoile peu à peu son amitié pour celui qu’il a suivi durant près de 4 années. Au-delà du simple exercice convenu qui consisterait à retracer fidèlement les étapes de la carrière de Bebo (certes mise longtemps entre parenthèses), Samuel Charters fait œuvre plus large. Car il s’agit moins de la vie d’un musicien que de celle d’un homme brisé puis reconstruit, celle d’un musicien exilé dans un pays qui n’est pas le sien mais qui par sa musique, survit. Un homme qui vécu dans l’injustice d’un quasi anonymat durant 35 ans d’exil à Haninge en Suède et dont le caractère légendaire fut révélé lors du film Buena Vista Social Club. Alors Samuel Charters qui sait bien que son sujet qui fut l’un des plus grands compositeurs et arrangeurs de musique cubaine malheureusement réduit durant de longues années au rôle de pianiste de bar dans des hôtels de luxe, va chercher ailleurs la racine de son sujet. Et c’est alors moins le portrait d’un musicien dont il s’agit que celui d’un artiste en exil. Avec beaucoup d’intelligence et de pédagogie Samuel Charters contextualise, prend le temps de s’arrêter sur l’histoire de Cuba et ses relations troubles avec les Etats-Unis, décrit les maisons tristes, le froid qui perce derrière les fenêtres lorsque le vieux pianiste dans un studio de Stockholm enseigne à un jeune orchestre de salseros suédois. Samuel Charters parle aussi de ses enfants (ceux qu’il a eu en Suède) , s’intéresse à la façon dont ils se sont intégrés dans la société Suédoise, et s’arrête sur le regard presque incrédule qu’il jette affectueusement sur leur père. On est saisit d’une réelle émotion à l’évocation du souvenir du départ de Cuba, pays dans lequel malgré ce retour tardf de gloire, Bebo Valdès ne reviendra jamais. On suit ce regard mutin mais terriblement fataliste de ce vieux pianiste visiblement trop brisé pour s’émouvoir sans sourire de ce retour en grâce à l’âge de 85 ans.

Jean-Marc Gelin

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:16
Jazz in Arles douzième édition

Retour sur  la fabuleuse édition en mai dernier de « Jazz in Arles » au Méjan, festival singulier concocté par un des programmateurs hors pair de la scène de jazz et des musiques actuelles, Jean Paul Ricard, directeur de l’AJMI en Avignon.  Aidé par l’association du Méjan qui effectue un formidable travail, avec une équipe restreinte, cette manifestation

Pourrait, on se plaît à l’imaginer, devenir la version jazz d’un festival de piano comme La Roque d’Anthéron, dans le même département.

Cette année, il s’agissait d’une semaine autour du piano. Le piano, instrument parfait, instrument complet qui assure la triple fonction rythmique, harmonique et mélodique, ne pouvait que s’imposer dans l’histoire du jazz.

Autour de cette thématique passionnante, le programme construit était d’un éclectisme subtil : du trio NEW DREAMS de Jean Michel Pilc, aux VARIATIONS de Yaron Hermann qui a enthousiasmé le public arlésien, sans oublier le formidable  récital « solo » de Myra Melford qui sut revenir sur l’héritage du blues…Ou encore le duo délicatement intimiste de Claudia Solal et Benjamin Moussay dans leur programme PORRIDGE DAYS ou le quartet de Pierrick Pedron, DEEP IN A DREAM, décidément pour nous l’artiste de l’année, la véritable révélation, un altiste généreux et fougueux qui entretient brillamment  la tradition. Il fait partie de ces musiciens rares qui, au delà de la diversité des styles, avancent aujourd’hui sans nostalgie, soucieux du patrimoine collectif, mais ne figeant pas pour autant l’évocation du passé.

 

Oui, c’était bien du jazz qui était joué à Arles, du vrai, de l’authentique,  revu, revisité avec intelligence,  et respect, à l’exemple de ce qu’a pu faire Bill Evans, par exemple, qui inlassablement, a  repris des standards ou des mélodies de Broadway pour les recréer en  versions « originales ». 

 

 Si écrire sur la musique (ou le jazz) est le lieu d’ouvertures, de passages, de frontières abolies, d’euphories et d’admirations, voilà très précisément les sentiments éprouvés avec  le  groupe  Echoes of Spring, réuni par Stéphane Oliva et François Raulin  qui ont construit  le programme du même nom, autour du Harlem piano Stride.

 

Dans une analyse musicologique passionnante réalisée dans le JAZZMAN d’avril dernier n° 123, François RAULIN nous éclairait sur sa démarche : Le stride est un  style dense, complet où les pianistes assuraient la basse, l’harmonie et la mélodie sans soutien extérieur.

Comment faisaient donc  Willie « The Lion » Smith, James P. Johnson, Fats Waller pour jouer avec autant d’allégresse et de virtuosité ? Fats Waller, hilare, tourné vers le public, cigare au bec, un verre de gin ou de bourbon bien rempli sur le piano, était capable de tout obtenir de l’instrument, comme de « plaquer un accord de 15 ème d’une seule main, la gauche chantant alors sur les tempos lents et medium » ?  C’est qu’à force de jouer tous les soirs, la musique les traversait, les irriguait non pas mécaniquement mais en totale osmose. Les pianistes de stride étaient des sorciers, de vrais « ticklers », de diaboliques chatouilleurs de touches.  Willie Smith essayait déjà de détourner le stride comme le feront la plupart des pianistes modernes,  même si les trouvailles de ce style  particulier furent adoptées par bon nombre  de suiveurs. Cette influence est essentielle chez Art Tatum, très présente chez Count Basie,  importante chez Monk…  

 

Cette grande soirée jazz  constituait une véritable introduction au piano stride que l’écoute des albums originaux de ces pianistes prodigieux complètera. Ainsi, dans la collection historique, JAZZ in PARIS chez Universal, de Daniel Richard, Alain Tercinet et François Lê Xuân, figure « Music on my mind » l’autobiographie musicale, de William The Lion Smith. Pour  pleinement apprécier les arrangements des deux pianistes  Raulin et Oliva,  se référer aussi aux  albums  « Hot Piano » (Pearl/ Abeille) pour James P Johnson, « Ain’t Misbehaving » (Dreyfus Jazz Reference/Sony BMG) pour Fats Waller ou chez Classics,  « The Chronological 1938-1940 »  pour Willie The Lion Smith.

 

Le programme mis au point par Stéphane Oliva et François Raulin  est une promenade intelligemment conçue autour de pièces emblématiques ou rares. 

Soulignons par exemple la reprise d’un petit chef d’œuvre « In a mist », la seule composition écrite pour le piano par le jeune cornettiste blanc, le prodigieux Bix Beiderbecke, de Davenport (Iowa). Un gars qui avait de l’atmosphère dans les doigts (Boris Vian).

Il avait créé cette improvisation à la fin d’une nuit passablement embrumée, d’où son titre. Ce fut un solo de piano et une expérience uniques, une mélodie visionnaire par bien des aspects, où les pianistes retrouvent des accords inusités, un penchant pour la phrase en arabesque. « C’est un ragtime mélodieux et subtilement construit, éclairé de moments tendres, d’images insaisissables et délicates dont la présence dans le langage du jazz était alors inconnue » écrit Jean-Pierre Lion dans son ouvrage insurpassable, la biographie de Bix Beiderbecke aux Editions Outre Mesure. Il est à parier que la version de plus de dix minutes entendue à Arles fera date, avec une longue évocation impressionniste de Stephan Oliva.

 

La réussite de ce projet est d’avoir su démultipler les potentialités du piano stride, en le renouvelant par une forme et une instrumentation différentes.  Car cette musique pleine de polyrythmies et d’écueils, est un véritable enjeu pour qui parvient à se la réapproprier avec élégance. Et il fallait des musiciens aguerris pour en découdre et mettre à vif cette tradition. Ce quintet dont les musiciens  se connaissent depuis longtemps est la formation idéale : Laurent Dehors joue des clarinettes, clarinette basse et contrebasse, Christophe Monniot, des saxophone alto, baryton et sopranino; Sébastien Boisseau, infatigable, accroché au mât du rythme, forçat irrésistible du swing, assure sans batterie, une rythmique fervente à la contrebasse. Et ces trois musiciens sont entraînés dans cette folle aventure par les initiateurs du projet, François Raulin et Stephan Oliva, qui, sur le canal de droite, double certaines parties de basse, ou joue des particularités du Fender.

 

Le stride, issu du ragtime, procède plus de la variation que de l’improvisation pure . Ce qui ne saurait  mieux correspondre à ces musiciens : à chaque fois, ils gagnent en aisance. Une complicité originale et exigeante dont chaque nouvel échange complète le tableau de  variations en série.

Ce concert marquait l’aboutissement d’une tournée depuis mars 2006, date de création du programme à Grenoble, l’un des festivals du réseau Afijma. Le concert des Rencontres internationales de Nevers qui fut programmé (excellente initiative de Xavier Prévost sur France Musique en  décembre dernier) permet de mesurer le travail accompli  en  quelques mois et on peut penser que  le groupe, au Bordeaux Jazz Festival en novembre 2007, donnera encore une performance mémorable . D’autant que d’ici là, Echoes of Spring aura été enregistré, par l’ingénieur-son Boris Darley,  en studio à Meudon, en juillet prochain, sur le label Mélisse du pianiste Edouard Ferlet (graphisme de Philippe Ghielmetti) . 

 

 Cette musique est une recréation de chaque instant, une évocation lumineuse où tous se livrent à corps perdu.

Les énergies libérées se déploient, toujours généreusement, et comme  personne ne prend le pouvoir, la musique se développe à perte d’ouïe. Rien de plus beau que la complémentarité des deux pianistes qui jouent de tous les registres ; rien de plus troublant que les contrepoints des souffleurs, leurs unissons sensuels. Quand Christophe Monniot joue de ses saxophones, il se situe très exactement entre l’angle vif, l’écartement et l’arabesque, câlin au baryton, fougueux à l’alto, vacillant au sopranino. Il a participé au big band de Tous Dehors du clarinettiste Laurent Dehors qui équilibre sa turbulence gouailleuse, ses stridences chahuteuses, le comprenant parfaitement parce qu’ils pratiquent tous deux le « décalage oreille ».

Le groupe arrive à créer de petits instants d’éternité, prétextes à une chorégraphie imaginaire comme sur le virevoltant final, « Echoes of Spring », fragile mélodie de janvier 1939, dont l’arrangement de François Raulin a su garder les harmonies et le balancement de la main gauche. Voilà notre titre préféré et peut-être aussi celui des musiciens qui l’ont choisi comme titre du  programme .

Il faudrait  encore souligner  la version décapante et drôle de « Ain’t misbehaving » de Fats Waller. La formation donne ici une variation qui  devrait s’inscrire dans les nombreuses versions du thème.  De même pour le « Morning Air » de Willie « The Lion » Smith,  thème si mélodieux, porteur d’envolées fougueuses. C’est que les mélodies  présentent souvent une douce violence avec des changements de tons, des ruptures de climat. Comme cet inquiétant “Child of disordered mind” (solo d’Earl Hines de 1940, réarrangé merveilleusement  par Stephan Oliva). Véhémence des timbres, flamboyance encore,  rugosités éclatantes dans le « Boogie Woogie on St Louis blues »  toujours d’Earl Hines, très à l’honneur dans ce programme.

 

Cette traduction enthousiaste, généreuse, sensuelle, fidèle jusque dans la réinterprétation même, est la version française de la musique de jazz  :  elle sait caresser sans perdre sa force, faire entendre son chant sans tomber dans la romance. Avec Echoes of Spring, ce n’est pas seulement le printemps qui arrive par bouffées, c’est une rêverie en jazz, un bouleversant et mystérieux rappel  d’un autre temps, réminiscence d’une histoire aimée.

Sophie Chambon

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:14
Jazz au confluent

 

Bien sûr nous sommes loin de la rue des Lombards, de la place du Châtelet et de ces endroits où il est si difficile de se garer. En ces périodes de travailler plus pour gagner moins des alternatives existent. Par exemple travailler un max pour gagner rien du tout comme sous mais du bonheur, des sourires et de la convivialité.

 

C’est la réflexion qui me vient à l’esprit en écoutant Dan DUPARC le Président de l’Association « Jazz aux Confluent » présenter le bilan de son activité des cinq années écoulées. Pas moins de 50 concerts organisés, excusez du peu. Tout cela avec le soutien financier de la Mairie de Conflans Sainte Honorine, des adhérents de l’association et d’une troupe de bénévoles motivés. Ça s’appelle la passion où je n’y comprends plus rien. Le principe est simple vous prenez une adhésion à l’année, fort modeste de 10 € au minimum et vous avez accès gratuitement aux concerts organisés chaque mois au conservatoire de musique de la ville. Vous recevez le programme sur votre boîte E mail et vous voyez à vous organiser pour y aller.

 

Samedi dernier deux concerts au programme : Une formation locale « Carpe Jam » qui réunissait Pierre VAAUZELLE : trompette, Romain TOUTYRAIS : saxophone, Clément PRIOUL : piano, Arnaud TAURINES : basse électrique, Rémy PRIOUL : batterie.

Une formation de jeunes amateurs locaux qui, sans prise de tête, a déroulé un répertoire original, mélangeant funk et Be Bop . Mention spéciale pour le jeune pianiste Clément Prioul qui allie à ses dons de compositeur une réelle virtuosité et un talent d’improvisateur. Une demi heure  de concert qui permet à des amateurs éclairés de se produire et de se risquer face au public. Bon apprentissage pour la suite…

 

Le temps de débarrasser la scène, on picole. Il y a une buvette sympa, la Leffe est à 2,50 € et à ce prix on peut soutenir réellement l’association. Ça permet de causer du premier groupe et d’envisager le deuxième avec impatience. Ce soir là Le quartet de Peter KING(saxophone alto) accompagné de Alain JEAN-MARIE (piano), Duy Linh N'GUYEN (contrebasse), Yves NAHON (batterie).

Peter King est un saxophoniste anglais de réputation mondiale qui a joué entre autres avec des légendes du jazz comme Bud Powell, Elvin Jones, Max Roach, Milt Jackson, Lalo Schifrin, le « new Count Basie Band » dirigé par Frank Foster et le Ray Charles Orchestra.

Alain Jean Marie est un pianiste au toucher fantastique qui a accompagné Chet Baker, Sonny Stitt, Art Farmer, Johnny Griffin, Clark Terry, Lee Konitz, Dee Dee Bridgewater, Barney Wilen, Cat Anderson, Abbey Lincoln.

Duy N’Guyen (contrebasse) et Yves Nahon (batterie) complètent ce quartet. Sans avoir les références des « grands anciens » précédemment cités ces deux musiciens accompagnent de nombreux groupes et chanteurs de jazz tant en France qu’à l’étranger.

 

Nous sommes ici dans le monde du Be Bop et ça décoiffe. Je n’ai malheureusement pas noté les thèmes entendus ce soir là. Mais peu importe, la salle est bondée, le concert chaleureux, splendide et le public conquis.

Le succès de cette soirée ne constitue pas une exception car à chaque fois la qualité des musiciens présents emporte le public. Ont défilés cette année, entre autres et en vrac : Batiste Trotignon, Michel Perez,, Dominique Piffarelly, Richard Razafindrakoto, Elisabeth Caumont, Jacques de Lignières, Claude Tissandier… Que voilà un programme qu’il est beau. L’an prochain ce sera encore mieux, c’est garanti…

 

Si vous voulez savoir comment c’est possible allez donc sur le site : http://www.jazzauconfluent.fr et rendez vous en septembre pour la saison 2007/2008.

Jean -Pierre Foubert

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26 juin 2007 2 26 /06 /juin /2007 07:58
medeski.jpgJJJJ(J) MEDESKI, SCOFIELD, MARTIN & WOOD : « Out Louder »

Emarcy 2007

John Medeski (kybd), John Scofield (g), Billy Martin (dms, perc), Chris Wood (cb)




En voilà un qui ne va pas inspirer la mélancolie. Si vous n’avez rien contre la déjante grave (mais ils fument quoi ces gars là ?) et la musique kitsh où les vétérans s’amusent comme des potaches, ruez vous vers cet album totalement inclassable. Le groupe de Medeski, Martin and Wood n’est pourtant pas tombé du nid même s’il n’est pas très connu chez nous. Pourtant cette bande d’allumés tout droit sortis du Conservatoire de Boston tourne depuis plus de 15 ans. Installés depuis à New York ce trio ne cesse de secouer les clubs de la grosse pomme. Car avec MMW il y a une sorte de vent frais qui asse sur le paysage du jazz. Pas intello pour un rond, juste l’envie de s’amuser à faire tourner des riffs blues , pop et rock et à improviser dessus comme des fous avec une énergie débordante et une sacrée envie de se faire du bien. Alors forcément lorsqu’ils ont proposé à John Scofield de se joindre à eux, celui-ci mutin en diable n’a pas trop hésité à rejoindre la cour de récré. Et il fat dire qu’avec ces quatre musiciens c’est toujours border line, remarquablement joué, c’est crade à souhait, Medeski sature son orgue à la pop des années 70 et vous sors au moins 3000 sons différents alors que Scofield tombé là comme un gamin s’en donne à cœur joie avec des tonnes d’effets, jouant des distorsions et des abus de pédales wha wha comme un mort de faim. De toute évidence ces quatre là s’amusent, jouent à faire tourner des phrase mélodiques à deux balles avec lesquelles si on les arrêtaient pas ils joueraient encore à l’heure où je vous parle. S’amuseraient avec les sons, les pâtes sonores et les osmoses. C’est parfois criard, on est parfois dans un pop années 80 (Cachaca) qu’on jurerait tiré d’un Bowie éculé et plus loin cela se vautre dans un rock-pop où comme dans What Now ils se roulent dans la fange des salisseurs de son au groove qui dépote mon gars que t’en est tout grimaçant de plaisir, yeah ! Et même quand ils reprennent un Julia plus kitsh que ça tu meures ou un Amazing Grâce qui semble sorti d’un vieux rade country du Texas (mais sérieusement rafraîchi), ça ta laisse jamais de bois….  L’album se double d’une version live et c’est tant mieux par ce qu’avec un pied comme ça, dans un trip toujours émoustillant on n’a juste pas envie que ça s’arrête. Je ne sais pas si c’est du jazz mais ça y ressemble vu que les gars improvisent à tour de bras,  je sais pas si c’est de la pop ou du rock qui rappelle Hendricks. Le seul truc que je sais mon gars c’est qu’en tous cas avec celui là tu peux y aller,  c’est de la bonne !

Jean-Marc Gelin

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12 juin 2007 2 12 /06 /juin /2007 07:32

JJJ MARC RIBOT: “The lost string – La Corde perdue”

La Huit DVD Edition 2007

 

MARC-20RIBOT-20copie.jpg

La Huit
, producteur de DVD documentaires de qualité a eu la belle idée d’étoffer son catalogue «  musique » d’un DVD consacré à l’un des guitaristes majeurs de la scène actuelle. Car dans le prolongement des amis de John Zorn, Marc Ribot est en effet un guitariste New Yorkais qui compte énormément tant sur le plan d’une certaine conception de la musique que sur celui de la pratique de l’instrument. Un musicien en constante réflexion. Un de ceux qui avec d’autres comme Marc Ducret en France par exemple fait partie de ceux qui réinvente sans cesse l’instrument bien que se situant dans une veine radicalement différente de son compère français. Et Marc Ribot malgré ses régulières apparitions de ce côté-ci de l’Atlantique (à l’occasion de Banlieues Bleues notamment) reste relativement peu connu du grand public en France. Songez que l’ Encyclopédie du Jazz par exemple n’en souffle pas le moindre mot.

Il était temps de lui consacrer un  travail et de tenter d’approcher au plus près de sa démarche. Car celle-ci est complexe et absolument pas linéaire, empruntant des voies inattendues et inclassables. Car Marc Ribot, souvent associé à son compère de toujours Anthony Coleman a été de toutes les aventures musicales undergound de New York en passant par la scène néo-punk des Rootless Cosmopolitans où il avouait son adoration pour le Prime Time de Ornette Coleman, aux scènes alternatives du jazz qui l’emmenaient loin du côté de la Knitting Factory. Mais Marc Ribot est un boulimique de musique, considérée presque comme un champ expérimental pour toutes ses tentatives et multiples recherches. Il s’enorgueillit d’avoir joué  à la fin des années 70 avec l’organiste Jack Mc Duff, Etta Jones ou Jimmy Mc Griff à l’époque où il passait pas mal de temps du côté du Key Club. Ou encore revendique t-il clairement d’avoir joué de la soul music à un moment de sa vie avec Solomon Burke. Sans parler des rythmes afro-cubains d’Arsenio Rodriguez avec qui Marc Ribot a eu longtemps l’occasion de jouer.

Dans ce travail documentaire particulièrement bien réalisé, Anaïs Mosaïc semble en totale admiration pour son sujet, captant au cours de bribes d’interviews réalisées récemment ou provenant d’archives, la cohérence d’un discours complexe. Pour mieux pénétrer au cœur du personnage, la réalisatrice laisse s’exprimer le musicien en concert en groupe ou en solo dans un  travail documentaire qui ne se situe jamais dans une logique chronologique qui aurait été ennuyeuse mais en tentant d’approcher un fil conducteur dans la démarche artistique du guitariste. Pas sûr d’ailleurs qu’elle y parvienne totalement tant le sujet est caméléon. Mais si l’on retient une sorte de ligne directrice de son travail, elle viendra sûrement du blues, une sorte de blues venu de l’âme de New York, une certaine façon de faire gémir la guitare toujours ressentie comme l’expression d’une douleur sauvage. Au fil de ces belles images on entendra Marc Ribot dans des contextes aussi différents que dans une salsa endiablée (prise à banlieues Bleue) ou dans une sorte de sublime flamenco joué en solo en hommage à son maître, Frantz Casseus qui lui apprit la guitare à l’âge de 11 ans. Capable aussi de  transfigurer littéralement un thème aussi connu que St James Infirmary, Marc Ribot apparaît comme il est, un artiste total avec ce que cela suppose de gravité légère.

Un travail assurément exemplaire et particulièrement éclairant sur la dimension autant humaine qu’intellectuelle d’un artiste absolument majeur dans l’histoire du jazz et de la musique actuelle.

Jean-Marc Gelin

www.lahuit.com


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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:44

L’Ouverture !

Et voilà c’est déjà l’été qui pointe le bout de son nez que l’on sent déjà les apéros à la Mauresque et aux olives à l’ombre du marronnier sur la place du village à l’heure où les bandas viennent vous mettre de la joie plein les oreilles. Je m’y vois, posé sur un banc. Il fait chaud, très chaud et je sais c’est incongru mais là je laisse mon esprit divaguer et je pense à ce que me disait Monsieur Bidule l’autre jour qui n’arrêtait pas de nous parler d’ «ouverture ». Alors en écoutant cette fanfare, en divaguant je m’imagine ce que l’ouverture pourrait être au jazz. La dream team !  Et je songe au big band de l’ imaginaire : Earl Hines au piano (p)  Roy Eldridge (tp), Don Cherry (cnt), Miles Davis (tp), Sydney Bechet (ss), John Coltrane (ts), Lester Young (ts), Albert Ayler (ts), Charlie Parker (as), Steve Coleman (as),  Jimmy Blanton (cb),  Shelly Manne(dm), Joni Mitchell (vc), Nat King Cole (vc). Et là je ne sais pas pourquoi mais cette « ouverture » dont on parle tant me laissait tout à coup bien songeur.

Et puis je me suis mis à divaguer. Je pensais alors à l’ouverture d’esprit de Monsieur Gobet. Vous ne connaissez pas Monsieur Gobet ? Vous manquez quelque chose. Car en matière d’ouverture d’esprit Monsieur Gobet est une référence. Car Monsieur Gobet est une synthèse à lui tout seul. Comment vous dire, comment vous situer Monsieur Gobet, Maire D’Oyonnax ? Essayez dans un effort d’imagination  de vous représenter en matière culturelle une sorte de synthèse. Tenez allez puisque c’est vous , que c’est l’été avant l’heure et que finalement y a pas de raison que ce soit toujours les mêmes qui rigolent je ne résiste pas à l’envie de vous renvoyer dans cet édito (une fois n’est pas coutume) à la lettre de Gobet destinée aux Ogres de Barbak. Vous aurez ainsi une  image  à peu près correcte de ce que peut représenter l’ouverture pour Monsieur Gobet :

 

http://blog.myspace.com/index.cfm?fuseaction=blog.ListAll&friendID=153733863

 

 

Avouez qu’il y a là un certain sens de l’ouverture ! D’ailleurs qu’est ce que l’ouverture dans la musique occidentale sinon « le premier mouvement de certaines œuvres en comportant plusieurs ». Avouez qu’avec une définition on en mène pas large !

 

Tiens à propos de pas en mener large, savez vous qu’on a frôlé la correctionnelle. Il paraît qu’on a failli ne pas avoir de Ministère de la Culture ! Mais au raccroc quand même il en a été décidé autrement. Ben c’est vrai, sinon vous imaginez  plus de Star’ac ni de Nouvelle Star, plus de Galerie des glaces à Versailles, plus de Jane Manson faisant un 4/4 avec Gilbert Montagné. L’horreur quoi !

 

Mais laissez moi conclure cet édito absolument pas polémique pour un sou ( vous me connaissez ! ), et vous parler d’une autre ouverture, celle, la vraie, que pratiquent les élus de la Ville de Paris. Celle qui les conduit aujourd’hui à envisager d’implanter bientôt un jardin d’enfant rue des Rosiers à la place du fameux et magnifique club de jazz « le 7 Lézards » pour qui finalement l’avenir à coup sûr passera par …..une  fermeture

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:35

 

 

IMG-4433.jpg
Ó
Jean Cemeli

 

Comment as tu perçu les chroniques de ton dernier album « Pogo » qui après les dithyrambes qui avaient suivies «  North » sont un peu plus réservées

 

JS : Moi personnellement je crois que cet album est meilleur que le précédent. Je ne suis certes pas objectif mais je le trouve plus abouti, il est plus varié, il y a du soprano qu’il n’y avait pas dans l’autre… 

 

Mais justement ce n’est pas une sorte d’exercice obligé maintenant pour un ténor de faire deux ou trois morceaux au soprano ?

 

JS : D’abord j’en joue depuis plus longtemps que du ténor. Ensuite c’est une question de morceaux. Les deux morceaux sur lesquels je joue du soprano sur « Pogo » s’y prêtent bien alors qu’il n’y avait pas cet espace dans « North ». C’est la sonorité que j’entendais le plus sur ces morceaux. Maintenant c’est vrai que c’était aussi un argument qui permettait de démarquer cet album de « North » même si ce n’était pas l’idée au départ. 

 

Autre point sur lequel tu t’es démarqué, c’est le label. Pourquoi en  avoir changé ?

JS : Je suis vraiment très content d’avoir fait mon premier album sur Fresh Sound. Jordi Pujol m’a donné ma chance comme il le fait pour beaucoup de gens et c’était une belle opportunité pour moi. Simplement Bee Jazz donnait beaucoup plus de moyens pour réaliser ce nouvel album. En plus ce label est mieux distribué en France et en plus ils ont une licence avec Sunnyside aux États Unis. Du coup je couvrais les deux pays ce qui correspondait exactement à ce que je souhaitais. Ils m’ont donné beaucoup de moyens et m’ont laissé faire comme je l’entendais. Les deux disques ont été fait dans les mêmes conditions avec le même groupe, le même ingénieur du son, j’ai contrôlé tout le processus et j’ai quasiment produit artistiquement l’album. Alors je ne peux certes pas dire que Jordi était content mais il a compris qu’avec une telle différence je ne pouvais vraiment pas refuser. D’un autre côté il faut reconnaître qu’en acceptant de produire un deuxième disque réalisé exactement dans les mêmes conditions, après le super accueil du premier Bee Jazz acceptait de prendre de gros risques.

 

C’est un peu inquiétant de penser que parce que tu as reconduit la même équipe il y a prise de risque. Sinon Brad Meldhau serait obligé de changer tout le temps sa rythmique !

Oui d’accord mais là c’est l’exception. Je ne fais pas partie de la même catégorie. Brad Meldhau ça marche parce que c’est tellement bien et cela a tellement de succès qu’il a pu reconduire son casting. Mais pour un Brad Meldhau combien de jeunes sont obligés de se renouveler à chaque fois ? Moi je crois que les meilleures choses qui se sont produites en jazz l’ont été en groupe. Avec la maturation du groupe. Pourquoi penser qu’on se bonifie en changeant le projet tous les ans. C’est le contraire, non ? Prend les Hot Five d’Armstrong, le quintet de Miles, le Quartet de Coltrane, le trio de Bill Evans c’est toujours comme cela que ça progresse, tout montre que les progressions ne sont pas liées à la multiplicité des projets mais au contraire à l’évolution d’un groupe de base qui travaille ensemble. Est ce que l’on peut imaginer Trane sans Mc Coy, Elvin et Jimmy ? Pour ce qui me concerne je crois que l’évolution entre « North » et « Pogo » c’est que plus on est ensemble plus on s’écoute, plus on joue ensemble, plus on réagit vite aux autres, plus aussi on est à l’aise en studio.

 

Ce qui frappe dans l’écoute de ton album c’est que l’on entend aujourd’hui beaucoup de groupes qui semblent faire un rejet de la mélodie. Toi tu sembles l’assumer totalement

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ÓJean Cemeli

JS : Je suis tout à fait d’accord avec ce que tu dis. Il y a aujourd’hui une tendance à confondre complexité et modernité. Mais c’est vrai que si certains morceaux peuvent paraître très simples, si on montre la partition à des musiciens ils te diront que la structure est néanmoins très complexe. Mais je ne crois pas que ni la simplicité pour la simplicité ni la complexité pour la complexité soient des valeurs en soi.

Avec ce groupe on joue assez souvent au Fifty Five, au Smalls ou au Barbès. On y joue de manière prinicipalement mes compositions mais cela nous arrive aussi de jouer des standards. Tout le monde compose, certes mais comme c’est mon groupe, cela tourne plus autour de mes compos. Pourtant Ben (Monder) écrit de la musique formidable, que je serais certainement bien en peine de jouer. Mais ce n’est pas le propos, d’ailleurs dans sa musique il n’y a pas forcément de soufflant.

 

Comment vous êtes vous rencontrés avec Ben ?

JS : On a eu la chance de se côtoyer dans le groupe d’un superbe compositeur argentin, Guillermo Klein. Il faut vraiment écouter ses disques sur Sunnyside ! Dans son groupe il y a plusieurs saxes dont Chris Cheek ou Miguel Zenon et j’ai eu la chance d’être appelé pour jouer à leurs côtés. C’était une période où j’avais un gig le lundi au Jazz Standard et lui aussi. On s’est croisés là bas et il m’avait demandé de remplacer au pied levé Donny Mc Caslin. C’est une de mes plus belles expériences musicales. Surtout qu’en arrivant à New York mes références principales c’étaient d’une part Kurt Rosenwinkell-Mark Turner et d’autre part….le groupe de Guillermo Klein.

 

Il y a vraiment chez les saxophonistes de ta génération une influence très forte de Mark Turner ?

JS : Oui c’est vrai que cette atmosphère qu’ils ont su créer avec Kurt est quelque chose de très prégnant pour nous. C’est vraiment pour moi ce qui se fait de mieux en jazz. C’etait le bon casting au bon moment et au bon endroit. Mais pour autant, bien qu’étant un grand fan de Mark j’ai toujours cherché à m’affirmer moi même. Je n’ai par exemple jamais fait un seul relevé des chorus de Mark par exemple. Mais j’ai conscience qu’avec la musique que nous jouons avec Ben il y a le piège de tomber dans l’imitation. On est toujours très conscients de cela. Mais je voudrais revenir à Mark. Ce qui m’impressionne avant tout c’est que ce musicien est toujours, constamment en recherche. Parfois cela peut donner lieu à des concerts en demi teinte parce que lorsque l’on cherche on n’y arrive pas forcément tous les soirs. Mais je crois que quelqu’un comme Coltrane par exemple cherchait sans cesse de nouvelles pistes, de nouvelles formules. Et du coup il y a des disques ou des concerts de Trane qui semblaient parfois moins bons. Mais ce qui faisait sa faiblesse à ce moment là était ce qui faisait sa force deux ans plus tard. Mark pour moi c’est exactement pareil. C’est vraiment un saxophoniste qui fait avancer le jazz.

 

Et toi, es tu dans cette démarche de recherche. On a le sentiment que tu cherches à apporter une certaine modernité à la musique de jazz ?

JS : Non je ne cherche rien. Je cherche juste une adéquation entre ce que j’entends et ce que je joue. Un truc que j’ai vraiment envie de jouer et pas quelque chose où je me dis qu’il faut que cela sonne comme çi et pas comme ça. Je ne cherche pas particulièrement à jouer moderne ou traditionnel. Je me sens un peu entre les deux. Le public a d’ailleurs beaucoup de mal à situer cette jeune scène New yorkaise dont je fais partie. Nous ne sommes pas d’expression européenne, on est pas avant-garde américaine et on est pas non non plus dans la tradition. Du coup les critiques américains parlent de nous comme représentant un « modern mainstream ».

 

A entendre toute cette génération de saxophonistes New York ais, vous avez tous un son qui porte une certaine marque de fabrique. Pas un seul qui sonne comme Rollins, comme Coltrane ou commeAyler ?

JS : En fait cela dépend de ce que l’on joue. Si tu entend Mark Turner par exemple sur des thèmes rapides par exemple tu l’entendras avec un son bien plus gros, plus rauque qui évoquera alors plus Rollins. Mais c’est vrai qu’il y a entre nous le son d’une époque, d’influences communes, de terreau commun. On a tous plus de rock dans nos influences par exemple. Pour beaucoup d’entre nous il n’en reste pas moins que les influences traditionnelles sont néanmoins présentes. Pour revenir à Mark Turner il y a toute une période de sa vie quand il sortait de Berkelee où il sonnait comme Michael Brecker, ensuite comme Rollins, ensuite comme Warne Marsh et maintenant comme Mark Turner.

 

 

On a le sentiment à t’entendre que tes influences vont néanmoins, bien au delà du jazz. Qu’écoutes tu actuellement ?

 

JS : Beaucoup de classique du XX°, pas mal de rock aussi. En fait je cherche à rester à l’écoute de beaucoup de choses. Là je viens d’acheter 4 disques d’Andrew Hill. J’écoute aussi les trucs de Dave Binney.

Quel est ton parcours ?

 

JS : Je suis né à paris dans le 13° arrondissement. J’ai découvert la musique au lycée Claude Monnet. Il y avait là une professeur de musique extraordinaire qui s’appelle Annick Chartreux. Au premier cours, en sixième, elle nous a passé Mozart et Miles. Cela a été pour moi et malgré mon jeune âge une vraie révélation de ce qu’était la musique. Ensuite j’ai vu quelqu’un qui jouait du sax dans l’orchestre du lycée et ça m’a fait trop envie. Après, tout est une question de rencontres. Très tôt, à 19 ans je suis parti à New York. Et là je me suis senti vraiment aspiré par le haut. Le niveau musical à New York où l’on croise tout ces gens qui viennent de partout dans le monde est incroyable.

 

Pourquoi être parti si tôt ?

JS : Parce que, arrivé à un certain point j’avais le sentiment que pour travailler la musique à plein temps il fallait que je parte. Et puis j’avais le sentiment que c’était là bas que ça se passait. Entre temps j’avais fait la Berkelee Jazz Collège de Boston durant 2 ans avec des gens comme George Garzone, Billy Pierce et surtout Joe Viola.  Ce sont des gens avec qui j’ai moins travaillé l’improvisation que tout ce qui tourne autour du « son ».

 

Cela ne doit pas  être totalement évident de dire un jour à ses parents, quand on a 19 ans, « maintenant je pars aux États Unis apprendre la musique » ?

 

JS : C’est sûr que ce n’est pas passé comme une lettre à la poste. Mon père aime beaucoup la musique classique mais le jazz c’est un monde qui lui est étranger. Il ne voyait pas quelle serait l’issue financière pour moi. Bien sûr plus tard ils ont bien réagi lorsqu’ils ont vu les articles qui ont suivi mon premier album. Mais je crois que c’est surtout le jour où mon père a vu qu’il y avait un article sur moi à propos d’un de mes concerts dans le …. New York Times. Là c’était vraiment la consécration.

 

Comment Jordi ( de Fresh Sound New talent) t’avait il découvert ?

 

JS : Comme tu le sais cela fait de nombreuses années que je vis à New York. Et Jordi tourne beaucoup dans les clubs de la ville. Mais je lui avais déjà envoyé deux démos. Avant «North » il avait refusé les deux précédentes. Mais je ne voulais pas lui envoyer de disque abouti. Je ne lui ai envoyé que des démos de 4 titres dans le but qu’il accepte de produire la totalité. Il a vraiment accroché et on est parti comme ça.

 

Tu viens relativement peu en France et ta carrière se déroule essentiellement aux États Unis. Comment es tu accueilli là bas ? Quel est l’accueil qui y est réservé à tes albums ?

 

JS : Le fait que je sois français n’a pas beaucoup d’influence. Certains mentionnent quand même, à tort selon moi une french touch. Mais surtout je crois que je fais partie de ce que l’on appelle la « jeune scène New Yorkaise ». Je vis depuis si longtemps là bas que je ne fais pas vraiment partie des musiciens qui viennent, restent deux ans et s’en vont. J’y suis maintenant totalement intégré. Ma carrière est, de ce fait beaucoup plus américaine que française.

 

La scène New Yorkaise, comme pour beaucoup de choses d’ailleurs n’est elle pas une scène un peu ghettoisée ?

 JS : Je ne crois pas. Je trouve au contraire qu’ il y a beaucoup d’échanges. A New York on apprend vraiment à faire des gigs avec tout le monde. Il y a de vrais échanges entre des jazzmen que l’on retrouvent dans le groupe de l’un ou de l’autre. Et ça je trouve que cela se passe bien plus aux US qu’en France. Il y a aussi plus de connections entre un William Parker et un Metthew Shipp qu’entre un Stéphane Belmondo et un Marc Ducret. Il y a là bas moins d’a priori me semble t-il. Et puis les musiciens vont beaucoup plus s’écouter les uns les autres. Par exemple moi même je croise dans mes concerts des musiciens très différents.

 

Tu es visiblement très sollicité pour des gigs. Est ce que l’on fait appel à toi pour des enregistrements en sideman ?

 

JS : Cela m’arrive un peu. Récemment  j’ai enregistré avec un guitariste brésilien. J’ai enregistré sur le disque de Laurent Coq lorsqu’il était à New York.

 

Comment vit on comme musicien de jazz à New York ?

JS : C’est dur et il faut arriver à se débrouiller. Il n’y a pas comme en France des structures établies pour les intermittents. Du coup tout le monde se débrouille comme il peut. En donnant des cours notamment. Mais bon on parvient tous à se débrouiller. Il y a beaucoup de solidarité entre musiciens.

 

Propos receuillis par Jean-Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:30

JJJ Frank Woeste trio:”Untold story”

Challenge jazz 2007


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On vous l’avait bien dit que l’on avait pas fini d’entendre parler de lui. Frank Woeste signe un deuxième album en leader d’un trio, avec ses deux complices Mathias Allamane (contrebasse) et Matthieu Chazarenc (batterie) qui l’avaient accompagné  sur son premier opus Mind at play.  Remarqué par les programmateurs de l’AFIJMA (Association  des Festivals Innovants de Jazz et de Musiques Actuelles), le jeune pianiste allemand a entraîné son groupe lors d’une tournée Jazz Migrations et consolidé ainsi son emprise. L’ensemble gagna alors en équilibre et savoir-faire, et dans l’échange confirma une belle sonorité. Après un an et demi, avec assez de matière pour un nouvel enregistrement,  Frank Woeste était décidé à poursuivre l’aventure, dans une certaine continuité, toujours sur le même label Challenge records, produit par le contrebassiste Hein van de Geyn.

Alors, nous direz-vous, un trio de plus qui s’affirme? Peut-être, mais on ne boude pas son plaisir, tout au long des dix compositions du pianiste, à l’exception d’une ballade «  In the wee small hours of the morning », qui ne dépare pas dans le contexte de ces Untold stories. Un bien joli titre d’ailleurs (Enrico Pieranunzi avait lui aussi tenté de dire l’indicible avec son Untold Story, il y a une dizaine d’années) pour un objectif précis : à chaque composition, une « histoire » qui dévoile une autre recherche formelle. La paire rythmique, parfaitement soudée, épouse les désirs de son leader : la structure du morceau est indissociable de l’état d’âme qu’il évoque (délicatesse cristalline de « Naked Moon », tonicité de « Rare Day »,  fascination atmosphérique de « Silent conversation » à la manière de certain « Power  trio » scandinave).  Ces variations n’altèrent en rien la cohérence de l’album, tant cette approche, souvent intime, est d’une fluidité nerveuse, tempérant  ainsi  une sensibilité qui n’est jamais trop appuyée. Efficace au piano comme au fender, Frank Woeste entend mener de front sa recherche sur les deux instruments : la combinaison, simultanée voire superposée des deux instruments (« Mother Adrénaline », « Naked Moon ») confère du charme et une sonorité particulière à ses compositions. S’il suspend provisoirement son histoire, il continuera son itinéraire : gageons qu’un troisième épisode viendra compléter ce premier triptyque woestien.

Sophie Chambon

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:26

JJJ DAVID PREZ et ROMAIN PILON 

Fresh Sound New talent 2007

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On est carrément fiers de ce côté-ci des Alpes de voir que Jordi Pujol en grand dénicheur de nouveaux talents du label Fresh Sound, en grand chasseur des futurs grands saxophonistes, soit allé chercher de l’autre côté de l’Atlantique nos deux frenchies alors que ceux-ci étaient un temps embusqués du côté de New York. Il faut dire que malgré leur jeune âge ces deux jeunes gens ont déjà un parcours confirmé. Prenez le saxophoniste David Prez. D’abord on serait tenté de lui demander si un tel patronyme n’est pas un  handicap pour devenir saxophoniste ténor eut égard au fait que le dernier qui portait ce blaze en guise de surnom n’était autre que Lester Young ! Rien moins…. Mais on a du lui faire la vanne 2000 fois par an alors vous pensez bien que c’est pas nous qu’on va être lourds ! N’empêche ce garçon (dont on ne connaît pas l’âge mais qui semble à peine tombé du nid) a fait ses classes chez Michael Brecker, Jerry Bergonzi et déjà enregistré un album avec Bill Stewart. Quand au guitariste Romain Pilon (dont on ne connaît pas l’âge non plus), son parcours à la Berkelee de Boston a déjà remporté 3 awards et joué en première parte de Pat Metheny. Rien que ça ! Alors quand on a l’âge qu’ils ont (au jugé entre 25 et 25 ½ ans !), quand on a traîné ses guêtres dans les clubs de New York avec des musiciens de leur génération, que l’on est un saxophoniste et un guitariste, s’il est une référence qui s’impose aujourd’hui sur la scène post New-yorkaise, c’est forcément celle de Kurt Rosenwinkel et de Mark Turner, référence obligé sinon obligatoire pour toute une génération de musiciens actuels. Au point que l’on peut craindre en début d’album que cette référence soit un peu trop appuyée comme une sorte d’hommage ou comme un désir de montrer qu’on peut faire pareil. Et force est de constater que ces jeunes gens impressionnent littéralement.  Le phrasé, la façon de moduler sans jamais donner  dans l’expansif, leur façon de contrôler et le son et la phrase, jamais démonstratifs mais toujours sous contrôle est la marque des grands. Pas grand-chose à redire donc sur le plan technique. Mais ils vont au-delà et l’on entend chez eux d’autres références comme celle du grand frère français, Jérôme Sabbagh (clins d’oeil évidents à l’album North de ce dernier par exemple) ou encore des références à la pop music comme dans Emma’s song qui nous semble tout droit sortie d’un album de Radio Head. David Prez dans un style post Hendersonien affiche une grande maîtrise harmonique et son phrasé bien que tranchant sait prendre des inflexions graves qui le démarquent un peu de la tendance post funk actuelle. Quand à Romain Pilon on adore sa façon de jouer legato avec une discrétion qui n’a d’égale que la chaleur de son discours terriblement efficace. Deux tout bon assurément. Et puis la véritable performance de cet album est celle de sa mis en scène et de sa progression qui parvient à dépasser son côté très formaté. Portés littéralement par une rythmique de très haut niveau et par un Karl Jannuska stupéfiant, le quartet parvient à hisser son niveau de jeu en fin d’album, à imposer un groove (Dark Side). L’association du batteur avec Yoni Zelnik est aussi une vraie révélation. La fin de l’album sur un morceau (Collecting Nights) qui commence très froidement et se termine superbement montre un réel sens de la Direction Artistique  dont le mérite repose en grande partie sur le talent de Jordi Pujol.

Jean-Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:24

JJJJ ERIC LE LANN ET JANNICK TOP : «  LE LANN-TOP »

Nocturne 2007 

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Ça commence comme un cri de trompette. Du genre de celui que l’on pousserait avant de se jeter dans le vide pour se procurer des sensations fortes. Car c’est bien de cela dont il s’agit d’emblée. De sport extrême ! Décoiffage garanti dans cette rencontre multiculturelle entre le rock pur jus « heavy » de Jannick Top, le jazz au classicisme post Milesien qui rappelle ses échappées urbaines-jazz et les couleurs d’Afrique de Lionel Louéké. Le tout soutenu par un remarquable batteur au drumming bourré de vitamine, Damien Schmitt absolument époustouflant et dont on devrait très certainement réentendre parler.

Ce que propose Eric Le Lann dans cet album qui, au départ était axé essentiellement sur sa rencontre avec l’ancien bassiste de Magma, Jannick Top, maître d’œuvre d’une post production exemplaire, est d’une absolue modernité. Se faisant fi des frontières et des clichés musicaux, le quartet mixe, mélange et pétrit plusieurs influences dont la principale viendrait d’une sorte de jazz-rock  (Babylone où Louéké fait avec brio ce qu’il fait habituellement avec Herbie Hancock) à moins qu’il ne s’agisse de rock-jazz (Middle Access) un peu à la manière de ces fameux quartet de Miles où toute expérimentation était possible du moment qu’elle était homogène et qu’elle conservait le son et le groove. Dans des formes plus classique Le Lann (une fois n’est pas coutume) sait aussi emboucher son pavillon (Back time trip ou The Silent track) et Louéké délivre sur la nylon quelques patern à l’African-fusion comme il les affectionne ( It’s so blue) et dans lequel Le Lann se glisse avec merveille. Le trompettiste, jamais à la recherche de la note juste mais plutôt de la note jouée avec l’intention la plus juste, donne toujours le sentiment de redoubler d’énergie avec la complicité et l’encouragement d’une rythmique puissante, de mordre, tranchant dans le lard à coup d’incises aiguës tandis que derrière les musiciens trament et tissent une couleur unique issue d’un mélange inédit et dont la rondeur n’existe jamais au détriment de la pulse. Qu’il s’agisse de Mysterious City ou encore de The Silent Track ( le summum de l’album selon nous), le groupe parvient à créer au delà de l’énergie cette intensité dramatique à coup de groove sourd sur lequel contraste la brillance du son. Une grande part du mérite en revient au travail de post production qui réussit cet alliage surprenant en bien des points remarquablement moderne. Le Lann revient en force. En tous points irrésistible.

Jean-Marc Gelin

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