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6 janvier 2008 7 06 /01 /janvier /2008 09:18

JJJJ YVES ROUSSEAU : «  Poète, vos papiers »

 Harmonia Mundi 2007

 

Rousseau.jpg Il est urgent de (re)découvrir le Verbe haut de Léo Ferré. Au-delà de ses succès populaires (Jolie Môme, C’est Extra ou Avec le temps), que connaissons-nous véritablement de l’œuvre de ce poète de combat ? (« Les plus beaux chants sont des chants de revendications. Le vers doit faire l’amour dans la tête des populations. A l’école de la poésie et de la musique on n’apprend pas, on se bat ! »1). Nous sommes-nous un instant risqués au-delà de ses coups de gueule d’anar révolté à goûter ses mots crûs. Il ne nous parle que de notre humanité étriquée (« N’oubliez jamais que ce qu’il y a d’encombrant dans la morale c’est que c’est toujours la morale des autres »1), ficelée, vide mais aussi de notre humanité aimante, miséreuse, souffrante et mourante. Ferré n’est pas un misanthrope, il aime trop la vie et la liberté pour cela. Ce sont ses mots libres, vindicatifs, emphatiques qu’Yves Rousseau nous donne à entendre car « la poésie est une clameur, elle doit être entendue comme la musique. Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie. Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche. »1  C’est cette chair sensuelle et généreuse que nous donne à goûter Jeanne Added et Claudia Solal, deux muses inventives et inspirées. Deux muses en liberté. Les chuintements de l’une et la verve de l’autre ; les mots qu’elles font leur : des mots cognés, jetés, hachés, tranchés, croqués, moqués et toujours respectés ; le swing dans chaque syllabe détachée ; la musicalité de la phrase superbement déclamée :

« Madame la misère écoutez le tumulte
Qui monte des bas-fonds comme un dernier convoi
Traînant des mots d'amour avalant les insultes
Et prenant par la main leurs colères adultes »
2

 

Sur ces mots du recueil de Ferré paru en 1956, « Poètes, vos papiers » d’une saisissante modernité, les compositions et arrangements d’Yves Rousseau sont un travail d’orfèvre. Ils accentuent un tumulte (Préface), prolongent une émotion (Le plus beau concerto), accompagnent le cri de rage (Où va cet univers) ou portent la revendication (Tête à tête). Si bien que l’on ne sait plus reconnaître les chansons de Ferré de celles de Rousseau, ce dernier ayant su s’inspirer des créations du poète pour mieux libérer sa poésie du livre fermé. A ce titre l’arrangement de Signora Miseria (traduction en italien de la chanson de Ferré Madame la misère) ou du Testament (avec violons saturés) sont flamboyants. Tout le contraire de la tiédeur affectée que Ferré détestait tant. Yves Rousseau est de la même engeance que Ferré. Et puis il y a aussi Jeanne Added. Quelle personnalité ! Une jeune chanteuse au tempérament de feu : portez attention à Où va cet univers ou à A toi, elle ne fait pas dans la mesure ou la demi-mesure, elle brûle tout et ce tempérament convient parfaitement au libertaire Ferré. Quand on etend chanter Added, on comprend qu’il y a urgence et que c’est une question de vie et de vie. Il y a aussi Claudia Solal, improvisatrice fantasque, exigeante, barrée. Dans ce rôle d’interprète, elle garde la juste distance avec les textes, sans pathos et avec ce grain de voix à nous damner. Écoutez sa ferveur mystique sur Signora Misera ou sa souriante hauteur sur Mannequin.  Voici un projet né de la rencontre magique d’artistes rares qu’il est urgent de découvrir pour sa brûlante radicalité. - Régine Coqueran

 

1 Léo Ferré – éditions La Mémoire et la Mer

2 Léo Ferré – Madame la Misère

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6 janvier 2008 7 06 /01 /janvier /2008 07:34

JJJ HAL GALPER : «  Now hear this »

Enja 2007 – Réédition 1977

 galper.jpg

 

Réédition d’un album paru sous le label Enja dans lequel on retrouvait à l’époque un quartet aussi explosif qu’éphémère composé de Hal Galper au piano, du trompettiste désormais un peu oublié Terusmasa Hino, de Cecil Mc Bee à la contrebasse et de l’immense Tony Williams à la batterie.

C’était en 1977 et, à côté du jazz électrique perdurait un jazz très ancré dans la tradition hard boppienne sous l’égide de quelques meneurs.

Ici le label Enja donnait carte blanche au pianiste Hal Galper qui signe la totalité des compositions à l’exception de Bemsha Swing (de Monk). La musique s’inscrit dans un répertoire très classique et quasiment bâti pour le  « live » des clubs. Car l’on a affaire ici à de (jeunes) vieux briscards de la scène rompus à ces sessions d’enregistrements où il n’est pas question d’autres choses que de jouer avec conviction des partitions amenées pour l’occasion par le pianiste. Sous l’impulsion d’un Tony Williams (First song in the day) toujours aussi bouillonnant dans le feu de ses cymbales, celui qui fut un moment le pianiste du quintette de Cannonball Adderley y affiche un goût prononcé de ce jeu qui évolue entre hard et bop avec une assise tantôt basée sur un jeu en block chords un peu à la manière de Wynton Kelly et tantôt dans un lyrisme que ne renierait pas Mc Coy Tyner.  La musique y est alors explosive et le trompettiste japonais Terumasa Hino, l’ami des grands boppers comme Joe Henderson ou Jackie Mc Lean apporte avec son phrasé agressif la brillance d’une trompette incisive et sacrément mordante. Enfin Cecil Mc Bee apparaît à cette poque à son apogée dans une forme absolument sidérante, véritable pilier de cette formation et totalement boosté par la présence de Tony Williams. Cet album prend alors valeur de témoignage de la vivacité de cette musique qui pouvait sembler un peu à contre courant dans le contexte de l’époque et que certain comme Galper, Mc Lean ou Woody Shaw maintenait en vie avant qu’une autre forme moins convaincante de revival ne finisse par l’affadir un peu.                                                                                                                                  Jean- Marc Gelin

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5 janvier 2008 6 05 /01 /janvier /2008 16:21

JJJJ Louis Armstrong : « rétrospective 1923/- 1956 »

Saga 2007

(1901-1971)

armstrong.jpg Un petit bijou que l’on regrette de ne pas vous avoir conseillé avant les fêtes. Bien sûr les spécialistes ne trouveront aucun inédit, aucune perle inconnue sur lesquelles se ruer. Et pourtant, grâce à une sélection judicieuse sur une période assez large qui démarre logiquement avez King Oliver (1923) et s’achève en 1955 avec un morceau qui clôturait un concert donné en Espagne avec Trummy Young ou Edmond Hall les instigateurs de ce bel ouvrage nous proposent en trois volumes un remarquable parcours en pays Pops.

Qui n’a pas entendu le contre chant de Louis Armstrong derrière Bessie Smith sur Saint Louis Blues en 1925 n’a rien entendu. Oui derrière la trompette de Louis il n’ y a pas que la rage de vivre, il u a l’érotisme de la morsure à pleine dent. C’est chaud bouillant et c’est pas plus tard les enveloppements dans le manteau de Johnny Dodds qui vont vous rafraîchir. Ça non ! Il y en a qui prétendent que la qualité des très grands musiciens de jazz tient aussi de ceux dont ils s’entouraient. Ben on peut pas vraiment leur donner tort lorsque l’on entend cette formation exceptionnelle que constituait le Hot Five puis le Hot Seven. Comme in dit aujourd’hui : ça joue grave mon pote ! Replongez vous dans le fameux Potato head Blues. Pas un seul aujourd’hui qui arrive  jouer comme ça. Même maintenant. Epoustoufflant ! Ou encore ce West end Blues avec Earl Hines les deux rivalisant d’ingéniosité dans l’improvisation après une intro que personne, ni Armstrong lui-même ne parviendront à reproduire. Un morceau qui pour beaucoup reste encore aujourd’hui la quintessence du jazz.

Il est émouvant aussi d’entendre Lionel Hampton alors batteur dans le groupe Sebastian new Cotton Club orchestra, faire à la demande du trompettiste ses premières armes de vibraphoniste sur Memories of you. Cette version de Stardust si émouvante ou encore cette énergie incroyable avec laquelle Stachmo enchaîne sur Swing That music pas moins de 17 contre ut (piano). Et d’entendre avec quelle simplicité Louis interprète Nobody nows the trouble I’ve seen en 1938 avec une chorale de Gospel, j’en ai encore le frisson qui me parcours de haut en bas.

Travail remarquable et surtout travail de grande qualité qu’il s’agisse du remastering et du nettoyage absolument remarquable des bandes. Qualité du support aussi avec un très beau fonds documentaire au niveau du crédit photographique mais aussi et c’est assez rare dans ce genre de travail, des liner signées Daniel Nevers qui présentent le coffret mais aussi commentent et éclairent chacun des 63 morceaux de ce beau coffret. On regrettera simplement que dans ces liners, Daniel Nevers semble enterrer la période créative de Louis à 1930 soit quelques temps après la disparition des Hot Five. Les deux derniers volumes de ce coffret illustrent à quel point Armstrong ne cessa toute sa vie durant d’insuffler au jazz son génie que l’on se plaît à écouter comme des monuments toujours insurpassables aujourd’hui.                                                                                      Jean-Marc Gelin

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:48

Les boutiques se sont illuminées et les sapins ont commencé à investir les appartements. Les gamins ont piaffé d’impatience à l’idée d’aller accrocher les guirlandes et la crèche ne va pas tarder à sortir des cartons. Il flotte un drôle d’air d’avant les fêtes et les ombres flottent la nuit devant les néons des magasins épuisés par les jours de grève et le vent qui souffle fort. Et pendant ce temps là nous étions l’autre soir dans un club de jazz à écouter Franck Morgan qui tel un vieux sage assis sur un tabouret nous distillait quelques histoires du bop avec cet air attendri et serein qu’ont les vieux lorsqu’ils racontent à leurs petits enfants des histoires vraies du passé. Ce soir là c’était Noël avant l’heure. Au bar on rencontre quelques copains et l’on tape la discute. On parle de choses et d’autres. Tiens, on cause d’Yvinec fraîchement nommé à la direction artistique de l’O.N.J dans sa nouvelle formule et l’on y va tous franchement de notre commentaire comme quoi la notion de directeur artistique c’est débile – comme quoi il aurait été préférable de nommer un tel ou un tel – comme quoi Yvinec ceci et Yvinec cela. Bref, personne ne semblait se rendre compte qu’avant même que Yvinec n’ait pu proposer quoique ce soit, qu’avant même de s’être penché sur son projet, le pauvre était déjà descendu en flammes par la gent bien pensante du jazz à laquelle nous étions censé appartenir. Et pourtant ! Si finalement il devait être avant tout question de laisser au temps le temps nécessaire. Pour nous journalistes, cette règle doit pas s’imposer comme l’exigence d’une impérieuse distanciation par rapport à l‘histoire en mouvement. Comme la règle absolue de mise en perspective, de jugement dans le temps passé et dans celui à venir. Peut être une telle règle de conduite à laquelle nous devons nous astreindre aurait elle évité à certains d’entre nous de vilipender Coltrane un moment avant, sans rire de le porter aux nues ensuite sans avoir l’air de se déjuger.

Mais à l’inverse donner du temps au temps c’est aussi laisser celui aux artistes de mûrir. Lorsque par exemple l’on voit certains labels vanter les mérites d’un jeune pianiste en exhortant ce dernier d’être immédiatement et tout de suite le génie qu’ils pressentent en lui, en le sommant d’être maintenant le futur Tony Williams du piano c’est aussi et de l’autre côté de la barrière transgresser cette nécessité absolue du temps qui construit et façonne.

 

Tiens d’ailleurs puisque l’on parle du temps qui passe et que l’on va bientôt fermer la page de l’année 2007, devons nous chercher aujourd’hui à en tirer le bilan ? Car pour tout vous dire la page de cette année se tourne, sans éclat, de manière un peu morose mais sans amertume…. L’IAJE aura été certainement cette année à New York un des évènements marquant pour le jazz français. Mais si l’on cherche ce qui, cette année a pu bousculer les fondamentaux du jazz, chambouler un peu nos repères et questionner notre « jazz attitude », je crois que l’on serait bien en peine de répondre. Des clubs de jazz ferment toujours, des festivals se bagarrent en haut de leurs clochers, les disques continuent d’affluer en grand nombre, les autoproductions se bousculent, la presse du jazz change la donne salutairement et fait son aggiorniamento ou menace de disparaître. Mais il n’empêche, dans ce paysage qui aura beaucoup été marqué par une campagne électorale médiocre sur papier glaçant, l’année du jazz qui s’achève laisse une impression bizarre de curieuse atonie. Dire que la France du jazz ronronne serait alors oublier ce que nous disions précédemment. Laisser le temps au temps c’est accepter les mises entre parenthèses, les lentes maturités. C’est aussi attendre patiemment les révolutions de demain. Le premier disque de jazz avait cette année exactement 90 ans. 90 années durant le quel le jazz aura connu une évolution hallucinante.

De quoi nous admettre de souffler un peu. Que le temps du jazz ralentisse et qu’on laisse enfin le temps au temps.

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:42
JJJJ Camisetas

Chief Inspector 2007


images-copie-3.jpg  
Voilà un nouvel album passionnant à découvrir, résultat d’une volonté affirmée d’évoquer une musique des lisières, dans un sud imaginaire et théâtral (toujours des photos de pochette très originales avec Chief Inspector), avec un titre qui chante,«Camisetas», du nom de ce groupe improbable, devenu réalité par la bonne volonté de tous et le soutien dePhilippe Ochem et la scène strasbourgeoise Pôle Sud. Une rencontre organisée par le label indépendant avec le batteur Jim Black qui était déjà intervenu pour Chief Inspector avec son groupe Alasnosaxis. Un projet fut concocté comprenant le guitariste Maxime Delpierre, habitué du label, le claviériste Arnaud Roulin, sans oublier, cerise sur le gâteau, à la demande même de l’américain, Mederic Collignon. Si cette rencontre traduisait le désir de Jim Black de travailler avec notre homme-orchestre, si singulier vocaliste-bugliste-cornettiste, celui-ci était bien entendu ravi de participer à cette nouvelle aventure, tant il est vrai qu’il n’est jamais opposé aux échanges, cultivant les affinités électives et transversales, voulant décloisonner les genres.

C’est une musique très actuelle, («no radio»), improvisée entièrement sur certaines plages, un rock planant et progressif grâce à la guitare de Maxime Delpierre que l’on suit avec le plus vif intérêt depuis Limousine ; mais aussi des claviers bien déglingués, des sons trafiqués, saturation et échos, un cornet ou un bugle électrifiés comme dans ce« pneu lisse ».La batterie dure, parfois funky, précise, redresse les écarts de langage. Un montage intelligent révèle des plages plus atmosphériques « Mime Marcel », d’autres plus secouées quand intervient  vocalement Mederic Collignon avec ses cris rarement étouffés en chuchotements, comme ce « Backeoffe » très réchauffé ou cette vraie tournerie, « la meinau ».

Un son particulier que l’électronique revisite encore, une atmosphère immédiatement perceptible, Camisetas plaît tout de suite, avec ses bruits parfaitement dérangés qui parfois enflent en sirènes légèrement hystériques, tous ses trafics d’influence parfaitement assimilés ( on croit avoir rêvé, on entend comme un écho des premiers Genesis avec Peter Gabriel à la flûte, sur le très angélique « Legend of the dangerous bean »).

 Un album très réussi à recommander à tous les amateurs d'une certaine modernité, décomplexée, qui n'a pas peur d'hybridations savamment contrôlées.   Sophie Chambon

 

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:39

JJJ FREDERIC COUDERC : «  Kirkophonie »

Cristal records 2007


couderc.jpg
 
Il y en a des qui sont vraiment amoureux de leur sujet. C'est visiblement le cas du saxophoniste (multi-anchiste) Fréderic Couderc qui voue une passion absolue pour le génial Rashaan Roland Kirk dont nous célébrons cette année le 30ème anniversaire de sa disparition. Comme lui Frédéric Couder joue de plusieurs saxophones en même temps, adopte les mêmes mimiques scéniques (comme ce petit coup de sifflet à la fin des morceaux qui ponctuaient souvent les concerts de Roland Kirk).

Dans cet enregistrement réalisé en live au Duc des Lombards, Couderc rend hommage de belle façon au génial saxophoniste le tout dans un concert où il est question de beaucoup de choses sauf de se prendre trop au sérieux. Plutôt bonne ambiance pour jouer du bon jazz.

Frédéric Couderc y est assez impressionnant sur tous les registres du saxophone qu’il s’agisse du ténor, du baryton, du soprano et même du « coudophone », saxophone de son invention (sorte de saxophone ténor droit en Ut majeur). Jouer de plusieurs sax en même temps devient alors très anecdotique tant on est bluffés par le « son » que ce saxophoniste maîtrise dans tous les registres sans jamais donner l’impression de démonstration. C’est juste the right sound for the right tune. Alors ça bouge terrible dans le registre des morceaux portés par le légendaire saxophoniste fou (dont une reprise de son célébrissime Inflated tears ou encore Roland ‘s theme) entre un swing très Ellingtonien (3 morceaux d’Ellington – Black and tan fantasy, Isfahan, Oclupaca ) et un groove de bopper à la Pepper Adams (Conjuration). L’album ne tombe pas le piège de rester centré sur Couderc et ce dernier laisse la place à ses partenaires notamment pianistes. Ainsi dans la suite de Paul Le Lay (qui joue sur 4 titres)  Vincent Bourgeyx confirme ce que l’on sait de lui à savoir un pianiste très à l’aise et totalement convaincant qui ne se contente pas de servir la soupe mais apporte sa science du bop avec un réelle efficacité. Reste que même dans la bonne humeur de cet album, il manque à ce travail quelque chose qui relève de la folie fantasque du personnage, quelque chose d’incontrôlable chez ce Roland Kirk qui était capable dans l’extravagance de tous les traits fulgurants du génie. Pas de quoi cependant bouder notre plaisir. D’abord parce qu’il nous donne avec Frédéric Couderc l’occasion d’aller à la rencontre d’un superbe saxophoniste actuel. Mais aussi parce que l’intention de  cultiver la mémoire de ce génie d’hier, trop peu célébré aujourd’hui devrait être par les temps qui courent classée mission de service public.               Jean-Marc Gelin

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:37

JJJJ Miles Davis : «  The complete on the Corner sessions »

Columbia 1972 – 1975 ( rééd 2007)

davis.jpg
Après nous avoir gratifié il y a un an environ de la rééédition de «  tribute to Jack Johnson », Columbia relance l’inépuisable filon Miles Davisien en sortant un magnifique coffret de 6 albums censés représenter les sessions comprises entre novembre 1972 et février 1975, soit juste avant que Miles ne disparaisse de la scène et ne choisisse un exil doré qu’il ne rompra qu’en 1980 avec Marcus Miller ( « The man with a horn »).

Ces sessions qui nous sont proposées ne montrent pas un Miles en très grande forme, ce dernier jouant finalement très peu de sa trompette électrisée (il utilise beaucoup la pédale wha-wha) et apparaissant ici ou là pour quelques maigres chorus. Mais là n’est pas la question car même lorsqu’il semble absent, le génie de Miles reste à l’œuvre. Toujours précurseur (à l’époque), toujours dans la construction du son à venir à partir du matériau d’aujourd’hui, Miles s’inspire des sons du jazz-rock, de la funk music et de la pop planante pour construire un univers musical totalement fascinant. Il est vrai que dans cette démarche esthétique qui, reconnaissons le, faisait du surf sur la mode du moment, l‘association de Miles avec la griffe de son mentor et producteur, Théo Macero est, (comme toujours avec Miles) l’histoire d’un ticket gagnant.

La musique ici se déroule au kilomètre derrière un groove sans fin où la place est laissée aux électriques (guitares et claviers) et à la basse de Michael Henderson et enfin à la batterie de Al Foster, éléments fixe de ces formations à géométrie variable (depuis le quintet jusqu’au nonet). Les sax de Dave Liebman ou de Sonny Fortune tranchent dans le vif et Miles navigue entre grincement et feutre. Il s’agit alors de musiques hypnotiques, de tourneries un peu psychédéliques prétexte ouvert à l’improvisation, qui véhiculent avec elles les images de leur époque où l’on imagine des femmes aux robes Castelbajac, des meubles blancs et rond en plastique et des fauteuils «globe ». Tout n’est pas du même niveau et si l’on est séduits par les  vraies sessions de 72 « On the corner », le reste est relativement décevant. Il n’empêche, en créant un univers qui mariait alors la musique sérielle avec les matériaux du moment, Miles contribuait alors à une nouvelle esthétique qui, si elle fut un peu rejetée l’époque, apparaît aujourd’hui comme les chefs d’œuvre de la funk music électrique en devenir.

De quoi se précipiter pour les fêtes de fin d’année sur ce coffret superbe magnifiquement designé où l’éditeur réalise un joli coup tant sur le plan marketing que sur le packaging admirablement stylé et inspiré de la pochette originale de « On the Corner » avec un coffret métallique en relief. Dommage qu’à l’intérieur les liner soient si brouillonnes, à la limite de l’illisible et surtout peu ou mal documentées. Alex Dutilh rapporte dans Jazzman des erreurs de titres (sur Turnaround ou sur Mtume), le CD 6 n’est absolument pas renseigné ni daté, on se perd entre les éditions originales et les masters inédits et enfin les sessions en live enregistrées à Osaka notamment en février 75 n’y figurent pas.

Pas de quoi cependant bouder notre plaisir à entendre en boucle cette musique jubilatoire qui par magie nous ramène autant à hier qu’à ce que pourrait encore être demain.                                                                        Jean-Marc Gelin

 

 

A noter que le site Amazon propose gratuitement un film intéressant émaillé d’extraits de concerts et d’interview autour de ce coffret :

http://www.amazon.com/Complete-Corner-Sessions-Miles-Davis/dp/B000TLMWMO/ref=pd_lpo_k2_dp_k2a_1_img/103-4898513-8717457?pf_rd_m=ATVPDKIKX0DER&pf_rd_s=lpo-top-stripe-2&pf_rd_r=14KXMCDMBDYPKCSTMRB4&pf_rd_t=201&pf_rd_p=304485601&pf_rd_i=B00004VWAF

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:33

JJRichard Galliano – Gary Burton :” Hymne à l’amour”

Cam Jazz 2007


CAMJ7799-2b2.jpg



Il est des rencontres dont le caractère inédit le dispute au magique. C’est assurément le cas avec celle de ces deux fines «lames». Lorsque le plus grand accordéoniste rencontre le plus grand vibraphoniste actuel, il doit en effet logiquement en sortir un album évènement. D’autant que les deux hommes ont un terreau commun, partagent une même passion, celle pour Astor Piazzolla véritable mentor de l’un comme de l’autre. Piazzolla qui disons le tout net est le personnage de loin le plus intéressant de cette production. Piazzolla et Burton avaient déjà travaillé ensemble et déjà eu l’occasion de tester la confrontation de ces deux instruments à l’incroyable richesse harmonique que sont l’accordéon et le vibraphone. Deux instruments si riches harmoniquement que l’on était en droit de se demander comment ils pouvaient bien s’entendre. Et le résultat est à la hauteur de toutes nos espérances curieuses. Car avec le talent d’improvisateurs de ces deux géants, avec la belle intelligence des arrangements qui sont pour l’essentiel signés Gary Burton et la justesse rythmique du jeu de Clarence Penn, véritable pilier de ce quartet, et surtout l’incroyable richesse des compositions du bandonéoniste argentin (à notre sens l’un des plus grands compositeurs du XX° siècle) le résultat est d’une finesse et d’une délicatesse sidérante. Et parvenir avec autant de couleurs harmoniques à tant de légèreté est en soi un tour de force qui exige de la part des deux principaux protagonistes un immense travail d’écoute de l’autre et de respect de son espace musical. Cependant pour ceux qui ont eu la chance d’assister au concert de Pleyel, le résultat est un peu en deçà de ce que la formation produit en « live ». La version que nous avions entendue avec Clarence Penn et Philippe Aerts donnait une rythmique dentelée à un ensemble frémissant. Cette dimension n’existe pas dans la version Cd qui peut aussi bien figer l’auditeur dans ce qui peut être perçu parfois comme un exercice de style un peu trop sophistiqué devant des compositions magnifiques mais assez difficiles (voir la construction de Operation Tango). Au point que les moments inattendus comme Hymne à l’amour, une fugue de Bach ou un morceau plus jazz comme Waltz for Debby viennent apporter un salutaire contrepoint dans une ambiance sérieusement plombée et parfois un peu soporifique. Mais ceux qui auront la patience de prêter une oreille attentive à cette musique exigeante reconnaîtrons alors sans peine l’immensité du travail de Piazzola que l’on doit élever assurément au rang des compositeurs les plus essentiels du XX° siècle. Piazzoloa forever !                                                                                                                                  Jean-Marc Gelin
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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:29

JJJJ Tocanne Keller Gaudillat: “New dreams now”

Cristal 2007

dreams.jpg



Un trio où les soufflants ont la part belle, soutenus par le tempo et le drumming toujours impeccables de Bruno Tocanne ! Une belle formation qui ne manque pas donc pas d’air et qui continue la lutte musicale dans l’esprit du trio Résistances, le trompettiste bugliste Rémy Gaudillat prenant cette fois la place du contrebassiste Benoît Keller dans cette nouvelle combinaison résolument plus cuivrée. On suit toujours avec le même intérêt le travail passionnant du collectif imuzzic qui multiplie à partir de la région lyonnaise (les Monts du Beaujolais précisément, une terre où l’on sait vivre) les échanges et projets musicaux sous la bannière proclamée jazz.

Armés d'une indéfectible énergie, les trois compagnons font une musique fièrement mélodique et toujours engagée. Ils rêvent encore à d’autres mondes, s'inspirant de formations qui ont marqué l'histoire du jazz comme le quartet historique de Don Cherry ou d'albums manifestes comme la We insist! Freedom now suite du batteur Max Roach qui vient hélas de tirer sa révérence.
Une musique qui ne perd pas ses repères, décidément fidèle à certaines promesses, belle résolument, qui touche, parce qu’elle nous parle, et qu’elle est jouée avec l’intelligence du coeur, comme dans cet hommage tristement festif à Don Cherry Peace for Don, ou cette ballade aux accents évidemment monkiens crépuscule avec Nellie.
Assurément, voilà ce qu’est, le jazz quand il est pris pour esprit, une musique produite dans l’instant, peu médiatique forcément, créant un lien entre musiciens et auditoire; un vagabondage partagé spontanément (reprise pop délicate du secret marriage de Sting), ou le tendre final au titre très juste So strange but so sweet.
Des musiciens qui ont entendu le message, ce désir d'éclatement, ce bonheur du jeu également, cette circulation des désirs qui se joue aussi dans une écoute réciproque.
Au final un album réconfortant, dans son époque tout en s'inscrivant dans le prolongement d'une histoire essentielle.                                                              Sophie Chambon

 

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8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:27

JJ TIGRAN HAMASYAN TRIO             :  “New era”

Nocturne 2007

tigran.jpg



 
Il y a dans cet album la trace d’une petit génie en devenir. Indubitablement. Et il ne faut pas s’étonner que ce jeune pianiste arménien qui totalise à peine 20 ans, rafle tous les prix de piano jazz dans le monde entier et notamment en 2006 le célèbre prix Thelonious Monk. Rien que ça ! Porté par son élan et son allant naturel, le jeune Tigran aligne son deuxième album en moins d’un an dans une sorte de boulimie à nous monter que l’on va voir ce que l’on va voir et que, attention les yeux (les oreilles surtout !) après nous avoir montré le virtuose l’an dernier on va nous monter le compositeur de génie aujourd’hui. Et force est de constater qu’il y a un peu de vrai dans cette affirmation un peu péremptoire du label. Sauf que si le premier album nous avait séduit sans tout à fait nous convaincre, celui-ci en revanche nous convainc sans vraiment nous séduire tout  fait. Les choix artistiques y sont à notre sens très contestables. D’abord la place d’une rythmique axée sur les frères Moutin, particulièrement brillante voire exceptionnelle mais par trop démonstrative et prompt à en rajouter dans le percussif dès que Tigran lâche les chiens. Une rythmique qui jetterait plutôt de l’huile sur le feu. A tel point que l’on peut se demander si Tigran Hamasyan avec une autre rythmique que les deux frères Moutin aurait fait le même album.

Ensuite la mise en valeur des compositions. La volonté de donner dans le côté ethnique à tout prix, d’amener un joueur de duduk, de donner dans la « démonstration-des-racines-cuturelles-arméniennes » du pianiste comme un étendard brandi au dessus de la tête, ne convainc pas car le pianiste semble alors engoncé dans une sorte de dissymétrie entre jazz et tradition qui revient pour lui à se livrer à un vrai numéro d’équilibriste. Alors certes, le melting pot a du bon et nous vivons à l’ère de la globalisation culturelle et le jazz d’aujourd’hui doit se nourrir de ses influences européennes. Certes aussi les talents d’improvisateur de Vardan Grigoryan sonnent comme le prolongement des recherches modales. A la condition toutefois de ne pas ignorer la ligne mélodique, le blues, le swing et les fondamentaux du jazz. Et c’est bien dommage car lorsqu’il se trouve débarrassé de ce nationalisme jazzistique comme dans Memories from Hankavan and now il fait alors la démonstration de son grand talent d’écriture sur des traces shorteriennes très intéressantes. De la même manière et de façon bien plus subtile l’exercice sur Forgotten world ou sur Gypsyology se révèle particulièrement intéressant et brasse large dans les influences avec la marque d’une très forte personnalité, exubérante et parfois un peu brouillonne. Mais à 20 ans cette personnalité très affirmée est déjà une réelle preuve de maturité et suffit en soi à impressionner.                                              Jean-Marc Gelin

 

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