Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:23

JJJ Mauro Negri : « Liquid Places »

Abeat Records  2007

 

mauro-negri.jpg


Ceux qui ont les oreilles grandes ouvertes ont eut certainement déjà l’occasion, sans le savoir de les laisser traîner un jour du côté du clarinettiste italien Mauro Negri. Car s’il est encore relativement peu connu du public de jazz de ce côté-ci des Alpes, les musiciens eux sont déjà habitués depuis pas mal de temps à la belle fluidité de son jeu. Qu’on l’entende avec le Vienna Art Orchestra de Matthias Ruegg (la formation prestigieuse qu’il vient pourtant de quitter récemment), aux côtés de Enrico Rava (où il forme avec le tromboniste Gianlucca Petrella une association de haute volée) ou encore dans le quartet de Aldo Romano, Mauro Negri à plus de 40 ans s’impose de plus en plus comme l’un des tous grands de l’instrument et certainement désormais une référence de plus en plus incontournable. Car il y a chez lui comme une filiation du côté de Jimmy Giuffre avec la même propension à naviguer du plus classique du jazz aux espaces les plus inventifs. Après « Line Up » qui avait laissé un peu la critique sur sa faim, le présent album qui n’est pas encore distribué en France devrait séduire plus largement. Toutes les compositions y sont signées de Mauro Negri qui affiche là une belle diversité des paysages et des expressions. Avec une variété passionnante, l’album ne perd jamais en cohérence en ce qu’il privilégie toujours la puissance et l’énergie du son ainsi qu’un véritable dialogue avec un pianiste plus que jamais intégré au dispositif rythmique, idéal dans l‘approche démantibulée et la percussion rythmique même s’il est vrai, nettement plus pataud lorsqu’il s’agit d’inspiration mélodique.

Du coup cet album va alors du plus sage et magnifiquement classique au plus déstructuré, au presque free d’un jeu d’improvisation très ouvert. Avec beaucoup d’économie, Mauro Negri utilise quelques effets comme pour souligner une intension, surligner une phrase. Rien de plus adapté dans cet hommage à sa ville natale et dans son ode à « l’eau » que la superbe fluidité de son jeu aussi frais qu’une plongée dans l’eau d’une rivière ombragée.

Avec un sens de l’arrangement et surtout des compositions particulièrement riches (Liquid places), Mauro Negri affiche une maîtrise  impressionnante du son et du lyrisme et dépoussière l’instrument dont on sent qu’il peut l’amener où il veut, le dompter à volonté sans pour autant jamais renier l’apport de cet héritage essentiel qui va de Bechet à Bigard, à Sclavis mais aussi Dolphy ou Portal.

Sur le cours (d’eau) tranquille mais jamais rectiligne que trace Mauro Negri on aime à se perdre et à se laisser prendre de découvertes en découvertes. Au fil de l’eau.                                                                                                   Jean-Marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:19

JJJJ BUGGE WESSELTOFT : « IM »

Jazzland 2007

 

wesseltoft-IM.jpg


 
A l’occasion des dix ans de son label Jazzland, Bugge Wesseltoft, adepte du mélange des genres musicaux et de jazz fusion, semble revenir avec « IM » aux fondamentaux : le piano acoustique. Mais bien sûr s’agissant de ce prolixe et fantasque musicien norvégien tout raccourci est réducteur. Car bien que son jeu soit minimaliste, il est traversé par endroit de groove, de percussions enregistrées en boucle ou de collages sonores. Ainsi sur le superbe « WY », on distingue un discours de George W. Bush, des cris, du verre brisé et des extraits d’une interview de la BBC d’une congolaise racontant son enlèvement par des miliciens rwandais. Car l’album de Wesseltoft est aussi politique au sens où il ouvre un espace d’expression à des peuples opprimés et en lutte pour lesquels il exprime toute sa compassion. La voix de cette femme est calme et douce. Elle chuchote presque. Sur ce bouleversant témoignage, la musique de Wesseltoft n’est ni larmoyante ni emphatique, elle accompagne le propos avec retenu et quelques dissonances, ce qui accentue la souffrance et le chaos contenus dans ce morceau. Plus loin dans l’album c’est à la lutte du peule Sami qu’il offre un espace avec la merveilleuse chanteuse Mari Boine, inlassable combattante pour les droits de son peuple en Norvège. Ce peuple nomade a été violemment contraint de renoncer à sa langue et sa religion par la Finlande, la Norvège et la Russie, pays sur lesquels il était établi depuis longtemps. Sur « Yoyk » qui est inspiré d’un chant traditionnel sami, Wesseltoft revient au groove de ces précédents albums. De même sur « Fot », où la rythmique s’installe très simplement, très naturellement grâce à des boucles percussives, dans un espace dépouillé. « Hit » est un petit bijou rythmique : autour d’un thème joué staccato, les boucles rythmiques s’enchaînent, se déploient, s’enrichissent. Deux minutes de fantaisie où la technologie est utilisée au service de son imagination. L’ « espace » est le maître mot de cet album : ainsi dans « Black pearl makes dream », Wesseltoft , à partir d’un motif modal très simple créée des disruptions subtiles tout en revenant inlassablement vers le thème principal et en laissant une grande place aux réverbérations du piano. Sur « deIMAGER », on croit reconnaître l’univers de Satie, avec là encore l’utilisation de la réverbération du piano, de notes en suspension et du silence. 

Wesseltoft offre dans ce magnifique album un solo très personnel à l’imagination débordante.

Régine Coqueran

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:08

JJJ JOHN ZORN: “Six litanies for Heliogbaus”

Tzadik 2007

  zorn.jpg 

 Cela faisait déjà  plusieurs années que John Zorn avait en tête ce projet de litanies autour du jeune empereur romain décadent Héliogabale. Des suites qui s’inscrivent dans un travail qu'il entendait entreprendre avec le chanteur Mike Patton dans le prolongement de ce qu’il fait actuellement autour de Moonchild.
Avec ces 6 litanies dédicacées à  Edgar Varèse, Antonin Artaud et Aleister Crowley (sorte de poète inquiétant de l’occulte), John Zorn joue avec nos nerfs et crée un climat terrifiant qui alterne entre l’ultra violence et les moments d’apaisement démoniaques. On est alors plongés dans l’humanité bestiale et le cri primal où l’hallucinant Mike Patton crie, éructe, vomit, racle et déverse ce qui s’apparente à  l’horreur que l'on a du mal à  entendre en face.
A certains moments des sortes de fées (prêtresses ou vestales) un peu sorcières traversent, fantomatiques, cet espace inquiétant. Mais l'on sait alors que l'apaisement ne durera pas longtemps. Entre des moments de heavy métal lourd, de guitares ultra saturées et d’agression sonore, quelques rires sarcastiques vous glacent les sangs bien au delà  de la bestialité de Mike Patton. C’est alors l’univers de Héliogabale, jeune empereur romain du III° siècle, qui prit la place de Caracalla et qui mena durant trois ans et neuf mois Rome au rythme de ses caprices d'adolescent déjanté, adorateur mystique d’une étrange  pierre noire (l’Élagabal solaire), dont il se fit le grand prêtre, qu’il nous est donné de voir, d'entendre,et d'imaginer dans une sorte de projection sonore extrême.
John Zorn qui n'a jamais caché sa passion pour le hard rock heavy dirige cet ensemble en grand maître des cérémonies pour une sorte d'expérience musicale totalement inédite et effrayante. On est là à la limite du voyeurisme malsain. C’est un peu comme des tableaux de Munch ou de Bacon qui importent moins sur le plan esthétique que sur les sensations qu’ils créent. Sauf que l’on touche ici à une forme de radicalité sans concession qui ne remet pas en question le principe de l’universalité de la musique mais au contraire l’ aborde par sa version la plus effrayante. Les codes sont bouleversés et les limites inexistantes. Saisissant ! 
Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:04

MILES DAVIS :

Alain Gerber

Fayard – 500 p

24€

 

miles-Gerber.jpg Décidemment les ouvrages d’Alain Gerber se suivent et… se ressemblent tous. Chaque année, l’animateur de l’émission vedette « le jazz est un roman », revient vers le mois de novembre (avant les fêtes) avec ses biographies romancées où il fait parler des personnages réels dans une sorte de fiction biographique où se mêle des monologues inventés à des faits avérés. On en a savouré quelques uns comme Louie (Armstrong), Billie (Holiday), Chet (Baker), Charlie (Parker) etc…

Et voilà Alain Gerber qui revient aujourd’hui tel le Beaujolais Nouveau avec cette fois-ci Miles (c’etait couru) qui, une fois n’est pas coutume ne surprend pas. Car à la différence de son modèle qui cherchait toujours le coup d’après, la réinvention de son art, l’évolution de son expression, les livres d’Alain Gerber se répètent et nous plongent dans une sorte de logorrhée sans fin qui au fil de ses ouvrages de l’auteur devient de plus en plus indigeste. Une lourdeur qui, pour le modeste chroniqueur, obligé pour la bonne cause de s’arrêter à l’ultime page 410 du roman, ressemble à un pensum. C’est un peu comme gravir l’Everest mais en moins beau. On exulte certainement de l’avoir fait une fois que c’est fini mais Dieu qu’est ce qu’on en bave avant ! C’est aussi un peu comme d’aller travailler un jour de grève. On a pas le choix quand faut y aller, faut y aller mais qu’est ce qu’on sera content quand on sera arrivés.

Pourtant Alain Gerber a choisi un angle d’attaque plutôt intéressant qui consiste à alterner la voix de Miles avec notamment celle de ses batteurs. Mais le premier (le pauvre) à ouvrir le bal est Max Roach  qui nous gratifie durant les 40 premières pages de tous les lieux communs que l’on peut rencontrer sur Miles. Alors comme c‘est le pauvre Max qui s’y colle, le voilà qui balance en ouverture tous les thèmes les plus lourds : Miles et les voitures, Miles et les femmes, Miles et la came, Miles et Bird, Mile set les femmes, Miles et son papa dentiste etc….. Comme ça c’est dit une bonne fois pour toute et on aura plus besoin d’y revenir….Alors Max parle un peu comme un intello alors que Miles qui lui emboîte le pas juste après et se pare d’un autre langage plus conforme à l’image que l’on se fait du personnage. Et tout cela sur le mode du monologue long et assez vain. On peut allègrement sauter des pages entières un peu comme l’on poserait le combiné de téléphone face à un incorrigible bavard qui s’écoute parler. Vous pouvez le reprendre 5 mn (ou 30 pages plus loin) après, la personne parle toujours sans que vous n’ayez rien loupé du discours qui tourne sur lui même.

Alors, s’il nous est permis de donner un conseil aux lecteurs de cette chronique déjà trop longue, ce serait d’aller vite se plonger dans le petit et dernier ouvrage de Philippe Roth (Un Homme) qui n’a strictement rien à voir ou bien d’écouter les émissions d’un certain Alain Gerber sur France Musique. Vous verrez ce gars là quand il cause dans le poste pour vous expliquer que le jazz est un roman sur France Musique tous les jours de 18h à 18h55,  il est absolument génial.                                                                                                           Jean-Marc Gelin

 

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 09:01

robert-copie-1.jpgPhilippe Robert est journaliste. Il collabore à plusieurs publications dont notamment Vibrations, Jazz Magazine ou les Inrockuptibles. Plutôt familier de cette musique à la marge, ayant lui même été à un moment très proche du groupe mythique Sonic Youth, Philippe Robert s’intéresse et nous passionne pour tous ces expérimentateurs, ces décalés de la musique, ces révolutionnaires du son.

A partir de 102 courtes fiches consacrées à ces musiciens, l’auteur revient de manière chronologique sur le parcours des musiques décalées, commençant sa course avec  les tentatives de Luigi Russolo qui, en 1921 ( !) cherchait à élargir la palette des sons aux sons industriels, et la finissant avec l’hyper expressionnisme de John Zorn (2007 ses « Six Litanie for Heliogabalus » – cf supra). On y trouvera alors des génies que tout le monde croit connaître comme Edgar Varèse par exemple ou Iannis Xenakis ou encore John Cage ou Stockhausen. On y découvrira d’autres bien moins connus comme Nancarrow, Moondog et autres Jacques Berrocal. Tout y est des bruitistes aux minimalistes, aux free jazzmen jusqu’aux tenants de l’électro acoustique. On y découvre ainsi un panorama des expériences les plus passionnantes jusqu’aux plus insolites que l’on soit captivés par l’approche scientifique de Varèse, fascinés par la vision cosmogonique de Moondog ou interpellés par Stockhausen qui conçoit la musique et surtout le son comme un véritable matériau artistique dont l’assemblage peut répondre à des lois plus ou moins aléatoires.

Le jazz y trouvera son compte avec Albert Ayler, Evan Parker, Jacques Coursil, Derek Bailey…. On y croisera aussi quelques personnages venus d’ailleurs comme Joe Jones (pas le batteur bien sûr) ancien franciscain frère copiste qui suivit une voie musicale après avoir participé à un album avec Yoko Ono et suivi des cours de pilotage d’avion dans le but un jour de doter les avions d’harmonica géant pour en faire de la musique volante ! Quelle poésie plus sauvagement libre ?

 

Chaque fois Philippe Robert s’appuie sur une ou plusieurs références discographiques par musicien, pour en livrer non pas une analyse musicologique mais plutôt une passionnante mise en perspective aux confins de la philosophie et de la sociologie musicale. Ce livre est un véritable puit de science dont on regrettera juste l’absolue frustration de ne pas avoir le matériau musical qui permettrait de découvrir un peu ces pépites de l’art musical du XX° siècle. Mais l’on se consolera en lisant l’absolument géniale introduction de Noël Akchoté qui ouvre ce livre sur les musiques expérimentales par une incantation papale : «  n’ayez pas peur » !

Non, n’ayez pas peur de vous perdre, de perdre toutes vos références, de vous laisser surprendre ou choquer. La musique c’est de l’art et l’art est là pour ça. C’est ce que montre et démontre cette brillante Anthologie de Philippe Robert : La musique véritablement comme l’exercice d’une forme de liberté et de pensée sur le monde.                                                           
Jean-Marc Gelin                                                                                                                                                                                               

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 08:45

moutin.jpg

MOUTIN RÉUNION QUARTET
Le groupe des jumeaux (François à la contrebasse et Louis à la batterie) balance un troisième CD monumental, lesté comme le précédent des chorus incandescents de Rick Margitza, l'ancien sax ténor de Miles Davis, et illuminé par les feux d'artifice harmoniques de Pierre de Bethmann. Cerise
sur le pancake, un DVD fait bouillonner l'autre face du CD.
INTERVIEW CROISÉE AU CAFÉ BASTILLE, QUELQUES JOURS AVANT UN CONCERT AU NEW MORNING, ET À LA VEILLE  D'UNE GRANDE TOURNÉE EN EUROPE.



DNJ : Vous êtes le seul groupe français à tourner régulièrement aux USA. Comment êtes-vous arrivés à ce statut ?

FM :Au milieu des années 90, j'accompagnais Michel Portal ou Martial Solal. Je sortais de l'ONJ d'Antoine Hervé, où j'avais rencontré une foule d'Américains, comme Randy Brecker, Peter Erskine ou Steve Swallow. Toots Thielemans, notamment, a enfoncé le clou : "tu dois aller à New-York, pour constater ce qui se passe". Quelques années après, je me suis rendu à New-York, avec mille dollars en poche, pour me frotter à ces calibres. L'énergie de la ville, le nombre de pointures, m'ont enchanté. Je me retrouvais plongé dans le bain proche de ma passion d'enfant. Il existait
certes des chapelles, mais moins fermées qu'à Paris. J'avais beau être catalogué sideman de Portal, j'étais accepté aussi bien par des calibres du jazz dans la tradition, comme Monty Alexander, que par des éminences du free, comme Cecil Taylor. La même semaine, je pouvais jouer avec Frank Wess, Oliver Lake, ou Mike Stern, dans trois styles de jazz différents. J'ai senti
que je pouvais rayonner à partir de la ville. Je me suis installé.

LM : On était surnommés "La Rythmique des Frères". Après le départ de François, j'ai joué avec beaucoup de bassistes différents. Puis, en 1997, je me suis mis à la composition. Lui de son côté m'a envoyé plusieurs morceaux. L'idée d'un quartet a germé. Nous avons formé la première mouture du quartet pour tourner en France avec Baptiste Trotignon et Sylvain Boeuf, en 1998. Le
public manifestait de l'enthousiasme et le projet nous éclatait de joie. L'année suivante, nous remplisssions trois fois plus de dates. Le premier album est sorti en 2000 (sur le label SHAÏ). Nous avons pris la décision décision d' "exporter" le groupe aux USA. C'était assez inédit. Des
musiciens européens venaient certes y séjourner, mais nous représentions le premier groupe constitué à vouloir y tourner régulièrement. On a foncé têtes baissées. Un agent américain, Dan Doyle, nous a repéré l'année d'après, après avoir flashé sur le disque. C'est un ancien tourneur de Gil Evans et de Steve Lacy. Il nous a abordés à la sortie d'un concert. La prestation l'avait convaincu. On s'est revu. Il a posé une bouteille de vin californien sur la table en disant ; "votre groupe sera aussi difficile à vendre aux USA que ce vin en France". Mais il y a cru : il s'est accroché. Depuis six ans, nous avons joué des centaines de dates, Europe comprise. A titre d'exemple, Moutin Reunion Quartet a joué dans la moitié des États de l'Oncle Sam. On
fait un vrai tabac sur scène.

DNJ : Est-ce la raison de la présence du DVD en public sur l'autre face du dernier CD, "Sharp Turns" ?

LM : Exact, nous voulions donner un exemple de la complicité qui règne dans nos prestations. Lors de ce concert au Skokie Theatre de Chicago, en janvier dernier, dont le répertoire est basé sur les morceaux du CD précédent, le quartet s'éclate comme des gosses. Les morceaux empruntent une forme plus débridée. Nous avons dégagé cette énergie vers la salle. On entend le public nous renvoyer sa joie. Aux USA, les gens s'expriment plus facilement qu'ici. Ils viennent également discuter volontiers avec les musiciens à la fin du concert.

FM : J'ajouterai que, paradoxalement, la réussite aux USA nous a ouvert davantage d'opportunités pour jouer en Europe.

DNJ : Etes-vous appréciés là-bas en tant que musiciens de jazz français, ou en tant que musiciens français de jazz ?

FM : Les Américains nous apprécient en tant que musiciens de jazz, point barre! L'appellation jazz français est une erreur grammaticale commune en France. Il y a le jazz. La musique est partie des USA, elle est devenue internationale. Il existe une scène du jazz en France, composée de musiciens français. Nous nous considérons comme des musiciens de jazz. Il se trouve
que nous sommes des Français.

LM Dans certains endroits, les auditoires qui se sont déplacés nous expriment la reconnaissance de leur avoir fait l'honneur de jouer dans leur coin. Jamais nous n'avons entendu : "le jazz nous l'avons inventé" La salle s'imagine que nous venons directement de France... Il faut dire que les
présentateurs en rajoutent à chaque fois. Ils claironnent notre arrivée sur scène de façon exagérément positive : du genre "Moutin Reunion Quartet a fait le trajet spécialement pour vous", etc….

DNJ Justement, qu'entendez-vous par "musiciens de jazz" ?

LM Nous sommes des autodidactes de la musique. Notre perception est bien, entendu très construite. Nous avons écouté toute l'histoire de cette musique, depuis ses origines. Mais arrive un moment où dans le concert, tu franchis une frontière. Nous jouons alors à l'instinct. Le jazz signifie que ce que nous interprétons se passe là, maintenant. Difficile d'analyser l'énergie que nous déployons à cet instant. Un état à la limite du contrôle prend possession de toi. Il y a là une magie. On est alors connectés avec l'ensemble de l'assistance.

FM : Être jazzman, c'est faire avancer une tradition en restant soi-même. C'est également faire avancer ses propres morceaux. Nous triturons notre propre matériel, qui évolue comme une personne humaine au fur et à mesure des concerts. La couleur de la musique change chaque jour, comme la couleur du ciel.

DNJ : La gémellité représente-t-elle un atout ou un désavantage?

LM : A vrai dire, on ignore ce qu'est de ne pas être jumeaux. Je trouve par conséquent difficile de répondre dans un sens ou dans l'autre. Nous avons résolu notre problème d'identité en jouant ensemble. La collaboration nous permet de nous affranchir du côté symbiotique. Nous nous méfions de la dépendance de l'un à l'autre. Aussi nous attachons-nous à mûrir en permanence. Le départ de François aux USA a représenté pour moi une obligation d'indépendance physique. Des choses se sont résolues. Nous en avions sans doute besoin.

FM : La gémellité s'avère indéniablement un atout pour communiquer avec le public. Elle me permet de prendre en compte toutes les catégories présentes. Nous les percevons, puis nous communiquons entre nous.


DNJ : Reconnaissez-vous en Weather Report une influence majeure ?

LM : Bien sûr, mais au même titre que Fats Waller, Duke Ellington ou John Coltrane.
D'ailleurs Weather Report a lui aussi été influencé par ses prédécesseurs. Nous entendons la tradition sur laquelle s'appuient certaines de leurs compositions. Chaque fois qu'une création s'opère, elle intègre les œuvres précédentes. La similitude avec Weather Report, c'est que nous composons l'intégralité du matériel. Avec Rick Margitza et Pierre de Bethmann, nous avons trouvé la vitesse de croisière. Nous sommes impliqués tous les quatre totalement.

FM : Nous sommes entrés dans le jazz de façon chronologique, en écoutant la discothèque de notre père, en commencant par Jelly Roll Morton. Quant tu as assimilé Art Tatum, tu captes bien mieux Errol Garner. J'ai joué avec Cecil Taylor; il avoue une forte influence de Thelonius Monk. Le langage de l'un facilite la perception du langage de l'autre. Ceux qui prétendent partir de zéro pour inventer quelque chose : ceux-là nous inquiètent un maximum. Du reste, certains morceaux de Duke Ellington, antérieurs à 1940, sont bien plus modernes par la structure que d'autres du be-bop, composés plus tard. Il est extrêmement profitable de zapper entre les genres. Le plus récent
n'est pas forcément le plus moderne.

DNJ :  Avez-vous bénéficié d'appuis financiers?

LM : Oui. BNP-Paribas nous a soutenu depuis le début. C'est une chance. Il s'agit du seul mécène privé aussi actif dans le jazz. Ils soutiennent des gens comme Jacques Vidal, Manuel Rocheman et d'autres depuis des années. Puis nous sommes aidés par la SPEDIDAM (société de musiciens).

 

Propos recueillis par Bruno Pfeiffer

 

 

 

CD :  Moutin Reunion Quartet : "SHARP TURNS" ( Nocturne 2007)

 

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 08:42

JL Mahavishnu Orchestra : «  live in Montreux 1974 – 1984 »

Eagle vision 2007




Ce nouveau DVD de la série des « live » à Montreux propose une double approche du groupe légendaire du guitariste britannique John Mc Laughin. On connaît les vicissitudes qui ont émaillé la vie de ce groupe maintes fois dissous et maintes fois reconstitué.

Du coup Eagle Vision nous propose deux concerts. Le premier proposé dans son entier propose est un concert de 1984 dans une version qui sentait déjà un peu la fin du groupe et où il était surtout question d’y entendre sa belle association avec Bill Evans (le saxophoniste, pas le pianiste !!). Pour le reste, ça déroule en toute sagesse un tapis jazz rock qui à l’époque déjà avait quelque chose d’un peu désuet.

En revanche gloire et honte à Eagle qui propose un 2ème CD dans lequel on entend sur deux titres très longs la version de 1974 avec Jean Luc Ponty au violon et Gayle Moran aux claviers (La femme de Chick Corea et future membre de Return to Forever). Bien plus intéressant en effet en ce que l’on entend là cette musique en mouvement. Cette musique qui cherche sa voie entre jazz, rock et pop ne manque pas en effet de belle inventivité dans le sillage tracé quelques années avant par Miles dans Silent Way et sur lequel Weaver Report ou Return to Forever de Chick Corea traçaient leur route.  Mc Laughin en grand ordonnateur impose le blues comme le rock le plus lourd, prolonge le son d’un quatuor à cordes tandis que Ponty lui-même au violon s’inscrit dans la résonance de sa guitare. Quel dommage qu’à cette époque le batteur Billy Cobham ait déjà quitté le groupe et qu’il ne nous soit pas donné de l’entendre.

Mais la supercherie vient surtout de ce que cette version de 74 n’offre que deux titres, les autres étant uniquement audio ce qui, pour un DVD est franchement limite et doit nous inciter à la prudence avant de nous précipiter sur cette production somme toute très moyenne.                                                                                       

Jean-Marc Gelin

 

Partager cet article
Repost0
8 décembre 2007 6 08 /12 /décembre /2007 08:38

JJJJ Judy gARLAND

BD Jazz - Nocturne

Garland.jpg

Dans la collection « BD Ciné » du label Nocturne qui a déjà publié entre autres Marilyn, Mae West, Fred Astaire ou Rita Hayworth, il en manquait une à qui il fallait absolument qu’ un hommage soit rendu, c’est Judy Garland. Celle dont on sait que sa carrière débuta de manière très précoce au point d’être l’une des enfants stars de Hollywood au même titre que son compagnon de toujours, Mickey Rooney, cantonnée à ses débuts dans des rôles sucrés de comédies musicales un peu gnian gnian mais que les petits comme les grands se repassent aujourd’hui encore en boucle au moment des fêtes de Noël. Celle qui immortalisa à tout jamais l’inégalé Over the rainbow qu’elle chanta dans le Magicien D’Oz à l’âge de 17 ans (ce qui était d’ailleurs considéré à l’époque comme un peu vieux pour le rôle), avait commencé déjà sa carrière 4 ans plus tôt avec, comme en témoignent ces intéressants CD qui accompagnent la BD, une étonnante maturité de chanteuse. Et l’on est surpris de voir à quel point Judy Garland a toujours su d’instinct faire la part des choses et savait se muer en chanteuse interprète, ajoutant ce petit quelque chose qui faisait d’elle à la fois plus qu’une chanteuse et aussi plus qu’une actrice. Et au-delà de cette actrice de comédie musicale mignonnette et bourrée d’énergie il y a surtout la vraie voix d’une très grande chanteuse. Lorsque Judy Garland chante une version géniale de Beir Mir Bist Du Shoen dans un film assez peu connu (Love finds Andy Hardy) on a le sentiment que personne ne pourra chanter le thème après elle. Le double CD qui agrémente la BD donne ainsi l’occasion de découvrir d’autres petites merveilles comme par exemple cette version de Singin’ the rain de 1940 dans un film là encore peu connu, Little Nellie Kelly sorti 14 ans avant le film de Stanley Donen et la célébrissime version de Gene Kelly.  Très (trop) tôt sur les rails, Judy Garland va enchaîner les succès du cinéma hollywoodien  avec des films comme Meet me in Saint Louis (1944), Ziegfled Follies (1946) , The Pirate (avec Gene Kelly) ou Easter Parade avec Fred Astaire (1948) et enfin et surtout A Star is Born de George Cukor en 1954. Sa vie est émaillée de mariages plus hollywoodiens les uns que les autres dont le plus célèbre avec son metteur en scène de mari Vincente Minelli  avec qui ils auront ensemble une fille Liza Minelli qui naîtra en 1946.

La partie BD est scénarisée et illustrée avec beaucoup d’inspiration par Annie Goetzinger, l’une des dessinatrices vedette de chez Dargaud qui a signé entre autres des BD comme Aurore ou Felina. Annie Goetzinger a aussi travaillé pour Fluide Glacial et l'Echo des Savanes. Visiblement inspirée par son sujet, la dessinatrice- scénariste fait parler Judy Garland dans une sorte de monologue inventé où l’actrice -chanteuse revient sur sa carrière dans une vision, plutôt amère de la machine hollywoodienne aussi prompt à faire naître les étoiles qu’à broyer les individualités qui finissent toutes par mourir un jour d’excès de gardénal ou de barbituriques. Le dessin, très réaliste et très stylé s’attache alors à faire revivre une époque et nous ramène au graphisme américain des années 50. Nous ramène à des images féeriques de comédie musicales gravées à tout jamais dans notre inconscient collectif de gosses éternellement émerveillés.                          Jean-Marc Gelin

Partager cet article
Repost0
6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 23:48

L'actualité du jazz nous donne ces derniers temps de bonnes occasions de nous réjouir et surtout d'arrêter (enfin) de râler. Il était temps ! Il faut dire que cette fin  d’automne a des petits airs d’été.
D’abord il vous suffit de voir le nombre de disques qui nous ont mis en état d'extase ce mois-ci pour vous rendre compte qu'il flotte en ce moment autour du jazz un doux parfum qui se traduit par une très grande qualité de la production discographique. Et là plus question de querelles de chapelles. Les frontières éclatent et il n'est plus question de vilipender les majors qui seraient responsable de tous les maux des sous-entendants de la planète accusés de nous servir continuellement des soupes de supermarchés. Pour vous en convaincre il vous suffit d'écouter le dernier album de Herbie Hancock pour admettre qu'un peu de capitalisme dans notre verre d'eau ne dilue pas le talent ni l'inspiration, bien au contraire. En tous cas, pas toujours.
Et les superproductions alors ? Il n'y a pas si longtemps elles étaient vouées aux gémonies sur la base d'un mot d'ordre qui voudrait que l'argent corrompt tout. Pas d’accord ! Approchez vos oreilles sur les derniers albums de Kontomanou et de David Linx. Du lourd dans les deux cas avec luxe de moyens mis en oeuvre (surtout dans le cas de David Linx où il est carrément fait appel au merveilleux Brussels Jazz Orchestra dans un format que l'on croyait totalement perdu au jazz vocal). Dans les deux cas le résultat est une pure merveille.

Mais tout est dans tout et bien sûr à côté de cela il y a le courant, le quotidien des petits labels qui ne cessent de nous éblouir. Tenez juste un exemple : écoutez ceux du label Laborie qui récidivent et font le pari de « Yaron Herman » et nous jettent comme un choc esthétique total le dernier album du pianiste. Comme quoi il suffit de pas grand-chose. Juste le talent et l’envie.
Parce que derrière tout cela, derrière ces majors, ces petits labels ces grandes ou petites production c'est toujours le talent et l'envie qui font la différence. Toujours. Et ceux qui se lamentent, montent au créneau et pensent qu'il suffirait de multiplier les pétitions auprès
des pouvoirs publics pour obtenir les subsides sans lesquels paraît il le jazz ne serait rien se trompent et doivent revenir à ces fondamentaux : mettons d’abord le talent et l’envie et les moyens ensuite. Sans quoi rien de possible.

Autre raison d’être heureux : cette année novembre est en été et la saison des festivals de jazz, c’est encore maintenant. Toujours aussi inattendu et improbable en cette saison froide : Nevers, Jazz au Fil de L’Oise, Reims Djazz Festival, Bleu Triton, Jazzycolors, Antony, Banlieues Bleues et j’en passe et des meilleurs. L’été commence enfin. Se laisse aller maintenant.

Alors tout pour se réjouir ?

Pas tout à fait car nous gardons en tête ce merveilleux concert d’Alexis Tcholakian un soir d’octobre. Un soir qui nous rendit aussi heureux qu’amer. Comment vous ne connaissez pas  Tcholakian ? Certainement pas et c’est bien là le drame. Hors des modes, hors du système, hors du temps et de la modernité obligée y aurait il un salut ? C’est là aussi toute l’injustice d’un système qui pourrait bien nous faire passer à côté de quelques talents essentiel si nous ne gardions pas nos sens en éveil et nos oreilles à l’affût. Pour paraphraser un auteur actuel : Derniers regrets avant l’oubli. Contre cela une nécessité vitale : écouter toujours. Se laisser séduire encore.

Et puis dans ce ciel de novembre quelques nuages bas comme cette annonce récente selon laquelle Jazz Hot cesserait (momentanément) sa parution. Qu’une institution comme celle-ci puisse disparaître serait assurément une très très mauvaise nouvelle pour le monde du jazz. Une de ces nouvelles qui nous rend tristes et nous montre l’obligation qui nous est faite à tous de faire notre propre aggiornamento. Le jazz évolue aussi. Rester en éveil toujours.

 

Partager cet article
Repost0
6 novembre 2007 2 06 /11 /novembre /2007 23:43

JJ DAVE ALLEN: « Real and Imagined »

Fresh Sound new talent 2007

daveallen.jpg

Les disques de Fresh Sound New Talent se suivent et… se ressemblent tous. C’est sûr c’est ce que l’on doit appeler la ligne esthétique du label et il faut bien reconnaître que Jordi Pujol est à Fresh Sound ce que Manfred Eicher est à ECM. On retrouve dans cette formation transatlantique  un jazz en quartet, certes de qualité mais tournant autour d’une musique totalement formatée dans laquelle on peine à trouver les points d’originalité avec les autres quartet New-yorkais guitare, ténor- basse- batterie. C’est assurément une musique d’une grande finesse dont il s’agit où le talent des uns et des autres n’est jamais forcé. Tout va de soi et l’on doit cette belle fluidité en grande partie aux compositions qui s’inscrivent dans cette veine post Rosenwinkellienne qui ne brillent pas par leur originalité mais qui assurent correctement ce qu’il y a à assurer. On est alors à la fois séduit et ennuyés par le jeu de Seamus Blake, aux ciselures nettes et précises et par leurs précisions quasi chirurgicales, un peu stéréotypées. On est un peu plus enchanté par le leader du groupe, le guitariste Dave Allen assez impressionnant dans ce qu’il donne l’impression que tout est facile dans sa musique. Une vraie facilité à jouer simplement les renversements d’accords les plus complexes. On tombe aussi sous le charme alors de quelques belles tentatives qui se dessinent dans ce « quadrilogue »  comme ce morceau joué sur une seule note.

Mais ce que l’on retient surtout et avant tout c’est la présence de Drew Gress dont la sonorité très moelleuse offre un tapis de rêve à ce quartet. Un Drew Gress qui, c’est sûr s’est élevé aujourd’hui parmi les meilleurs contrebassistes de son époque. Il en apporte ici une nouvelle démonstration non pas éclatante mais à tout le moins évidente. Jean-Marc Gelin
Partager cet article
Repost0