Black and Blue 2007
Cela faisait près de 10 ans que l’on attendait un nouvel album du groupe de jazz vocal animé et conduit par Thierry Lalo. Plusieurs années durant lesquelles la formation s’est largement renouvelée avec l’arrivée de nouveaux talents comme Vincent Puech ( un ex de Octovoice) ou le chanteur canadien Sylvain Bellegarde ou encore le trompettiste américain Larry Browne, bien connu des aficionados du feu Studio des Islettes. Le premier disque datait en effet de 1998 et l’on se souvient encore d’une tournée mémorable où le groupe avait tenu l’affiche plusieurs soirs de suite à l’auditorium Saint Germain, se permettant même le luxe d’inviter Steve Lacy a leur donner la réplique. Rien que ça. Souvenirs…..
Presque 10 ans donc d’attente pour arriver en à cet album dont on aura bien du mal à faire la chronique tant le moins que l’on puisse dire est que le bon (mais alors là le très très bon) côtoie parfois le plus incertain.
C’est avec pas mal de malice que Thierry Lalo, le grand manitou et pianiste de ce groupe a choisit de ne pas choisir et alterne comme i l’avait déjà fait les parties a capella avec les parties accompagnées d’une bien belle rythmique ( Gilles Naturel, François Laizeau ou Philipe Soirat), invite des guests stars aussi exceptionnelles que David Neerman (le merveilleux vibraphoniste de Youn Sun Nah), Jérôme Barde (et son bardophone), Papa Dieye (perc), Jean Lou Longnon ( le trompettiste que l’on ne présente plus, était déjà là il y a 10 ans et l’on a plaisir à l’entendre autour notamment d’une sympathique Danielhuckerie sur Mademoiselle) et last but not least un Glenn Ferris dont le chorus au trombone, mama mia, nous laisse encore la chair de poule rien que d’y penser je meurs sur la carpette du salon et je sais pas si je vais me relever tellement que c’est bon (When the night turns into day)
Du côté des réussites de cet album, il est bon d’entendre combien le groupe a gagné en énergie, capable avec un sacré sens du swing de réellement intéresser l’auditeur du tout début jusqu’à l’extrême fin. Tout cela avec une belle homogénéité des voix. Les arrangements qui (et c’est la grande différence par rapport à l’ancienne version des Voice) gagnent en simplicité tout en restant efficaces en diable, en misant presque toujours sur la percussivité du propos. L’album commence magistralement avec un superbe Stolen Moment qui débute l’album et vous laisse sur un solo de Amélie Payen, véritable tuerie genre réincarnation de M’dame Mimi. Je meurs une première fois ! Mais si on fait pas gaffe, on pourrait bien mourir aussi sur les deux versions (a capella ou non) de Chanson d’Automne écrite par Lalo et qui pourrait bien devenir comme une sorte de tube pour un grand nombre de groupe de jazz vocal. Superbe arrangement sur un beau texte Vladislas Milosz. Tout le chant a capella dans ce morceau : homogénéité, pulse, unissons, intentions, crescendo. Admirable ! On retiendra aussi un Have you meet miss Jones ou un It’s Only a Paper moon bouillonnants d’énergie. On aime la belle voix de Vincent Puech dépouillée de tout le superflus sur Que reste t-il alors que les autres garçons du groupe qui ont tous un fort bel organe ont une tendance excessivement virile à en rajouter 10.000 tonnes dans le genre crooner. Bien sûr on aime la venue de Patricia Ouvrard, la chanteuse des 6 ½ (mais diantre pourquoi faire venir de l’extérieur une chanteuse à scatter…). On est moins séduits en revanche par quelques versions un peu datées comme That’s the way ou comme cette fâcheuse tendance dans les groupes de jazz vocal à rajouter des Doo Wha, Da et Whee en voicing univoques comme dans In a sentimental mood dont le thème est déjà assez beau en rajouter. On regrettera aussi cet arrangement pas très heureux des Cloches dont le texte de Apollinaire passe ici difficilement l’épreuve du chant.
Mais attention, les Voice Messengers sont de retour ! Enfin ! Après 10 ans d’absence. Les Voice reviennent gorgés d’énergie et de swing. Courrez les voir en concert car il y a peu de chances que cette nouvelle formule vous laisse indifférente. La précédente version vous faisait mourir d’ennui. Avec celle-ci nul doute que votre dernier soupir sera un soupir de plaisir.
Jean-Marc Gelin