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5 septembre 2007 3 05 /09 /septembre /2007 07:12
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J JOHN COLTRANE : «  Kind of Coltrane »

Brillant Jazz 2007

Voilà une compilation surprenante à plus d’un titre. D’abord par le choix des 10 Cd qui la composent : passant d’une période allant de 1958 à 1965, l’éditeur Hollandais a mis la main sur quelques enregistrements libres qui débutent avec les sessions Savoy enregistrées avec le trompettiste Wilbur Harden puis enchaîne avec un volume injustement nommé «  Soultrane » avec Tadd Dameron et quelque enregistrements « live » du quintet de Miles ou encore du quartet mythique avec Mc Coy Tyner et Elvin Jones. La logique est chronologique et l’éditeur cherche à balayer le pus large possible en donnant un aperçu rapide et donc forcément aléatoire des quelques étapes de la carrière du saxophoniste.

L’autre surprise vient de son prix puisque cet éditeur met sur le marché ce coffret de 10 CD pour la modique somme de… 21 euros ! Même si la qualité sonore n’est pas toujours optimum il n’empêche qu’à ce prix là, tous ceux qui auront à cœur de découvrir un peu l’œuvre de John  Coltrane auraient tort de se priver. Il es vrai cependant que les enregistrements les plus essentiels de Coltrane chez Prestige ou Impulse largement disponibles sur le marché à des prix tout aussi abordables ne sont pas là.

21 euros, c’est néanmoins un exploit si l’on oublie en revanche la qualité du support éditorial. De ce côté-là en effet, Brillant Jazz brille surtout par son incroyable médiocrité. Aucune liner note dans le coffret, une présentation simplissime qui en oublie même le minimum de rigueur  (des fautes d’orthographe dans le nom des musiciens : Tommy Flanagen, Lois Hayes), des sessions non datées (late 50’s par exemple) etc…. C’est donc le flou le plus total dans les indications hasardeuses qui dénotent là un manque total de scrupule et de professionnalisme. On est alors en droit de se demander si le prix excuse tout et si, même à prix modique, Coltrane peut se déguster par paquet de 10 ?

Jean-Marc Gelin

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5 septembre 2007 3 05 /09 /septembre /2007 07:10

JJJ Chris Cody Coalition : « Conscript »

Nocturne 2007

 CHC001-RECTO.jpgAvec une intrigante énergie, le disque « Conscript » de ce quartet commence par un suspense, idéal pour ouvrir les hostilités. La « coalition » de Chris Cody fonctionne dès les premières notes comme une machine, bien huilée, dirigée par la « cool-issante » attitude d’un tromboniste au cœur tendre, Glenn Ferris. La présence de la paire d’inséparables rythmiciens donne une impression de déjà-vu, impression bien plus rassurante qu’encombrante. Laurent Robin, fidèle aux cotés de Bruno Rousselet, participe à ce projet de la même façon qu’à tous les autres, c’est-à-dire avec la plus fervente des générosités du moment. Les compositions viennent du pianiste australien, leader du groupe. Laissant place aussi bien aux mesures composés qu’aux poétiques envolées sonores, en passant par un bref regard sur le Jazz et sa culture, et tout cela parfois avec beaucoup d’humour. À la fois baladés et à la fois attendris, à la fois bousculés et à la fois chatouillés. L’esprit de surprise domine. Facile à croire quand on connaît la redoutable malice des protagonistes. La relation entre eux n’est pas seulement fusionnelle, mais elle est en plus une interaction fonctionnelle. Le résultat est un disque soigné, à la prise de son et au mixage excellents. Peut-être un bémol sur le visuel du support cd. Hélas en ces périodes illégitimes de téléchargements abusifs, un effort des musiciens dans le domaine visuel n’est jamais inutile, sans être taxé de carriérisme. Quoiqu’il en soit, on ne s’inclinera jamais assez devant le talent de ces musiciens, qui, pour l’anecdote, se retrouvent chaque année en tant que musiciens-accompagnateurs des candidats au concours d’entrée de la classe de Jazz du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Ce qui ne fait qu’honorer d’autant plus la richesse de leur groove. C’est un disque extrêmement rythmique, le dandinement des corps est provoqué par le précis touché d’une contrebasse, allant directement à l’essentiel. On sent donc chez lui une grande expérience dans ce genre de contexte. Inutile d’en rajouter pour le vieux briscard Glenn Ferris. C’est chez Chris Cody que la maturité est ressentie différemment. Est-ce dû aux origines lointaines ? Le son personnalisé de ces voicings convoque en permanence la Beauté. Cette esthétique se rapprochant même du son européen. Mais aussi dans ce quartet, à certains moments, le swing revient au galop, profond et pénétrant, avec par-dessus des accords suspendus aux consonances bien afro-américaines. Tout en feeling, c’est un album complet certes, une boîte à idées sûrement. Des idées expérimentées à l’extrême par de férus passionnés, au service de la « session ». Est-ce une erreur que de les citer comme de parfaits « sidemen » ? Non, il s’agit bien là d’un métier : celui de servir la Musique. Il n’y a que du positif à user d’un tel disque, transporté par cette éternelle joie de vivre que nous apporte la Musique de Jazz.

Tristan Loriaut

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5 septembre 2007 3 05 /09 /septembre /2007 07:07

JJJJJean-Paul Celea, François Couturier, Daniel Humair : « Trypic » 

Bee Jazz 2007

Celea.jpg Avec une pochette réalisée d’après un monotype de Daniel Humair, le label Beejazz sort Tryptic, un album qui réunit des maîtres du jazz, trois de nos musiciens actuels, qui comptent parmi les plus expérimentés. Onze compositions, dont quatre versions « jazzifiées » de classiques très connus, une improvisation collective « Instant », mais aussi des thèmes de vieux complices  «Good mood » de Joachim Kühn, « Inki » de Harald Pepl ou encore le « Canticle with response » de John Surman. Un trio qui combine sens du lyrisme, goût et rigueur de l’échange, appétit de nouvelles aventures. Une recherche qui découle du désir de musique qu’ils ont tous, chevillé au corps. Ils continuent à faire durer leur plaisir (et le nôtre), à affiner cette identité jazz, leur passion. Car s’ils se plaisent à « interpréter » Beethoven, Mahler ou Britten, ces trois là jouent surtout leur histoire. Ces citations ou reprises ne peuvent masquer en effet les parfums de leur propre musique, parfaitement agencée, souvent émouvante, emportée parfois, toujours rebondissante.

 Jean-Paul Celea est un contrebassiste sûr et souple, vibrant et ardent, aux nuances multiples. François Couturier soutient l’écoute, la relance même, en exposant au piano les thèmes classiques, comme l’adagietto de la cinquième symphonie de Mahler, [ qui parcourt « Mort à Venise »], mais il a  par ailleurs, toute la fluidité, la fougue d‘un jazz vif et libre.  Daniel Humair s’en donne à cœur joie sur «Ludwig »(en fait, l’allegretto de la 7 ème symphonie de Beethoven), puissant  sans être assourdissant ; d’ailleurs étourdissant par sa capacité à être sur tous les fronts, avec sa frappe sèche et précise, son élocution claire .

Le son est exceptionnel ( La Buissonne), capté comme au plus près, l’interaction entre les instruments est impressionnante : on retiendra aussi la beauté retenue du paradoxal « Good mood » qui s’accorde à la couleur d’ensemble, à la tonalité sombre de l’album, ou  ce « Dramadrome » que DH connaît bien (issu de son Babyboom), joué ici de façon plus discontinue.

Voilà un chant qui vient de loin, du plus intime, sans se priver, dans son énonciation même, des formes de la modernité. Aucune satisfaction passéiste avec ces hommes là qui s’engagent totalement à chaque fois, le métier en aucun cas ne tuant la spontanéité. Et l’on ne peut que féliciter Beejazz d’avoir réuni ces artisans fabuleux pour un premier tableau musical, dont on espère déjà une suite.

Sophie Chambon

www.beejazz.com

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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 07:55

 

roach-copie-1.jpg

 

 

 

Avec Max Roach, c’est un nouveau pionnier et témoin de l’évolution du jazz qui disparaît. A la fois tenant de la tradition par sa formation et garant de la révolution par ses expériences musicales, ce percussionniste exceptionnel a permis à la batterie de passer d’un rôle de pure rythmique à celui d’instrument à part entière au sein des formations de jazz. L’expression musicale des percussions prend avec lui tout son sens.

 

Né le 10 janvier 1924 Max va très vite intégrer les bases de la musique qui guidera sa vie. Sa mère est chanteuse de Gospel et il est bien sûr bercé très tôt dans la musique quand il l’accompagne dès 4 ans à l’office. Il joue du bugle dans les parades mais dès 10 ans il tient la batterie dans les orchestres de Gospel. Il se forme à l’académie de musique de Manhattan. Il était sans doute déjà excellent car à 16 ans à l’occasion du passage de l’orchestre de Duke Ellington à New York, il remplace au pied levé le batteur Sonny Greer malade. Dès l’âge de 18 ans il écume les clubs de Jazz de la 52 ème et 78 ème rue où il joue avec Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles Davis, Thelonious Monk, Coleman Hawkins, Bud Powell, et Miles Davis. Il est avec Kenny Clarke le  pionnier de la batterie Be Bop.

Max Roach tiendra une place essentielle dans les enregistrements de Charlie Parker notamment dans  les plages enregistrées en 1945 pour le label Savoy.

En 1952 il fonde le label Debut Records avec le bassiste Charles Mingus. C’est sous cette marque que l’on retrouvera Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Bud Powell, Mingus et Roach pour l’extraordinaire concert Jazz at Massey Hall. Sous cette marque sont également enregistrés les duos « Percussion / Discussion » avec Mingus, libres improvisations contrebasse batterie.

En 1954, il forme un quintet avec le trompettiste  Clifford Brown, le saxophoniste ténor Harold Land, le pianiste Richie Powell le bassiste George Morrow, Land sera remplacé quelques années plus tard par Sonny Rollins. Ce groupe prototype du hard bop sera de courte durée et disparaîtra à la mort prématurée de Clifford et de Richie dans un accident de voiture en juin 1956.

Néanmoins Roach continue d’animer des formations inspirées de ce premier quintet en développant l’utilisation des rythmes en ¾ dans les standards de jazz (Album Jazz in ¾ de 1957). Plusieurs disques essentiels se succéderont :

 

« We insist » en 1960 suite à sa participation à la commémoration du 100 ème anniversaire de la proclamation de l’émancipation par Abraham Lincoln. Ses positions politiques lui valent d’ailleurs d’être inscrit dans les années 60 sur la liste noire des maisons de disques,

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« Money Jungle » en 1962 avec Duke Ellington et Charlie Mingus

« Drums unlimited » en 1966 lui permet d’apporter la preuve que la batterie est un instrument solo à part entière qui peut jouer des thèmes, des variations et des phrases rythmiques cohérentes.

Les années 70 et 80 lui permettent de développer de multiples expériences musicales dans le domaine des percussions soit seul pour des concerts de batterie soit en duo participant ainsi à l’avant-garde et eau mouvement free avec des musiciens tels que Cecil Taylor Antony Braxton ou Archie Shepp. Il crée des formations originales comme le «  Double Quartet » ou le “So What Brass Quintet” composé uniquement de cuivres

 

Il complète son activité de musicien par l’exercice de l’enseignement  à l’University of Massachusetts à Amherst.

Le talent de Max Roach, son extraordinaire contribution à l’évolution de la musique en général et du jazz en particulier  ont été reconnus, bien sûr par le monde des musiciens, il a inspiré et inspire encore de nombreux batteurs. Des instances plus « officielles. » ont également marqué cette reconnaissance du talent d’un musicien d’exception : la Fondation Mac Arthur qui lui attribue un « genius », il est nommé Commandeur des Arts et Lettres et deux fois titulaire du Grand Prix du disque en France, Docteur Honoraire des Universités de Bologne et de Columbia.

Jean-Pierre Foubert


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4 août 2007 6 04 /08 /août /2007 08:26

JJJJ CHARLIE MARIANO : «  Silver Blue »

Enja 2007

 mariano.jpg

Un jour que la baronne de Koenigswarter lui demandait quel serait son vœu le plus cher, Mariano dit «  je voudrais avoir le cœur et  la technique de Parker… Mais la technique de Parker, on s’en fiche, non ? Si j’avais le cœur de Bird ça suffirait ! ». Et l’on sait que pendant longtemps Charlie Mariano courut avec son sax alto sur les traces de Bird. On se souvient encore de ses envolées d’oiseau chez Kenton ou dans l’orchestre de Shelly Manne. On se souvient aussi du temps où avec sa femme, la remarquable pianiste et émule de Bud Powell, Toshiko Akioshi, ils pouvaient enflammer les scènes du post-bop. Pourtant Mariano au fil des ans a fait bien d’autres choses et finalement il faut bien le dire, était un peu tombé dans l’oubli. On doit aujourd’hui au trio du pianiste Suisse, Jean Christophe Cholet cette belle idée d’offrir à Charlie Mariano cette occasion de refaire surface.  Et c’est alors un très beau moment de pure nostalgie qui s’offre alors à nous. Avec l’âge, Mariano s’est approché de cette vérité qui n’existe finalement qu’en étant parfaitement soi même. Longtemps adepte de la musique indienne et de la pratique du nagasvaram, instrument sur lequel il savait délivrer un message mystique, Mariano parvient en peu de mots musicaux à insuffler un supplément d’âme aux thèmes les plus simples. Et c’est justement avec cette part d’âme en plus que Mariano revisite les standards. Avec ces phrases un peu traînantes et malheureusement pas toujours juste mais si belles, Mariano livre un moment magnifique de nostalgie douce. L’homme ne court plus après le temps et encore moins après le tempo. N’enchaîne plus en virtuose les triples croches lancées à toute allure. Non Mariano est juste parvenu à cette part de sincérité intime et même s’il lui arrive parfois de jouer un peu « en dehors », il y a chez lui cette façon de faire chanter, de faire pleurer la note lancinante qui n’appartient qu’aux grands. Qui n’appartient qu’à ceux pour qui, jouer des thèmes aussi connus que Prelude to a kiss, My Funny Valentine ou Black orpheus est une façon de dire bien plus que les seules notes qu’ils jouent. Les puristes feront la moue. Ils n’entendront pas ici un grand saxophoniste. Ils entendront juste un sage enfin débarrassé de tout le superflu. Charlie Mariano a peut être trouvé le cœur de Charlie Parker, peut être pas. Mais c’est avec une beauté fragile qu’ici, il nous livre le sien.
Jean-Marc Gelin

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:56

Telle une volée de moineaux en liberté vous allez donc prendre la route aux quatre coins de France ou du Monde. Nord-Sud-Est-Ouest. A coup sûr (et nous vous en remercions), vous allez emporter avec vous les quelques (douze derniers) numéros des DNJ que vous n’avez pas eu le temps de lire histoire de rester un peu connectés à l’actualité du jazz. Pour peu que le temps s’y mette ce sera pour vous hot jazz sur la plage. Mais surtout restez bien attentifs car vous ne le savez peut être pas mais là où l’on joue du jazz, il y a parfois sous la plage quelques pavés magnifiques.

Juillet 1965. Souvenez vous ce soir là ou plutôt imaginez. Côte d’Azur. Antibes. Dans la torpeur des nuits d’été lorsque le soleil a définitivement disparu mais que la chaleur reste là, étouffante, éreintante. Lorsque le climat est à l’orage, accablant malgré le léger vent frais venu de la nuit de la mer. Ce soir là dans cette nuit bleue s’élevait l’ivresse du chant de Coltrane. Un chant d’amour suprême. Un chant vers Dieu offert aux astres de la nuit azuréenne. Vers la nuit de ce bleue de Trane. Comme s’il s’agissait de mourir là, en jouant. Comme s’il était vital de dire alors ce qui apparaissait comme une vérité consubstantielle du chant et de l’amour. Le jazz n’était pas ce soir là affaire de musique mais de bien d’autres choses. Il y avait Dieu dans ce jazz là et il y avait aussi l’essence du génie qui n’en est certainement que le prolongement. Il y avait la coexistence brute et sauvage de la beauté radicale. La confusion magnifiquement suprême des astres, de l’amour, du musicien et de son chant poussé à la vie par la mort. Ce chant là était aussi divin qu’il portait en lui la marque (involontaire) d’une révolution en marche.

Et ce soir là bien sûr, même s’il ne s’agissait que d’amour, sous la plage se trouvait le pavé qu’il jetait sur la scène du jazz et qui, comme tout les pavés annonçait à sa façon une sorte de révolution et le monde ignorait alors sur l’instant que le jazz qui prendrait sa suite ne serait jamais vraiment comme avant, et deux ans plus tard l’âme de John Coltrane poursuivrait cette quête divine, d’une autre façon et John Coltrane disparaîtrait le 17 juillet 1967 il y a tout juste quarante ans, et John Coltrane laisserait à des générations de musiciens le témoignage de cette nuit qui n’aurait jamais dû finir sa marche universelle et donc éternelle parce qu’elle radicalisait alors tout ce que le jazz dit depuis toujours tant avec ses tripes qu’avec cette part viscérale de nous même qui tend vers le beau irrésistiblement attiré par une force aimantée et incontrôlable, qu’il dit un amour suprême auquel personne ce soir là ne pouvait alors résister tant il exprimait ce que chacun de nous sait de Dieu et de l’amour sans pourtant le savoir vraiment.

Cet été peut être partirez vous en vacances en chargeant A Love Suprême ou Chasin’ the Trane ou Ascension sur votre Ipod. Peut être pourriez vous aussi emporter cette réédition tant attendu du livre de Lewis Porter (John Coltrane – éditions Outre Mesure). Mais s’il vous plaît, si vous traînez quelque part dans un festival estival un soir vers le 17 juillet, écoutez bien ce qui se passe. Restez attentif à cette forme de musique que nous ne connaissons pas encore mais qui demain pourrait bien insuffler un nouveau vent venu cette fois des astres bleus. Et il se pourrait bien que ce soir là  aussi sous vos pieds se trouvent alors les pavés de demain.

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:51

Rencontre avec ENRICO RAVA

 

 

Enrico-Rava-casa-del-jazz.jpg



A l‘occasion du mini festival Rava’ s days organisé par la Casa Del Jazz à Rome, nous avons pu rencontrer Enrico Rava en l’honneur de qui étaient organisés ces trois jours. Rencontre avec l’un des trompettistes majeur de notre époque qui vient de signer après Easy Living et Tati un nouvel album pour ECM, The World and the days.

 

Comment se sont organisés ces trois journées des Rava’s days à la Casa Del Jazz de Rome ?

 

ER : L’idée c’était de refaire trois moments de mon histoire. Le premier était de faire un truc avec Abercrombie et aussi un soir avec mon quintet. Le problème c’est que le quintet jouait quelques jours plus tard dans un festival non loin de là. Quand à Abercrombie, sa venue coûtait trop cher. On a alors décidé de faire quelque chose de plus Italien. J’ai alors voulu refaire mon vieux groupe «  Électrique Five » et puis aussi faire une autre soirée avec les jeunes et enfin une soirée en hommage à Massimo Urbani. A l’époque j’avais un quartet avec Massimo, Aldo Romano et JF Jenny Clark. Mais JF et Massimo n’étant plus là on a décidé de faire quelque chose avec Rosario Bonacorso et Stefano Di Batista (qui finalement ne pu pas venir et fut remplacé par la tromboniste Gianluca Petrella)

 

Gianluca dans le rôle du saxophoniste Massimo Urbani c’est inattendu

ER : Gianlucca est un musicien incroyable qui maîtrise tout mon répertoire. Du coup ce sera moins didascalique.

 

Pour vous avoir entendu hier soir on a vraiment l’impression qu’entre vous deux il y a vraiment quelque chose qui passe ?

ER : Absolument. J’adore Gianlucca, pour moi c’est le plus grand musicien de jazz que l’Italie ait eu ces 15 dernières années. Il est vraiment génial.

 
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Comment expliquez vous cette éclosion de musiciens italiens que l’on voit un peu partout. Nous à Paris on est sans cesse étonné par l’influence des italiens sur la scène française ?

 ER : Je ne sais pas trop ce qui s’est passé. A mon époque quand j’étais jeune c’était vraiment le désert. Mais dans les années 70 jouer du jazz en Italie est devenu quelque chose avec laquelle il devenait possible de vivre. Avant il n’y avait que deux musiciens qui ne faisaient que cela, c’était moi et Franco D’Andrea. On était  regardés comme des fous furieux car on gagnait très peu et on était obligé de faire beaucoup d’autres choses à côté. Mais dans les années 70, un peu dans la mouvance du journal communiste italien, l’Unita les concerts de jazz on commencé à se multiplier et le jazz a commencé à devenir rentable. Alors beaucoup, qui faisaient de la musique commerciale on commencé à faire du jazz. Par exemple, Bollani ! Quand il avait 20/22 ans il travaillait avec les chanteurs de variété. Finalement je l’ai convaincu en lui disant «  écoutes Bollani, tu peux t’amuser beaucoup plus à faire de la musique que tu aimes, de la musique magnifique et gagner mieux qu’en faisant le pianiste d’appoint ». Et finalement il a totalement éclaté.

 

Ces jeunes talents sont ils passés par des écoles de jazz ?

ER : Oui il y a aussi cela effectivement. Les écoles se sont multipliées même s’ils vont surtout aux USA, à Berkelee ou à Boston. Mais surtout il y a derrière cela beaucoup de travail de tout le monde, pas seulement des musiciens.

 

Quand on voit la Casa Del Jazz, effectivement, cela nous fait rêver à Paris !

ER : Oui mais c’est une chose unique à Rome. On a la chance que le maire de Rome aime le jazz et la culture. Il a fait la Maison du jazz, La Maison de l’Architecture et la Maison du Cinéma tout en donnant beaucoup de moyens. Mais à côté de la Casa Del Jazz il y a aussi à Rome un magnifique auditorium où il y a du jazz toute l’année. Mais il y a quelques inquiétudes parce que l’on dit que le maire de Rome va prendre la tête du nouveau parti Démocratique et qu’il sera peut être amené à lâcher la mairie. Alors on ne sait pas, peut être que le nouveau maire sera fan de tennis !  (NDLR : en réalité le Maire de Rome n’abandonnera as son mandat avant 2010). C’est un peu cela l’Italie ! En France les choses sont institutionnalisées et ne dépendent pas comme cela de la volonté d’un seul élu. Mais à côté cela provoque aussi une grande volonté de faire les choses avec les Maires, les conseillers etc… Et du coup dans les petits villages on voit beaucoup d’énergie déployées autour de ce genre d’activités culturelles. En Allemagne par exemple il n’y a plus rien, plus de culture. C’est vraiment en France et en Italie qu’il se passe des choses dans le jazz, c’est tout. Sauf peut être aussi la Suisse mais bon, il n’y a que 5 millions d’habitant.

 

Durant ces trois jours de festival, les Rava’ days on a entendu de jeunes prodiges à vos côtés comme Mauro Negri ou Gianluca Petrella. Ils ont tous un grand talent, montrent beaucoup d’énergie et jouent beaucoup. Ce qui frappe quand on vous entend à leur côté c’est que malgré le fait que votre jeu s’est totalement épuré, vous parvenez en jouant beaucoup moins de note à conserver cette énergie intacte.

 

Dans les étapes de votre carrière vous n’avez pas mis le free jazz, pourquoi ?

ER : C’est parce que c’est quelque chose qui ne m’intéresse plus aujourd’hui. Naturellement je me suis transformé en autre chose. Mais dans les concerts il peut y avoir des moments totalement free. Mais en soi, comme esthétique je n’y crois plus. Cela a eu un sens  dans un moment historique particulier mais aujourd’hui cela n’a plus de sens. Il y a des choses intéressantes qui viennent de ça  comme l’avant garde que représente John Zorn mais ce n’est pas du free.

 

Vos références restent très classiques

ER : Comme fan de jazz j’écoute tout le temps les classiques. Dans ma voiture par exemple il y a Louis Armstrong, Bix Beiderbecke, Charlie Parker, Miles ( années 50), Billie Holiday. Moi j’ai commencé à découvrir le jazz en écoutant Bix. Quand j’avais 15 ans j’étais fou du Gerry Mulligan quartet. En fait je crois que je suis un expert du jazz. Je me souviens il y a quelques années avoir fait un blindfold teste avec Philippe Carles ( NDLR : alors rédacteur en chef de Jazz Magazine). Et bien j’avais tout trouvé y compris ce trompettiste, Louis Smith qui avait réalisé si peu de disques dans sa vie.

 

Votre dernier disque «  The World and the days » paru chez ECM s’inscrit dans la lignée de vos derniers albums (Easy Living ou Tati) signés chez ECM. Vous semblez privilégier la ligne épurée.  Un sens de l’essentiel .Cela vous vient d’où ?

 

ER : Tout simplement du fait que je commence à devenir vieux et qu’il faut bien éviter de faire des notes inutiles et s’économiser pour jouer. Tu vois pour moi les trois musiciens qui sont pour moi les plus grands sont Miles, Chet et Joao Gilberto. Joao était un ami avec qui j’étais toujours lorsque j’étais à New York. C’est lui qui m’a apprit à éliminer ce qui n’est pas essentiel. Moi je ne crois pas y être arrivé mais lui il avait ce talent incroyable d’éliminer tout ce qui n’est pas nécessaire. Quand j’allais chez Joao à New York j’amenais parfois la trompette et je jouais un peu avec lui. Et il me disait souvent cela : «  mais pourquoi tu joues toutes les notes ? Joue les notes nécessaires ! »

 

Dans ce désir d’aller à l’essentiel, vous en avez même quasiment éliminé totalement le bugle pour vous consacrer à la trompette.

 

ER : Initialement  j’ai abandonné le bugle pour des raisons pratiques. C’est qu’en fait j’avais deux mallettes pour les deux et que lorsque je voyage cela devient vraiment pénible de se promener avec tout ça.  Maintenant les rares fois que j’amène la mallette du bugle c’est juste quand je voyage en avion, comme ….valise. Pour transporter mes affaires personnelles. Mais ensuite il y a quelque chose de plus fondamental. Depuis que j’ai changé mon embouchure, je parviens maintenant  avoir le son que je veux à la trompette. Un son qui d’ailleurs se rapproche beaucoup du bugle. C’est l’embouchure qu’utilisait Miles, une Heim. Et depuis que j’ai cette embouchure j’ai presque toujours le son que je veux.

 

C’est cela qui vous donne ce son si ample que l’on entend dans vos disques ?

ER : Oui mais aussi le fait qu’avec ECM on enregistre dans un studio exceptionnel que j’ai découvert en Italie, à Udine il y a 7 ou 8 ans. D’habitude en studio je suis un casse pied monstrueux, cela peut prendre des heures pour faire les réglages, je ne suis en général jamais content. Mais là à Udine j’ai eu affaire à un jeune amateur qui avait fait l’effort de beaucoup écouter mon travail et de discuter avec des gens qui me connaissent. Et là il ne m’a fallu qu’une seule note pour me rendre compte que c’était bon. Quand j’ai recommencé à travailler  avec ECM, Manfred voulait que l’on aille enregistrer à Oslo. Mais j’ai réussi à le convaincre.

 

Aujourd’hui vous n’enregistrez plus que pour ECM ?

ER : Oui même si parfois je fais des guests avec d’autres. Par exemple nous avons un album qui vient de sortir chez Blue Note avec le chanteur Italien Gino Paoli (Milestones). C’est un chanteur de plus de 75 ans qui est l’auteur de plus belles chansons italiennes d’après guerre. Senza Fine que tu connais peut être, c’est lui. C’était la musique de mes premières histoires avec les femmes. Mais en réalité je ne fais presque plus de guest. Quand j’avais quitté ECM c’était parce que Manfreid voulait que je me limite à un seul album tous les deux ans. Moi je ne voulais pas me limiter. Mais maintenant avec le recul je me rends compte qu’il avait raison car durant cette période j’ai fait beaucoup trop de disques inutiles.

 

Quel est votre regard aujourd’hui sur le jazz, sur la nouvelle scène et sur son évolution

ER : Le jazz se doit d’évoluer bien sûr. Notamment en intégrant de nouvelles musiques venues d’ailleurs. En Italie, terre d’immigration, on voit bien que nous sommes au carrefour de beaucoup de musiques du monde. Mais aujourd’hui on voit bien aussi que personne n’est parvenu à remplir le vide laissé par Duke, Armstrong, Parker, Miles, Coltrane, Monk…..Aucun chanteur ne peut remplir le vide laissé par Billie et aucun trompettiste ne peut remplir celui laissé par Dizzy. Il n’y a pas. Cela ne veut rien dire, c’est normal. On a eu 20/25 ans de créativité incroyable. Si tu regardes le Dictionnaire du Jazz tu trouveras pas mal de nom de gens qui sont totalement inconnus mais qui sont néanmoins de vrais génies. Parce que au même moment la dynamique a permit de laisser éclater énormément de talents superbes. Regarde l’évolution entre la musique des années 20 et celle des années 50 ou 60. Une telle évolution si rapide est proprement incroyable. L’histoire ne pouvait plus pas aller aussi vite. Que le jazz se calme aujourd’hui est quelque chose de tout à fait normal. Mais non, le jazz n’est pas mort. Laissons aux jeunes le temps de réinventer. Moi je crois que aujourd’hui l’Amérique d’hier, c’est l’Europe d’aujourd’hui. C’est notre vieux continent qui se trouve au point de jonction d’un très grand nombre de cultures. Il en sortira forcément quelque chose. Écoutes les influences venues de l’Afrique, du Maghreb, de la musique de l’Est, Gypsy ou Kleezmer…. Don Cherry avait déjà ce regard d’intégration. Il va forcément en sortir quelque chose.

 

Vous n’êtes donc pas nostalgique mais farouchement optimiste

ER : Je réécoute Potato Hot Blues de Louis Armstrong. Je l’écoute au moins une fois par semaine. Ce n’est pas nostalgie, c’est beauté. Tout simplement comme j’écouterai Bach. C’est vrai que durant ces trois jours j’ai rejoué avec mon groupe Electric Five avec lequel j’avais eu tant de plaisir à jouer, avec qui nous nous entendions si bien. Mais bon, je me rends compte que l’on ne peut pas refaire les choses. On n’avait pas joué pendant 6 ans et durant ce temps tout le monde a changé. Seulement voilà hier soir, la magie ne s’est pas produite et je ne me suis pas du tout amusé. J’étais très déprimé après parce que j’étais tellement content de les retrouver…. Tout le monde se souvenait bien du répertoire mais j’ai très mal joué. Je n’avais aucune inspiration. En fait j’aurais dû savoir que c’était impossible…. Mais j’avais eu tant de beaux jours avec eux. C’est comme essayer de recommencer avec une ancienne fiancée.

 

Quelqu’un comme vous qui avez un jour travaillé avec Carla Bley ( Escalator over the hill) ne semblez pas vous intéresser aux Big Band. Pourquoi ?

ER : Je n’aime pas ça. Chaque fois que je joue avec un big band je m’ennuie. En fait j’ai besoin d’espace. De cet espace qui me permet de jouer beaucoup ou peu. J’ai besoin de maîtriser mon espace. Dans les grandes formations il y a pour moi quelque chose de très militaire. Quand à écrire pour de telles formations ? Je le fais parfois mais en fait assez rarement. En fait je ne crois pas avoir la technique pour le faire bien. Par contre ce que j’adore c’est d’entendre le résultat de ce que j’ai pu écrire. Cela m’émeut beaucoup. Comme je n’ai pas la technique, je n’arrive pas à entendre ce que cela peut donner. Mais quand j’entend le résultat c’est formidable. Ça c’est la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que cela me prend un temps fou et me vole ce temps que je préfère à passer à jouer. Pour moi mon amusement avant tout c’est de jouer et jouer toujours. Les voyages m’emmerdent énormément mais à chaque fois ils représentent pour moi une nouvelle occasion de jouer.

 

 

Aujourd’hui on vous voit avec un grand nombre de jeunes musiciens. Qu’aimeriez vous leur transmettre que les anciens vous ont appris ?

ER : La chose que j’espère avoir appris en jouant avec des grands comme Joe Henderson ou Dizzy c’est, et je m’excuse d’avance parce que c’est une banalité, de jouer comme si c’était la dernière fois. Chet m’a beaucoup appris cela. Jouer comme si c’était la dernière fois. Jouer doit être le moment le plus important de ta vie. J’ai vu Chet dans des conditions incroyables où tu te disais qu’il allait mourir dans la minute. Mais dès qu’il prenait la trompette, dès qu’il jouait une seule note, le monde n’existait plus. Tout est là dedans. Avec Ornette Coleman c’est pareil. Arriver à cela ne peut jamais être artificiel. Mais lorsque tu y arrives alors le son juste est là. Pas le beau son de l’instrument mais le son de l’âme. Quand tu analyses les grands, le beau son c’est autre chose, c’est un son vrai.

 

 

Quel est aujourd’hui votre rêve de musicien ?

ER : C’est une question difficile. Je ne sais pas. Si, jouer mieux.

 

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Propos recueillis le 23/07 par Jean- marc Gelin à la Casa Del Jazz - Rome

 

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:49

JJJJ Airelle Besson et Sylvain Rifflet quintet : « Rocking Chair »

Chief Inspector 2007


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Si on aime les labels indépendants, on ne peut que suivre, de très près, le travail de  Chief Inspector, né en 2003 de la détermination de Nicolas Netter et Olivier Pelerin. Les musiciens qui participent à l’aventure sont tous jeunes et bien ancrés dans leur époque, on ne sera donc pas du tout surpris de voir la tribu s’agrandir,  d’un nouveau groupe mené par le « couple » Airelle Besson et Sylvain Rifflet que l’on découvrit pour notre part au Tremplin Jazz d’Avignon en 2004.

Un quintette acoustique soutenu, renforcé par le travail sur le son de Gilles Olivesi  qui suit les musiciens en concert, sculptant, prolongeant par des effets dont il a le secret, les textures et  couleurs de chaque instrumentiste.

 Un son spatial,  mais pas nécessairement rock dans  ce tendre « Duo », ou « Eternité ». Du jazz ? Assurément mais pas seulement, croisé d’autres influences (percussif et exotique dans le « Fly away » qui emmène ailleurs ou dans ce « Désert » un peu mélancolique.)

Une douceur quelque peu lunaire, une fluidité qui s’enroule, se déroule, s’étire et pourtant ce  Rocking chair n’incite pas à la paresse pour autant. Ce serait sans compter la belle énergie rock du contrebassiste Eric Jacot et du batteur Nicolas Larmignat  qui interviennent souvent de façon progressive comme sur le final déferlant de  « Tsunami » évidemment.

  Des contrastes forts entre les timbres, des associations  superposées, des strates empilées comme dans ce  « Boo Boo » inaugural, des ruptures de rythme, des échappées fulgurantes. Et pourtant l’album a une réelle cohésion, impulsée peut-être par les soufflants qui maintiennent le cap de leurs compositions.

  Airelle Besson a un phrasé souple et délié à la trompette, délicatement effusif (« Mai-ion »), doucement lyrique dans ses solos ; Sylvain Rifflet, aux saxophones,  l’équilibre, complétmentaire, plus offensif et tranchant (« Wee Wee »). Pourtant, à la clarinette, il a composé un petit thème que l’on repère tout de suite, qui s’insinue et persiste dans la mémoire auditive, contrairement au titre malicieux « Forget it ». Dans l’une et l’autre de ces compositions, le guitariste Pierre Durand accompagne, prolonge, relance l’échange avec grâce.

Une esthétique nouvelle ? Peut être, un climat insolite qui s’installe en tous les cas,  cette musique rassemble- c’est déjà beaucoup-  flirtant entre jazz et rock, électronique et acoustique, évitant le piège des classifications hâtives. Plus complexe qu’il n’y paraît à la première écoute. Et c’est cela que l’on retient… A suivre assurément.

Sophie Chambon

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:47

JJJJ MICHAEL BRECKER : « Pilgrimage »

Emarcy 2007


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Bien sûr on ne manquera pas de penser que cette ultime réunion entre amis autour de Michael Brecker avec Metheny, Hancock, Meldhau, Pattituci et de Jack de Johnette a un côté tragique et poignant lorsque l’on sait que cette session enregistrée en août 2006 fut la dernière pour le saxophoniste qui se savait déjà condamné et qui disparut 5 mois plus tard. Laissant au passage la scène américaine orpheline de l’un des plus grands jazzman que compte la scène américaine. On pourrait alors se laisser aller à aborder cet album par sa face mélancolique. Mais pourtant une fois passé l’émotion que l’on peut ressentir en regardant les photos de cet enregistrement c’est une toute autre forme d’émotion qui s’installe face à un album de très haut niveau dans lequel le maître mot est paradoxalement l’énergie ! Car malgré l’état d’immense fatigue qui était le sien lorsque cette session fut enregistrée, dès les premières notes Michael Brecker nous entraîne irrésistiblement dans son univers, dans cet espace fusionnel incandescent entre jazz et rock. Cet espace qu’il a su forger et qu’il a contribué tout au long de ces 20 dernières années à porter haut. Car dans cet album à facettes multiples on retrouve parfois le même esprit que celui qui présidait grandes heures de Steps Ahead. Un morceau comme Anagram ou Tumbleweed dans lequel Brecker avec l’aide du re-re passe du ténor à l’EWI semble ressurgir d’une époque où Mike Stern tenait le manche à la place de Metheny. Mais on entend aussi que Brecker est resté à l’écoute des discours jazzistiques post funk si prisé par toute une génération de saxophonistes New Yorkais actuel et qu’il a certainement influencé pour de longues années encore. Car Brecker avec un art compositionnel  incroyable a toujours constitué une forme de synthèse. Mêlant la complexité de la forme à la fluidité du discours, sa musique s’est toujours inscrite à la croisée de bien des chemins. Alors avec une fougue, pas si assagie que cela Michael Brecker joue avec ce son presque déchiré, acide amer, avec cette  façon de jouer du ténor comme d’autres jouent de l’alto, dans un registre très « affûté». Énergie bouillonnante d’un discours ciselé, découpé fin, au millimètre. Outil de précision d’une grande finesse. Atour de ses compositions de très grands musiciens sont venus lui donner la réplique. Si Metheny reste là dans une réserve qui ne lui est pourtant pas naturelle, en revanche Hancock et Meldhau se partagent la piano rivalisant avec discrétion d’inventions subtiles qui apportent un éclairage remarquable à a musique de Brecker. Et puis enfin il y a l’association de Pattituci et de Jack De Johnette qui sonne comme une vraie révélation. De celles que l’on entendra certainement dans d’autres contextes. Une dernière fois Michael Brecker nous transporte ou nous porte, on ne sait pas trop. Élève en tous cas notre sentiment « tripal » pour cette musique à la fois légère et si forte. Michael Brecker s’y affiche là d’une remarquable actualité. Une actualité que l’on sait éternelle.
Jean-Marc Gelin

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:45

JJJ OLIVIER CALMEL: “EMPREINTES”

Musica Guild 2007

 


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Lorsque nous avons reçu cet album on avait encore en tête le précédent et premier album d’Olivier Calmel (Mafate) qui nous avait alors totalement conquis par sa capacité à nous faire voyager. Qu’est ce qui fait que ce deuxième opus se révèle à la fois incroyablement plus riche mais en même temps un peu moins emballant.

Olivier Calmel a fait visiblement un gros travail d’écriture sur cet album où il semble privilégier les frottements harmoniques et les ruptures dans un ensemble de petites pièces plus ou moins courtes où la ligne mélodique se révèle moins. Et malgré tout, tout se passe comme si l’écriture prenait le pas sur l’improvisation et le cadre formel sur l’improvisation (même si une écoute attentive montre que ce n’est pas le cas). Une maîtrise qui ne cède pas au lâcher prise.

Et pourtant cet album diablement intéressant est surtout particulièrement riche et se situe dan une sorte d’entre deux. En effet alors que Frederic Eymard ( jeune violoniste alto soutenu par Didier Lockwood) semble tirer vers le classique, Olivier Calmel lui, tire de son côté vers le jazz dans une exercice qui relève parfois de la rencontre et parfois de l’opposition frontale. D’Humeur changeante ou Epistrophe sont deux morceaux qui à ce titre illustrent bien ce sens des contrastes. On retrouve bien sûr avec Olivier Calmel les inspirations liées au voyage. Travelling Mafate poursuit le travail engagé précédemment du côté de la musique flamenco et  Le Hongrois Déraille s’embarque vers l’Europe de l’Est. Mais il y a là d’autres inspirations beaucoup plus cinématographique ou littéraires où à la manière d’un Darius Milhaud, Olivier Calmel nous conte quelques histoires (Trois messes basses, Préludes des cinq Rameaux). Ces histoires sont parfois trop brèves pour ne pas générer quelques frustrations comme ce Au Lever que l’on aurait tant aimé entendre se poursuivre.

C’est qu’avec Empreintes, Olivier Calmel poursuit un travail commencé il y a déjà quelques années. Soucieux de gagner ses galons bien mérités de compositeur, le pianiste pourtant épaulé d’une admirable rythmique (dont le très grand Jannuska !) semble constamment se brider. Pourtant cela ne fait aucun doute, le salut vient de cette lumière qui semble jaillir au bout de ses doigts de pianiste et qu’il réfrène, à notre sens un peu trop souvent. Lorsque en fin d’album, Olivier Calmel parvient à se lâcher totalement (au risque, dans l’emballement de paraphraser lourdement la référence à My favorite Thing), on sent qu’il y  là une ouverture, une sorte de respiration salutaire. Une voie dans laquelle il hésite pourtant encore à s’engouffrer mais que avec impatience nous attendons pour le prochain album de ce jeune pianiste si talentueux.

Jean-Marc Gelin

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