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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 07:41
Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER        POURQUOI

Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER

POURQUOI

 

Label ENJA Yellow bird / l’Autre Distribution

 

Pourquoi - YouTube

 

Philip Catherine résiste à l’épreuve du temps.

Des musiciens doués en harmonie mutuelle qui ont plaisir à se retrouver, il sait ce que cela veut dire. Ainsi de ce nouveau trio avec le guitariste Paulo Morello et le bassiste Sven Faller constitué en 2017, avec un premier album Manoir de mes rêves (Enja). Avec des héritages musicaux différents, les affinités et complémentarités se sont révélées à chaque fois qu’ils ont joué ensemble d’où cette envie de se retrouver régulièrement et à quatre-vingts ans, le guitariste sort, toujours sur le label ENJA un album enregistré en studio intitulé justement Pourquoi. Non une question mais l’affirmation d’une évidence! Compatibilité de jeux, compréhension mutuelle et créativité. Une entente instinctive...

Chaque titre dessine une histoire et un petit univers en soi depuis l’hypnotique “Pourquoi” inaugural où les guitaristes semblent respirer ensemble, comme s’ils se connaissaient par coeur. Un rêve éveillé dans lequel on évolue dès une introduction vaporeuse, mais le propos reste structuré autour de ce halo soyeux. Comme si les musiciens nous murmuraient à l’oreille, réconfortants. .Va t-on vers un éloge de la lenteur, de la douceur? Le sentiment d’intimité n’en est que plus partagé.

Mais déjà les trois complices s’amusent avec esprit et ça valse plus gaillardement avec le titre suivant, impulsant envie et couleur dans “Robert’s waltz”. Et il y aura plusieurs occasions de glisser sur le rythme éternel de la valse dans les onze titres de l’album dont 6 du guitariste, 2 de Paulo Morello, et une reprise “Inutil Paisagem” de Carlos Jobim qui se marie parfaitement avec le climat de l’ensemble.

Fluide et aventureux, avec une inspiration qui vagabonde volontiers, reposant sur une maîtrise technique à tout épreuve, Philip Catherine est un compositeur doté d’un sens mélodique à toute épreuve. Avec ce trio, il insuffle tout du long finesse et imagination créative. Philip Catherine continue à explorer et tisser des liens entre les époques traversées depuis sa passion pour Django, avec le tendre “Méline” où se juxtaposent aussi divers styles de jeu, un sens rythmique dans l’agencement des compositions, des percussions des accords. Aucune battle de guitaristes, mais au contraire une écoute attentive et une interaction réussie. Comment se répartissent ils les rôles? Philip Catherine s’affirme plus volontiers avec l’électrique : lyrique mais pudique, sensible, le guitariste joue comme il est, sans se prendre pour un guitar hero. Il joue à la note égrenée, dans des envolées mélodiques très contrôlées, d’une imaginative rigueur. Plus rythmique est Paolo Morello, proche de la bossa “Chateau Plagne”. Il suffit d’une contrebasse dans“To Martine” ou “Ozone” pour créer un contrepoint délicat et assurer la base rythmique sur laquelle s’envolent les deux guitaristes. Point de batterie dans ce trio d’où cette douceur extrême, cette légèreté qui n’a rien à voir avec un rythme qui s’amenuiserait. Le courant passe, il suffit de se laisser entraîner, soutenus sans effort apparent, puisque l’on entre dans un fantasme de l’instrument avec ces guitaristes pluriels. Une fois dans ce sillon, on ne demande qu’à y rester douillet et quiet à écouter les subtilités du jeu.

Sophie Chambon

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11 novembre 2022 5 11 /11 /novembre /2022 23:33

Rituel de novembre pour le chroniqueur depuis la fin des années 80 : quelques jours à Nevers pour un festival dont le programme est toujours alléchant, très souvent jouissif. Et les Bords de Loire toujours aussi étonnants

Tout avait commencé dès le samedi 5 novembre, avec le duo Céline Boncina – Laurent Dehors, le quintette de Vincent Courtois et la groupe Aziza (Dave Holland and C°). Mais ce jour-là j’étais encore à Paris pour écouter Flash Pig puis Joe Lovano.

 

©Maxim François

 

Le dimanche 6 novembre, j’étais dans la petite salle de la Maison (de la Culture) pour la création de M. Golouja, théâtre musical qui associe le comédien Olivier Brida et le trio La Litanie des Cimes dans une adaptation d’une nouvelle de Branimir Šćepanović, entre fantastique et absurde. Dans un dispositif scénique simple, une formidable incarnation du comédien, en dialogue scénique et dramatique avec le trio (Clément Janinet, Élodie Pasquier, Bruno Ducret).

Le lundi 7 novembre, à 10h du matin, le chroniqueur se rend au Café Charbon pour une représentation du duo Céline Bonacina – Laurent Dehors devant un public scolaire de collégiens et lycéens. Musique très inventive et vivante, et le public, d’abord timde ne réactions, a montré dans l’échange final avec les artistes que son écoute avait été féconde

 

©Maxim François

 

Le lendemain, dès midi quinze, au Théâtre Municipal, c’est le concert du quartette Autonomus du saxophoniste finlandais Mikko Innanen : autour de partitions graphiques que chaque musicien fait pivoter de séquence en séquence d’un même morceau, un régal de liberté et d’esprit ludique, en toute rigueur. Le contrebassiste bourguignon Étienne Renard remplaçait au pied levé, et avec brio, le titulaire retenu en Finlande par le covid. À 18h30 à la Maison de la Culture, nouvelle représentation de M. Golouja, puis en soirée, au Théâtre, le groupe Try ! D’Airelle Besson

 

Belles mélodies de la trompettiste, servies avec liberté et panache par Benjamin Moussay, Fabrice Moreau et Lynn Cassiers : la vocaliste des Flandres belges est en effet la remplaçante régulière quand Isabel Sörling est retenue dans d’autres groupes, et le quartette fait merveille dans le répertoire du disque éponyme, renouvelant chaque fois le matériau musical originel.

 

 

©Maxim François

Le lendemain 8 novembre, la journée du festivalier commence à 12h15 avec Designers, le trio du contrebassiste belge Joachim Florent, entouré d’Aki Rissanen au piano et Will Guthrie à la batterie. Musique très vive, qui s’aventure souvent dans une effervescence frénétique (mais subtile) où le groove n’étouffe pas la musicalité.

 

À 18h30 au Café Charbon, scène historique de ‘musiques actuelles’ dotée ces dernières années d’une salle rénovée, c’est Nout, trio hétérodoxe qui associe la flûte (amplifiée, avec de copieux effets), de Delphine Joussein, la harpe électrique de Raphaëlle Rinaudo, et la batterie de Blanche Lafuente.

 

 

©Maxim François

 

La flûtiste dynamite le son de son instrument par le traitement électronique, des effets de souffle et de chant dans l’embouchure. Ça décoiffe, mais tout n’est pas joué dans l’exacerbation du son et les transgressions de codes. La musicalité demeure, tapie sous l’effervescence, et elle respire. Un confrère et ami m’avait prescrit des protections auditives : l’ouïe supposée fragile du septuagénaire que je suis a supporté le niveau sonore sans conserver les bouchons au fil du concert….

 ©Maxim François

 

Le soir au Théâtre, à 21h, c’est Louis Sclavis et ses Cadences du Monde. Belle équipe, avec la violoniste Anna Luis (que Sclavis avait côtoyée pour le disque «Inspiration baroque»), le violoncelliste Bruno Ducret, son partenaire régulier en duo, et le percussionniste Prabhu Edouard, qui remplace régulièrement dans ce groupe Keyvan Chémirani, souvent retenu par d’autre engagements. Très belle cohésion sur une musique conçue sur mesure pour le groupe, avec des espaces d’expression individuelle. Le percussionniste nous a épaté par sa pertinence musicale et son inventivité.

 

©Maxim François

Le 9 novembre, dernier jour à Nevers pour le chroniqueur, la journée commence dans la petite salle de la Maison de la Culture, avec Parking, le trio d’Élise Dabrowski, qui dans ce groupe délaisse la contrebasse pour la seule voix. Olivier Lété est à la guitare basse et Fidel Fourneyron au trombone. De l’improvisation, souvent très libre, sur des canevas préétablis. Une musique de l’extrême parfois, avec la voix qui sort des cadres, la basse qui produit des sons insoupçonnés avec des modes de jeu totalement hétérodoxes, comme le trombone qui soudain dé-coulisse pour d’autres sonorités.

L’après-midi au Café Charbon, c’est un autre trio, Sweet Dog, qui rassemble le saxophoniste ténor Julien Soro (également au synthétiseur), le guitariste Paul Jarret et le batteur Ariel Tessier. D’abord sur un accord unique, altéré et arpégé, de la guitare, ce sera une improvisation total modal du sax, puis sur un cadre de plusieurs accords, une autre escapade du ténor, attisée par la batterie et relancée par la guitare. Pour conclure le saxophoniste passera d’abord au synthé, partant sur l’extra-tonal pour atterrir dans le convenu, avant de poursuive au sax dans un moindre enjeu. L’intérêt s’érodait, et le chroniquer commençait à s’ennuyer….

 

©Maxim François

 

Retour au Théâtre à 18h30 pour le sextette de l’accordéoniste Christophe Girard. Il a passé sa jeunesse à Nevers, fréquenté naguère le festival en spectateur, et il a joué dans cette salle quand il était adolescent : son émotion est palpable, il en fait d’ailleurs l’aveu. La musique est riche et dense, bien composée et orchestrée, avec une forme d’ensemble élaborée, en plusieurs mouvements, et de l’espace de liberté pour les interprètes qui sont aussi des solistes improvisateurs, et de haut vol : Claude Tchamitchian, François Merville, la violoniste (et vocaliste déjantée) Amaryllis Billet, la clarinettiste Élodie Pasquier, et Anthony Caillet à l’euphonium. Grand moment de musique, assurément !

©Maxim François

Le soir, dans la grande salle de la Maison de la Culture, deux programmes qui conjuguent les disciplines artistiques. D’abord la littérature et la musique, avec Les Clameurs des lucioles, lecture musicale sur un texte de Joël Bastard (autour des photographies de CharlÉlie Couture), dont des fragments sont interprétés par Sandrine Bonnaire sur les musiques d’Éric Truffaz, à la trompette, et aussi au piano. Évocations mélancoliques de Montréal, incursion d’un portrait féminin, Sandrine Bonnaire fait vivre la poésie du texte, dans sa nostalgie comme dans son effervescence. Éric Truffaz donne à cette évocation une succession de contrepoints musicaux qui vont magnifier le dire et le dit. Belle réussite que cette aventure littéraro-musicale.

 

©Maxim François

La seconde partie de soirée est inspirée par une photographie de Guy Le Querrec, un mariage à Auray en Bretagne en 1978. François Corneloup, qui est aussi photographe, et a publié récemment un livre de ses images, avec des textes de Jean Rochard, et un entretien en postface avec Guy Le Querrec, a rassemblé une groupe et composé une partition qui se joue avec en fond de scène la photo inspiratrice. Jean Rochard a écrit autour de cette image un texte qui interroge l’image et l’époque. Le texte est interprété par la comédienne Anne Alvaro, et la musique de François Corneloup fait écrin, écran, contrepoint et exaltation de cet instantané de Le Querrec, expert dans cet instant décisif, le fameux kairos (καιρός) qui faisait le bonheur des philosophes de l’Antiquité grecque avant de conquérir les penseurs des temps modernes. Jacky Molard au violon, Sophia Domancich au piano électrique, et Joachim Florent à la contrebasse étaient avec François Corneloup les interprètes et solistes de cette belle partition qui leur ouvrait l’espace de l’improvisation. Et le saxophoniste-compositeur-improvisateur nous a épatés par son niveau d’inspiration. Très très belle conclusion pour cette soirée.

Xavier Prévost

 

©Maxim François

 

Noces translucides sera donné à nouveau le 17 novembre au festival Jazzdor de Strasbourg, et 24 novembre à Paris, à l’Atelier du Plateau

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11 novembre 2022 5 11 /11 /novembre /2022 08:45
EXUDE   FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

EXUDE

 

www.hanji.fr

www.francescahan.com

 

Sortie le 6 octobre

Francesca Han / Ralph Alessi 'Exude' teaser - YouTube

 

C’est à JP Ricard que je dois la découverte de ce trompettiste exceptionnel et plutôt rare en France. Il l’avait programmé à Jazz in Arles il y a quelques années, déjà en duo dans un intrigant Only Many, avec ce pianiste remarquable Fred Hersch qu’il rêvait d’inviter.

Pour la parution de ce duo Exude, en compagnie cette fois de la pianiste Francesca Han, Ralph Alessi n’est passé pour l’instant qu’à l’AJMI Avignonnais (dont Julien Tamisier assume la direction artistique à présent avec un goût très sûr) puis aux Caves de l’Abbaye de Beaune. On ne les verra pas dans un des grands festivals d’automne mais c’est dans une atmosphère feutrée que l’on apprécie le mieux l’échange de deux musiciens en accord, formés au classique et au jazz. Jamais dans une brillance forcée, ils sont moins soucieux d’envolées électrisantes que de jeux sur les timbres et couleurs, exprimant la plénitude de leur art.

Le Californien mise sur une complicité de longue date à présent avec la pianiste coréenne Francesca Han qui, après s’être frottée à diverses cultures autres que la sienne, s’est installée dans le sud de la France.

L’enregistrement a eu lieu à la Buissonne et cela s’entend immédiatement : ce duo raffiné et subtil pratique un jazz de chambre qu’affectionne particulièrement Gérard de Haro, mettant en valeur la qualité du son et du silence. Plutôt enclins à des confidences mélancoliques, ils se livrent tous deux à une sorte de récital, tout un art de pièces vives, libres, délicatement impressionnistes.

Voilà un trompettiste qui saisit par une fragilité apparente vite démentie, une fausse douceur injectant puissance et expression dans le moindre de ses traits et une sûreté d’exécution quel que soit le registre, avec des aigus qui ne passent jamais en force, virevoltant sur l' équilibre. Un chant qui se projette avec quelque vigueur, demande attention mais captive très vite, enveloppe dans une claire gravité comme ce délicat “Chrysantemum”.

Brillant contradicteur titrait un article de Jazz Times qui notait les oxymores des titres d’albums et de morceaux parfois, comme ce “Humdrum”, en rien monotone, et soulignait la ferme résolution du trompettiste à déjouer les attentes, avec un certain plaisir à subvertir les formes, comme dans ces formes d’études pour piano et trompette. Toujours sous tension sans que cela n’entraîne crispations et rigidité. Les thèmes, concis, servent de points de départ à des extrapolations aérées sans être éthérées, sophistiquées et rigoureuses. Les Américains parlent de jazz progressiste post moderne pour qualifier cette musique difficile, exigeante que le duo nous délivre sans faillir. Parce que leur univers très poétique s’appuie sur des connaissances techniques, harmoniques et rythmiques, ils créent des moments de grâce. Si le jazz leur colle à la peau, ils en font une musique vivante, plus «savante» aujourd’hui, une exploration très personnelle, une écriture dense qui prend des libertés avec, par exemple le traditionnel très connu en Corée “Arirang” que chante Youn Sun Nah de façon plus classique. Car, de toute façon, c’est la manière de jouer qui fait le jazzman, plus que le répertoire. Ils ne reprennent pas de standards en effet, sauf pour le final  avec ce ”Pannonica”, plutôt fidèle, moins heurté, sans chercher à se distancier ou à déconstruire la mélodie de Monk.

Attardons nous enfin sur la conception très étudiée de l’album, du titre sobre, le seul mot “exude”, à l’image de la musique pour évoquer ce qui perle, est secrété.  Une notion distillée jusqu' à la pochette, bleue… “quand tout au long s’écoule une sorte de bleu” comme l’écrit joliment JP Ricard dans les liner notes . Une pochette bleue intense que strient finement les entailles de Lucio Fontana. La classe!

 

Sophie Chambon

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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 17:26

Matthieu Mazué (piano), Xaver Rüegg (contrebasse), Michael Cina (batterie)

Pernes-les-Fontaines, juin 2022

Jazzdor Series 14 / l’autre distribution

 

Dans son texte de présentation Philippe Ochem, directeur du festival Jazzdor (qui est aussi la raison sociale de ce label), évoque la figure tutélaire de Mal Waldron, en particulier pour la première plage. C’est profondément juste et justifié. Dans ce goût d’une certaine lenteur, d’un labeur en train de s’accomplir, je vois une approche matérialiste -au sens philosophique- de la musique. Un peu comme dans le génial (et trop méconnu) film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Chronique d’Anna Magdalena Bach. J’y vois aussi une trace du labeur monkien, comme lorsque chez le Grand Thelonious la musique résiste à l’instrument, à la forme convenue, aux diktats de l’esthétique dominante. J’y entend aussi de cette liberté foncière qui s’est épanouie chez Paul Bley. Bref une constante de la préoccupation esthétique, placée en priorité devant l’ostentation musicale et instrumentale. Un très beau disque à écouter, et réécouter, car il ne livre pas tous ses secrets dès la première écoute.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le 3 novembre 2022 au festival Jazzdor de Strasbourg, puis en Suisse à Lavin le 12, Yverdon-les-Bains le 26, et Baden le 28

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8 novembre 2022 2 08 /11 /novembre /2022 16:51

Ellinoa (voix, composition musique et paroles), Christelle Bakhache (textes additionnels), Sophie Rodriguez (flûte), Balthazar Naturel (cor anglais, clarinette basse), Illyes Ferfera (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophone ténor), Paco Andreo (trombone), Héloïse Lefebvre (violon I), Widad Abdessemed (violon II), Séverine Morfin (alto), Juliette Serrad (violoncelle), Matthis Pascaud (guitare), Thibault Gomez (piano), Arthur Henn (contrebasse), Gabriel Westphal & Léo Danais (batteries), Philippe Heck (son)

Ludwigsburg (Allemagne), 2020

Les Petits Cailloux du Chemin / l’autre distribution / Believe

 

Un hardi projet d’Art Total. Un thème : une fable écologique et dystopique, une sorte de conte d’anticipation. Une ambition : un spectacle immersif en 3D sonore, un diptyque vidéo et un jeu vidéo. Et pour ce CD, de la musique instrumentale et vocale, et des textes parlés. Il y est question d’une ville sinistrée, recluse et soumise à l’oppression dans laquelle la nature reprend ses droits, envahit les espaces bâtis et crée un nouvel espoir en forme de résistance. Dystopique, assurément, mais avec une lueur d’utopie.

Et la musique fait vivre toutes les étapes de cette métamorphose. Le grand orchestre, la voix d’Ellinoa, sa composition, ses orchestrations, et les improvisations des autres solistes dessinent une autre fiction, musicale, où le mouvement porte les étapes de cette aventure. Très belle écriture, intensité d’interprétation, ferveur des improvisations, puissance des mélodies et des rythmes, tout nous porte à embarquer dans ce périple de l’imaginaire. Une projet d’une très belle ambition, artistiquement aboutie. Bravo !

Xavier Prévost

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L’orchestre sera en concert le 9 novembre à Paris au Café de la Danse, en version de concert ;  en attendant une prochaine version façon ‘art total’ avec l’immersion en 3D sonore, et en images.

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Un avant-ouïr sur Facebook

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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 22:31

Bruno Angelini (piano, compositions), Régis Huby (violon, violon ténor, électronique), Claude Tchamitchian (contrebasse), Edward Perraud (batterie, percussions)

Pernes-les-Fontaines, 7-9 juin 2021

Label La Buissonne RJAL 397043 / PIAS

 

Le retour au disque de ce quartette, après «Instant Sharings», enregistré en 2014 (chronique ici), et «Open Land», en 2017 (chronique itou), tous deux pour ce même label. Inclassable formule instrumentale et musicale, qui procède tout à la fois de l’esprit de la musique de chambre et de l’aventure du jazz, en équilibre constant sur le fil du devenir. À l’exception d’un thème qui figurait sur le récent «Transatlantic Roots», ce sont de nouvelles compositions. Le pianiste revendique d’avoir pour ce disque avoir été inspiré par la poésie, de William Carlos Williams et ses errances à quelques autres dont j’ignorais jusqu’au nom, comme Ada Mondès ou Chandak Chattarji. C’est tout un monde de lenteur, de suspens, et d’infinies nuances, avec de soudaines saillies de lyrisme, des figures rythmiques obsédantes qui se fondent sans crier gare dans un chant qui nous happe. Une valse impromptue va nous embarquer vers un paysage plus dépouillé, plein des mystères d’instruments qui, en élargissant leurs modes de jeu, nous égarent. Inutile de préciser que cet égarement est un délice…. Et voici qu’un rythme obstiné nous emporte comme un torrent, bousculé par la batterie qui pose ses accents comme autant de météores qui ensoleillent la nuit. Une seule solution : s’abandonner au sortilège de cette musique,comme on céderait à une croyance magique ; le bonheur est au bout du chemin. Décidément Bruno Angelini, ses partenaires et leur Open Land sont comme des magiciens malicieux et bienveillants. Il suffit de succomber au charme, qui n’est pas maléfique mais magnifique !

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 11 novembre à Paris au 360 Paris Music Factory

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Des avant-ouïr sur Youtube

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3 novembre 2022 4 03 /11 /novembre /2022 09:41

ECM 2022
Jakob Bro (g), Joe Lovano (ts), Larry Grenadier et Thomas Morgan (cb), Anders Christensen (basse) Joey Baron et Jorge Rossy (dms)


 
Pour cet album qui rend hommage à Paul Motian, le guitariste danois s’est entouré d’une formation originale avec deux contrebassistes (Larry Grenadier et Thomas Morgan) et Anders Christensen à la basse et, pour un hommage à cette grande figure du label et du jazz, deux batteurs avec Joey Baron et Jorge Rossy.

S’il est très produit “ ECM” avec ce qu’il faut de silences qui disent autant que la musique, de prise de son impeccable et d’espace où règne l’écoute des musiciens entre eux, force est de constater qu’il y règne une sorte de force tranquille. Le matériau de l’album est composé de compositions de Jakob Bro et de Joe Lovano mais aussi de grandes plages d’improvisation.

Le guitariste Danois et le saxophoniste se connaissent bien et ont commencé à collaborer en 2009. En quelque sorte très complémentaires (comme peuvent l’être aujourd’hui Charles Llyod et Bill Frisell). Oui Jakob Bro et Joe Lovano se respectent et se font des délicatesses comme sur ce très subtil Song to an old friend où le saxophoniste se fait mélodiste avec finesse. Il y a aussi des moments de libre improvisation comme sur For the love of Paul où l’espace et les rôles sont équitablement partagés entre le saxophoniste et le guitariste avec pour point de jonction le rôle bien sûr dévolu à la batterie qui n’en est pas moins mélodiste.

Avec «  Once around the room » on est en plein cœur de ce jazz qui se nourrit autant des effluves harmoniques autant que des lignes mélodiques et enfin de cette liberté parfois atonale qu’ils s’autorisent.

Joe Lovano y est aussi lyrique qu’expressionniste dans cet hommage à celui qui fut pour lui un maître.

( Expressionisme : projection d’une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour nspirer au spectateur une réaction émotionnelle)

Et cet hommage ne fait que renforcer la conviction, l’évidence que nous savions déjà, celle de l’influence énorme de Paul Motian sur le jazz d’aujourd’hui.

Jean-Marc Gelin

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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 16:57

ANAT COHEN : «  QUARTETinho »
Anzic records 2022

Anat Cohen (clarinet, bass clarinet), Vitor Gonçalves (piano, accordion, Rhodes),Tal Mashiach (bass, guitar), James Shipp (vibes, percussion, analog synth)


 

C’est de la douceur pure ! Luxe, calme et volupté pourrait-on dire tant cette musique sans vous bercer vraiment, vous charme et vous séduit comme un petit sourire à la dérobée.

Après avoir connu les honneurs des Grammy pour son Tentet c’est dans un format beaucoup plus intime qu’Anar Cohen s’exprime ici. Son quartet est composé de musiciens basés à New-York mais hors frontières puisqu’ils viennent des quatre coins du monde : d’Israël (Tal Mashiach), du Brésil (Vitor Gonçalves) ou encore de Big apple (James Shipp).

Vrai travail collectif, ils se font tous les quatre arrangeurs et compositeurs pour montrer une écriture subtile et raffinée d’une rare élégance. Pour ce quartet, la clarinettiste a réuni un instrumentum original à géométrie variable en s’accompagnant de compagnons de jeu, tous poly-instrumentistes, permettant ainsi de s‘envoler gracieusement et de se libérer de toute contrainte formelle. Et c’est ainsi, avec une élégante liberté que l’ensemble passe de leurs propres compositions à une version sublimée et presque symphonique du célèbre Going Home de Dvorak à l’arrangement renversant ou à l’esprit plus joyeux de la Nouvelle Orléans ( Louisiana). Le tour de force est alors de réunir avec le même charme des horizons différents qui puise autant dans la musique européenne, dans les jazz des racines, dans la musique traditionnelle que dans le brésil profond. Et tout cela avec une admirable cohérence.

L’entente des quatre se fait naturelle. Sans forcer. Dans les les chants et les contre-chants qui s’harmonisent comme du velours. Où Anat Cohen y chatoie ( ou plutôt caresse) les mélodies passant de la clarinette à la clarinette basse dans un même mouvement et où James Shipp au vibraphone y apporte toute la rondeur et la suavité sensuelle en réponse à la clarinettiste.

 

Totalement sous le charme. Conquis. Et heureux de cette très soutenable légèreté de la musique.

Jean-Marc Gelin

https://youtu.be/jcNNgCelLtM

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2 novembre 2022 3 02 /11 /novembre /2022 11:09

BAND OF DOGS

Le Triton 2022

Philippe Gleizes (dms), Jean-Philippe Morel (B, Fx), Thierry Eliez ( Fender, kybds, vc), Laurent Bardainne (ts), Emmanuel Borghi ( fd, kybd), Fabrice Martinez (tp, bg, Fx), Julien Desprez (g; fx) + Mike Ladd (vc), Claudia Solal (vc)


 

 

Tout d’abord au-delà de l’engagement que l’on retrouve chez chacun des protagonistes, il y a l’énergie. Cela veut dire une implication de tous dans ce qui se joue sur l’instant, sur le moment. Prêts à en découdre avec la musique facile et avec les airs que certains prennent pour flatter les oreilles des auditeurs passifs. Non, ici on ne triche pas, on fonce, on prend ses risques. Et ça passe ou ça casse et tant pis pour vous si vous vous faites rentrer dedans et bousculer dans de fond de vos tympans.

Ce nouveau volume, enregistré au Triton (décidemment habitué aux très bonnes productions) sur plusieurs sessions entre 2020 et 2021, cette bande de chiens ne manque pas de mordant. Tous les solistes ( quel all-stars !) sont au rendez-vous, impliqués non seulement dans la musique mais dans la compréhension de la musique. Musique libre par excellence, flirtant avec des structures complexes et des improvisations libres à la limite du free ( ah les envolées de Laurent Bardainne !). Leurs influences ? On ne va pas vous faire ce coup-là mais certainement elles doivent venir du jazz, du rock en faisant un détour par Magma (forcément Thierry Eliez !). Les univers et les climats sont en mode énervés et parfois même inquiétants.

Toujours foisonnante si ce n’est bouillonnante, la musique de Band of Dogs vient aboyer à vos fenêtres pour vous prendre au mollet et jamais ne vous lâcher. Quand on est pris….on est pris.

Pour tous ceux que le confort dérange !

Jean-Marc GELIN

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31 octobre 2022 1 31 /10 /octobre /2022 11:08
MADELEINE & SALOMON    EASTERN SPRINGS

Madeleine & Salomon Eastern Spring

 

Clotilde Rullaud (vocals and flute) Alexandre Saada ( piano, vocals) Jean Paul Gonnod Fx effects

Label Tzig'art

 

Un duo étonnant (piano voix) qui reprend des chansons pop du bassin oriental de la Méditerranée, des années soixante et soixante-dix inconnues pour la plupart d’entre nous. “Chansons d’amour, de mort, de révolte”, des thèmes simples, universels même s’ils s’inscrivent dans un espace géographique très particulier ( Israel, Egypte, Liban, Turquie, Maroc, Tunisie ).

Après un travail de sélection minutieux sur un corpus patrimonial de plus de 200 titres, pour n’en conserver que 9, le duo a opéré un travail de traduction, en anglais le plus souvent-ce qui modifie la donne. Ainsi tout naturellement, sur l’hymne de la pop iranienne “Komakon Kon”après les mots que scande avec ardeur la chanteuse, le duo a inséré des fragments du mythique “Howl”, le cri d’Allen Ginsberg, le poète de la Beat géneration. Mais ce n’est pas tout: le duo a travaillé des arrangements de ces versions originales en improvisant des fragments personnels, intitulés justement “Rhapsodies”, c’est à dire des pièces libres utilisant des effets folkloriques et souvent électroniques.

Un répertoire révolutionnaire, humaniste, inscrit dans un temps certes révolu, qui entre hélas singulièrement en résonance avec l’actualité des dernières années, l’échec des printemps arabes, d’où ce titre d’Eastern Springs. Si les langues arabes sont sensuellement poétiques, métaphoriques, jouant toujours avec la censure impitoyable dans tous ces pays, Madeleine (le second prénom de la Française Clotilde Rullaud) ne voulait pas, selon ses propres termes, coudre un "patchwork" linguistique. L'anglais domine donc, une seule chanson est en français “De l’Orient à Orion”, extraite du patrimoine tunisien. Si le duo a gardé les mélodies et leurs rapports harmonico rythmiques, il n’en demeure pas moins que cette suite est remarquable par la sobriété, la volonté de ne laisser qu’un chant épuré dès le premier titre, où sur le piano élégiaque et subtil s’élève la voix fragile sculptant les mots du poète palestinien Mahmoud Darwich (“Matar Naem” libanais du groupe Ferkat Al -Ard).

Quel effet produit cet album, une fois exposé le propos généreux et ambitieux du duo? On est assez loin du monde originel du jazz commun à tous deux. Comme s’ils avaient voulu faire un pas de côté, essayer d’adapter leur regard passionné sur le monde et ses cultures à leur façon de travailler le duo. Pourtant, il fait retour,  le duo poursuit en un sens le travail du précédent album sur les “protest songs” de chanteuses américaines de la même période. Madeleine a d'ailleurs  gardé quelques inflexions de Nina Simone, ce qui contribue à augmenter le trouble. Après quelques écoutes, certains airs deviendraient ritournelles, fredons étrangement familiers. C’est le cas avec les comptines et berceuses israéliennes, plus proches de notre sensibilité occidentale? En particulier “Ha’Yalda Hachi Yafa Ba’gan”.

La voix de Clotilde Rullaud est plus qu’attachante, grave sans être trop profonde, sur cette petite fiction égyptienne “Ma Fatsh Leah” du groupe Al Massrien, qu’entraîne un piano vif, au groove hypnotique. Ou aiguisée sur le rock anatolien "Ince Ince Bir Kar Yagar".

Alexandre Saada (dont le second prénom est Salomon, on commençait à s’en douter) chante aussi. Il n'est pas que l'accompagnateur du duo, il souligne sans effort la ligne de chant, adaptant son jeu à chaque thème, impressionniste, syncopé, uni avec sa partenaire dans une même respiration jusqu’au final libanais "Do you love me?" qui s’achève en un murmure. Parfait.

 

Sophie CHAMBON

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