JJJJ CHARLES LLOYD : « Sangam »
Label Bleu 2006
Charles Lloyd (ts, as, fl, tarogato, p), Zakir Hussain (tabla, perc, voice), Eric Harland (dm, perc, p)
Cet album a été enregistré en live à l’occasion d’un concert donné par Charles LLoyd en mai 2004 en hommage à Billy Higgins. Le saxophoniste qui avait rencontré le jeune batteur Eric Harland en 2001 avait été totalement séduit par son jeu et avait décidé de l’intégrer à son groupe de l’époque. C’est peu de temps après cette rencontre que Charles Lloyd rencontra aussi le tablaïste indien virtuose, Zakir Hussain, l’homme capable de faire chanter son instrument en y mettant toute son inspiration à la frontière de la musique indienne et de ses racines arabes. Mais c’est là la première fois que les trois hommes se trouvèrent réunis. Et ce qui est acquis aujourd’hui, c’est qu’ils ont trouvé là une formule destinée à se pérenniser tant on conçoit à l’écoute de cet album qu’il s’est passé quelque chose ce soir là. Quelque chose de l’ordre de l’osmose. Pourtant il n’y a pas eu de répétitions avant ce concert. Pas même d’ordre des morceaux préétablis. Inutiles, car d’évidence les trois hommes partagent la même approche de la musique, la même écoute, la même compréhension. Une mystique quasiment religieuse très proche de la conception coltranienne. On ne sait pas trop si l’on est dans la danse rituelle ou la transe mystique. Parfois chant oriental (tales of rumi) parfois méditation psalmodiée comme lorsque Lloyd passe à la flûte. Magnifique moment où Charles Lloyd introduit le morceau au piano avant que ne s’envole le chant de zakir, telle la voix du muezzin dans Gunam, le seul morceau composé par le tablaïste. Dans un trio où ne figurent aucun éléments harmoniques, Zakir Hussain qui utilise les tablas et les percussions comme de véritables instruments mélodiques capable de déformer les sons et de faire chanter les peaux. Une sorte de compréhension quasi télépathique s’installe entre lui et Eric Harland chacun dédoublant l’autre dans une parfaite complémentarité. Ils forment alors un tapis volant rythmique et mélodique sur lequel s’installe Charles LLoyd au soprano comme au ténor ou au tarogato. Avec le lyrisme maîtrisé des vieux sages, Lloyd délivre de longues séances d’improvisation comme ce chef d’œuvre au ténor sur « Hymne to the Mother » qui figurait déjà dans un album de 1995. Au sommet de son art son soprano n’a jamais été aussi proche du discours coltranien comme sur ce titre éponyme qui atteint à la perfection post coltranienne. Hommage explicite au maître.
Chaque morceau de l’album prend alors des airs de chefs d’œuvre. Nous emmène dans une sorte de voyage initiatique. Comme Coltrane jadis, Lloyd revient aux sources de la musique. Explore les modalités venues de l’Inde et des pays Arabes. Explore les ponts entre cette musique et le jazz. Atteint avec cette formation une plénitude de son art.
Jean Marc Gelin
Une formation faite pour la scène se fera largement entendre sur les scènes d’Europe. Elle sera au Paris jazz festival cet été