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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 20:55

  

 

 

C’est magie de voir une ville de 10000 habitants se transformer pendant deux semaines en capitale internationale du jazz. Toute la ville est en fête :pas un café, pas un jardin, pas une vitrine qui ne swingue ! La programmation du festival est exigeante, riche, variée et toujours attentive à faire découvrir au très large public les nouveaux talents voire à accueillir des créations. Yves Robert a ainsi présenté cette année à Coutances l’Argent, un spectacle collage patchwork, réflexion philosophico-sociologique sur notre société matérialiste avec témoignages de spécialistes de la finance, voix entremêlées, chocs, violences. Yves Robert et ses musiciens (dont la talentueuse Elise Caron) nous invitent à nous interroger sur notre rapport à l’argent : expérience nécessairement d’utilité publique. 

Mais ce festival populaire qui draine son public bien au-delà des frontières de la Basse-Normandie est avant tout l’occasion de célébrer le bouillonnement artistique du jazz contemporain. Le saxophoniste ténor  Olivier Temime  avec ses « volunteered slaves » (en hommage à une composition de Roland Kirk datant de 1969) en est un des exemples les plus excitants avec une musique qui explore de multiples influences du be bop au funk en passant par l’afro, le tout sur des rythmes endiablés et fougueusement. La chanteuse coréenne Youn Sun Nah, plus élégante, plus précieuse, plus atypique que jamais, se nourrit elle aussi aux sources multiples : jazz, pop (la pureté de sa voix n’est pas sans évoquer celle de Björk), musique orientale Elle est d’une virtuosité extrême tant dans la maîtrise de sa voix, que dans la précision rythmique avec à certains moments une liberté et un lâcher-prise totaux. Tout cela sans aucune ostentation et avec la plus grande humilité. Elle est entourée de musiciens de talent, Benjamin Moussay au piano, David Nierman au vibraphone, Yoni Zelnik à la basse. La magie opère, nous sommes sous le charme, comme en apesanteur.

La qualité du festival de Coutances est aussi dans sa capacité à prendre des risques. C’est ce que l’on s’est dit en découvrant en première partie de Dee Dee Bridgwater la pianiste Magali Souriau. Sa rencontre avec Alex Dutilh racontée avec émotion dans les colonnes de Jazzman nous avait certes déjà mis en appétit. Mais sa musique, ce n’est pas grand chose : des souvenirs d’enfance, des émois de petite fille, beaucoup de sentimentalisme teinté de nostalgie. Cela commence avec au « Clair de la Lune » et cela finit tous en chœur sur « Au feu les pompiers ». Entre temps, on est passé par Randy Weston, Monk et son Epistrophy, Bach parce que comme tout le monde sait « Bach ça swingue d’enfer ». Du presque rien accompagné par l’immense saxophoniste Chris Cheek et joué avec une infinie fraîcheur. Une jolie écriture inspirée du quotidien (la promenade, la belle dame avec son grand chapeau)…des petits riens qui font la vie. Elle chantonne en jouant et c’est charmant. Elle a un toucher subtil, elle effleure à peine le piano et nous transporte au pays de l’enfance. Nous ne savons pas bien l’expliquer mais cet instant passé en sa compagnie est précieux et rare.

L’événement annoncé de cette vingt-cinquième édition de Coutances était sans aucun doute la venue du Trio Beyond, créé par Jack DeJohnette en hommage à Tony Williams avec à la guitare John Scofield et à l’orgue Larry Goldings. Sur la scène de la très grande halle aux grains de Coutances, le batteur anime le groupe en déstructurant les rythmes, en passant du binaire au ternaire, jeu arachnéen, généreux et énergique, toujours en délicatesse, il fait sonner sa batterie comme personne… il est simplement immense. Scofield de son côté avec un son saturé et plein de réverbérations, invente en permanence, reprend en boucle des motifs pré-enregistrés...Oui mais leur grande technicité laisse peu de place à la rêverie et le jeu très mécanique de Scofield étouffe quelque peu l’ensemble. La version en studio qui sortira dans peu de temps sur le label ECM est dit-on plus réussie. Le festival de Coutances c’est aussi le dépaysement et Jean-Marie Machado présent cette année en sextet ( à noter l’indispensable Andy Sheppard au saxophone et l’excellent Gueorgui Kornazov au trombone) nous a transporté en Espagne. Ses arrangements de Falla, Granada ou Albeniz évoquent toutes les couleurs de son Maroc natal et de l’Andalousie. L’ocre et le rouge. Nos sens en éveil...

 Jazz sous les pommiers c’est surtout le dialogue permanent entre le public et les artistes ; un dialogue institutionnalisé par les organisateurs à travers le soutien d’un programme d’artistes en résidence dans la région.  Le but de ce projet est d’accompagner des artistes dans leur travail de création et de favoriser tout au long de l’année des rencontres avec la scène de Basse-Normandie. Après Bojan Z, c’est  le guitariste Louis Winsberg qui est depuis 2 ans en résidence à Coutances, « moment privilégié de création, de rencontres, de partages avec la scène régionale, d’expérimentations, de composition.“  Vous l’aurez compris JSLP, c’est de la Jubilation sur tous les Plans ! A tout bientôt à Coutances.

 Régine Coqueran

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 07:41

LE JAZZ A PARIS – Sandrine Fillipetti

Parigramme 2006, 107p. - 6€

 

 

Deuxième édition de ce guide parisien du jazz dont la précédente datait de 2002. On y trouve tout ce qui fait le jazz à Paris en passant par les clubs, les disquaires, les écoles, les radios et même la presse (nationale). Le fouineur y découvrira des lieux de culture jazz comme les bibliothèques, librairies ou autres lieux de recherche comme la médiathèque ou l’Irma. Les auteurs ont même pensé aux internautes frénétiques pour leurs proposer une sélection de sites allant des sites d’information sur les concerts à des sites plus généralistes.

On découvrira avec un peu de tristesse qu’entre les deux éditions certains lieux de jazz ont disparu (Le petit Op, le Dreher, le Montana, La Villa). Le Studio des Islettes y figure toujours mais c’est une erreur. En revanche on voit apparaître des lieux alternatifs comme La Fontaine ou l’Olympic Café. Certains découvriront qu’il se joue du jazz excellent au Paris Prague Jazz Club, au Centre Tchèque. On rectifiera sur l’ONJ (qui n’est plus dirigé par Barthélemy mais par Tortiller), on ajoutera dans la liste des festivals parisiens, l’ Enghien Jazz festival ou le tout nouveau Jazz à Maisons Laffitte. On pleurera sur la disparition de la Maison Du Jazz (qui figure encore dans cette édition) et à celle des ateliers amateurs de l’Ariam.

Mais on y trouvera en tous cas, en format poche ultra light et pour 6€ une mine d’informations très complète sur ce qui fait le jazz à Paris. Indispensable

Jean Marc Gelin

 

 

Collec. Paris est à nous

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6 juillet 2006 4 06 /07 /juillet /2006 07:39

LE DERNIER SOUFFLE DE CHET BAKER – Olivier Chaumelle

é/dite. 2006, 89p. 12€

 

Cette collection est l’adaptation de documentaires diffusé sur France Culture (le Vif du sujet) où comme son nom ne l’indique pas il s’agit en « 100 pages, de fragments épars de l’évocation d’une tragique disparition ». Après Jean Seberg, Albert Ayler, Jim Morrison, Boris Vian, les éditeurs ont choisi de raconter ici la disparition de Chet Baker au travers de témoignages et de courts récits.

Dans la nuit du vendredi 13 mai 1988 alors qu’il devait jouer près d’Amsterdam, Chet est retrouvé mort au pied de son hôtel, défenestré.  Suicide, accident, meurtre d’un dealer. Nul ne le saura jamais. Mort légendaire assurément. Baker disparu, sa part de mystère et de poésie reste intacte.

Ce petit ouvrage donne alors la parole à quelques témoins privilégiés de la vie de Chet comme Riccardo Del Fra, Jean Louis Chautemps, Micheline Pelzer (la femme de Michel Grailler), Daniel Humair, Bertrand Fève ou Alain Gerber pour de très courtes évocations. Quelques souvenirs du moment où ils apprirent la mort de Chet, si évidemment annoncée par la vie même du trompettiste, fantôme de sa propre histoire. Du coup ces témoignages ont un côté à la fois un peu glauque et poétique en même temps. Inutile aussi, certainement puisque tout ces témoignages concordent sur la mort annoncé de Chet arrivé au bout d’un processus d’autodestruction. Sauf Alain Gerber qui à la fin de cet ouvrage remet un peu d’intérêt à tout cela estimant que c’est justement dans ces derniers moments de sa vie que Chet atteignit enfin ce qu’il ne cessait de vouloir dire. Et de nous inviter à nous plonger dans son dernier grand enregistrement live le fameux last great concert en Allemagne enregistré 15 jours avant sa mort.

Des témoins indirects de sa mort sont aussi conviés comme ce commissaire de police ayant été appelé pour constater le décès de Chet et ce procès verbal qui déclare simplement :

« Nos fonctionnaires ne peuvent que constater le décès de cet homme âgé d’approximativement 30 ans (!!). Il a sur lui le passeport d’un citoyen américain nommé Chesney Henry Baker, né le 23 décembre 1929 à Yale, Oklahoma ».

Jean marc Gelin

 

 

Collec. Voyage au bout d’une vie. Vol.6

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5 juillet 2006 3 05 /07 /juillet /2006 07:38

JJJ steFANO BOLLANI : «  I visionari »

 

Label Bleu 2006

Mirko Guerrini (ts, ss, bs, fl), Nico Gori (cl), Stefano Bollani (p, vc), Ferruccio Spinetti (cb), Cristiano Calgagnile (dm), Mark Feldman (vl), Paolo Fresu (t), Petra Magoni (vc)

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28 juin 2006 3 28 /06 /juin /2006 23:16

HELENE COLLON : «  4 ans de concerts au Triton »

 Anthologie 2005

 C’est idiot mais il fallait être là. Fallait se fondre dans la foule. Fallait se faire oublier. Continuer à discuter avec les copains tout en gardant un œil sur la scène. Pas un œil, un regard. Une sorte d’art divinatoire de l’instant qui va suivre. Ceux qui sont des habitués du club de la Porte des Lilas n’auront pas pu louper Hélène et son Leica sur l’avant scène du Triton dont elle partage les aventures depuis l’origine. Pas la photographe officielle du lieu. Cela n’existe pas. Non, plutôt l’âme photographiée de l’endroit.

 

 

Ombres Portées est un livre de photos noir et blanc prises entre 2000 et 2004 et édité à l’occasion de 5 ans du club. Et il faut bien dire qu’en 5 ans il s’est passé beaucoup de chose sans jamais que ne soit altérée l’âme du lieu. C’est d’ailleurs toute la force de l’album de Hélène Collon, au travers de 77 clichés noir et blanc, tous du même format que de nous montrer les visages essentiels dont les regards habitent encore l’espace et dont les ombres restent à jamais imprimées sur les murs. En 4 ans le Triton a dépassé la simple dimension de club de jazz pour se muer en lieu d’altérité créative, lieu de festival (Bleu Triton), workshop ( ZAM) lieu de musique, de danse et surtout de création instantané. Le club de Jean Pierre Vivante aimante et attire les musiciens soucieux de trouver là un espace de création, d’expression de leurs projet ou même de son élaboration. Et ce sont tout ces visages, habitués des lieux (comme Christian Vander) ou éphémères  (comme Sapho) qu’Hélène Collon portraitise dans une capture du mouvement.

 Il fallait comprendre le regard d’Ellery Eskelin (p.52 , un des plus beau cliché dans un clair obscur dignes des maîtres de la peinture flamande), ne surtout pas manquer les billes hallucinées de l’artiste total qu’est Christian Vander (P. 68), voir l’inexorable solitude du contrebassiste lorsqu’il entame un solo de contrebasse (sublime cadrage de Claude Tchamitchian p.98), surprendre Thomas de Pourquery en flagrant délit de vol de cornet (p.112), attraper l’instant de grâce du visage qui se découpe sous l’étoffe (DJIZ p.136) et montrer au monde que Sclavis est un génial facétieux (p.146).

 Cet album est un beau travail pour ceux qui veulent comprendre le mystère du génie créateur. Par sa façon de capter le regard porté loin devant par ces musiciens qui regardent un infini qu’elle nous permet d’imaginer un instant, parce qu’elle capte ces moments de solitude en eux même, par sa façon d’accrocher leurs gestuelles paroxysmique, de restituer ces éclats de transe extrême, parce qu’elle les montre affranchis de toutes limites lorsque tout est possible du cri primal aux larmes, parce qu’elle parvient à voir ce qu’il y a de grande pudeur dans cette mise à nue d’eux même, Hélène Collon  s’approche de la vérité brute, la vérité brutale même de la création. S’en approche sans en livrer tout le mystère. Mais s’en approche néanmoins au plus intime.

 Jean Marc gelin

 

 

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25 juin 2006 7 25 /06 /juin /2006 10:10
Éditorial

 

 En me réveillant ce matin j’ai bien vu que la presse s’agitait. J’ai bien vu que les sondages prévoyaient la victoire de Nicolas Royal aux prochaines élections présidentielles. J’en ai entendu certains se lancer dans de folles spéculations pour savoir si l’équipe de Zizou parviendrait à prendre moins de trois buts face au Togo. J’en ai même entendu annoncer de la neige sur les plages de Lacanau pour le 15 août. Mais sur les Victoires du jazz, rien, j’ai pas entendu un mot, zéro. Et à l’heure où j’écris ces quelques lignes j’ignore encore tout du palmarès alors que vous bande de petits veinards vous savez. Vous connaissez le choix de ceux qui comptent dans le jazz  (car il y a effectivement dans le jazz ceux qui comptent et recomptent encore…). Mais je suis sûr que vous, sacrés chanceux vous aurez été quelques millions de spectateurs à vous pâmer devant les yeux de la belle Isabelle Giordano qui est au jazz, il faut bien le dire ce que George Clooney est à l’association de entomologistes de France.

 Donc vous avez certainement une longueur d’avance sur moi. Et j’ai décidé, dans un long face à face avec moi-même dans la salle de bains ce matin, que je ne me déroberai pas et que je vous annoncerai avec trois métros de retard le résultat de cette 1223ème édition des Victoires Du Jazz. De me lancer à l’eau telle Pierrette Bres à l’heure du 20 heures annonçant avec panache ses pronostics pour les courses dans la troisième ! Ensuite libre à vous. Vous pourrez tout aussi bien me jeter au pilori et me couronner du titre du plus mauvais critique de jazz ou alors si j’ai raison me demander des tuyaux pour la cinquième à Auteuil. Alors bon comme Madame Irma, je me lâche, c’est sans filet, on verra bien !

 

 

 

 

 

Dans ma boule de cristal, je vois

 C Artiste ou formation de l’année : Daniel Mille

 C Révélation française : Eric Legnini

 C L’album jazz français : l’Influences des frères Belmondo (ou plutôt, les frères Belmondo pour Influences)

 C L’artiste de jazz vocal français : Elisabeth Kontomanou

 C La révélation internationale : Tineke Postma (mais là j’ai pas beaucoup de mérite parce qu’elle est la seule nominée….)

 Voilà maintenant vous n’avez qu’à comparer avec les résultats officiels et voir su je l’ai mis dans le mille (c’est le cas de le dire) ou  non. En tous cas une chose est sûre, si jean Paul Belmondo se met à la clarinette basse ou au trombone à pistons, sur un malentendu il pourra prétendre qui, sait à une nouvelle consécration. Jazzistique cette fois.

 

 

 

 

 

 

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8 juin 2006 4 08 /06 /juin /2006 07:59

JJJ  TRIADE: « Entropie»

 

 

 

 

Minium 2006

 

 

 

 Cet album, le deuxième du groupe après celui paru chez le collectif Yolk en 2005 avait un peu végété dans les tiroirs du label Sketch avant que Philippe Ghielmetti ne le sauve de la déconfiture et l’emporte avec lui pour lancer son tout nouveau label, Minium.

Pour se fixer les idées dans cet album qui nous empêche de nous rattacher avec certitude à des balises connues, on se référera à la définition officielle de l’entropie : «  fonction définissant l’état de désordre d’un  système, croissante lorsque celui-ci évolue vers un autre état de désordre accru ». Car cet album est pour tout dire assez déroutant. Se refusant à tout cadre formel, échappant aux repères mélodiques sans toutefois verser dans le free, il raconte une histoire à plusieurs facettes. Plusieurs reflets à l’image de Cedric Piromalli jonglant d’une main avec le piano acoustique de l’autre avec le fender Rhodes. Tendant parfois vers le son des guitares saturées, on assiste alors à une sorte de free jazz poétisé. Un peu comme la rencontre d’un jazz chaotique avec le monde de Edgar Allan Poe s’il fallait tenter une approche littéraire. Parfois l’album nous ramène à des inspirations pop évidentes dans lesquelles on trouverait certaines analogies avec la musique des Pink Floyd. Du coup ces changements de décors ont quelque chose de théâtral, comme une scénographie bien réglée où il est moins question de cadre formel (refus souvent de la contrainte mélodique) que de créer de véritables climats au gré des morceaux. Et dans cette histoire Nicolas Larmignat qui ne cache pas sa passion pour Paul Motian excelle dans le jeu de coloriste raffiné et incroyablement inventif. Une sorte de relation télépathique s’installe entre lui et Sébastien Boisseau. Quand à Cédric Piromalli, habile improvisateur ambidextre,  son jeu se montre ici d’une incroyable variété capable de descendre dans les plus basses profondeurs au fender au jeu le plus dépouillé. Dans cette douce machinerie qui se met en branle sous nos yeux, qui s’amuse souvent à nous perdre dans son dédale poétique il apparaît quelques oasis plus ou moins inquiétantes aux titres mystérieux qui se plaisent à nous interroger (Suis encore des miens, Des bras à Glacière) et nous ramènent de rares fois à quelques repères mélodiques (comme musica riccercata n°7). Pas de balises donc, pas de repères mais juste un questionnement philosophique, une sorte de réflexion musicale. Un chaos organisé.

Jean Marc Gelin

 

 

 

 

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6 juin 2006 2 06 /06 /juin /2006 07:20
Isabelle Olivier

 

 

  Lorsqu’on lui a annoncé qu’elle était nominée aux Victoires du Jazz, elle n’en est pas revenue. Persuadée qu’il y avait erreur sur la personne elle s’est précipitée sur son téléphone pensant que cette distinction était en fait réservée à un autre Olivier, Temime celui là. Il faut dire qu’il y a avait de quoi s’étonner de voir la harpe ainsi propulsée sur le devant de la scène. Car les jazzmen sont souvent devant cet instrument comme une poule devant une brosse à dent et depuis les quelques essais plutôt pas convaincants de Alice Coltrane, on croyait cet instrument jazzo-incompatible.

 Mais Isabelle Olivier tout comme sa consoeur Hélène Breschand ou, Zenna Parkins de l’autre côté de l’atlantique font aujourd’hui la démonstration inverse. Conscientes des limites de l’instrument qui, comme le dit Isabelle Olivier, ne modulera jamais comme un saxophone, elles en démontrent en revanche l’immense potentiel mélodique et rythmique. Et depuis plus de 10 ans Isabelle Olivier  évolue au sein du groupe Océan. Mais son dernier exploit carrément fou a été de se lancer dans l’aventure du solo tout juste accompagnée par les touches électro et délicatement impressionnistes d’Olivier Sens. Un album de harpe en solo ! Une artiste totalement casse cou qu’il était donc indispensable de vous faire découvrir

 

 

 

 

 Comment en es tu venue au jazz ?

 IO : J’ai d’abord commencé par la harpe celtique. Puis j’ai intégré le CNSM.

 Mais pour moi le jazz c’est surtout l’écoute. J’allais très souvent au petit Op’ où l’on avait une super proximité avec les musiciens. Et puis j’ai été séduite par la joie de jouer de tous ces musiciens. En fait dans le milieu classique les musiciens font tous la tête. Et ce qui m’a frappé avec les musiciens de jazz, c’est le vrai plaisir qu’ils semblaient avoir sur scène tout en jouant des choses très complexes.

 Un jour Louis Moutin que je connaissais m’a demandé de venir jouer dans leur formation jazz. Je n’avais qu’à improviser un peu. Et là j’ai été terrifiée. Toutes ces années d’études pour me rendre compte que j’étais incapable de sortir la moindre note du moment qu’elle n’était pas écrite ! Du coup je me suis mise à envier la formidable liberté dont ils jouissaient et j’ai eu envie de tout réapprendre. A ce moment il m’est apparu qu’il fallait me vider de tout ce que j’avais appris précédemment. Désapprendre en quelque sorte.

 Cela m’a amené aussi à un certain esprit critique sur l’enseignement classique que l’on reçoit. On a un enseignement qui va à l’envers. A l’époque baroque ce n’était pas cela du tout. Je pense qu’à côté de apprentissage de l’écrit il faut aussi cultiver un enseignement de l’oral. C’est en fait comme si tu demandais aux gens de communiquer uniquement en lisant de livres et de ne plus parler en conversation. Il n’y a pas longtemps je suis allée animer une master class  au conservatoire de Dijon. A un moment  j’ai eu envie de mélanger tous les âges et je me suis rendue compte que ceux qui se débrouillaient le mieux c’étaient les petits. Parce qu’ils ne se posent aucune question, ils jouent alors que beaucoup de ceux qui ont 15 ans de harpe derrière eux sont bloqués sur plein de choses.

 Tu as fréquenté les écoles de jazz ?

 IO : Jamais ! Je n’y ai jamais mis les pieds. D’ailleurs lorsque l’on a commencé le groupe Océan, Louis (Moutin) m’a dit «  surtout ne va jamais dans les écoles de jazz, joue ! ».

 Je suis allé simplement voir le regretté Bernard Maury. Lui m’a dit d’envisager l’affaire sous le plan modal. Il m’a dit «  dis toi que chaque accord génère des modes ». Ensuite c’est François Moutin qui m’a appris à faire sonner les lignes de basse. Et puis à chaque rencontre, chaque musicien m’a apprit chaque fois quelque chose de nouveau. Avec Sylvain (Beuf) j’ai été un peu désarçonnée par ses compositions et les difficultés harmoniques qu’elle présentaient. Je mettais parfois six mois avant de les intégrer parfaitement.

  Tu disais que la harpe était un instrument avec lequel il n’était pas possible de jouer tout le répertoire jazz et que notamment le be-bop était inadaptable à la harpe. Pourtant dans ton dernier album tu reprend le plus parkérien des thèmes, « Donna Lee ».

 IO : C’était drôle de prendre ce thème qui était totalement injouable et qui n’arrête pas de moduler. En fait ce qui m’intéresse surtout c’est la mélodie. Et je me suis rendue compte que même avec un thème comme celui là, les aspects mélodiques pouvaient être exploités et retravaillés et ‘est ce qui m’a intéressé dans ce morceau. Et puis je me rends compte que je n’en suis qu’au tout début de mon apprentissage et je vois bien toutes les potentialités de cet instrument. Elles sont incroyablement diverses et riches qu’elles soient mélodiques bien sur mais aussi harmoniques ou rythmiques.

 Comment intègres tu ces difficultés dans ton écriture. Composes tu d’abord pour la harpe et ensuite pour les autres instruments ?

 IO : Suivant les morceaux, ça change. Il y a des morceaux que j’écris d’abord à la table. D’autres au piano. C’est clair aussi qu’il y a des morceaux plus harpistiques. Sinon j’écris surtout en pensant à la musique et après en pensant à l’instrument. E qui demande beaucoup de travail.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Tu joues des deux harpes ?

 IO : oui j’ai toujours une harpe celtique avec moi. Simplement j’en joue un peu moins. Même su j’y reste fondamentalement attachée, il est vrai qu’avec la petite harpe cela tourne un peu en boucle parce qu’on ne peut pas changer les harmonies. Mais je reste attaché aux deux. Mais ce sont deux instruments qui racontent deux histoires différentes. Et c’est vrai qu’avec le public, le son plus cristallin de la harpe celtique entraîne plus l’adhésion.

 

 

 

 

 

 Tu écoutais du jazz à côté de études classiques ?

 IO : Oui ma sœur me faisait écouter des disques de Basie ou d’Ella.

  J’ai lu quelque part que tu écoutais aussi beaucoup de pop et, (cela m’a fait plaisir), que tu étais une fan de Genesis

 IO : Ah oui, absolument ! Quand j’entends quelqu’un comme Peter Gabriel, c’est un vrai modèle. Il n’y a rien à jeter. Même ce qu’il a fait récemment c’est génial. Je l’ai vu il y a deux ans et je trouve qu’il évolue extrêmement bien. C’est un artiste en perpétuelle évolution et à la fois scéniquement et musicalement c’est top.

 On te demande souvent s’il est facile pour une femme d’intégrer une formation de jazz, essentiellement masculine. J’aurais plutôt tendance à te demander s’il n’est pas difficile pour un garçon d’intégrer le milieu des harpistes ?

 IO : Ça c’est un cliché. D’abord l’un des plus grands maîtres de la harpe en France est Pierre Jammet à qui nous devons tout. Ensuite moi je vois ce qui se passe dans ma petite ville de Marcoussis. Je suis agréablement stupéfaite de voir que dans cette petite ville j’ai 26 élèves dans ma classe de harpe et qu’il y a beaucoup de garçons.

 On te connaissait surtout pour ton groupe Océan mais en fait tu viens de dévoiler un nouvel aspect de ton travail avec un disque en solo. Ce n’est pas trop risqué un disque en solo à la harpe ?

 IO : c’est un truc de fou tu veux dire. En fait l’idée au départ ne vient pas de moi. J’avais signé un contrat d’artiste avec Nocturne et un jour Yann Martin m’a suggéré l’idée de faire un album en solo. J’étais un peu réticente mais aussi tentée par l’aventure. Du coup j’ai intégré d’autres éléments à mon travail comme la patte de Olivier Sens qui ajoute ses effets électroniques et sa magnifique programmation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Jean Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Concerts :

 

 

 

9/06 : Jazz dans l’Oise – Quintet Océan

 

 

 

10/07 : Jazz à Porquerolles – Quintet Océan

 

 

 

14/08 : Jazz Utopique – Quintet Océan

 

 

 

17/10 : Jazz sur son 31 – Toulouse – Quintet Océan

 

 

 

 

 

 

Albums

 

 

 

« Petite et Grande » - Nocturne 2004

 

 

 

«  Island # 41 » - Nocturne 2005

 

 

 

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6 juin 2006 2 06 /06 /juin /2006 07:19

JJJJ(J) "TIM BERNE’s Caos totale": «  Nice View »

Winter & Winter 1993

 Tim Berne (as), Marc Ducret (g), Steve Swell (tb), Herb Robertson (t), Django Bates (p), Mark Dresser (b), Bobby Previte (dm)

 

 

 

 Sous ces deux titres se trouvent trois plages différentes, trois suites de 21’, 17’ et 38 minutes enregistrées en 1993 pour des sessions produites par Stephan Winter et co produites par Tim Berne. Image fidèle de ce que produisait alors une partie de la scène New Yorkaise post colemanienne faite de furie, de matériau en fusion malaxant le  jazz avec le rock le plus sombre et le plus furieux.

 Trois véritables suites pour formation élargie autour d’une musique écrite autour des pivots que sont Ducret, Bates, Robertson, Berne ou Swell. Chacun apporte là son énergie créatrice, destructrice, sa froide violence voire même son cynisme si l’on en juge par les growls facétieux de Herb Robertson à la trompette. Difficile de rester insensible à ce qui apparaît comme un monument d’écriture où il ne s’agit pas d’une simple alternance de solistes mais d’alternance de séquences incarnées par un instrumentiste dans une sorte de mise en espace, en équilibre, échafaudage incertain des différentes parties du puzzle. Album polychrome assurément où tout semble pouvoir basculer d’un instant à l’autre du calme à la furie satanique menée par un Ducret en super forme. Basculer aussi d’un jazz colemanien au jazz inspiré de Mingus, entre part du soliste et unissons des cuivres. Tim Berne que l’on retrouve pour un époustouflant solo sur le premier thème de l’album (It could have been worse) s’amuse à emboîter les formes les unes dans les autres, les solos répondant aux dialogues qui eux même répondent à l’ensemble uni.  S’amuse à nous dérouter avec des systèmes métriques impairs, des formes polyrythmiques et des harmonies dissonantes sans jamais perdre une rythmique portée par un Bobby Previte qui seul semble garder toujours la tête sur les épaules. Car chacun, alternativement semble perdre le contrôle, Django Bates en tête mais surtout Marc Ducret dans un solo out of control sur The Third rail. Notamment.

 Dans la mouvance de ce que pouvait réaliser John Zorn de l’autre côté de la scène New Yorkaise, Tim Berne réinventait lui aussi une superbe plage du jazz post free. Ce qui l’amènera à créer plus tard Big Satan autre groupe mythique dont les jours se poursuivent encore pour notre plus grand bonheur avec Ducret et le génial Tom Rainey. La révolution New Yorkaise alors était déjà en marche.

"Jean Marc Gelin"

 

 

 

 

 

 

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6 juin 2006 2 06 /06 /juin /2006 07:18

JJJ Susanne Abbuehl: « Compass »

ECM 2006

 

 

 

 

 

 

Avec ce deuxième opus, la chanteuse suisse néerlandaise, Susanne Abbuehl affirme un peu plus son singulier style fait de mots chuchotés, de sons distendus, de notes en suspens, de silences expirés. Elle ouvre tout en légèreté et sensualité un espace où le temps n’est plus une contrainte, où le chant traverse les êtres.  Avec l’auditeur, elle crée une subtile intimité. Un éloge à la lenteur pour mieux toucher notre âme. Le dialogue inspiré des deux clarinettes de Michel Portal et de Chritof May (que l’on regrette de ne retrouver que sur deux morceaux), l’accompagnement religieux et parfois trop sage de Wolfert Brederode au piano ou le jeu aérien de Luca Niggli à la batterie et aux percussions, transcendent un peu plus la poésie de son chant. Son précédent album « April », une véritable perle, sorti en 2001 chez ECM, était un patchwork de chants indiens, de poèmes d’E.E Cummings et de morceaux de Carla Bley, un tourbillon d’émotions et de sons, tout en retenue. Ici, il y a une plus grande unité artistique. Elle nous balade entre jazz et folk songs, du côté de chez Joyce, Berio, Sun Ra, Chick Corea, Feng Meng-Lung, un poète de la dynastie Ming. Ses arrangements comme ses compositions sont dépouillés et sont construits sur des systèmes cycliques : la répétition et le retour du même. Inspirée par ses maîtres, Jeanne Lee et Prabha Atre, qui lui a transmis le chant indien, elle réinvente son propre langage. Un rien mystérieux. Preuve en est cette très personnelle interprétation de « Black is the color…» à mille lieux de l’interprétation free et dramatisée de Patty Waters ou le magnifique «Flamingos Fly», autrefois chanté par Jeanne Lee accompagnée de Ran Blake. Ses confidences nous ensorcèlent jusqu’à l’emprisonnement. De guerre lasse, nous l’abandonnons avant la fin de l’album, pour y revenir plus tard avec la même béate admiration.

 

 

 

Régine Coqueran

 

 

 

 

 

 

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