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16 septembre 2022 5 16 /09 /septembre /2022 09:14

Morphosis 2022
Cedric Hanriot (p, keybd, “design sonore”(?)), Bertrand Beruard (b), Elie Martin Charrière (dms) + Days (vc), Braxton Cook (as), Jason Palmer (tp)


 

Au début de ce nouvel album du pianiste on écoute sans vraiment écouter. Le côté « lounge » est un peu capitonné. Mais petit à petit on sent qu’il se passe quelque chose. Qu’il y a là une matière musicale en création, designée et pétrie avec une belle richesse orchestrale. Et petit à petit on voit que cet album se nimbe de très nombreuses couleurs sur lesquelles s’exprime le pianiste. La matière est mouvante et semble nous échapper si on ne la suit pas attentivement. Y a pas à dire, il se passe un truc ! Peut-être dans les arrangements ? Peut-être dans la façon qu’a le pianiste d’instiller un groove tout en douceur. Et du coup on s’arrête de faire autre chose pour se focaliser sur la musique avec le sentiment de tenir quelque chose de vraiment intéressant. Pas toujours convaincant mais toujours intéressant pour peu que l’on prenne le temps d’en écouter la richesse.

Et lorsque l’on se penche sur la parcours de Cedric Hanriot, on n’est pas surpris de voir qu’il est connecté avec le jazz dit «  moderne » de la scène New-yorkaise. Qu’il a collaboré avec Robert Glasper, Meshell Nedegeocello, Esperanza Spalding ou encore Donny Mc Caslin.

Cedric Hanriot, dont c’est le 2eme album s’impose en ordonnateur du son qui évolue entre jazz, hip hop, grooves urbains.

Et au final on est totalement séduits par cette vraie réussite.

Jean-marc Gelin


https://youtu.be/ZrX_-X-rmrU

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14 septembre 2022 3 14 /09 /septembre /2022 11:53

Charles Llyod (ts, fl), Bill Frisell (g), Thomas Morgan (cb)

Blue Note 2022

 

Avec cet album, le légendaire saxophoniste de Memphis (84 ans) entame son nouveau projet : une série de trois trios différents (" Trio of trios") enregistrés pour le label Blue Note et dont il livre ici la première version. Les deux autres volets paraîtrons rapidement et le prochain, annoncé fin septembre et réunira Gerald Clayton au piano et Anthony Wilson à la guitare.

C’est donc la première partie du tryptique dont il s’agit ici et qui réunit autour de Charles Lloyd, le guitariste Bill Frisell et le contrebassiste Thomas Morgan. Cet album a été enregistré en live dans une chapelle texane en 2018 (d'où le nom de l'album)

 

Et c’est aussi en quelque sorte la découverte de la pierre philosophale. Car la formule est littéralement exceptionnelle. Avec « Chapel » on a le sentiment que Charles Llyod a trouvé l'exact partage des rôles : à Charles Llyod le chant de la mélodie, à Bill Frissell le bleu des harmoniques et à Thomas Morgan la pulse douce. Et tout cela dans une parfaite maîtrise du son et une répartition magique de l'espace.
Il y a de l'air qui passe dans cette musique. De l'air doux qui carresse.

Il y a là une sorte de puissance des sages, celle qu’insuffle Charles Llyod dans cette session. Ainsi sur Blood count de Billy Strayhorn ou encore lorsqu’il
est à la flûte sur Beyond the darkness empreint d'une forme quasi mystique.
Et cette mystique se retrouve aussi par exemple dans le son très coltranien sur song my lady sings après l’introduction du guitariste et qui vient caresser l'âme.
Ce son de Charles Lloyd !! Porteur de tant d’héritage ! Ces ciselures au tracé fin et effilé comme sur cette intro de Ay amor où la mélodie s'installe comme un chant langoureux et amoureux dans des effluves suaves portées aussi par Bill Frisell aux notes plus bleutées que jamais.

 

Charles Llyod déclarait récemment dans le magazine américain downbeat «  it is mystical, but it’s not something we can talk about, it’s something we can be about”

 

Jean-Marc Gelin

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13 septembre 2022 2 13 /09 /septembre /2022 19:39

 Quand Godard engageait Solal…

 

    Sur les conseils de Jean-Pierre Melville, Jean-Luc Godard confia la bande-son d’A bout de souffle en 1959 à un jeune compositeur (même s’il était son aîné de quatre ans), Martial Solal.

 

    La musique contribua largement au succès de ce film vite devenu culte et monument de la Nouvelle vague signé d’un réalisateur qui restera jusqu’à ses dernières œuvres un artiste marginal.

   

Jean-Luc Godard, disparu ce 13 septembre dans sa terre natale helvétique à 91 ans, ne fera pourtant pas à nouveau appel à Martial Solal. Pour le pianiste, qui vient de fêter ses 95 ans, A bout de souffle marquera une étape déterminante dans sa carrière : « C’est comme si j’avais gagné au loto.Ma musique était peut être singulière, elle a correspondu au film et d’autres propositions m’ont été faites. »


    Martial Solal eut ainsi l’occasion d’écrire la musique de Léon Morin prêtre (Jean Pierre Melville,1961) et Échappement libre (Jean Becker,1964), deux longs métrages qui mettent en vedette le héros d’A bout de souffle, Jean-Paul Belmondo.

 

Jean Louis Lemarchand.

 

©photo X. (D.R.)

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10 septembre 2022 6 10 /09 /septembre /2022 14:49

Nonesuch record 2022


Joshua Redman (ts,ss), Brad Mehldau (p), Christian Mc bride (cb), Brian Blade (dms)

 

Suffit-il de surfer sur ses acquis, de reproduire ce qui avait fait un succès précédent pour que tout roule ?
En effet avec la sortie de LongGone, tout semble programmé au départ pour que ce nouvel album se retrouve tout naturellement en tête de gondole. Déjà par le casting avec ce all-star habituel qui se retrouve une nouvelle fois réuni. Cela sonne comme une sorte de rendez-vous auquel les quatre sont maintenant bien habitués. Des sortes de retrouvailles régulières et programmées entre copains et auxquelles on assiste d'abord avec un plaisir d’intié et avec impatience et gourmandise ensuite. Quels copains, faut dire ! Quand on additionne Joshua Redman, Brad Mehldau, Christian Mc Bride et Brian Blade on peut dire que l’on a, en toute simplicité ce qui se fait de mieux dans le genre. Aucun doute là-dessus.

Alors forcément et sans forcer, ça tourne tout seul. Ça vole en pilote atomique. Ils se connaissent, restent en terrain connu et neutre. Pas vraiment question ici de prise de risque, la route est bien balisée.
Quoi de neuf direz-vous ?
Seulement voilà, cette route qui va tout droit, c’est une route en velours, un tapis volant ! Le son de Redman c’est de l’orfèvrerie, du ciselage fin, tout en précision et en douceur. Brad Mehldau quant à lui, c’est un peu son moment de récré, son retour aux fondamentaux, un moment de total lâcher prise parce que voilà, on est entre copains et que l’on revient naturellement aux fondamentaux. Brian Blade et Christian Mc Bride, c’est l’écrin, la truc qui enveloppe le tout dans du papier de soie. Métronomique.
Au final le plaisir est intact de les écouter encore tutoyer les sommets avec un tel plaisir et une telle facilité qu'on ne peut que se laisser aller. A l'aise !
Jean-Marc Gelin

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9 septembre 2022 5 09 /09 /septembre /2022 12:06

MICAH THOMAS : «  Piano solo »

LP3 45 2022

Micah Thomas (p)

 

Lorsque le jeune pianiste de 23 alors entre dans le studio de Brooklyn en octobre 2020, il ne s’agissait au départ que d’enregistrer que 5 titres. Et là se produit une sorte de miracle. Ces 5 premiers titres, tous enregistrés en une seule prise atteignent un tel niveau que tout le monde dans le studio est stupéfait. Changement de programme immédiat. Il n’est pas question d’interrompre un tel moment de grâce. La production décide d’allonger la séance et de capter 12 titres ( toujours en first take) pour livrer au final un double album. Le premier du pianiste. Le moment était rare, exceptionnel. Une sorte de moment de grâce.

 

Alors, autant le dire tout de suite, ce qui vient de nous arriver de la part de ce jeune pianiste américain que nous ne connaissions quasiment pas ( si ce n’est par sa participation aux côtés de musiciens comme Immanuel Wilkins ou JD Allen), c’est une bombe !  Un moment de musique littéralement EXCEPTIONNEL.

 

Micah Thomas signe donc ici son premier (double) album en solo autour des grands standards du real book. Et dans cet exercice, malgré son jeune âge il assume totalement l’école des grands classiques et des maîtres. La révérence envers Art Tatum y est évidente. Beaucoup parlent de la maturité du jeune pianiste. De notre côté c’est moins cela qui nous frappe. C’est surtout son intelligence de jeu et son incroyable fraîcheur. Car tout y est !

Micah Thomas se joue des harmonies pour réinventer sans jamais travestir ces thèmes que l’on connaît par cœur. Sa science de l’improvisation au cours de ces sessions est littéralement sidérante, tournant toujours autour de la mélodie avec un appétit et une sorte de curiosité gourmande. Son attaque si légère et souple du clavier laisse imaginer qu’il ne s’agit que du prolongement organique de sa main et donc de son cerveau et donc par voie de conséquence de son cœur. Les phrases déliées s’enchaînent avec une vélocité qui est tout sauf virtuose ( The way you look tonight) et avec une intelligence harmonique hors du commun. Une sience du placement aussi, qui impressionne. Et quand il attaque des thèmes au tempo plus lent, c’est comme si son art de l’improvisation nous révélait d’un coup toutes les richesses que nous n’avions pas vues avant ( April in paris, Autumn in New york, Estate….). Comme un redécouverte de ces thèmes dont les détours qu’il prend nous semblent d’une absolue évidence. Ecoutez l’intro sur Over the rainbow et vous en aurez la parfaite illustration.

Si maturité il y a, c’est que l’on s’attend pour tel chef d’œuvre à ce que le pianiste soit un maestro ayant déjà bourlingué et exploré tous les territoires du piano jazz. On ne peut donc être qu’ interloqués qu’à cet âge il ait déjà si bien assimilé l’essence de ce jazz.

Mais au final tout cela n’est pas bien important. Ce qui importe c’est que Micah Thomas, porteur et passeur de cette tradition du jazz nous ramène avec un incroyable brio et avec une générosité à fleur de peau aux fondamentaux de cette musique. Elle est d’une évidence lumineuse. Elle rend heureux.

 

Pour son premier album, Micah Thomas signe tout simplement un chef d’œuvre.

Déjà incontournable !

Jean-Marc Gelin

 

Lien radio France . Open Jazz juin 2020

https://www.radiofrance.fr/francemusique/podcasts/open-jazz/micah-thomas-la-nouvelle-vague-du-piano-4637006

 

 

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8 septembre 2022 4 08 /09 /septembre /2022 18:47
Clément JANINET  O.U.R.S  Ornette Under The Repetitive Skies III

 

CLEMENT JANINET  O.U.R.S

ORNETTE COLEMAN UNDER THE REPETITIVE SKIES III

 

A paraître le 08/09/2022

LABEL BMC/ L’Autre Distribution

 

On avait aimé Clément Janinet dans le spirituel trio chambriste de la Litanie des Cimes quand il prenait de la hauteur sur la canopée. O.U.R.S est une autre formation du violoniste qui continue sur sa lancée avec ce troisième album après le premier en 2018 sur le label Gigantonium, Danse en 2020, cette fois sur le label hongrois BMC en explicitant l’acronyme soit Ornette Under Repetitive Skies III.

Le quartet installe une singulière poétique musicale poursuivant son exploration avec une écriture plus dense, contenue, subtile aussi. Avec leur solide background respectif, ces musiciens, venant des courants les plus intéressants de ces dernières années, que ce soit Radiation X, Coax, ou l’O.N.J d’Olivier Benoît, avancent de front sur un chemin balisé en se permettant écarts et pas de côté, en référence au doux saxophoniste texan qui bouscula les règles en son temps.

Le style ne doit pas tout à Clément Janinet, compositeur de cinq des six titres qui prennent leur temps pour se développer. La qualité évidente de la musique vient du travail collectif, de cet ajustement spontané et complice exaltant les textures,  timbres des instruments, les couleurs des percussions que chacun pratique à son tour, sans oublier certains soli instrumentaux du soufflant Hugues Mayot.

 Amoureux des cordes, Clément Janinet délaisse parfois son violon, ne prenant pas le rôle d’un soliste en renfort du sax, aimant au contraire s’amuser d’alliages nouveaux, quand il redécouvre la mandoline, plus que rare en jazz et en use avec bonheur.Pour rester dans le paradoxe, c’est peut être lui que l’on entendrait le moins au violon, même si le premier titre, le plus long, près de 13 minutes, “3rd meditation” annonce le concept : il s’agit vraiment de musique répétitive, grands traits d’archet, jets continus sans juxtapositions bizarres, juste des nuances introduisant les micro-variations, changements infimes de cellules redondantes, de fragments qui se répètent presqu’à l’infini. C’est Hugues Mayot qui interrompt la cadence après plus de 7 minutes, survolant en une ligne qui bifurque à la dixième minute en un unisson épatant. Une tension et une puissance dramatique certaines caractérisent ce début d’album. Le saxophoniste a une virtuosité rétro faisant résonner des échos coltraniens.

Mais l’album se révèle un modèle d’équilibre et de cohérence dans son montage alternant pourtant climats et tempi, comme le “Quiet Night” qui suit, tout doux, mélodique, charmeur avec une ligne de mandoline délicate. La finesse des timbres, le jeu qui passe rarement en force avec l’entrée du saxophone, la contrebasse discrète qui assure en accord avec la batterie donne à cette berceuse un air de veillée western.

"Haze" joue en écho (hendrixien) avec “Purple blues”, titre suivant, blues sombre et pourtant lumineux, un clair-obscur où le temps s’étire. Haze se répand en une brume légère, vaporeuse et planante sur la première partie de la compositon. Surgit au mitan une rupture brutale, un dérèglement contrôlé d' Hugues Mayot et Emmanuel Scarpa induisant une transe convulsive. Cette échappée free passe bien mais ce sont les moments calmes qui nous emportent, les musiciens conduisent la narration en agents climatiques, soufflant le chaud et le froid à l’envie.

La contrebasse de Joachim Florent s’exalte doucement, les esprits s’apaisent sur un “Ouagadougou” d’une mélancolie exquise. Le dernier titre enfin "Obidi" avec la voix de ZE Jam Afane nous entraîne sur des rythmes de l’Afrique de l’ouest, à contre courant de certains clichés, dans un “jazz de griot”, expression des plus exactes de l’auteur des liner-notes, par ailleurs remarquables, Guillaume Malvoisin.

Dans cette parade mystique, intrigante au final, dans cette assimilation décomplexée de courants divers, les musiciens cherchent-ils “the ancient melodies of the future”? On ne sait jamais où l’on s’ aventure avec ces quatre compères qui contrôlent leurs interactions, surprenantes parfois, évocatrices en tous les cas. Cet O.U.R.S mérite assurément d’être suivi de près.

Sophie Chambon

 

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5 septembre 2022 1 05 /09 /septembre /2022 19:00
MARC VILLARD L'homme aux doigts d'or

 

 

 

Marc Villard    L’homme aux doigts d’or

 

 

 

Sorti en octobre 2021  Marc Villard

Editions Cohen&CohenCohen & Cohen | Edition (cohen-cohen.fr)

 

 

Profitons de cette fin d'été pour revenir sur l’une de mes    découvertes, le recueil de nouvelles de Marc Villard intitulé L'Homme aux doigts d'or. Intriguée par le titre, mon oeil avait été attiré par Gas (1940) d’ Edward Hopper qui ornait jaquette et couverture du livre. Logique puisque le peintre était le personnage principal de deux courts récits dont celui qui commence le recueil, Rue des Lombards. Et la maison d’édition du recueil Cohen&Cohen est dédiée aux livres d’art sous toutes ses formes. 

Je ne connaissais pas tous les talents de Marc Villard, graphiste après ses études à l’école Estienne, ayant d’ailleurs travaillé avec des dessinateurs, poète, scénariste de Neige (1981) de la regrettée Juliet Berto, une histoire d’amour et de drogue, déjà un film noir. Auteur de polars, adepte de l’écriture à quatre mains avec son ami JB Pouy, le créateur du Poulpe, j’avais cependant gardé son nom dans un coin de ma mémoire ayant lu dans le temps ses microfictions dans le magazine Jazzman.

Les dix nouvelles inédites pour la plupart sont ramassées en un recueil qu’on ne lâche pas après l’avoir commencé. Avec pertinence, le titre indique l' hommage à de chers disparus Miles, Chet, Hopper mais aussi à de parfaits inconnus, photographe, journaliste, cireur de chaussures... Si tous ces personnages ne font qu’un petit tour de piste, leur apparition s’imprime en nous. Ce livre est à sa façon un roman, une déclaration d’amour au jazz, à la musique, au cinéma, à la peinture, au roman noir. D’une juste longueur, ces histoires courtes nous entraînent de Paris à New York, du Portugal au Mexique, exotiques sans être une ode au voyage touristique. Une ville, ses habitants prennent corps peu à peu, le narrateur se fond dans le paysage, en retrait mais témoin essentiel. Une certaine urgence de dire comme on vit, on meurt aussi. Au sein de ce recueil consistant, cohérent, point une certaine inquiétude, on sent que tout peut arriver.

 

On voudrait dire le plaisir pris à la lecture de ces textes, ce "patchwork in progress", passementerie de mentir-vrai. Marc Villard choisit de raconter des fragments de vie, même si les motifs qui l’inspirent illustrent la bizarrerie humaine. Mais pour utiliser ces détails du quotidien, il s’adosse à une réalité documentée soigneusement. L’amateur de jazz et de roman noir y trouvera son compte. En fin limier, il partira à la suite des indices glissés le long des nouvelles. Ainsi un tableau, une photo ou un standard de jazz, une anecdote biographique peuvent l’inspirer. A l’origine de la nouvelle éponyme “l’Homme aux doigts d’or”, c’est le tableau Chop Suey qui l’inspire au point qu’il met en scène l’argument peint sur la toile d’Hopper. On est en 1929. Et on apprend au passage que l’acteur Boris Karloff, inoubliable Frankestein, habitait l’immeuble Dakota à la vue imprenable sur Central Park (où vécurent d’ailleurs plus tard Bernstein et Lennon).

Chet Baker ne joue pas vraiment du  jazz quand il cachetonne dans Tequila”, mais lors d’un mémorable passage à tabac, il se fait démolir dents et mâchoire, après avoir balancé dealers et autres amis toxicos. Sec, précis, cassant!

Thelonious Monk dans la Bentley grise de la baronne Nica, souvent garée devant les clubs de jazz, s’arrête cette fois devant la boutique d’un tailleur de Chelsea pour se faire confectionner la chapka en astrakan (qu’il porte dans certains concerts). C’est l’époque de Misterioso, sorti en 1958 chez Riverside et il joue “Just you, Just me” devant la nièce du tailleur.

Miles Davis, sapé comme un milord, s’apprête à poser pour une pub Honda pour un scooter. Il écoute les prises récentes du “You’re under arrest”(1985), où il trouve (et ce détail est attesté dans ma bible, le Miles Davis de A à Z de Franck Bergerot) que Scofield joue derrière le temps. A partir de là, l’auteur imagine une aventure où un yakusa vengeur menace Miles jusque dans son appartement de la 5ème avenue. 

C’est que sa fine connaissance de l’écriture de scénarios permet à Marc Villard de construire une histoire structurée et de ne pas s’intéresser au seul décor (qu’il excelle à rendre), ce qui peut être un écueil dans l’exercice de la nouvelle. Efficace sans être sec, il sait ne garder que l’épine dorsale, resserrer le texte à l’essentiel. En partant d’une idée simple, il ne s’engage pas dans des tunnels descriptifs, révélant tous les détails de l’intrigue. Comme avec les standards du jazz, il glisse dans sa propre écriture ses obsessions en respectant les codes du genre. Sans naïveté mais sans cynisme, la plume légère et profonde de l’auteur glisse sur les angoisses, les fragilités, les échecs. Des échos résonnent, éclats d’identités, facettes de personnages qui s’agrègent en mosaïque. Une essentielle mise à plat, éclairante, avec un refus du lyrisme, portée par une écriture limpide, prenante, rythmée. Une écriture musicale où le son primerait sur le reste? De plus en plus net au fil des pages, se dessine une ligne de force autobiographique. Car, à travers toutes ses figures si bien croquées, se dessine le portrait en creux de l’auteur. Un effet miroir assuré, assumé et un lien fort entre génération d’amateurs de jazz, de cinéma, de peinture.

 

Sophie Chambon


 


 

 

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4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 09:20

Jazz Family 2022
Fred Nardin (p), Or Bareket (cb), Leon Parker (dms)



 

Cette semaine est à coup sûr marquée par la sortie du premier enregistrement live de Fred Nardin à l’occasion du concert donné au Sunside, le célèbre club parisien de la rue des Lombards en février 2020 avec la somptueuse rythmique qui l’accompagne depuis bientôt 5 ans. Quasiment deux sets intégraux pour ce double album de bout en bout JOU-IS-SIF !

Quel enregistrement ! Comme on le dit souvent dans ces colonnes : de ces enregistrements qui vous font regretter de ne pas avoir été présents.

Car le moins que l’on puisse dire c’est que le « live » va comme un gant à ce trio de rêve qui semble se sentir sur scène comme des poissons dans l’eau. Dans leur environnement naturel. Et forcément lorsqu’une telle osmose rejoint un tel niveau de jeu, il y a de la jubilation dans l’air.

Avec Fred Nardin c’est l’élégance au piano qui se marie naturellement avec la virtuosité. Toute l’histoire du jazz et de ses 88 touches au bout de ses doigts. Qu’il s’agisse de ses propres compositions ou de celles de quelques-uns de ses maîtres (Kenny Barron, Monk ou Ornette Coleman), ses illustres influences s'affichent naturellement et se mêlent au gré des improvisations ( géniales) ou de quelques clins d’œil jetés à la volée d’une phrase musicale. Lorsque l’on entend Green chimneys avec sa science des silences et des respirations, on a l’impression que Monk vient de rencontrer Ahmad Jamal. Lorsque l’on écoute The Giant on pense à Mc Coy Tyner. Et lorsqu’il s’agit d’un autre «  standard » de Monk, Fred Nardin se le réapproprie à merveille pour l’emmener ailleurs ( I mean You). On pourrait multiplier à l’infini toutes les références auxquelles on pense. Mais ce qui frappe surtout c’est la formidable énergie et la liberté avec laquelle se déploie le jeu totalement bluffant de Fred Nardin. Où le groove totalement irrésistible de Don’t forget the blues se marie avec de superbes compositions comme New Waltz.

C’est d’une énergie collective dont il s’agit. Une sorte de jouissance partagée entre les trois. Il y a de la joie et du bonheur de jouer ensemble. Et avec la joie va justement…l’énergie. On a l’impression qu’ils pourraient jouer des jours durant avant qu’elle ne retombe. Il faut dire que Nardin peut s’appuyer sur un rythmique de très très haut vol. De ce genre de rythmique qui permet au pianiste de risquer, de s’aventurer et d'aller partout. Une rythmique tout terrains. Le son et la pulse de Bareket contribuent à la mise en tension de l’ensemble et l’art du drive et de la relance de Leon parker apportent un autre point d’ancrage, celui d’un groove qui ne débande pas.
Et tout cela enveloppé dans un superbe écrin d'une prise de son impeccable.

Ce concert dans votre salon, comme si vous y étiez.

Lorsque dans ce jazz, on entend le très palpable plaisir de jouer et que l’incroyable talent est ainsi partagé, il n’y a plus qu’un seul mot : Jubilatoire !
Jean-Marc Gelin

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1 septembre 2022 4 01 /09 /septembre /2022 21:47
BORDER JAZZ
La Fabrica’son 2022
Sebastien Paindestre (p), Nicolas Prost (sax) + invités
Anne Lacapelain, Chloe Cailleton, Gwendeline Lumaret, Timoty McAllister,Stéphane Collin, Hirokazu Ishida, Christophe Panzani, Nicolas Chelly, Florian Bellecourt, Olivier Calmel, Dave Shroeder, Marc Burronfonsse, Bruno Shorp, Stephane Chandelier, Frederic Delestré, Hidehiko Kan.

 


Le Paindestre est un animal musical bien particulier.  Impossible à traquer. Jamais là où on l'attend.
On l'avait pourtant laissé dans un format jazz très straight accompagné d’une rythmique de rêve avec Atlantico et on l'attend là, tout prochainement dans un univers plus pop avec la suite de son hommage à Radiohead (Amnesiac quartet). Et voilà qu’il revient brouiller une nouvelle fois les pistes avec un nouvel album radicalement inclassable. Pour cet amoureux des astres de l'univers, il nous arrive en effet avec une sorte d'OVNI musical sorti de nulle part. Une sorte d’objet non identifié et hybride. Insaisissable.
D'où, vous le comprenez, la difficulté d'en parler savamment.

Car cet album n'est pas genré (pour reprendre un terme assez usité ces temps-ci). Il n'est ni jazz ni classique mais un peu des deux à la fois. Tout d'abord par son casting qui associe au pianiste le très grand saxophoniste classique Nicolas Prost. Ensuite par le matériau de cet album qui réalise la performance d'avoir commandé aux plus grands jazzmen actuels des compositions spécialement écrites pour eux deux et que ces grands noms du jazz, en pleine période de confinement on accepté d'écrire. Ce sont donc Chris Potter, James Carter, Ibrahim Maalouf, Bojan Z, Baptiste Herbin, Alban Darche, John Helliwell, Franck Tortiller, Stephane Collin, Dave Schroeder, Olivier Calmel qui, tous ont accepté d'écrire pour eux. Excusez du peu. 3 morceaux font exception et sont tiré du répertoire de Michel Portal ( Cuba si, Cuba no), Henri Texier (Amir) et Baptiste Trottignon  (The dream is gone).

Et si tout cela ne suffisait pas pour brouiller les pistes, Sebastien Paindestre et Nicolas Prost ne jouent pas qu’en duo mais associent pour plusieurs morceaux pas moins de 17 musiciens invités.

Entre Sébastien Paindestre et Nicolas Prost on entend les attractions contraires et l’on voit les formes paradoxales. Ainsi Nicolas Prost habitué au format très écrit du classique se montre florissant dans l'improvisation (comme s'il était tombé dedans étant petit), s’immergeant totalement et tel un caméleon dans l’esthétique et le son du jazz. Il n'est que de l'entendre sur cette compo de James Carter (sax sketch) ! La liberté du jazz :  même pas peur ! Quant à Sebastien Paindestre, habitué aux combos de jazz qui manient l’improvisation par coeur sur des formats habituels (l’éternel AABA), il semble rompu à l'écriture classique comme s’il s’agissait d’une seconde nature. C’est donc bien de l’attraction des contraires qu’il s’agit ici. Et le résultat est capitvant. L’intérêt sans cesse renouvelé pour cette nouvelle forme. Les sens en éveil pour un album qui ne cesse de dérouter et de surprendre voire de bousculer nos habitudes d’auditeur bien catégoriés.
Des moments superbes émergent comme ce Frequent Flower (à la Strayhorn, un petit peu) où l'entente des deux s'y fait fusionnelle. Ou encore ce Festive Toccata signé d'Olivier Calmel et riche sur la plan orchestral et harmonique.
C'est parce qu'il est inclassable que cet album est aventureux. Un album qui prend des risques. Et les puristes qui ont besoin de repères, qu'ils se disent que la prise de risque et l'aventure, c'est déjà être libre.
A découvrir avec autant de fascination que de curiosité.
Jm Gelin

https://youtu.be/kPJ6TFVYQOA

Sorties d'album
- 24/09 au Sunside
- 4/10 au Comptoir en 1ere partie d'Amnesiac quartet
 
 
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29 août 2022 1 29 /08 /août /2022 15:38

ENRICO RAVA/ FRED HERSCH : " The song is you"
ECM 2022
Enrico Rava (bugle), Fred Hersch (p)



Les duos dans le jazz ne se comptent plus. Pas plus que les duos piano/trompette.

Mais rares sont ceux qui sont marqués par autant de complicité, d'écoute, d'intelligence musicale et de sensibilité que celui qui réunit le trompettiste italien Enrico Rava (83 ans) et le pianiste américain Fred Hersch (67 ans).
L'un comme l'autre sont déjà entrés dans la légende du jazz. L'un comme l'autre ont à leur actif d'avoir à peu près tout connu de cette musique et sous toutes ses formes.
Leur rencontre semblait donc inévitable sous la houlette bienveillante de Manfreid Eicher, grand ordonnateur de telles rencontres sous les auspices de son label ECM. L’italien signe sur ce label depuis plus de 50 ans alors que pour le pianiste américain il s’agit du 1er enregistrement pour ECM.
Cette rencontre est marquée du sceau de la magie. Elle est de l'ordre de l'intime. Elle procède de cette alchimie où les deux personnalités pourtant si musicalement différentes se retrouvent autour de leur amour des mélodies qu’il s’agisse de standards ou de leurs propres compositions. Pas question ici de laisser leur identité au placard. Il s’agit au contraire de mettre celle-ci en fusion avec celle de l'autre.
La base, le socle ce sont ces thèmes qu'ils aiment tous les deux et sur lesquelles s'expriment une sensibilité palpable. Ce sont de la part de chacun de véritables déclarations d'amour à ces chansons qui d'une manière ou d'une autre ont contribué à faire d'eux ce qu'ils sont : des géants.

L’album est beau. Juste beau en ce sens qu’il touche au cœur. Pas forcément un immense disque mais une promesse : celle d’autres collaborations entre ces deux monuments du jazz.

Jean-Marc Gelin

 

 

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