Pierre FARGETON, « Mi-Figue, Mi-Raisin, Hugues Panassié - André Hodeir, correspondance de deux frères ennemis (1940-1948) suivi de Exégèse d’un théologien du jazz, la pensée d’Hugues Panassié en son temps ».
Editions Outre Mesure. Collection Jazz en France.
Septembre 2020. 540 pages.
Le titre fait évidemment référence au conflit idéologique qui déchira la jazzosphère française de l’après-guerre 39-45 lors de l’avènement du be-bop entre les « figues moisies », traditionnalistes avec Hugues Panassié en chef de file, et les « raisins aigres », progressistes comptant parmi leurs leaders, Charles Delaunay, Frank Ténot, Boris Vian, mais aussi André Hodeir.
Les échanges de lettres entre Panassié et Hodeir nous étaient connus. Le jeune Hodeir (19 ans) avait dès 1940 contacté son aîné de neuf ans, auteur de Le Jazz Hot en 1934 et pilier du Hot Club de France pour lui demander conseils et avis.Mais leur teneur exacte nous en restait jusqu’à présent inconnue. Une partie du voile est aujourd’hui levée grâce à l’universitaire Pierre Fargeton, auteur d’une biographie d’André Hodeir (André Hodeir, le jazz et son double. Ed Symétrie. 2017.), couronnée par l’Académie du Jazz. Au décès d’André Hodeir (1921-2011), Fargeton a retrouvé dans les archives de ce dernier les lettres d’Hugues Panassié (1912-1974), exactement 43, dont 38 échangées entre 1940 et 1942 et 5 pour la période 1947-1948 quand faisait rage « la guerre du jazz ».
Certes, il manque les écrits d’André Hodeir sur lesquels le mystère reste entier (ont-ils été jetés, brulés ou simplement égarés ?). Cette « moitié de correspondance » selon les termes de Pierre Fargeton n’en reste pas moins un document rare et éclairant sur la relation entre deux hommes qui passera d’une « complicité de jeunesse » à un affrontement idéologique « farouche et définitif » en 1948 quand André Hodeir assure la rédaction en chef de Jazz Hot.
Chacune des lettres présentées bénéficie en effet de notes riches de l’auteur permettant de mettre en situation les propos d’Hugues Panassié. Globalement, la teneur de ces lettres passe d’annotations minutieuses et argumentées de disques, en réponse aux questions d’André Hodeir, dans la première période (1940-42) à des propos virulents, voire insultants à l’égard des « progressistes » que sont Delaunay, Ténot, Vian (qualifiés entre autres noms d’oiseau de « nullités ») dans les années 47-48.
Après qu’Hodeir ait mis en doute la sincérité de Panassié dans cette guérilla bourbeuse voire fangeuse, la correspondance s’arrête au printemps 1948 (« Puisque vous désirez interrompre là notre correspondance, interrompons », écrit le 17 mars Panassié).
Dans cette « brique » de plus de 540 pages, plus des deux tiers sont consacrées à une « exégèse d’un théologien du jazz ». Sur la base des écrits d’Hugues Panassié, Pierre Fargeton se livre à une analyse à partir du questionnement suivant : « quels principes préexistants, dans un esprit profondément religieux, vont pousser le jeune homme de 18 ans qui entre en critique musicale à plaquer sur son objet une vision du monde qui n’avait nullement besoin du jazz pour exister et qui pourtant, au prix de contorsions intellectuelles plus ou moins paradoxales, va faire de celui-ci (le jazz) le symbole par excellence de la contestation du monde moderne ».
L’ouvrage, une somme d’informations, s’achève par un coup de projecteur sur la vie personnelle d’Hugues Panassié entre 1936 et 1947 (date de la scission dans le jazz français entre conservateurs et progressistes). « Alors que la catholicité exemplaire dont se réclame Panassié pourrait laisser supposer une vie aussi exemplaire sur le plan de la morale chrétienne du temps, sa vie privée, note l’auteur, regorge au contraire de turpitudes, d’opprobres et de scandales successifs ». Le lecteur est ainsi conduit à suivre par le menu une chronique de la vie sentimentale agitée du « Pape de Montauban », ses relations orageuses avec son épouse, Lucienne qui mènent à un divorce en 1947, sa passion pour Madeleine Gautier, sa maîtresse depuis les années 30, épousée en 1949.
De la chronique musicale à la rubrique des faits divers avec une incursion dans la religion et la politique, cette immersion dans la vie d’Hugues Panassié vous saisit, vous irrite, vous révolte, vous intrigue. Pierre Fargeton nous livre une étude qui fera date dans l’histoire du jazz en France.
Au moment où l’on apprend qu’à la suite de deux accidents vasculaires cérébraux, Keith Jarrett ne pourra plus jamais jouer de piano, il m’apparaît opportun de publier le premier des trois entretiens que le pianiste avait accepté de m’accorder, à Juan-les-Pins en 1974 où il se produisait en solo au Palais des congrès. Je me souviens très bien que, suite à un flash surgi dans le public ce jour-là, il s’est arrêté de jouer, a pris le micro et s’est lancé dans une longue diatribe contre les photographes prenant des images lors d’un concert en solo, ce qui n’était pas totalement injustifié à vrai dire. Dans cet entretien, il parle de son passage dans les Jazz Messengers d’Art Blakey, au sein du quartette de Charles Lloyd (ils se produisent à Antibes en 1966) et du groupe “électrique” de Miles Davis. Entre temps, il enregistre en 1971 “Facing You” (puis “The Köln Concert” en 1975) chez ECM et devient une star du piano et une sorte d’objet de culte pour un public de plus en plus large. Un peu plus tard, il alterne quartettes européen et américain, écrit et interprète des pièces pour orchestre symphonique ou orchestre de chambre, enregistre sur de grandes orgues (1976) et même le “Clavier bien tempéré” de Bach au clavecin (1988). Dans les années 2000 se succèdent disques et concerts en solo, en trio (avec Gary Peacock et Jack DeJohnette) ou, parfois, en duo avec Charlie Haden.
Pour la première fois en France, lors du Festival d’Antibes 1973, Keith Jarrett, vous avez joué en solo. Que représente pour vous le piano solo ?
Le piano solo est une expérience unique. Si un pianiste qui joue habituellement en trio se met à jouer en solo exactement de la même façon, alors ce n’est pas la peine, il n’a aucune raison de jouer en solo. Mais si le piano solo est pour lui un monde complètement différent, alors il doit le faire. Je pense que les pianistes qui ne peuvent pas jouer en solo ne sont pas des pianistes. La section rythmique n’est qu’un groupe d’instruments que la tradition du jazz a perpétué — je suis en train d’écrire des pièces pour cordes où il n’y aura pas de section rythmique. On me demandera peut-être « Pourquoi n’y a-t-il pas de section rythmique ? » Mais pourquoi doit-il y en avoir une ? Je n’ai jamais compris…
Pendant vos concerts, les mouvements de votre corps semblent suivre le déroulement de votre musique…
C’est la seule chose que j’aie qui puisse donner à la musique la force dont elle a besoin, qui puisse traduire la force de la musique. Mon corps est engagé dans la musique… ll ne faut pas oublier que le piano, instrument de tradition occidentale. exige beaucoup de force. Il y a des instruments qui n’en exigent pas autant, le sitar par exemple : vous pouvez utiliser chaque muscle de votre corps, vous ne tirerez pas plus de son des cordes. ll faut bien avoir présent à l’esprit, en fonction de ce que vous jouez, qu’il y a des instruments qui ne réclament pas ça — vous pouvez sauter en jouant du violon. ça ne vous aidera pas à le faire sonner.
Comment en êtes-vous venu à jouer du saxophone soprano et de la flûte ?
C’est parce que j’avais assez d’entendre le son du trio avec piano. J’ai essayé de sortir de ce contexte lorsque nous étions trois. J’ai aussi pensé aux moments où nous trouverions des salles de concert avec de très mauvais pianos — le fait de pouvoir jouer d’autres instruments constituait en quelque sorte une sécurité. Et puis le piano est limité, comme tous les instruments. Il y a des sons que je voulais entendre et que je ne pouvais obtenir qu’à partir d’autres instruments. D’autre part, désirant écrire pour d’autres instruments que le piano, je devais en avoir une certaine connaissance. Je crois que c’est une chose que beaucoup de gens ont oubliée aujourd’hui : quand on écrit de la musique. quel que soit le groupe que l’on ait, on n’écrit pas pour le groupe. on écrit à partir de l’instrument dont on joue.
Comment composez-vous ? Est-ce un travail quotidien?
Je ne travaille tous les jours que lorsqu’il s’agit de pièces symphoniques qui réclament beaucoup de temps, comme pour écrire un livre — on ne peut pas se dire : « L’enregistrement a lieu dans six mois. j’attendrai le cinquième mois pour commencer d’écrire ». Avec le quartette, en revanche, c’est une chose que je peux faire — je peux écrire tout un disque en une semaine, trois jours, peut-être même deux heures. Tandis que si j’écris pour de plus grands orchestres, nécessitant des arrangements précis. je peux y passer un an.
Comment avez-vous été amené à la musique ?
J’ai appris la musique en même temps que j’ai appris à parler. Mes parents ne sont pas musiciens mais, pour plusieurs raisons, j’ai commencé très tôt. Apprenant ces deux langages en même temps, j’ai réalisé à quel point la musique permettait de s’exprimer davantage que les mots. Tous mes amis n’apprenaient qu’un langage — les mots, l’anglais — et je me rendais compte qu’ils n’acquéraient absolument pas les choses que j’acquérais en étudiant la musique. Ça fait donc pas mal de temps que je joue maintenant, et il n’y a qu’une chose qui pourrait me faire arrêter la musique : quelque chose qui me serait plus nécessaire que la musique, je ne sais pas exactement quoi mais je sais que c’est possible — je dois me nourrir et la musique m’a toujours nourri, mais il s’agit d’une musique jouée avec des notes concrètes, physiques, sur un instrument qui appartient à cette planète Terre, et je ne pense pas qu’il soit impossible que l’on ait besoin un jour d’une nourriture plus consistante, moins matérielle… En ce moment je suis en train d’enregistrer de la musique écrite par d’autres compositeurs…
S’agit-il de jazz?
Non. Vous savez, il n’y a pas beaucoup de compositeurs dans le jazz, je veux dire de vrais compositeurs. Il y a des gens qui écrivent, mais composer est autre chose, c’est comme peindre une toile, ça ne peut pas prendre deux minutes. C’est un travail lent, élaboré, difficile, qui se fait avec beaucoup de peine et très peu de sécurité. Aussi, quand je parle de « compositeur », je pense à quelqu’un qui ne fait qu’écrire de la musique et qui n’est pas un musicien de jazz…
Vivez-vous de votre musique aux Etats-Unis ?
Oui, je suis complètement indépendant, mais pas depuis très longtemps — depuis l’an dernier — je n’ai jamais fait quelque chose que je ne voulais pas faire. D’ailleurs, je n’ai jamais vraiment fait quelque chose d’important que je ne voulais pas faire, sauf peut-être quelques trucs qui n’étaient pas compromettants et me faisaient gagner de l’argent. Mais aujourd’hui je n’ai plus besoin de faire ça…
Que pensez-vous de la situation actuelle de la scène musicale newyorkaise ?
New York n’est plus « la » scène du jazz, c’est une ville comme les autres. Rien de plus qu’ailleurs ne s’y passe. La seule différence, c’est que beaucoup plus de musiciens y sont concentrés, mais je n’utilise pas ce mot avec un « m » majuscule. Je pense qu’il n’y a plus de « centre du jazz » et je trouve ça bien. Sauf qu’il est plus difficile aujourd’hui de remplir une salle…
De plus, beaucoup de musiciens newyorkais se plaignent de ne pas trouver de travail…
Je pense que tout musicien sincère, conscient et fort peut trouver du travail sans problème. Si quelqu’un est conscient, ça signifie qu’il sait quoi faire, ça ne veut pas seulement dire qu’il peut jouer de la bonne musique, il doit aussi savoir quoi faire de cette musique, savoir où il ne peut pas aller et où il doit aller… Il sait peut-être aussi qu’il devrait s’arrêter de jouer un moment. ll ne doit pas suivre les mêmes lignes que tous les autres, parce qu’il n’est pas le même individu que les autres. C’est pourtant simple — mais personne ne semble s’en rendre compte. Les groupes et les musiciens ne font que monter et descendre. Plus ils montent vite, plus ils descendent vite. Les gens ont la mémoire courte — sinon nous, les musiciens, ne ferions pas toutes ces erreurs. A côté de ça, selon les critères occidentaux, les artistes sont des gens spéciaux, ils ont un talent spécial, magique, et ce qui est dur pour les artistes, c’est qu’ils voudraient bien dire : « Oui, c’est vrai. nous sommes spéciaux… ». Il est plus facile d’être humble si l’on n’est pas un artiste…
Vous êtes venu pour la première fois en France avec le groupe du saxophoniste Charles Lloyd…
Quand j’ai commencé de jouer avec lui, il jouait une musique que je trouvais très belle, très fraîche. Je ne vous dirai pas que c’est le plus fantastique saxophoniste que j’aie jamais entendu, mais il sentait d’une façon très profonde ce qu’il faisait. J’ai joué avec lui pour des raisons très simples : je voulais jouer et j’étais disponible. Mon premier engagement avait été avec Art Blakey. J’ai quitté Blakey à Boston parce que son manager était complètement idiot, je ne pouvais pas supporter la façon dont ils s’occupaient — ou plutôt ne s’occupaient pas — des affaires. Je l’ai quitté et le surlendemain je jouais avec Charles. Au même moment, j’ai formé mon propre trio. Puis j’ai travaillé avec Miles…
Vous jouiez du piano électrique avec Miles Davis…
Oui, mais je ne me suis pas mis à apprendre le piano électrique. J’en jouais avec Miles, c’est tout. Comme il voulait un piano électrique, je n’allais pas pleurnicher auprès de lui et lui dire : « Miles, si tu n’as pas de piano acoustique je ne jouerai pas avec toi ! », d’autant plus qu’un piano acoustique dans son groupe à cette époque serait tombé à côté — c’était sa musique et il jouait encore de la trompette, tout ce qu’il en faisait restait quand même de la trompette. J’ai fait partie de cet orchestre pour deux raisons : je détestais l’orchestre juste avant d’y entrer, je le trouvais terriblement mauvais. mais je connaissais Jack Delohnette, qui jouait très, très bien, et je voulais jouer avec lui. J’aimais aussi la façon dont Miles jouait tout en détestant la façon dont tous les autres jouaient. C’était comme si chacun jouait dans un placard : je joue et je ferme ma porte, il joue et il ferme sa porte. Je me disais : « Ce n’est pas possible que Miles aime vraiment cet orchestre. Mais s’il l’aime. c’est moi qui ai tort et je n’ai qu’à partir ! » Je pensais en entrant dans l’orchestre que quelque chose changerait peut-être et que Miles en serait heureux. De fait, je crois qu’il était heureux quand Jack, Gary Bartz, moi et d’autres jouions dans l’orchestre. Ce fut une période pleine de santé.
Pourquoi l’avez-vous quitté?
Nous ne trouvions plus de musiciens pour jouer dans l’orchestre et j’étais fatigué de jouer chaque semaine avec un batteur différent… Jack a fait une grave erreur, je crois, en quittant l’orchestre. Quand il est parti, Miles a été obligé de faire quelque chose qu’il ne voulait pas faire, qu’il ne voulait pas jouer, et le groupe a éclaté. Aujourd’hui, il n’y a pas de musiciens que je connaisse qui puissent jouer ce qu’il veut. Après Jack, par exemple, je ne pense pas qu’il ait trouvé le batteur qu’il cherchait. Mettons-nous à la place de Miles : il désire encore jouer, avoir un orchestre. il doit trouver quelqu’un. Aujourd’hui les jeunes musiciens n’ont pas de tradition derrière leur musique, et pas seulement au niveau de l’instrument… Si vous n’apprenez pas une façon de jouer de votre instrument avant de jouer ce que vous voulez jouer, vous n’arriverez jamais à jouer comme vous le voulez vraiment. On doit se rattacher à quelque chose.
Quels sont les pianistes que vous aimez écouter?
Je pense à deux personnes : Bud Powell et Scott Joplin. Je les ai beaucoup écoutés et j’estime que ce qui est contenu dans leur musique est essentiel. En dehors du jazz, je pourrais citer Ralph Kirkpatrick, qui joue du clavecin. Il joue surtout du Bach, et il a un sens du rythme extraordinaire, même si ça n’a rien à voir avec le jazz. Il joue avec une sensibilité qui fait que tout ce qu’il joue est vivant, et cette vie est une des caractéristiques du jazz.
Avez-vous écouté Cecil Taylor ?
Oui, un peu, surtout par curiosité, car nous n’avons rien en commun… Si, nous avons au moins une chose en commun : il n’aime pas les interviews. Je crois qu’il y a beaucoup de pianistes… Quand je vois quelqu‘un qui ne fait que chercher ce qu’il fait par des mots, plutôt que par la musique, je ne fais pas grand cas de lui. Si j’avais appris seulement des mots, au lieu d’apprendre des mots et de la musique, si je n’avais pas appris que la musique est la plus puissante, peut-être que je ferais ça aussi — utiliser des mots pour expliquer ma musique.
Quels sont vos projets ?
Mes projets sont de ne plus faire de projets. Je travaille en ce moment sur une pièce symphonique qui devrait être bientôt enregistrée, symphonique dans le vrai sens du terme : avec orchestre symphonique, pas seulement des sections de cordes… (Propos recueillis par Gérard Rouy.)
1,2,3,4! Philippe Milanta, Thomas Bramerie, Leon Parker, Lukmil Perez.
enregistré par Julien Bassères au Studio de Meudon, (juillet 2020). Camille Productions - MS072020CD.
Sortie le 7 novembre 2020.
www.camille-productions.com
Cela fait plus de quarante ans que Philippe Milanta remet sans cesse sur le métier son art de nous raconter des histoires, en trio ou au piano d’un Big Band (celui du Duke Orchestra de Laurent Mignard), aux côtés d’un Guy Lafitte, d’un Gérard Badini ou d’un Glenn Ferris, et de tant d’autres, de Buster Cooper à Teddy Edwards, ou encore de Barney Kessel à Lew Tabackin, André Villéger... Quarante ans que tel un diamant longtemps et amoureusement poli, sa musique brille de toutes les facettes dont il veut bien nous dévoiler les nuances.
Nous avions souligné et apprécié les qualités de ses trois derniers disques*.
Dans ce nouvel album, il continue à surprendre et à captiver l’attention à chaque instant, alternant compositions originales et standards dans un crescendo continu, du solo au trio, du duo au quartet, avec Thomas Bramerie (contrebasse), Leon Parker et Lukmil Perez (batteries), trois complices qui participent du gratin des musiciens que l’on peut admirer sur les scènes du pays, du moins quand la triste conjoncture actuelle nous le permet.
Il faut entrer dans ce phonogramme comme dans un château Renaissance ou une maison d’architecte, où la part belle serait laissée au trio, (pas moins de huit titres dont deux standards, ‘Cotton Tail’ de Duke Ellington et ‘Hackensack’ de Thelonious Monk), qui occuperait le salon et les pièces principales, mais où, de couloirs en escaliers dérobés, on pourrait accéder à de surprenantes alcôves réservées aux pièces en piano solo (quatre occurrences), ou aux duos, piano-contrebasse (‘Palaqwa’) et piano-batterie (‘Tolana’)…avec un petit béguin particulier pour les unissons contrebasse-piano et la belle osmose atteinte par les quatre musiciens sur la seule pièce jouée tout en finesse en quartet, la ballade ‘Manomena’.
Une clef, dévoilée par le pianiste pour comprendre l’origine d’une partie des titres de son album : « les travaux du linguiste Merritt Ruhlen sur sa recherche d’une langue originelle commune à tous les êtres humains m’ont fortement impressionné. Certains mots qu’il dégage de ses recherches (Aq’wa = eau, Buka = coude, Mano = homme, Mena = penser, Pal = deux, Aja = mère), m’ont inspiré pour quatre compositions : Aqwabuca, Manomena, Palaqwa, Menaaja ».
Un jalon certainement important sur la trajectoire d’un artiste de premier plan.
Francis Capeau.
*For Duke And Paul (CD en duo avec André Villéger, 2015, Camille Productions)
*Strictly Strayhorn (CD en trio avec André Villéger et Thomas Bramerie, 2016, Camille Productions).
*Wash (CD en piano solo, 2018, Camille Productions).
Ella Fitzgerald (chant), Paul Smith (piano), Wilfred Middlebrooks (contrebasse), Stan Levey (batterie).
25 mars 1962, Sportpalast, Berlin. Verve/Universal
“Ella n’aime qu’une seule chose, chanter” confiait un jour Norman Granz. Le producteur parlait d’expert, lui qui avait pris sous son aile la « First Lady of Jazz » en 1956.
Cette année-là fut enregistré ce qui devint l'un des plus grands succès (en termes de ventes) d’Ella Fitzgerald (1917-1996), ‘ELLA IN BERLIN’. Un concert qui passera à la postérité par une version survoltée de Mack The Knife.
Six ans après, la chanteuse retrouve l’ex et future capitale allemande au cours d’une tournée européenne du JATP de Norman Granz dont la première partie était assurée (excusez du peu) par la formation menée par le tandem Roy Eldridge - Coleman Hawkins.
Les bandes de ce concert berlinois sortent aujourd’hui, retrouvées dans les archives du producteur décédé en 2001. Le répertoire comprend les airs fondamentaux du tour de chant d’Ella des années 60 (Mack The Knife, Mr.Paganini, Summertime) mais aussi un tube de Ray Charles (Hallelujah, I Love Him So) donné ce soir-là par deux fois et une délicieuse composition de Cole Porter « C’est magnifique ». Accompagnée seulement d’un trio, Ella plane, séduit, swingue, maîtresse de sa voix, légère, joyeuse. Un régal tout simplement servi par une artiste qui se montrait généreuse sur scène et à la ville. « Avec Ella c’était tout le temps la première class, témoignait le batteur Stan Levey, cité dans le livret. Vous étiez payé 52 semaines mais vous travailliez, disons, 30 à 35 par an ».
Cherchez la femme : Portrait de Géraldine en altiste.
Le jazz fut longtemps masculin par essence et la femme, souvent fatale comme dans les romans et films noirs. Elle se devait d’être glamour en tous les cas, surtout si elle était chanteuse...Heureusement, les choses évoluent et les femmes du jazz sont musiciennes avant tout!
Quatrième album en leader, ce Cooking, sorti il y a juste un an, dans le monde d'avant… en octobre 2019, a valu à Géraldine Laurent aux Victoires du JAZZ le titre de meilleur album de l’année et à Paul Lay, celui de meilleur instrumentiste. Ce qui méritait un rembobinage et un retour à cette période heureuse et irréelle, de l’automne dernier… Cela valait bien que, faisant jouer ma mémoire -Géraldine étant l’une des musiciennes que j'ai suivies avec une certaine continuité,je lui tire le portrait, à l’occasion de la retransmission de la soirée des Victoires.
FLASHBACK
C’était en 2006, un festival à Arles, au Mejan, consacré à la voix et aux femmes du jazz. Géraldine Laurent était déjà là : plutôt que de la faire jouer dans son Time out trio originel chez Dreyfus records avec Laurent Bataille et Yoni Zelnik, le programmateur Jean-Paul Ricard avait choisi de nous la faire découvrir autrement, en trio toujours, mais sans piano, avec Hélène Labarrière et Eric Groleau. Ce qui a également contribué au démarrage de la carrière de la saxophoniste est l'obtention du plus grand prix de l'Académie du Jazz, le Prix Django Reinhardt, en 2008, ex aequo avec Mederic Collignon.
Géraldine Laurent peut aussi bien faire danser le public de la Huchette que le désaltérer à la source fraîche de maîtres incontournables, les Sonny Rollins, Wayne Shorter dont elle a depuis toujours, écouté, relevé des chorus et "piqué"des plans, en toute humilité.
Comme dans un bon équilibre culinaire, on y reviendra, cela a son importance, bien qu’ ancrée au départ dans la tradition du be bop, elle est toujours en recherche, jouant "actuel" sur des bases classiques. On se souvient de son Around Gigi (2010) dédié à un autre altiste, hard bop formé au classique, Gigi Grice, de sa participation au Mico Nissim sextet avec, sorti en 2011 chez Cristal records avec Ornette/Dolphy/Tribute/Consequences. Certains ont le cerveau branché XIXème, sont fous de cinéma d’avant-guerre, Géraldine Laurent affectionne le jazz des années quarante à soixante qu'elle connaît très bien. C’est une travailleuse acharnée qui ne peut se lancer dans l’improvisation chère aux jazzmen que parce qu' elle s'appuie sur une technique parfaitement maîtrisée.
Elle est revenue au Méjan, forte de son Grand Prix de l’Académie du Jazz 2015 avec une belle équipe, un nouveau quartet, At work où le jeune et fougueux pianiste Paul Lay (autre coup de coeur de Jean-Paul Ricard qui fut l’un des premiers à le programmer à l’AJMI avignonnais) tord le côté classique de cette musique, inspirée des boppers et suiveurs. Un son droit à l' alto, des graves moelleux, une belle musicalité, une musique généreuse au sein d’une création continue, effervescente, qui coule sans effort en dépit d’une structure rigoureuse. Géraldine ne fait pas de longs discours en public, elle est là pour jouer, intensément et laisser interagir ses partenaires, d’autant plus librement quand elle est leader. Le groupe ne s’en prive pas car elle sait recentrer l’énergie des garçons autour d’elle. Plus que par un timbre ou un son vraiment particuliers, elle se distingue par le rythme qu’elle imprime à son discours, la façon d’articuler son propos, de le marquer de son empreinte.
Puis, ce fut un véritable coup de coeur avecceVisitation de Cyril Achard, en 2016, au Petit Duc d’Aix en Provence et au Mucem marseillais dans le cadre de Jazz des Cinq Continents. Amoureux du son de Géraldine, de sa façon de phraser, de son énergie radicale, le guitariste aixois a eu l’idée de lui proposer une collaboration autour de leurs deux instruments: elle jouait déjà régulièrement avec des guitaristes dans son trio sans contrebasse Looking for Charlie, avec Manu Codjia ou avec Nelson Veras, dans cette veine acoustique. Avec ce duo, c’était encore une façon d’aller droit au coeur de l’échange, comme dans une conversation: les notes en pluie serrée et persistante filent le long des doigts du guitariste, les accords s’enchaînent, les brisures rythmiques composent un chant grave, une mélodie heurtée ou au contraire d’une délicatesse extrême quand la saxophoniste mâchonne, susurre dans le bec et l’anche. C’est que chacun joue et prend en charge, à son tour, la partie rythmique, soulageant l’autre de cette tension continue.
En août dernier, écoutant le Jazz Club d’Yvan Amar, lors de la semaine d’ hommage à Charlie Parker, né le 29 août 1920, la voilà souveraine, animant la soirée au Sunside, avec l’autre grand altiste, Pierrick Pedron, dans le bien nommé “Bird vs Bird”. On ne pouvait mieux choisir car tous deux sont des solistes généreux, puissants, soucieux de mélodie et de rythme, qui aventurent leur alto dans le chant du désir plutôt que dans l‘aveu de la plainte.
Des chroniques récentes sur les DNJ ont souligné ses récentes collaborations avec Andy Emler dans son chaleureux No solo, où il se mettait résolument au service des autres et de leurs imaginaires. Et dans ce Fragments construit à partir des réminiscences émues de rock progressif d’Yves Rousseau, ce sont les soufflants qui se sont appropriés cet univers singulier pour le transposer, le faire dériver dans leur langage instrumental respectif. Géraldine s’avère ainsi une partenaire indispensable, démontrant la vitalité de son engagement et sa versatilité au meilleur sens, anglo-saxon du terme!
Dans son dernier opus COOKING, sorti en octobre dernier sur le label GAZEBO, adoubée par Laurent de Wilde qui la produit depuis At Work, elle nous invite à passer à table, après avoir mijoté un dîner succulent en quartet, à la tête de sa petite brigade du tempo. Loin des métaphores culinaires évidemment attendues, cet album survitaminé et épicé façon Espelette, si l’on en juge par la pochette, revisite l’histoire d’une musique aimée ; on cherche d’entrée quel standard elle peut bien reprendre avant de comprendre qu’elle joue ses propres compositions sans copier le plus américain des styles, même si le jazz vient de là-bas . Intemporellement moderne, cette musique ardente et tendre garde certaines résonances aujourd’hui, toujours porteuse de sens et de vertus formelles.
Sans avoir l’authenticité de ceux qui ont incarné le jazz en vivant le moment de cette irruption, les artistes comme Géraldine Laurent impriment autrement l’urgence de ce qui advient hic et nunc ! La saxophoniste a de la fougue et de l’expressivité à revendre, une vraie signature, aussi serait-il inexact de ne voir en elle qu’une représentante, même éclairée, d’un courant qui a fait ses preuves. Ne serait-il pas possible de trouver au contraire, une unité dans le jazz, au delà de la diversité même des styles?
Cette musique avance sans nostalgie aucune, et certains musiciens fidèlement, entretiennent l’héritage, le patrimoine collectif, sans figer pour autant l’évocation du passé et honnir l'avant-garde.
A chaque concert, avec la même matière, sur le même substrat, le quartet propose autre chose, et Géraldine aime retrouver en ses camarades de jeu, le plaisir de l'échange et de la stimulation.
En filant la métaphore, on pourrait ajouter que l’on respire le fumet, les effluves de cette matière sonore, très organique, entre complices choisis, pour leur connaissance précise de ce répertoire, de ce langage commun qui n’empêche pas de belles échappées, des épanchements du pianiste, à l’aise sur toute l’étendue du clavier. La rythmique est aux petits oignons (clin d’oeil auBecause of Bechet du batteur Aldo Romano qui avait parrainé la jeune musicienne en début de carrière, en conseillant au label Dreyfus de signer son premier album en 2008) avec le fidèle Yoni Zelnik qui connaît Géraldine depuis plus de 20 ans, tout de même, sérieusement accroché au mât de sa contrebasse et Donald Kontomanou, élégant et véloce derrière ses ustensiles, marmites et casseroles, véritable batterie de cuisine.
A tel point que le seul standard choisi ne dépare pas le reste des compositions. Revu à leur façon, développant d’autres variations, sans déformer ce You and the night and the music, le retouchant avec fougue et sensibilité. Ou comment faire retrouver dès l’exposition du thème, la saveur initiale du morceau, puis nous emmener assez loin pour nous désorienter avant de retrouver la mélodie, le fredon.
En suivant son programme rigoureusement mis au point, ce ressassement assumé donne du sens à cette toile tramée et tissée continûment. Si les premiers titres, particulièrement vifs, se détachent, le rythme s’amenuise dans les ballades “Boardwalk”, “Day off” (cette mélancolique errance n'arrive-t-elle pas les jours de relâche? ), imprimant un climat crépusculaire : voilà une bande-son parfaitement adaptée à un film noir, une errance urbaine sur des pavés luisants de pluie.
Il semble facile le chemin qui rend cette musique mélodieuse, lui donne l’éclat et la fluidité du chant, tente la voie d’un lyrisme discret, jamais trop expansif. Ce sont des compositions courtes qui ne brodent pas à l’infini, vont au coeur de la matière sonore comme ce pétaradant “Next”, ou cet “Early bass master” en hommage au grand chef de troupe et mélodiste Henri Texier. Ça joue vraiment et ça swingue avec un pianiste superlatif, Paul Lay qui joue comme Géraldine, adepte d’une déconstruction intelligemment assumée: un son très recherché et vigoureux, de l’audace dans les rythmes volontairement fragmentés. Même si on se retrouve en terranon incognita, le voyage réservera quelques surprises. Une musique à la fois libre et enracinée dans la tradition du jazz, un sax volubile, imaginatif dans son propos et tendre… La musique touche car dans sa complexité heureuse, elle reste très immédiate. Avec Geraldine Laurent, le courant passe, il suffit d’être en phase!
Le retour du saxophoniste alto-clarinettiste en saxophoniste soprano. Après «Saxomania», et les rencontres avec Benny Carter, Phil Woods, Teddy Edwards et quelques autres, Claude Tissendier nous offre une entreprise singulière : des compositions des grandes figures du jazz des années 50-60 (Oliver Nelson, Miles Davis, Horace Silver), et des standards de la fin des années 40 magnifiés par la décennie suivante (Early Autumn, On Green Dolphin Street) : le tout traité dans un style qui est plutôt celui des décennies antérieures. Avec en prime le conclusif After You've Gone, historique standard adulé par le middle jazz. Et le choix est des plus concluants. Instrumentation singulière et beaux arrangements, c'est frais, vif et pertinent, avec des solistes qui sont des compagnons de route de cette esthétique, et qui manifestement se régalent. Et cela m'a réjoui autant que le firent naguère les trublions de l'Anachronic Jazz Band en passant à la moulinette 'vieux style' les standards du bop. Joli clin d'œil à la passion intemporelle du jazz, et réjouissant pied de nez aux amateurs de cloisons stylistiques étanches : BRAVO !
C’est le premier album plutôt éthéré d’un jeune vibraphoniste français diplômé de Berklee College of Music puis de l’Institut Thelonius Monk, qui a choisi de s’installer à New York. Comme un premier film, il est intéressant de voir ainsi se lancer un artiste, adoubé par ailleurs par Herbie Hancock et Quincy Jones !
L’une de ses originalités est de jouer des percussions classiques mais aussi africaines, du balafon (xylophone d’Afrique occidentale percuté avec des baguettes et non avec des maillets, dont le son est amplifié par des calebasses disposées en dessous), du vibraphone et des synthés . Les différents timbres qui ainsi s’entrelacent, assurent une texture sonore particulière sur l’hypnotique et intrigant “Acceptance” ou sur “Wind Chaser” ( vibraphone et synthés). Ce qui donne une assez belle idée du paysage musical imaginaire du vibraphoniste, soucieux d’explorer et de tirer parti de sa palette d' instruments conférant à sa musique une qualité mélodique, harmonique, percussive évidemment, résonnante en un mot!
Il n’est pas tout seul sauf sur le dernier titre formidable “Bala” en solo de balafon et sur l’envoûtant “Prophecy” (vibraphone et synthé). Il a su s’entourer d’une équipe discrètement brillante: deux saxophonistes newyorkais Dayna Stephens et Morgan Guerin et deux pianistes, le français Simon Chivallon et Isaac Wilson qui alternent selon les séances (l’album est composé d’enregistrements choisis sur deux sessions en 2017 et en 2020 ) alors que la rythmique reste la même Luca Allemano ( contrebasse) et Jongkuk Kim (batterie) dans leur impact et drive subtils. La musique garde toute sa cohérence, car elle avance dans une seule direction, avec une fluidité remarquable, une qualité atmosphérique certaine, planante même sur la plupart des thèmes, portés comme en apesanteur. La seule composition qui ne soit pas du leader, le standard de Gene Paul “I’ll remember April” est réchauffée délicatement, construite sur des impressions fugaces. Les thèmes choisis, particulièrement mélodiques, induisent ce type de musique qui danse avec les éléments, cette “chanson de l’esprit” qu’évoque le titre, résultat de rencontres , de voyages dans le monde, propices aux aventures et découvertes musicales. Plus encore que de dépouillement, on est séduit par une élégance sensuelle comme dans ce “Kenyaland”, une ballade en quartet, sans saxophone où le piano sait se faire entendre.
La réussite de ce premier opus réside sans doute dans la maîtrise de cette formation qui a su se couler dans l’univers rêvé du leader comme si le temps était suspendu. Prometteur!
Troisième disque de ce trio après «Double Windsor» (2014, Tzadik) et D'Agala (2017, Intakt). Et toujours cette énergie farouche, et cette créativité débordante qui conjugue compositions (raffinées) et improvisations (audacieuses), langage du jazz (assumé) et de la musique contemporaine (sublimée). C'est une aventure musicale qui se déroule, étape après étape, au fil des plages, dans une folle interaction entre les membres du trio, mélange de précision et d'audace que l'on devine transgressive. Un fois encore, la pianiste-compositrice-improvisatrice dédie chaque titre à des personnes qu'elle admire (Claude Thornhill), et qui comptent dans sa vie personnelle (sa maman, ses chats, son frère....) et/ou musicale (Mark Feldman, John Zorn, et les partenaires de ce trio). Ces dédicaces ne sont pas anodines : elles enracinent le propos dans la vie, nous rappelant que les artistes, quelle que soit l'ambition esthétique, ne sont pas coupé(e)s du monde. Requiem d'un songe, dédié à Claude Thornhill, est à ce titre éloquent : manière de confronter le tempo lent et méditatif du passé au langage d'aujourd'hui. Galore, dédié au batteur-percussionniste Kenny Wollesen, met en évidence le cheminement rythmique qui, d'unisson en écarts, construit une forme.
Et le conclusif Highway 1 nous entraîne dans une songe abstrait, futuriste et mystérieux qui résume peut-être le projet d'ensemble : découvrir, surprendre, oser, sans perdre de vue l'horizon rétrospectif que nous offre le passé. Magistral ! Toutes les plages possèdent leur singularité, et pourtant l'ensemble reflète l'absolue cohérence du projet. Bref de l'art, et même du Grand Art.
Xavier Prévost
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Sylvie Courvoisier est en tournée européenne : seule date française le 21 octobre au Lieu Unique de Nantes (entrée libre sur réservation)
Sylvie Courvoisier Trio FREE HOOPS feat. Drew Gress & Kenny Wollesen Out on September 18th 2020, on Intakt Records Song : Requiem D'un Songe - Tribute to Claude Thornhill Artist : Sylvie Courvoisier
Comme toujours le pianiste italien, 79 printemps au compteur des millésimes, conserve la pulsion juvénile des musiques libres. Cette fois en un trio inusité (piano, trompette, guitare). C'est un double CD où des thèmes et des improvisations qui jouent le présent en se tournant vers le futur côtoient comme presque toujours des souvenirs du jazz d'avant (Livery Stable Blues, Tiger Rag ), mais toujours traités dans un esprit prospectif. Avec aussi des compositions nouvelles qui portent la trace des formes anciennes (A New Rag Suite). La partie se joue souvent entre piano et trompette, arbitrée par la guitare en accords secs qui font danser le rythme à la manière claudicante de Monk. Musicalement très intense.
Les chroniques de plusieurs précédents albums de Franco D'Andrea sur le site des Dernières Nouvelles du Jazz
Jazz de chambre mi-sensuel, mi-abstrait, sur des compositions de la contrebassiste dont c'est le quatrième album (le second avec ce trio). Elle a remporté en 2018 le prix du nouveau talent Top Jazz italien, et l'année suivante a reçu le prix du nouveau talent de la Siae (la cousine de notre Sacem). Un langage d'aujourd'hui qui tutoie parfois les progressions harmoniques du passé. Belle interaction en forme de contrepoint des solistes. Libre et concertant, d'un seul geste. À découvrir
DANILO GALLO DARK DRY TEARS «Hide, Show yourself»
Danilo Gallo (guitare basse, guitare baryton, guitare acoustique), Massimiliano Milesi (saxophones ténor & soprano, clarinette), Francesco Bigoni (saxophone ténor, clarinette), Jim Black (batterie)
Par un bassiste entendu souvent dans nos contrées avec Francesco Bearzatti, des thèmes lyriques et consonants, avec ce qu'il faut de tensions harmoniques pour que la musique soit vraiment vivante ; un peu dans l'esprit de ce que recherchait Charlie Haden tout au long de son parcours musical. Le tout propulsé par la batterie sèche et stimulante de Jim Black. Et aussi émaillé de séquences d'absolue liberté.
Nuovo appuntamento con gli #AuditoriumLives! Oggi vi facciamo ascoltare qualcosa dall'ultimo progetto musicale di Danilo Gallo, "Hide, show yourself!" disco ...
Après «God At The Casino», enregistré en 2013, le retour d'un trio totalement hétérodoxe, déguisé en monstre de films d'animation japonais qui se nourrirait de hambourgeois au fromage, selon la terminologie québécoise.... Autant dire que les surprises abondent. Ouverture par effraction sur des riffs rock avec éclats de saxophone et de violoncelle, batterie obstinée, pression en croissance constante et intermèdes apaisés. À ceux qui craindraient de ne pas trouver dans ce déroulement la forme qui rassure leur sens esthétique, on peut dire que la forme, son idée autant que sa réalisation concrète, sont précisément dans cette succession, dans ces cahots qui ne sont pas un chaos. Et la continuité rythmico-harmonique dans laquelle ce premier thème va s'installer rassurera les anxieux, jusqu'à l'explosion finale. Les thèmes sont signés par chacun des membres du trio : trois pour le violoncelliste, un pour le saxophoniste, et un pour la batteur. On est porté, de plage en plage, par les dialogues qui se nouent, par les fractures qui s'ouvrent, par les violences sonores ou formelles, lesquelles se résolvent souvent en douceur mélancolique. D'une obsession répétitive à une plainte cuivrée sur fond de drumming tendu à l'extrême, le fil se déroule, noué, dénoué, déjoué, rejoué. C'est un voyage perceptif et musical des plus jouissifs. Alors on s'abandonne. Et on en redemande !
Xavier Prévost
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Le trio jouera le 13 octobre à la Dynamo de Pantin, le 14 au Théâtre du Pavé à Toulouse, le 16 au Moulin d'Olivet (Loiret), le 7 décembre au Maquiz'art d'Eymet (Dordogne) et le 10 décembre à l'AJMI d'Avignon.