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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 10:51

 

Serge Lazarevitch (guitare), Ben Sluijs (saxophone alto, flûte), Nicolas Thys (contrebasse), Teun Verbruggen (batterie)

Bruxelles, Werkplaats Walter, septembre 2022

RAT Records RAT 061

https://teunverbruggen.bandcamp.com/album/free-four

 

Un guitariste français, né en région parisienne, passé par le Berklee College de Boston, et qui a commencé sa carrière en Belgique (où il revient souvent), fut longtemps considéré, à tort évidemment, par la jazzosphère hexagonale, comme un citoyen du royaume d’Outre Quiévrain. Cet oiseau rare, c’est Serge Lazarevitch. Sa présence dans l’Orchestre National de Jazz sous deux mandats (Claude Barthélémy & Didier Levallet), et sa très importante contribution à l’enseignement du jazz dans les conservatoires de Perpignan et Montpellier, devraient pourtant certifier son appartenance à la scène d’ici, même s’il reste très actif au-delà de la Sambre, de la Meuse et de l’Escaut, comme pour ce disque.  Après ‘Free Three’ en 2016, avec Nicolas Thys & Teun Verbruggen, et ‘Still Three, Still Free’, en 2020, avec Ben Sluijs & Teun Verbruggen, le trio devient quartette pour ce nouvel opus. Ce groupe éminemment collectif nous offre un répertoire peu commun, où Federico Mompou côtoie Philip Glass, Lee Konitz, Ornette Coleman & Joni Mitchell. Avec aussi les compositions et improvisations des quatre compères. Le climat général est celui d’une sorte de cérémonie secrète où serait célébrée la musicalité. Derrière l’apparente retenue de la musique se dissimule tout un monde de tensions hardies et d’exubérance contrôlée (la relecture d’Ornette par exemple). Qu’il s’agisse de célébrer des guitaristes disparus (John Abercrombie, Pierre Van Dormael), de visiter des pépites du jazz (ou des autres musiques), ou encore d’évoquer dans des compositions personnelles les cheminement mélodiques du passé, ou des rythmes venus d’ailleurs, le quartette est toujours au maximum de sa créativité, soucieux de rappeler que le jazz est un Art Musical. Un art vivant, profondément vivant. Bref un disque totalement réussi, qui s’écoute (et se réécoute) avec bonheur.

Xavier Prévost

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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 10:47

Blue Note 2024

Immanuel Wilkins. (as, compos), Sekai Edwards. (compos), Micah Thomas (p), Rick Rosato (cb), Kweku Sumbry (dms), June McDoom (vc), Ganavya (vc), Yaw Agyeman (vc)+ Cecil Mc Lorin Salvant (vc), Marvin Sewell (g)

Juste sublime !

 

Lorsque l'on commence à écouter "Blues Blood", quelque chose, un je-ne-sais-quoi nous renvoie immanquablement au dernier album de Meschell Ndegeocello. Serait-ce le côté oratorio ? Serait-ce la façon dont cet album est produit dans les usines de Blue Note ? Serait-ce cette obsession, pour ne pas dire « manie » des jazzmen de l'autre côté de l'atlantique de vouloir absolument signer un " manifeste" musical ? On ne sait.
En revanche, lorsque l’on regarde le communiqué de presse on voit qu'effectivement Meschell Nedegeocello est de la partie puisqu'elle a co-produit cet album. On trouve donc une forme de continuité entre son travail et celui du jeune prodige de l’alto, Immanuel Wilkins.
Mais bref, là n'est pas l'essentiel.

Car l’essentiel c’est que cet album porte fort et touche en plein. Et qu’il n’est nul besoin de sous-texte, de prétexte, de contexte ou que sais-je pour nous faire vivre cet opus et entrer dans ce qui est à ce jour l'album le plus puissant du saxophoniste.

On connaît le saxophoniste alto surdoué qui ne cesse de franchir des étapes avec, à ses côtés un autre prodige, Micah Thomas dont les schémas ascendants semblent suivre la même ligne parallèle.  Qu’une légende comme Kenny Barron décide dans son dernier album ( The Source) de s’adjoindre les services d’ Immanuel Wilkins est en soi une vraie reconnaissance, si ce n’est un sacre.

Immanuel Wilkins c’est la virtuosité alliée à la maitrise et à la douceur du dire. Jamais dans le trop et toujours dans le juste. Mais ici Immanuel Wilkins est dans une autre dimension  bien au-delà de son lyrisme. Ici c’est le compositeur et arrangeur qui nous bluffe par l’ampleur de son travail magistral et par la façon qu’il a de faire habiter sa musique. De l’habiter lui-même et de la faire incarner par d’autres. Dans cet album, il y a cet art de mettre de la densité dans sa musique qui devient à la fois très palpable et à la fois mystique.  Mais il y a aussi, comme avec Meshell, une dimension gospel qui lui vient de sa propre expérience au sein du groupe Black Monks.

Blues blood est aussi un travail sur la transmission et la réminiscence. Notamment au travers des souvenirs venus de l’enfance. Wilkins évoque des souvenirs culinaires comme une forme de transmission d’une tradition remontant au plus loin du plus loin, à l’Afrique. Sur scène, pour la représentation de Blue Blood, il est même prévu de préparer des repas en laissant les micros ouverts sur les bruits de la marmite mijotant et sur les couteaux qui coupent. Why not ? Après tout la musique est aussi une expérience sensorielle.

Mais, comme on le disait précédemment, pas besoin de se raccrocher au prétexte pour rentrer dans cette musique aussi fascinante que belle. Chargée d’émotions. Elle se suffit à elle-même dans un moment de parfaite plénitude.

Incroyablement peacefull .

Jean-Marc Gelin

 

 


 

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21 octobre 2024 1 21 /10 /octobre /2024 06:28
LA PECHE         Dubrashishov 

La pêche      Dubrashishov 

 

 

Saxophone : Paul Bertin

Clarinet : Loïc Vergnaux

Guitar : François Gozlan Double Bass : Teddy Moire

Drums : Benoît Joblot
 

Home

Voilà un album que l’on laissera filer d’un bout à l’autre emporté par la formidable énergie de cette musique venue d’ailleurs. Onze titres d’un quintet balkanique de Bourgogne et alentours, découvert au dernier festival de Jazz Campus en Clunisois. A Cluny ces musiciens exceptionnels ont enflammé l’assistance lors du pique-nique traditionnel où le public apporte son repas, le festival offrant la musique. La pêche, titre de leur premier album enregistré à Tournus au Galpon est parfaitement justifié. Si vous n’êtes pas pris par les rythmes étourdissants, l’allégresse un peu folle de ce groupe, consultez!

Ces cinq potes voyageurs vous embarquent sur les rives de la Méditerranée dans une géographie de l’émotion, une sarabande étourdissante dès le premier thème Dubrashishov inspiré d’un voyage en Bulgarie qui a dû être formateur. Ils sont revenus avec des musiques plein leur musette, des mélodies qui sont exaltées par un guitariste (François Gozlan) et trois soufflants déchaînés aux sax alto et soprano, clarinette et clarinette basse, mais aussi aux divers types de flûte de la whistle (Balkan Whistle) au très particulier caval (Hora din caval) roumain, flûte à trous droite alors que le Kawal que l’on trouve sur les bords de la Méditerranée jusqu’en Egypte est oblique. Quant à la paire rythmique ( avec à la batterie l’enfant du pays Benoît Joblot) sur laquelle s’appuie les solistes, elle groove sans jamais faiblir dans une tournerie plus qu’hypnotique sur des rythmes hyper complexes. Toute une arithmétique des cadences exigeant une virtuosité soutenue qui n’exclut pas certains tours de passe-passe humoristiques à la Gérard Majax : nos gaillards escamotent les figures jouées dans des modes compliqués doriens, phrygiens, croisent les thèmes de leur musique qui ne laisse aucun répit et jamais ne s’arrête. Un folklore partisan, pas imaginaire, en contact avec les réalités des pays. Une musique qui fait penser au swing, au jazz quand il est “métaphysique de danse” disait Réda. Et on imagine bien qu’on ne peut que danser sur ces traditionnels arrangés par le collectif comme le roumain Quartet Hora ou le très court Doina des Steppes.

Les compositions proprement originales, quatre du saxophoniste flûtiste Paul Bertin, deux du contrebassiste Teddy Moire et une du clarinettiste Loïc Vergnaux ne déparent pas dans cet ensembleL’éclat et la fluidité du chant, la vitalité du cri, un souffle de liberté traversent tout l’album : les cinq jouent comme un big  band une musique mélodique et fervente pour un plaisir radical.

 

Sophie Chambon

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20 octobre 2024 7 20 /10 /octobre /2024 08:48
ADELE VIRET QUARTET         CLOSE TO THE WATER

ADELE VIRET QUARTET

CLOSE TO THE WATER

 

Label LZI415/ L’Autre Distribution

www.adeleviret.com

 

Adele Viret, cello, composition

Wajdi Riahi, piano, Fender Rhodes, vocals (7)

Oscar Viret trumpet, vocals(5,7,9)

Pierre Hurty, drums

 

 

Le nom de Viret évoque sûrement quelque chose, n’est-ce pas? C’est que dans la famille Viret la musique est essentielle : avec son plus jeune frère Oscar, trompettiste, Adèle violoncelliste forme avec son père, Jean-Philippe, contrebassiste, un Triumviret savoureux et remarqué.

A vingt-cinq ans Adèle Viret a déjà une solide et belle expérience musicale ( ONJ des Jeunes Denis Badault, Sessions Medinea), des projets et de la musique plein la tête. Et ça s’entend dans ce groupe d’amis qui ont partagé de nombreuses aventures musicales depuis le conservatoire. Comment se joue cette partition très écrite, au piano pour commencer qui évolue et se fortifie en quartet? La trompette est indispensable à l’équilibre cello-piano-batterie. Oscar Viret semble à l’aise dans ce contexte : il est difficile de retrouver ses influences si ce n’est Ralph Alessi, Ron Miles? Quelque peu lunaire, voire élusif, le son droit flotte léger et fantasque.

Dans l’aventure émouvante d’un premier album, Adèle Viret, variant les nuances et climats, fait se croiser mystères, instantanés et révèle le tempérament d’une personnalité musicale à découvrir. La singulière cohérence de l’album découle de l’inspiration au plus près de l’élément liquide, sans terrain balisé pour autant : de nombreuses ruptures de rythme parfois inattendues, des dissonances à grands coups d’archet, un jazz de chambre volontiers bleuté, une musique énergique ourlée de lumières et vapeurs.

Close to the Water soit l’alternance de rivages Nord-Sud, de la Bretagne à la Méditerranée, la mer encore et toujours oriente les compositions d’Adèle, mélodies atmosphériques aussi lumineuses que mélancoliques. Le morceau-titre qui débute l’album favorise le duo batterie trompette avant que le violoncelle et le Fender n’interviennent. La mélodie peut alors se déployer.

Choral to the sea, une mélodie entêtante des Balkans dont le souffle dans le rythme ne retombe pas et Ceux qui sont loin sont deux pièces inspirées par la mer Méditerranée. La seconde, une élégiaque ritournelle, fut écrite dans le cadre enchanteur de la Fondation Camargo de Cassis, pendant une des sessions de Medinea, projet trop peu connu développé au cours du Festival d’Aix en Provence pour favoriser les échanges entre jeunes musiciens de toute la Méditerranée sous la direction du saxophoniste belge Fabrizio Cassol qu’elle reconnaît volontiers comme un mentor.

Suivent encore dans ce recueil d’impressions tournées avec élégance “Novembre” plus sombre et opaque parfois, “Made in” (Méditerranée bien sûr, le tropisme est connu à présent) où le duo fraternel se rapproche complice, mêlant heureusement leurs timbres singuliers en contraste avec l’autre duo impeccable piano et batterie. Une rythmique puissante et vigoureuse qui excelle par ailleurs dans ce singulier “The Watchmaker” qui se démarque dès le tic-tac initial : une précision toute mécanique comme il se doit dans cet exercice d’horlogerie fine.

Quant aux Courbes, comme celles de la pochette, elles s’apparentent aux vagues où se rejoignent trois voix complices au-dessus de la batterie qui concasse les sons comme des galets sur un sable rendu soyeux par le flux et reflux.

Dans ces divers tableaux, chanteurs à leur manière, les partenaires suivent une musique lyrique et retenue à la fois. Avec le quartet d’Adèle Viret, on aborde la fin de ce voyage maritime en résonance avec une prière qui s’éteint doucement.

 

Sophie Chambon

 

 

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18 octobre 2024 5 18 /10 /octobre /2024 18:43

Sylvaine Hélary (flûtes,voix), Antonin Rayon (claviers, électronique), Élodie Pasquier (clarinette & clarinette basse), Christiane Bopp (trombone, saqueboute), Maëlle Desbrosses (violon alto, viole d’amour), Lynn Cassiers (voix, électronique, synthétiseur basse), Chloé Lucas (ténor de viole & basse de viole), Guillaume Magne (guitares, voix), Jim Hart (batterie), Alexis Persigan (trombone sur une plage)

Ouanne (Yonne), avril-mai 2024

Yolk Records J 2098

https://yolkrecords.bandcamp.com/album/rare-birds

 

En prélude à sa prise de fonction prochaine comme directrice musicale de l’Orchestre National de Jazz, où elle succédera à Frédéric Maurin, la flûtiste-compositrice publie un disque de l’ensemble qu’elle dirige depuis plusieurs années. La musique est inspirée par la poésie d’Emily Dickinson, à qui elle emprunte cette idée d’incandescence, celle de l’éclat de la lumière de l’après midi : «The largest Fire ever known Occurs each Afternoon», écrivait Emily Dickinson. Une musique profondément singulière, qui agrège des influences multiples, du jazz et de la musique improvisée au rock progressif en passant par les sources baroques. Un univers bâti sur un très grand sens de la forme, des couleurs, des combinaisons de timbres, et un talent particulier pour penser la musique autour des solistes choisis pour leurs qualités dans l’interprétation comme dans l’improvisation. Musique inclassable et magistralement élaborée, inspirée même. Un très subtil mélange de sons instrumentaux et d’électronique offre une palette sonore - et musicale – qui défie toute référence. La poésie d’Emily Dickinson (relayée pour une plage par un poème de P.J. Harvey) semble constituer à la fois la source et la matière de cette œuvre musicale. Ce pourrait donc être une sorte d’opéra ? Peut-être bien. En tout cas un objet artistique, une œuvre d’art même, qui tout en défiant les lois des genres nous saisit par son originale beauté. Totale réussite, qui laisse augurer un très bel avenir pour l’Orchestre National de Jazz

Xavier Prévost

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Un aperçu de la création au Théâtre de Vanves en 2023

https://vimeo.com/846082068

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17 octobre 2024 4 17 /10 /octobre /2024 17:46

Laurent Coq (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Fred Pasqua (batterie)

Pompignan (Gard), 25-26 juillet 2023

Jazz & People / Pias

 

Enregistré au studio Recall de Philippe Gaillot (guitariste devenu un expert en enregistrement dont le studio, et les pianos, sont très appréciés par des musiciens de premier plan), c’est un disque mûrement réfléchi qui pourrait être une sorte de manifeste. Il se peut que Laurent Coq, qui a longuement vécu à New York, ait voulu jouer sur la polysémie du mot confidence, qui en français (sa source, qui l’avait repris du latin) comme en anglais (qui l’emprunta à l’ancien français), désigne tout à la fois la confiance et la chose que l’on dit en toute confiance. En tout cas, la musique repose manifestement sur la confiance mutuelle qui circule entre le pianiste et ses partenaires. La forme est serrée, les thèmes sont précis, les rythmes vertigineux, et cet appareil soigneusement élaboré ne brime nullement les libertés : celle de Laurent Coq, et celles de ses partenaires, Yoni Zelnik et Fred Pasqua. Il faut suivre avec soin cet itinéraire passionné dans les méandres de la musique. La qualité de l’écoute chez l’auditeur rend justice à cette musique car ce disque fait partie de ceux que l’on écoute, et réécoute, pour en goûter la substantifique moelle. Alors vous savez ce qui vous reste à faire : le bonheur musical est au bout du chemin, lequel se termine en apothéose par une ultime composition du pianiste, dédié à un artiste qu’il admire profondément ; son titre : Mazurka pour Alain Jean-Marie.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert les 23 & 24 octobre à Paris au Sunside

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Infos et avant-ouïr

https://www.youtube.com/watch?v=syQzB5DVceM

http://www.jazzandpeople.com/portfolio/laurent-coq-confidences/

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16 octobre 2024 3 16 /10 /octobre /2024 18:12

Neta Raanan (saxophone ténor), Joel Ross (vibraphone), Simón Willson (contrebasse), Kayvon Gordon (batterie)

Brooklyn, 23-24 avril 2023

Giants Step Arts GSA-12

https://netaraanan.bandcamp.com/album/unforeseen-blossom

 

Premier disque, enregistré en club, d’une nouvelle venue, et en la meilleure compagnie (le vibraphoniste Joel Ross), ce qui laisse augurer de belles surprises. Effectivement cette jeune musicienne du New Jersey, présente dans les clubs de New York, et admiratrice de Dolphy, suscite l’intérêt, et même plus, par une certaine liberté d’inspiration et de jeu. Une sonorité riche de couleurs différentes, entre la mélancolie des ballades et la vigueur des tempos vifs. Les improvisations circulent librement entre les contraintes de la grille et les écarts qui donnent au jeu tout son sel. Une oscillation ‘dedans-dehors’ où Joel Ross excelle aussi. Il se passe beaucoup de choses d’une plage à l’autre, et le tout est attisé par la palette large et libre du batteur, quand la basse assure les fondamentaux, et même plus, avec par exemple une intro en dialogue soutenu avec la batterie. Le style de la saxophoniste est d’une réelle liberté : ici elle s’offre le luxe d’un stop chorus et s’évade en digressions ‘à la Rollins’ ; et elle réserve ailleurs des suavités qui reposent toujours sur de subtiles exigences musicales. Bref une personnalité qui déjà s’impose par la prégnance de son univers musical.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

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11 octobre 2024 5 11 /10 /octobre /2024 05:05
Baptiste Herbin Trio   Django!

 

Baptiste HERBIN TRIO

 

Django!

 

ACCUEIL - BAPTISTE HERBIN

 

 

Ce titre exclamatif annonce un hommage non déguisé à Django qui provient non pas d’un guitariste ce qui serait attendu quoique toujours osé, mais d’un saxophoniste alto qui compte dans la jeune génération Baptiste Herbin. Quand on sait que Daniel Yvinek est à l’origine de ce projet Django! on se doute que le directeur artistique aura eu une action des plus stimulantes sur l’engagement du trio en studio. Il aura soigné la beauté du son des douze compositions choisies et arrangées par le saxophoniste qui n’hésite pas à reprendre au saxophone certains solos originaux de Django.

Le trio (Baptiste Herbin, Sylvain Romano et André Ceccarelli ) à peine formé est déjà majuscule dans une configuration délicate et aventureuse (saxophones, batterie et contrebasse). L’évidente complicité des musiciens, leur plaisir de jouer ensemble prouvent qu’ils n’ont pas fini de se livrer à des échanges aussi énergiques que lyriques. L’album s’écoute d’un trait, de l’émouvante composition de John Lewis qui ouvre l’album jusqu’au final, l’inévitable Nuages flotte l’esprit du guitariste avant quelques fulgurances bien balancées du saxophoniste.

Si cinq de ses titres sont repris, la partie sans être facile est gagnée tant le trio sait confronter l’expérience et le talent de chacun en se glissant dans l’univers singulier du maître : une paire rythmique superlative, un saxophoniste au son unique, aussi mélodique que sophistiqué quant il étire le temps dans un Troublant Boléro langoureux en diable. Pas beaucoup de temps morts même quand le tempo ralentit dans la ballade Anouman, autre bijou reinhardtien. Baptiste Herbin pensait-il au travail d’ensemble de Django avec (entre autres) le ténor Coleman Hawkins et l’altiste Benny Carter dans les merveilleuses sessions de 1937 sur disque Swing en préparant cet album, en signant ce Djangology Herbinologué où il tire son épingle du jeu en multipliant les effets que permettent son instrument?

Un montage toujours entraînant enchaîne aussi des valses musette qui font partie intégrante de l’univers manouche que connaît bien le saxophoniste, des interludes comme l’époustouflant Montagne Sainte Geneviève ou Valse de Wasso.

Baptiste Herbin ne dédaigne pas cependant se frotter à d’autres standards du jazz aux références très connotées comme cette autre valse, Indifférence de l’accordéoniste Tony Murena. Il se lance dans une improvisation débridée sur Night and Day, sa version du tube de Cole Porter pour le moins différente, fièvreuse mais toujours aussi chantante. Le rebattu Tea for Two de la comédie musicale de Broadway No, No Nanette débute par un cha cha sans équivoque avant de céder à la frénésie d’un trio qui s’emballe. Ça vous redonne des couleurs avec des références tout autres qu’ajoute par instant le saxophoniste, courtes échappées qui pulsent, frisent, s’enroulent autour du motif principal. Avec spontanéité, fluidité, rapidité, Baptiste Herbin joue dans l’esprit du répertoire sans tomber dans le rétro.

La rythmique paraît mener la danse : ainsi le soliste entre le chant puissant de la contrebasse et l’aisance naturelle du drive creuse intimement un sillon qui lui est propre, nourri de multiples influences. Baptiste Herbin sans dispersion continue à édifier patiemment son grand oeuvre. Il nous faudra le suivre assurément.

 

Sophie Chambon

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10 octobre 2024 4 10 /10 /octobre /2024 18:49

Tom Harrell (trompette),

Mark Turner (saxophone ténor sur 5 plages), Dayna Stephens (saxophone ténor sur 4 plages), Luis Perdomo (piano, piano électrique, orgue), Charles Altura (guitares sur 4 plages), Ugonna Okegwo (contrebasse), Adam Cruz (batterie)

New York, 28 novembre & 27 décembre 2022

High Note HCD 7344 / Socadisc

 

Des compostions du trompettiste, comme un étonnant mélange de thèmes à l’ancienne, cursifs comme au temps du bebop, et de groove plus contemporain, dynamisé par le piano électrique. Mark Turner est le sax des trois premières plages, et l’on n’est pas surpris de l’entendre en exacte adéquation avec chaque climat. La mélancolie du troisième thème nous rappelle, si besoin était, que Tom Harrell excelle dans ce registre, autant qu’il peut être convaincant sur un tempo vif, un balancement marqué ou un phrasé complexe et sinueux. Bref dans ce disque je retrouve le trompettiste attachant, brillant sans être spectaculaire, nuancé, avec ce timbre presque fragile qui pourtant parle avec assurance : la grande musicalité, en somme. Celui-là même que j’ai goûté dans de nombreux disques, et aussi les quelques fois où j’ai eu le plaisir de l’écouter sur scène, de part et d’autre de l’Atlantique. Dayna Stephens, l’autre sax, procède d’un langage différent de celui de Mark Turner : incisif, presque accrocheur, il convient bien aux climats des thèmes dans lesquels il intervient. Luis Perdomo, comme souvent, est à l’aise dans tous les registres et sur tous les instruments, moins porteur de singularité peut-être. Bassiste et batteur jouent un rôle déterminant dans la vitalité du groupe, et du disque. De plage en plage, c’est comme un paysage qui se dessine, ou plutôt un portrait, celui de Tom Harrell, personnage mystérieux, mutique, pour qui la musique est le moyen d’expression privilégié. Un disque qui s’écoute sans discontinuer, et avec un constant bonheur, ce qui devient rare en ces temps de zapping généralisé. Bref un très bon disque, et plus encore.

Xavier Prévost

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10 octobre 2024 4 10 /10 /octobre /2024 10:33
STEFY HAÏK sings and loves BURT BACHARACH ⁹

STEFY HAÏK sings and loves BURT BACHARACH

 

Frémeaux et associés

2023

Enregistré par Dominique Blanc-Francard

 

Pas étonnant que la maison Frémeaux qui s’attache à faire oeuvre de mémoire rende hommage par la voix de la franco-américaine Stefy Haïk à un merveilleux songwriter de l’American Songbook, Burt Bacharach (1928-2023) pianiste, arrangeur et chef d’orchestre qui a marqué l’histoire de la chanson et des musiques de film des sixties et seventies. Nous ne citerons qu' un exemple parmi une production pléthorique,  la B.O de Butch Cassidy and The Sundance Kid pour lequel il obtint l’oscar de la meilleure musique en 1970. Des labels ( Blue Note ou  la Motown ) comme les jazzmen se sont emparés de sa musique de Diana Krall (The Look of love dans Casino Royale) à Sonny Rollins pour Alfie du film éponyme, chanson que Stefy Haïk chantait déjà dans son premier album The Longest Mile.

 

Cet album de jazz vocal fera plaisir à tous les amoureux de la musique de Burt Baccharach-ils sont nombreux, même si nous sommes beaucoup pen France du moins, à fredonner ses chansons sans toujours savoir qui en est l’auteur. Ce que chantait déjà notre Trenet dans L’Âme des Poètes.

Dans la mémoire collective américaine, ce formidable mélodiste a toute sa place et aujourd'hui encore dans la comédie musicale  Joker 2 de Todd Phillips, on entend dans un recyclage habile autant Bewitched de Rodgers and Hart que Close to you.

La chanteuse franco-américaine reprend dans cet album soigné quelques unes des mélodies du duo magique Burt Baccharach- Hal David ancrées dans la mémoire consciente ou non qui nous ont touché voire ému. Elle en délaisse d'autres peut-être trop attendues comme Raindrops keep falling on my head au profit de ce God give me strength écrite avec le "versatile"(au sens anglais) Elvis Costello, autre référence de la chanson ou My Little Red Book entendue dans What’s new Pussycat? Retenons encore une curiosité, le duo réussi avec Bruce Johnston dans Wives and lovers.

On retrouve néanmoins  des tubes comme What the World Needs Now  popularisé par Dionne Warwick avec Walk on by, A House is not a home ou Close to you dont la déchirante Karen Carpenter donna une version inoubliable sans oublier la grande Aretha Franklin pour laquelle fut écrite I say a little prayer.

Les arrangements essentiels dans ce genre d’exercice sont écrits de main de maître par le pianiste Olivier Hutman. La chanteuse est  entourée par la fine fleur de nos musiciens Hugo Lippi à la guitare, Hermon Mehari à la trompette, Sylvain Romano à la basse, André Ceccarelli aux drums… Il faudrait les citer tous car ils offrent un accompagnement idéal  à  la voix chaude et sensuelle, au phrasé résolument jazz de Stefy Haïk. Très élégant dès le démarrage de I”ll never fall in love again, son swing est subtil et son énonciation claire (elle est aussi une enseignante accomplie).

On pourrait reprocher une certaine  facilité à la pop musicale, avoue même Stefy Haïk de quoi dégoûter les puristes jazzeux qui d’ailleurs ne connaissent pas bien ce répertoire. Mais composer une chanson qui touche le plus grand nombre est un art qui n’est pas aussi mineur qu’on voudrait nous le faire croire. Un art qui requiert et c’est le cas ici, complexité harmonique et rythmique sur une mélodie qui semble “facile” et qui reste en tête,  un fredon qu’agrémentent des paroles que l'on retient. Car avouons- le, l’anglais swingue et colle parfaitement à cette pop pas si sucrée en définitive. Alors si tous ceux qui comptent ont chanté Burt Bacharach, en écouter une nouvelle version est toujours irrésistible.

 

Sophie Chambon

 

 

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