CHRISTIAN GAUBERT/ VINCENT BEER DEMANDER/JULIEN GAUBERT SANS FRONTIERE
Label Maison Bleue
Distribution Socadisc et Absilone
Sortie le 29 avril 2022
Sortie d'album - Christian GAUBERT - Sans frontières - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)
Il n’est sans doute pas inutile de rappeler le beau palmarès du pianiste Christian Gaubert : 50 années d’écriture dans la chanson ( Bécaud, Aznavour entre autres) et les musiques de films (plus de 150 partitions). Les arrangeurs donnent de nouvelles couleurs aux chansons qu’ils habillent, se mettant au service des mélodies en authentiques compositeurs.
Christian GAUBERT a toujours conjugué deux amours, celui du jazz et du cinéma. Ami et complice de Francis Lai, il devint son arrangeur attitré dès le tube planétaire de Love Story en 1971. C’est qu’il aime raconter des histoires, il l’a toujours fait en arrangeant les musiques de Francis Lai, le duo constituant un sommet dans le registre des musiques de films.
Je ne suis pas loin de penser avec Thierry Jousse qui anime sur France musique Ciné Tempo qu’Un homme, Une femme est l’un des meilleurs films de Lelouch, toutes époques confondues et que sa B.O est l’une des plus accomplies de Francis Lai, avec celle de l’Aventure c’est l’Aventure (1972), film devenu culte qui figure justement sur ce nouvel album Sans frontière sorti sur le label Maison Bleue.
Ce nouveau projet est né de la rencontre du pianiste marseillais avec le mandoliniste Vincent Beer Demander, enseignant au CNR de Marseille. Tous deux savent faire preuve d’une formidable ouverture qui leur fait passer toutes les frontières musicales. Christian Gaubert, quand il écrit pour le mandoliniste, fait voyager de Marseille où tout commence avec “l’Alcazar” à l’Espagne, sans oublier l’Irlande, l’Italie (reprise bien venue du thème du Parrain de Nino Rota), Rio, le Nicaragua, puisant dans des influences et styles divers, jazz, chanson, samba… classique avec“La Habanera” construite sur une forme qui a fasciné les compositeurs classiques du siècle dernier.
Un cadeau pour Vincent Beer Demander qui n’est pas pour rien dans la formule gagnante du trio, dans une instrumentation des plus originales, piano, guitare, mandoline. Le troisième homme n’est autre que le fils de Christian, Julien Gaubert, guitariste mais aussi assistant de production ( Monstros Studio) et régisseur de diverses réalisations à la Seine Musicale. Piano et guitare constituent un écrin idéal pour la mandoline et les mélodies écrites pour mettre en valeur l’instrument.
Il s’agit de réflections en miroir, d’un
jeu souvent double entre mandoline
et piano : deux, trois voix, plusieurs
lignes mélodiques qui ne s’unissent
pas souvent mais révèlent la
mandoline, d’une grande palette
expressive.
L’instrument de quatre cordes
doubles se joue sur une corde ou sur
les doubles, avec des trémolos tenus
ou des notes poussées au plectre,
entre pouce et index, à la “plume”
comme on disait à l’époque baroque,
âge d’or de l’instrument. Le musicien
peut s’adonner à des effets de
percussion sur la table d’harmonie,
au dos de l’instrument. Tout
l’instrument entre alors en
résonance pour produire le son.
"La petite soeur de la guitare” qui a la tessiture du violon ( du sol grave au la suraigu) en met plein l’ouïe. Vincent Beer Demander parvient à s’imposer en acoustique autant que le pianiste, rien qu’en pinçant les cordes!
On entend dans ces treize petites pièces, une musique solaire, contrastée, subtile, dynamique aussi avec des accélérations brusques, pas nécessairement plus fortes en volume. Une grande fluidité est donnée par la profondeur et densité harmoniques du piano ( écoutez ce «Bill Nostalgie» hypnotique créé pour le trio cent pour cent jazz Ligne sud du pianiste), son drive énergique et continu , le jaillissement improvisé de certains passages.
L’interprétation du trio a une qualité narrative qui nous saisit, témoignant d’une véritable science d’écriture et d’inspiration mélodique comme dans ces deux reprises de B.O pleines de reliefs et de surprises, celle de “L’aventure c’est l’aventure” à l'époque pop funk, adaptée pour la mandoline. On reconnaît le principe du jazz : le thème est rafraîchi, engendrant une variation swing et pourtant mélancolique.
"The little girl who lives down the lane”, du film éponyme de Nicolas Gessner , de 1976, jazz rock , époque oblige, charme par des accents nostalgiques, plus pop cette fois avec un sens du contrepoint et de belles interventions de guitare.
Il y a une réelle cohérence dans cet album qui s’écoute en tendant l’oreille, car, sous le chant souvent feutré et délicat, le style voluptueux de la mandoline, s’impose un parti pris simplement efficace, non dénué d’une certaine émotion : un ancrage populaire avec des mélodies simples, conjugué à un art savant de réharmoniser en changeant les accords, en les enrichissant, jouant avec la matière musicale pour en faire des miniatures pour mandoline.
Sophie Chambon
Bon à savoir: MANDOLINE MARSEILLE FESTIVAL DU 7 AU 13 JUILLET 2022
Festival créé en 2021 par Vincent Beer Demander
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