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5 mai 2022 4 05 /05 /mai /2022 11:50

Biréli Lagrène (guitares, basse Fender), Chloé Lagrène, vocal (dans 'Angel From Montgomery'). Enregistré en 2020-2021. Studio Sextan A, Paris.
PeeWee! / Socadisc.
Parution le 6 mai 2022.
Concert le 7 mai à la Salle Gaveau (75008).

   Prodige hier, prodigue aujourd’hui. Entre deux, quarante bonnes années de pratique tous horizons et sur tous les sommets de la guitare.
   Révélé en 1980 par un premier album à l’âge de 14 ans (‘Routes to Django’), Biréli Lagrène s’est délibérément affranchi de l’ombre du génial gitan. Il a beau naître dans une famille manouche en Alsace (Soufflenheim), son univers s’est ouvert. Au contact des plus grands, tels John McLaughlin et Paco de Lucia à ses tout débuts.


   Ne négligeant aucun genre de l’instrument, n’hésitant pas à donner de la voix à la manière des crooners, Biréli Lagrène avait toujours considéré le jazz comme une affaire collective. (« Jouer c’était avec d’autres musiciens »). Là, le cap de la cinquantaine franchi, le voici qui se lance en solitaire. « J’avais envie, confie-t-il dans le livret, d’entrer en studio avec la stimulation d’enregistrer pour la première fois toutes les pièces en solo, complètement improvisées, et de me laisser surprendre moi-même ».

    Ici, point n’est question de virtuosité, notre artiste a passé l’âge de vouloir (ou de devoir) étonner. Tout au long de ces petites pièces (de 43 secondes à 6 minutes 13), la seule règle d’or c’est le plaisir. De l’interprète et de l’auditeur. Une pérégrination à la guitare (acoustique, électrique) qui emprunte le chemin de compositions personnelles et de quelques standards inoxydables du grand répertoire (‘Nature Boy’, ‘Caravan’, ‘My Foolish Heart’). Chacun pourra picorer à sa guise dans ces 17 titres et se laisser surprendre par tant de grâce et de rythme.

   Une des fortes surprises discographiques de l’année. A conseiller à tout amateur, de jazz, de guitare, de musique tout court.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Andrea Rotili & X. (D.R.)

 

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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 18:55
 Jean Michel Bernard  The Singular World of Jerry Goldsmith

 

Jean Michel Bernard

The Singular World of Jerry Goldsmith

 

Label Cristal records/Distribution Quaartz

 

The Singular World of Jerry Goldsmith | Jean-Michel Bernard | Cristal Records

 

Thierry Jousse qui dirigea un temps les Cahiers du Cinéma ne perd jamais une occasion de parler de musique dans Ciné tempo, le samedi à 13h. C'est dans une autre de ses émissions de France Musique, disparue aujourd'hui, Cinéma Song que j'ai découvert Jean Michel Bernard. Talentueux pianiste, compositeur, orchestrateur, il a très vite été reconnu par Ray Charles avec lequel il a tourné en quintet de 2000 à 2003 et Lalo Schifrin  le considère comme un "soul brother", ce qui n'est pas rien. Car chez ces musiciens, il n'existe aucune ségrégation entre les styles de musiques mais une interpénétration savante et ludique. En France, c'est avec les films de Michel Gondry qu'il a commencé à se faire entendre (La Science des Rêves et le très réussi Soyez sympas, rembobinez).

Après sa relecture, toujours chez Cristal Records, en 2018 des succès de Lalo Schiffrin, JM Bernard s’attaque logiquement à un autre génie de la musique de films, moins connu sans doute du grand public, Jerry Goldsmith qui composa de très nombreuses B.O à caractère symphonique pour Hollywood. Suite à une commande de l’opéra de Bordeaux pour le festival Ciné notes dont c’était la troisième édition en mars dernier, Jean Michel Bernard au piano et à la direction, s’est entouré de la même fine équipe de solistes, des musiciens classiques d'orchestre (dont le corniste Jean Michel Tavernier) ou soliste comme le violoniste Laurent Korcia, un combo explosif de jazzmen dont le formidable Frederic Couderc à la flûte, aux sax alto et soprano, le trompettiste mentonnais Eric Giausserand et les maîtres de la rythmique  Pierre Boussaguet et François Laizeau, le percussionniste Jean François Durez. Sa femme Kimiko Ono chante sur plusieurs thèmes.

JM Bernard reprend en les réinterprétant 18 des plus belles partitions de Jerry Goldsmith dont beaucoup de films d’action et de S.F : Total Recall, Rambo ( First Blood), la Star Trek Suite, Gremlins, Poltergeist, The Omen (La malédiction), Papillon, Our Man Flint, The Wild Rovers. Jerry Goldsmith a également travaillé pour la télévision et on sera heureux de retrouver la pulsation dynamique de The Man from U.N.C.L.E, série-culte des années soixante où les agents très spéciaux Napoleon Solo et Ilya Kuryakin étaient joués respectivement par Robert Vaughan et David Mc Callum.

JM Bernard a quelques points communs avec son modèle, l’énergie rythmique, le sens de l’orchestration, la maîtrise des timbres et des couleurs, l’art de varier approches et styles sans chercher à illustrer ce qui se joue à l'écran, comme dans cette envoûtante ballade américaine que l’on n’attendrait pas dans le punchy Rambo. Chinatown est repris de façon tout à fait originale comme un vrai standard de jazz avec une trompette fragile et émouvante. Quant à Basic Instinct, un autre grand succès de Jerry Goldsmith, difficile d’oublier le thème principal du film de Paul Verhoeven, l’un des plus saisissants, le suspense étant rendu par des weird effects, comme un glockenspiel qui  minuterait le temps et l’angoisse.

Avec cet album qui ne manque ni de souffle ni de tranchant tout en déployant une riche palette musicale, on (re)découvrira le talent de Jerry Goldsmith tout en comprenant combien la formation réunie autour de JM Bernard a saisi la démarche de l'arrangeur et magnifié sa relecture. Le montage multiplie les approches, des solos classiques d’une intensité poignante de Laurent Korcia (The Russia House) à la trompette jazz agile dans Chinatown jusqu’à des effets jazz rock avec les guitares de Philippe Hervouët, ou de country  pour le western insolite de Blake Edwards The Wild Rovers sans oublier le parfum d’une ballade irlandaise dans Rudy avec la flûte de Frédéric Couderc.

Merci au label rochelais Cristal de faire preuve de cet éclectisme et de réunir nos deux passions jazz et cinéma dans le bel ouvrage de Jean Michel Bernard .

Sophie Chambon


 

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3 mai 2022 2 03 /05 /mai /2022 18:03

Claire Michael (saxophones alto, ténor, soprano, flute, voix), Jean-Michel Vallet (piano, claviers), Zaza Desiderio (batterie, percussions), Patrick Chartol (basse électrique, contrebasse), Hermon Mehari (trompette), David Olivier Paturel (violon) et Raul de Souza (trombone).
Blue Touch/UVM.
Parution le 6 mai.
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   Deux des passions musicales de Claire Michael -John Coltrane et les musiques brésiliennes- traversent son dernier album « Mystical Way ». Ce n’est guère une surprise donc, mais l’artiste nous ravit ici en utilisant toutes ses voies –les saxophones alto, ténor, soprano, la flute et sa propre voix- pour des envolées aériennes. Quand dans ses précédents disques et notamment ‘Trane Steps’ (2014), Claire Michael évoquait le Coltrane des années de jeunesse avec sa fougue, place aujourd’hui au jazzman de la spiritualité. Ce qui nous vaut une version tout en profondeur d’âme de ‘A Love Supreme’ et du titre qui donne son nom à l’album, ‘Mystical Way’.

 

   L’originalité de « Mystical Way » douzième opus de la jazzwoman, tient aussi à ses influences sud-américaines. La formation dont le noyau dur est constitué depuis une dizaine d’années de Jean-Michel Vallet (piano, claviers) et Patrick Chartol (basse) tourne régulièrement au Brésil. Sur cet album, figurent ainsi deux musiciens du « pays-continent », le batteur Zaza Desiderio et (surtout) le tromboniste Raul Souza (1934-2021), qui donne son ultime enregistrement avec « L’instant du bonheur » (grand moment d’émotion).

 

   Musicienne discrète, Claire Michael revient ainsi sur le devant de la scène du jazz après avoir revisité le répertoire de Claude Debussy et Erik Satie (albums sortis chez Budde Music en 2020 et 2021). Dans Mystical Way, l’auditeur attentif ne s’étonnera pas de retrouver ces qualités de cœur et d’étonnement, marqueurs de ces deux compositeurs majeurs du siècle passé ... Raison supplémentaire pour l’écouter !

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

   Concert de lancement le 7 mai au Sunset (75001) et les 17-18 mai au Théâtre Marius Bertou à Gif-sur-Yvette (91190);

 

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1 mai 2022 7 01 /05 /mai /2022 17:33
CHRISTIAN GAUBERT/ VINCENT BEER DEMANDER/JULIEN GAUBERT  SANS FRONTIERE

CHRISTIAN GAUBERT/ VINCENT BEER DEMANDER/JULIEN GAUBERT  SANS FRONTIERE

 

Label Maison Bleue

Distribution Socadisc et Absilone

Sortie le 29 avril 2022

Sortie d'album - Christian GAUBERT - Sans frontières - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler le beau palmarès du pianiste Christian Gaubert : 50 années d’écriture dans la chanson ( Bécaud, Aznavour entre autres) et les musiques de films (plus de 150 partitions). Les arrangeurs donnent de nouvelles couleurs aux chansons qu’ils habillent, se mettant au service des mélodies en authentiques compositeurs.

Christian GAUBERT a toujours conjugué deux amours, celui du jazz et du cinéma. Ami et complice de Francis Lai, il devint son arrangeur attitré dès le tube planétaire de Love Story en 1971. C’est qu’il aime raconter des histoires, il l’a toujours fait en arrangeant les musiques de Francis Lai, le duo constituant un sommet dans le registre des musiques de films.

Je ne suis pas loin de penser avec Thierry Jousse qui anime sur France musique Ciné Tempo qu’Un homme, Une femme est l’un des meilleurs films de Lelouch, toutes époques confondues et que sa B.O est l’une des plus accomplies de Francis Lai, avec celle de l’Aventure c’est l’Aventure (1972), film devenu culte qui figure justement sur ce nouvel album Sans frontière sorti sur le label Maison Bleue.

Ce nouveau projet est né de la rencontre du pianiste marseillais avec le mandoliniste Vincent Beer Demander, enseignant au CNR de Marseille. Tous deux savent faire preuve d’une formidable ouverture  qui leur fait passer toutes les frontières musicales. Christian Gaubert, quand il écrit pour le mandoliniste, fait voyager de Marseille où tout commence avec “l’Alcazar” à l’Espagne, sans oublier l’Irlande, l’Italie (reprise bien venue du thème du Parrain de Nino Rota), Rio, le Nicaragua, puisant dans des influences et styles divers, jazz, chanson, samba… classique avecLa Habanera” construite sur une forme qui a fasciné les compositeurs classiques du siècle dernier.

Un cadeau pour Vincent Beer Demander qui n’est pas pour rien dans la formule gagnante du trio, dans une  instrumentation des plus originales, piano, guitare, mandoline. Le troisième homme n’est autre que le fils de Christian, Julien Gaubert, guitariste mais aussi assistant de production ( Monstros Studio) et régisseur de diverses réalisations à la Seine Musicale. Piano et guitare constituent un écrin idéal pour la mandoline et les mélodies écrites pour mettre en valeur l’instrument.  

Il s’agit de réflections en miroir, d’un

jeu souvent double entre mandoline

et piano : deux, trois voix, plusieurs

lignes mélodiques qui ne s’unissent

pas souvent mais révèlent la

mandoline, d’une grande palette

expressive.

L’instrument de quatre cordes

doubles se joue sur une corde ou sur

les doubles, avec des trémolos tenus

ou des notes poussées au plectre,

entre pouce et index, à la “plume”

comme on disait à l’époque baroque,

âge d’or de l’instrument. Le musicien

peut s’adonner à des effets de

percussion sur la table d’harmonie,

au dos de l’instrument. Tout

l’instrument entre alors en

résonance pour produire le son.

"La petite soeur de la guitare” qui a la tessiture du violon ( du sol grave au la suraigu) en met plein l’ouïe. Vincent Beer Demander parvient à s’imposer en acoustique autant que le pianiste, rien qu’en pinçant les cordes!

On entend dans ces treize petites pièces, une musique solaire, contrastée, subtile, dynamique aussi avec des accélérations brusques, pas nécessairement plus fortes en volume. Une grande fluidité est donnée par la profondeur et densité harmoniques du piano  ( écoutez ce «Bill Nostalgie» hypnotique créé pour le trio cent pour cent jazz Ligne sud du pianiste), son drive énergique et continu , le jaillissement improvisé de certains passages.

L’interprétation du trio a une qualité narrative qui nous saisit, témoignant d’une véritable science d’écriture et d’inspiration mélodique comme dans ces deux reprises de B.O pleines de reliefs et de surprises, celle de “L’aventure c’est l’aventure” à l'époque pop funk, adaptée pour la mandoline. On reconnaît le principe du jazz : le thème est rafraîchi, engendrant une variation swing et pourtant mélancolique.

"The little girl who lives down the lane”, du film éponyme de Nicolas Gessner , de 1976, jazz rock , époque oblige, charme par des accents nostalgiques, plus pop cette fois avec un sens du contrepoint et de belles interventions de guitare.

Il y a une réelle cohérence dans cet album qui s’écoute en tendant l’oreille, car, sous le chant souvent feutré et délicat, le style voluptueux de la mandoline, s’impose un parti pris simplement efficace, non dénué d’une certaine émotion :  un ancrage populaire avec des mélodies simples, conjugué à un art savant de réharmoniser en changeant les accords, en les enrichissant, jouant avec la matière musicale pour en faire des miniatures pour mandoline.

Sophie Chambon

 

Bon à savoir: MANDOLINE MARSEILLE FESTIVAL DU 7 AU 13 JUILLET 2022

Festival créé en 2021 par Vincent Beer Demander

Accueil - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

 

 

 

 

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27 avril 2022 3 27 /04 /avril /2022 12:38
ILHAN ERSAHIN/ DAVE HARRINGTON/KENNY WOLLESEN : " Invite your eye"


ILHAN ERSAHIN/ DAVE HARRINGTON/KENNY WOLLESEN : " Invite your eye"
Nul record 2022
Ilhan Ersahin (saxs,  piano électrique, Juno 106), Dave Harrington (g, b, percus, sampler), Kenny Wollesen ( dms, percus, vb)


C'est un album iconoclaste et quasiment inclassable que nous propose ce trio inédit.
D'abord par la production du son aussi captivant que riche. Les trois musiciens réunis ici se font chacun multi-instrumentistes et l'on navigue alors dans des univers variés aux évanescences magiques.
Le saxophoniste turco-suedois Ilhan Ersahin, basé à New-York depuis plusieurs années est devenu une figure du jazz underground de la Pomme où il s'est autant nourri des incontournables figures légendaires du jazz que d'influence plus rock allant de Portishead à Massive Attack. Son univers est vaste et totalement syncrétique. Chargé de noires couleurs et d'ambiance de clubs éthérés au petit matin quand la musique se laisse aller simplement, cool et épuisée.
Dave Harrington est, de son côté guitariste issu d'un monde plutôt psychédélique et du rock progressif. Il y a chez lui du Floyd et des résonances à la David Gilmour.
Quand à Kenny Wolesen, satellite incontournable de la planète Zorn, on ne le présente plus. Avec lui s'installe les percussions douces et cotonneuse, qu'il soit aux percussions ou au vibraphone. C'est l'un des piliers de cette musique qui se rêve.
A eux trois ils nous embarquent dans un album étonnant, toujours surprenant et inclassable où les flottements poétiques font parfois place à un jazz électronique plus engagé.
Et à eux trois, c'est le Son qu'ils mettent en valeur dans cet ouvrage très bien produit qui s'écoute comme l'on goûte à de légères substances illicites. Et délicieuses.

Jean-Marc Gelin

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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 16:58
FLAVIO BOLTRO & FABIO GIACHINO        THINGS TO SAY

THINGS TO SAY   FLAVIO BOLTRO & FABIO GIACCHINO

CAM JAZZ/L'AUTRE DISTRIBUTION 

 

Voilà que le label italien CAM JAZZ nous propose deux CDs d’artistes transalpins, musiciens au sommet de leur art.

Commençons par le duo du trompettiste Flavio Boltro et du pianiste Fabio Giachino dans ces Things to say.

Un dialogue lyrique et passionné s’engage vite dès l’explicite “Dark Fire and Desire”. Le ton est donné, on ne perd pas de temps en préambule avec ces deux là.

Si on ne connaissait pas ce pianiste effervescent, le trompettiste, nous l’avions découvert, il ya longtemps, en quintet avec le saxophoniste Stefano di Battista, un frère en musique et c’était éblouissant. Mais Flavio Boltro n’est jamais plus près de lui même que dans le duo, configuration rêvée, chant de désir ou aveu d’une plainte. Point trop de méditation ni de recueillement, ce n’est pas là leur pente naturelle, ils préfèrent escalader le versant jazz en grimpeurs fous de rythmes. Ils restent vifs jusque dans la gravité. Même dans le “Prélude to Salina”que le pianiste interprète seul, on sent une force irrésistible qui préfigure l’histoire vibrante de “Salina” au mitan de l’album, ballade animée d’une douce violence. L’alchimie fonctionne avec une expressivité mélodique à son acme.

Onze pièces composent l’album, assez courtes mais suffisamment intenses pour ne pas nous laisser souffler, six du pianiste, quatre du trompettiste et une collective qui s’ajustent parfaitement dans un montage intelligent. Après “No Noise” à la tristesse marquée, le “Seven Dwarves” très dansant et le “Mood and Blues” improvisé et galopant en  toute liberté justifient peut être la remarque de Brian Morton, critique et auteur des liner-notes qui compare les deux Italiens aux fougueux  Louis Armstrong et Earl Hines. Il va même jusqu'à rapprocher le duo actuel, enregistré en 2020 en pleine pandémie à Turin (Boltro est Turinois ) avec le Weather Bird de 1928, dynamitage en règle du jazz de l’époque ... quelques années après la grippe espagnole! Association un brin curieuse, le duel constant entre Pops and Fatha se reproduit-il ici? Il s’agit  plutôt d’une entente cordiale, suite espiègle de “call and responses”, giro endiablé, avec des growls enjoués, pas trop de feutré dans le son rond et chaud du trompettiste, mais des aigus maîtrisés, sans fausse fragilité .

On se laisse entraîner par la vivacité de l’échange, clairement articulé jusqu’au final très court mais sans appel “Spicy Blues”. Emballant!

Sophie Chambon 

 

Pre-release - Flavio Boltro & Fabio Giachino - Things To Say release by Cam Jazz on April 22nd, 2022 - YouTube

 

Things To Say from THINGS TO SAY album 2022 (CamJazz) - Flavio Boltro, Fabio Giachino - YouTube

 

Le CD suivant, toujours sur CAMJAZZ, est celui du quintet d'Enrico Pieranunzi, un live au Village Vanguard qui sortira le 20 mai prochain.

A SUIVRE... 

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26 avril 2022 2 26 /04 /avril /2022 10:31

Matthias Spillmann (trompette & bugle), Francesco Geminiani (saxophone ténor), Manuel Schmiedel (piano), Fabien Ianonne (contrebasse), Noé Tavelli (batterie, composition)

Fribourg, 19-20 février 2020

Fresh Sound New Talent FSNT 635 / Socadisc

 

Assez différent du disque enregistré en 2017 (Noé Tavelli & The Argonauts Collective, Double Moon Records), et publié deux ans plus tard, ce nouveau CD ne doit pas ce renouvellement au seul changement de nomenclature, avec le passage, par l'arrivée du pianiste Manuel Schmiedel, du quartette au quintette (le bassiste a été oublié sur la jaquette, mais ils sont bien cinq). Il y a là comme l'affirmation d'une pulsation plus ferme, plus forte, qui ne sacrifie en rien les subtilités de la construction mélodique et harmonique, mais trouve au contraire dans ce nouvel essor la confirmation de son identité. Sans épiloguer outre-mesure sur la métaphore suggérée par l'allusion aux compagnons de Jason et à leur quête de la Toison d'or, on doit bien reconnaître que la référence choisie pour le discours d'escorte mérite quelque attention. C'est bien une sorte d'aventure exploratoire qui se joue dans ce nouvel opus. Différentes facettes du jazz contemporain s'y trouvent abordées, et développées avec une indiscutable richesse qui tient autant à l'écriture qu'à l'interprétation des membres du groupe, et à leurs qualités d'improvisateurs.

Bref c'est un vrai bon disque d'aujourd'hui, relié à la mémoire de ce jazz moderne qui s'était épanoui dans la seconde moitié du siècle dernier. Ce groupe international, avec tropisme new-yorkais et centre de gravité helvétique, nous offre une sorte d'état de lieux du jazz de stricte obédience, dans sa composante transatlantique. Plus que convaincant, le résultat est jouissif.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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24 avril 2022 7 24 /04 /avril /2022 19:23

Claude Tchamitchian (contrebasse, composition), Daniel Erdmann (saxophones ténor & soprano), Régis Huby (violon), Rémi Charmasson (guitare), Christophe Marguet (batterie)

Pernes-les-Fontaines, sans date

émouvance emv 1045 / Absilone-Socadisc

 

Le précédent «Ways Out» (Abalone AB 012), enregistré en 2012, était en quartette. L'équipe s'est étoffée, depuis environ 4 ans, par l'arrivée de Daniel Erdmann. La musique s'en trouve légèrement infléchie, peut-être vers un son plus explicitement 'jazz' (le saxophone n'y est pas pour rien), mais pas moins aventureux. Les sorties dont nous parle le titre seraient-elles de secours ? Ou simplement de liberté, pour désigner une échappée, un chemin inexploré ? Le texte de présentation du contrebassiste nous inviterait plutôt, si je le comprends bien, à sortir d'un monde précarisé par l'inconscience humaine, par l'espoir autant que par le rêve, sans abandonner ni la lucidité, ni la mémoire du passé. Et le fil rouge de la musique trace sa route, très librement, selon une dramaturgie essentiellement musicale, et assez différente au disque du concert auquel j'avais assisté voici quelques mois. Aux compositions d'une belle facture, et d'une réelle originalité, se mêlent des évocations : ici Charles Mingus, là Jacques Thollot, références chargées d'histoire et de densité musicale, dans les 2 cas. Force expressive du premier, liberté du cheminement mélodique du second, ces références transparaissent au fil d'un développement pourtant musicalement et artistiquement autonome : la vraie valeur de l'hommage. Et l'ultime plage nous entraîne encore ailleurs, là où le rêve rejoint la musique, ou l'inverse peut-être. D'un bout à l'autre, une œuvre musicale, accomplie, dont on devine qu'elle s'est concrétisée telle que les musiciens, collectivement, l'avaient rêvée. Et le texte de Jean Rochard qui accompagne le livret nous ouvre un sentier de poésie autant que de mémoire : comme pour nous rappeler qu'un disque n'est pas qu'un objet sonore, mais que l'ensemble fait œuvre.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert à Paris, au Studio de l'Ermitage, le mardi 26 avril 2022

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Un avant ouïr sur Youtube 

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23 avril 2022 6 23 /04 /avril /2022 14:16

Charles MINGUS (contrebasse), Eric Dolphy (saxophone alto, flute, clarinette basse), Clifford Jordan (saxophone tenor), Jaki Byard (pian) et Dannie Richmond (batterie).  Théâtre des Champs Elysées, Paris, le 19 avril 1964.
Coffret de 2 CD incluant un livret. Decca/Universal.
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   Charles MINGUS est né le 22 avril 1922 à Nogales (Arizona). Il aurait eu 100 ans hier.

   Cette réédition concerne le deuxième concert parisien de la tournée 1964 de Mingus, donné au Théâtre des Champs Elysées le 19 avril, dans une ambiance un peu dramatique, le contrebassiste devant se passer de son trompettiste Johnny Coles, hospitalisé en urgence (hémorragie interne) pendant sa prestation à la Salle Wagram le 17 avril au soir. Le leader rend d’ailleurs un bel hommage à son musicien dont la trompette trône sur scène ... sur une chaise !

 

   Amputé de l’une de ses voix, le groupe de Mingus va faire vibrer les spectateurs tout au long de ce concert qui, retardé, débutera finalement après minuit. Reproduit dans son intégralité, il permet d’entendre la voix rocailleuse du leader dans ses commentaires et l’accueil survolté du public parisien.

 

   Le programme se révèle à peu près identique à celui du vendredi (1), si l’on excepte un solo de piano de Jaki Byard ‘’A.T.F.W.’’ (Art Tatum, Fats Waller), synthèse brillante de l’époque classique, et un standard de l’un des maîtres de Mingus, Duke Ellington, ‘’Sophisticated Lady’’, donné par le contrebassiste en solo, sobrement accompagné par Byard.

 

   Mingus se montre fidèle à lui-même, incandescent, quand il livre au public pendant l’interprétation (près de 28 minutes) de ‘’Fables of Faubus’’(2) les paroles censurées dans le disque paru l’année précédente chez Columbia. (Extraits : « Ah Seigneur, ne les laisse pas nous tirer dessus…plus de croix gammée… plus de Ku Klux Klan… Faubus, un homme malade, ridicule, abruti, nazi »).

 

   Dans la même veine de son engagement on retrouve donnée ‘’Meditations on Integration’’, autre composition phare de Mingus traitant des conditions de vie dans les ghettos du sud des Etats-Unis. Le rebelle salue également la mémoire d’un autre de ses inspirateurs, Charlie Parker dans une longue version (27 minutes aussi) d’une autre de ses œuvres, sorte de collage de compositions du Bird, ‘’Parkeriana’’.

 

   Un moment d’émotion avec ‘’So Long Eric, Don’t Stay Over There Too Long’’ (21 minutes), où le compositeur exprime toute sa tristesse de voir son complice le quitter pour rester en Europe (où il décédera le 29 juin à Berlin à l’âge de 36 ans).

 

   Si l’on ajoute enfin un titre marqué par l’esprit du blues, ‘’Orange was the colour of her dress then blue silk’’), c’est bien tout l’univers mingusien qui se dévoilait cette nuit-là avenue Montaigne. Compositeur, interprète, chef de groupe, les trois facettes de l’art du grand Charles s’illustrent de la plus belle des manières.

 

... Un coffret indispensable dans toute discothèque.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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(1). Concert publié en 1996 par le label Revenge Records de Sue Mingus, veuve du musicien, sous le titre ‘’The Legendary Paris Concerts’’ et comprenant un solo de Johnny Coles sur « So long Eric ». Des copies et des éditions pirates du concert avaient circulé et été publiées avant la sortie de cette version officielle et le versement des droits aux interprètes.

 

(2)Stigmatisation du gouverneur de l’Arkansas Orval E. Faubus qui interdit en 1957 l’accès à l’université de Little Rock aux étudiants de couleur.

 

 

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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 17:24
RENE BOTTLANG  RALF ALTRIETH    NUMBERS

RENE BOTTLANG/ RALF ALTRIETH

NUMBERS

Meta records/ Socadisc

www.metarecords.de

 

Numbers, voilà un nom d’album en parfaite adéquation avec des titres en espagnol formant une série de nombres, sans correspondre à leur ordre de classement. Etrange...

Enregistré à la Buissonne pour le compte du label indé allemand Metarecords, fondé en 1999 autour du jazz et du classique, par Johannes Reichert et Ralf Altrieth, c’est à la découverte d’un duo pétillant et efficace que l’on assiste, celui du pianiste suisse René Bottlang et du saxophoniste allemand Ralf Altrieth. Un travail artisanal au sens le plus noble du terme, depuis la pochette peinte par le saxophoniste, également peintre, jusqu’ au livret-carnet de photos des deux musiciens, tableaux de leur séjour en Provence, tout un art de vivre que partagent ces exilés volontaires, adoptés et adaptés au Sud.

Musiciens paysagistes, inspirés par leur environnement naturel, ils creusent les possibilités de leurs instruments en 18 petites pièces, toutes du pianiste. Reste à tenir la route sur la durée mais le résultat est convaincant avec ce récital au répertoire métissé. Leur complicité manifeste, l’homogénéité de leur duo chambriste y est pour beaucoup. La séduction immédiate qui émane de ce duo fusionnel, complice en tous les cas, entraîne dans les méandres et rêveries d’une balade/ballade, sur une ou deux ailes, comme on voudra. On suit en effet les chemins d'un compagnonnage qui a su vite fusionner genres et styles, dans une grande clarté de discours, porté par le son impeccable de la Buissonne. Ces performances ont la teneur d’une aventure, des moments poétiques, des formes ouvertes, structurées néanmoins, alternance de pièces enlevées avec d’autres aux cadences moins rapides.

Trop méconnu, René Bottlang est un pianiste original qui compte à son actif une remarquable suite d’échappées libres ou belles selon la formule de son compatriote Nicolas Bouvier. Les Suisses savent s’échapper, on le sait. Il a d'ailleurs pas mal bourlingué... jusqu’en Mongolie d’où il revint avec un album pour le label avignonnais Ajmi series, un solo Solongo évoluant entre musique classique et jazz. Toujours aventureux, désireux de se frotter à d’autres musiciens, René Bottlang a tourné dans pas mal de groupes avec Charlie Haden, Barre Philips, Phil Minton. En Provence, c’est Jean-Paul Ricard qui le fit jouer avec André Jaume, Bruno Chevillon, Guillaume Séguron. Je me souviens d’un duo décoiffant à Arles à Jazz au Mejan en 2014, avec Louis Sclavis… Aussi n’est il pas étonnant de le retrouver dans pareille configuration avec cette fois un saxophoniste ténor et soprano. Ralf Altrieth que l’on découvre n’est pas pour rien dans l’installation d'un climat serein et vibrant, intemporel. Les tempos plutôt vifs laissent  respirer ses phrases dans une fluidité mélodique. Le piano est  archipel, singulier pluriel, percussif, chaloupant, en parfait écho les volutes soyeuses des saxophones.

Un art narratif sans débordement romantique mais romanesque, le long de compositions rythmées, plus acrobatiques qu’il n’y paraît. Des notes en pluie serrée et persistante, un martèlement audacieux du clavier, des superpositions d’accords et brisures rythmiques composent un chant profond, une mélodie jamais heurtée pourtant, dansante même. Cette conversation musicale est pleine de rebondissements, de traits vifs, de fulgurances, de changements d’humeur, d’expérimentations sur le son, le souffle où le silence joue aussi son rôle. Si, sur l’une des photos, on voit les deux amis jouer assis, d’un air faussement détaché, autour de verres de rosé (on est en Provence !), ils ne se laissent pas troubler dans leur partition, chacun jouant alternativement le rôle de soutien pour l’autre. Appliqués à peaufiner leur matière, dans ces miniatures réclamant un équilibre particulier, ils s’adaptent en permanence au caractère des pièces sans oublier de s’écouter, tout leur art résidant dans cette manière légère.

Sophie Chambon

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