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30 juillet 2021 5 30 /07 /juillet /2021 08:03

A la veille de ses 90 ans (le 6 août) Jean-Louis Chautemps a ouvert son livre de souvenirs. Dans une longue et riche interview à Matthieu Jaffré accordée le 7 avril dernier en son appartement de Montparnasse, et disponible sur Youtube, (Jazz Archive*) le saxophoniste parisien passe en revue une grande partie de sa carrière.

 

(27 janvier 2020, Pan Piper, remise des prix de l’Académie du Jazz, Palmarès 2019).


Tout au long de ces 75 minutes de confidences, le lauréat 1965 du prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz évoque pêle-mêle ses déboires d’écolier (renvoyé du lycée Buffon, de l’Ecole Alsacienne), ses jeunes années avec son grand-père, Jules Rais, écrivain-éditeur, bibliothécaire en chef de la Chambre des Députés qui mourut à Auschwitz en 1943, son épouse, Ludmila Savitsky (1881-1957) née en Russie et traductrice de Joyce et Isherwood (Adieu à Berlin), ou encore leur fille Nicole Védrès, écrivaine (1911-1965) et réalisatrice en 1950 d’un film-documentaire La vie commence demain, où figurent Picasso, Gide, Le Corbusier, Prévert…Il aurait pu aussi bien parler de sa famille paternelle (un père médecin, des oncles, Emile et Camille, ministres de la III ème République).


Mais bien sûr l’essentiel de son « retour sur images » concerne le jazz. Jean-Louis Chautemps précise comment il apprit à « jouer en mesure » lors d’une saison estivale de deux mois en 1950 au casino de la station balnéaire de Veules-les-Roses (aujourd’hui en Seine Maritime) où il était sur scène -aux côtés du trompettiste Jean Liesse- en après-midi et en soirée sur un répertoire de danse des plus variés.

 


Rompu aux règles du métier, le saxophoniste ténor est bientôt embauché par Claude Bolling… pour jouer du baryton. Le voilà lancé comme musicien professionnel. Les engagements (« les affaires » dans le langage de l’époque) se multiplient dans les studios (du jazz, de la variété où il côtoie des musiciens « de haut niveau ») les clubs. « Le chômage n’existe pas » pour le saxophoniste (ténor, soprano, baryton) qui pratique aussi clarinette flûte et trompette, et entreprend des études d’harmonie. C’est une époque bénie où Jean-Louis Chautemps enregistre avec Django Reinhardt en compagnie d’un jeune Martial Solal dont avoue-t-il en riant « j’avais du mal à comprendre ce qu’il faisait », part en tournée avec un « charmant » Chet Baker, ou encore rejoint le Big Band très européen de Kurt Edelhagen à la radio de Cologne (la WDR).

 

Changement de rythme avec l’arrivée du free jazz, souligne-t-il, de nombreux jazzmen « devenant professeurs ». Lui-même va enseigner dans ce Quartier Latin qu’il n’a guère quitté depuis son enfance, à l’Ecole Alsacienne (un retour par la grande porte) et même à la Sorbonne tout en continuant de se produire sur scène jusqu’au milieu des années 2010 dans le jazz (Quatuor de saxophones) et la musique contemporaine (L’ensemble Intercontemporain).

 

(22 janvier 2017, Pan Piper, remise des prix de l’Académie du Jazz, Palmarès 2016).


Quels enseignements tire-t-il aujourd’hui de ces 70 ans de musique, interprète et compositeur ? Jean-Louis Chautemps se refuse à toute conclusion, évoquant plutôt un projet en cours sur Nietzsche et révélant seulement -sourire aux lèvres- le secret de son jeu au saxophone : « petite bouche, grande gorge ».

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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*La vie commence demain. Entretien de Matthieu Jaffré avec Jean-Louis Chautemps. Jazz Archive. Avril 2021 :  La vie commence demain
 

©photo JLL.

 

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28 juillet 2021 3 28 /07 /juillet /2021 11:47

Le chroniqueur à Couches ©JACLaureVILLAIN

Plein Sud (pour le Nordiste que je suis) ça commence en Bourgogne, au festival Jazz à Couches, renaissant comme beaucoup après une année blanche (ou plutôt une année noire, sans festival).

Le 7 juillet, l'Orchestre de Jeunes de l'O.N.J., sous la direction conjointe de Jean-Charles Richard et Franck Tortiller, (re)joue le répertoire composé/arrangé par le second durant son mandat à la tête de l'Orchestre National de Jazz (2005-2008).

Belle aventure dont on avait eu la primeur en janvier avec une vidéo confinée (plaisir d'époque, lien ici). Des jeunes musicien.ne.s de France, et d'ailleurs en Europe, très investi.e.s, et belle brochette de solistes (ici je fais l'économie de l'écriture inclusive....). Le prochain O.N.J. des Jeunes sera, en 2022, dirigé par Denis Badault, avec le répertoire qu'il avait composé durant son mandat à la tête de l'O.N.J. (1991-1994)

 

Une halte à Jazz à Sète, le 13 juillet, pour la journée Jazz Marathon, avec concerts gratuits dans toute la ville, de 8h30 à 22h30, un prélude en attendant deux jours plus tard les grands concerts du Théâtre de la Mer. Beau moment de musique avec le Naïma Quartet de la contrebassiste-chanteuse Naïma Girou, devant le bar-restaurant The Rio, Quai Léopold Suquet, malgré le vent ; les rafales dissuasives n'ont altéré ni la passion des artistes ni l'écoute du public.

 

L'Amphithéâtre du Domaine d'O en 2019

Et le 'gros morceau', pour moi qui ai radiophoniquement produit et présenté ces concerts publics durant 29 ans (favoritisme que, j'espère, vous me pardonnerez....), ce furent les concerts de jazz du festival Radio France Occitanie Montpellier dans l'Amphithéâtre du Domaine d'O : 11 soirées (du 14 au 24 juillet), programmées par Pascal Rozat, que je ne détaillerai pas mais dont je retiendrai (luxe subjectif du chroniqueur bénévole), dans des registres très différents :

-l'Umlaut Big Band

©David Abécassis

Diffusion sur France Musique le jeudi 26 août à 23h dans l'émission 'Jazz Été'

 

-le quartette «Dichotomie's» de Daniel Zimmermann

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-ete/direct-jazz-montpellier-daniel-zimmermann-dichotomie-s-96765

 

-le trio de Yonathan Avishai

©David Abécassis

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-ete/direct-jazz-montpellier-yonathan-avishai-trio-96907

 

-le quartette du guitariste Hugo Lippi

©David Abécassis

Diffusion sur France Musique le mardi 24 août à 23h dans l'émission 'Jazz Été'

 

-et la Fanfare XP de Magic Malik

© Luc Jennepin

https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-ete/jazz-montpellier-magik-malik-fanfare-xp-97102

 

Ces concerts ont été diffusés en direct, ou seront accessibles en différé, sur France Musique au cours de l'été. Les liens ou infos figurent à chaque fois ci-dessus

 

Et chaque début de soirée (sauf le week-end), à 20h, quelque 200 mètres en contrebas, à l'ombre des micocouliers, des groupes de la région (avec des artistes qui pour certains ont une carrière nationale et au-delà). Beaucoup de belles musiques, dont je retiendrai, tout aussi subjectivement :

-le groupe vocal Celestial Q-Tips (Hervé Aknin, Sylvain Bellegarde, Émilienne Chouadossi, Kevin Norwood....)

©David Abécassis

 

-le trio FUR de la clarinettiste Hélène Duret

 

-et le trio Marlboro Bled (Fred Gastard, Bruno Ducret....)

 

Et le 21 juillet j'ai déserté pour une soirée Montpellier, et je suis allé vers Jazz à Junas afin d'écouter, dans le magnifique décor naturel des anciennes carrières, le Collectif La Boutique, dirigé par Fabrice Martinez, avec en invité Vincent Peirani : grand moment de musique.

Quatre heures plus tôt j'écoutais sur la place du village le groupe 'Identités' du saxophoniste Gaël Horellou

 

Juillet fut fécond mais l'été n'est pas terminé : peut-être encore quelques escapades....

Xavier Prévost

 

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16 juillet 2021 5 16 /07 /juillet /2021 18:08

Éric Plandé (saxophones ténor & soprano), Hasse Poulsen (guitare, mandoline, effets), Claude Tchamitchian (contrebasse)

Guyancourt (Yvelines), 6 & 7 février 2019

Leo Records CD LR 917 / Orkhêstra

 

Une rencontre entre trois francs-tireurs, adeptes de l'impro sans filet (3 plages), des compositions empreintes de liberté (cinq du saxophoniste, une du guitariste et une du contrebassiste), et pour compléter (la clé inspiratrice ?) un thème de Paul Motian, merveille de déambulation mélancolique (Folk Song for Rosie, gravé en 1979 par le batteur avec Jean-François Jenny-Clark et Charles Brackeen). Entre langage du jazz contemporain (mais relié à l'histoire), tentation sérielle et affirmation d'une absolue liberté, comme une leçon de choses sur l'état du jazz d'aujourd'hui, sans fards ni œillères, mais pas sans mémoire. Ce n'est pas l'un de ces disques d'impro totale avec pour seule consigne «rendez-vous à la coda» (excusez la caricature !) mais une œuvre collective et libre, conçue comme une forme d'ensemble intégrant les improvisations et les compositions. Hyper expressivité du saxophoniste, rondeur, grondements telluriques et finesse revendiquée du contrebassiste, et mobilité inspirée du guitariste-mandoliniste dans tous les univers : tout cela a conquis (voire comblé) l'auditeur que je suis. Merci les gars !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

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16 juillet 2021 5 16 /07 /juillet /2021 08:36

Quand Barney Wilen disparut le 25 mai 1996, le quotidien Libération lui consacra sa « une » sous le titre « La dernière note » illustrée d’un dessin issu de la BD de Loustal et Paringaux « Barney et la Note Bleue ».  Judicieux choix.


Publiée en 1986 chez Casterman, la bande dessinée marqua le retour sous les projecteurs d’un artiste déjà mythique, musicien prodige, partenaire de Miles Davis dans la bande originale d’Ascenseur pour l’échafaud, compositeur de musiques de films noirs, féru de free jazz, parti explorer l’Afrique...

 


Ce come-back tient pour beaucoup au hasard. Le jazzman de 49 ans découvre dans un kiosque de presse une BD dont il est le héros malgré lui. Dans cet épisode, publié par le mensuel "A Suivre" des éditions Casterman, l’auteur fait décéder le saxophoniste. Interloqué, Barney entend prouver son existence, et pour ce faire il utilise une méthode pour le moins originale : avec ses comparses, Philippe Petit (guitare) et Yves Torchinsky (contrebasse), l’artiste vient jouer sous les fenêtres du magazine de Philippe Paringaux, aux Champs-Elysées.
L’aubade improvisée – et captée au magnétophone (un TCD5M métal Sony Dolby avec un couple de micros électret) par un producteur de radio ami mis au parfum (Xavier Prévost) ne reste pas sans écho. Le contact établi entre le scénariste et son héros bien vivant va donner naissance à deux « bébés », un éditorial (la BD avec le dessinateur Jacques de Loustal) et un phonographique (un disque).

 

 

Enregistré en novembre et décembre 1986, « La Note Bleue » reçoit un accueil enthousiaste – plus de 60.000 ventes, le meilleur score du label indépendant IDA Records – et va décrocher en 1987 le Grand Prix international du disque de jazz de l’Académie Charles Cros. Barney Wilen a réuni pour l’occasion, outre le guitariste Philippe Petit, son complice depuis 1984, le pianiste Alain Jean-Marie, le bassiste Riccardo del Fra et le batteur Sangoma Everett. « C’est un disque destiné à être écouté en même temps, comme un clin d’œil, une référence, à l’époque, à la B.D » confiait-il alors à Libération.

Sur un répertoire connu de ses fidèles admirateurs (No Problem, Round about Midnight), des compositions personnelles (dont Portrait de l’artiste avec saxophone) et l’un de ses thèmes préférés, (Bésame Mucho), le saxophoniste (ténor, soprano) exprime un lyrisme propre à séduire un public bien au-delà des fans de jazz.

 

 

Un jazzman culte au Japon

 

 

Barney  est bien revenu. Six mois plus tard, en juin 1987, Philippe Vincent, le producteur de « La Note Bleue », rassemble en studio le saxophoniste avec un trio (Michel Graillier au piano avec la même rythmique Del Fra - Everett). Cette fois, la culture française est à l’honneur comme l’indique le titre de l’album (« French Ballads » - IDA Records), avec des oeuvres de Trenet (L’âme des poètes), Prévert-Kosma (Les feuilles mortes), Salvador (Syracuse), Louiguy-Piaf (La vie en rose), Michel Legrand (Un été 42, Les Moulins de mon cœur, What are you doing the rest of your life) … Un répertoire qui assurera à Barney une formidable cote d’amour, notamment au Japon où le musicien fait l’objet d’un culte toujours vivace aujourd’hui.

 

« La Note Bleue » aura donc joué un rôle crucial dans la carrière du saxophoniste (1937-1996) né à Nice d’un père américain et d’une mère provençale. Cette double aventure ‑ éditoriale et discographique – va pouvoir bénéficier d’un nouveau public, et notamment anglo-saxon, avec la sortie par le label espagnol Elemental lors du Disquaire Day le 17 juillet prochain (la manifestation se tient cette année sur deux dates, le 12 juin et le 17 juillet), d’un coffret de luxe en édition limitée (2000 exemplaires numérotés).

Sont ainsi proposés la version originale du disque remastérisé avec un titre inédit (All Blues de Miles Davis) dans un vinyle de 180 grammes, un livret de 40 pages (français et anglais) avec témoignages (musiciens, journalistes…), photos de Guy Le Querrec lors de la séance, la BD éditée en anglais et un CD inédit d’un concert de 1989 enregistré au Petit Opportun pour l’émission Jazz Club, produite par Claude Carrière et Jean Delmas et diffusée sur France Musique le 27 septembre 1989 (avec Jacky Terrasson (piano), Gilles Naturel (contrebasse) et Peter Gritz (batterie).

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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*Barney Wilen. La Note Bleue. Coffret Elemental Music-INA-Casterman. Sortie le 17 juillet.
Présentation sur le site www.elemental-music.com
L'édition CD reprenant l’album « La Note Bleue » et l’enregistrement au Petit Opportun y compris les commentaires de Claude Carrière en direct sortira le 3 septembre 2021.

 

 

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12 juillet 2021 1 12 /07 /juillet /2021 23:04

Fanny Ménégoz (flûtes traversières, composition), Rafaël Koerner (batterie, percussions, composition)

Ludwigsburg (Allemagne), 16-17 décembre 2020 & Bagnolet, 6 octobre 2018

Neuklang NCD 4237 / BigWax

 

Plus qu'une entreprise singulière, une véritable quête de la singularité. Deux instruments que l'on pourrait présupposer antagonistes, et deux instrumentistes qui ont choisi de tracer une route commune : connivence, interaction, communauté d'inspiration et de langage, et partage d'un même goût de la liberté. Une liberté qui ne renie aucune source, et n'écarte nul horizon. Magie du son, des timbres (Philipp Heck, le sorcier du Bauer Studio), précision de chaque instant, précision infiniment vivante, faite de sensualité expressive pour l'un et l'autre instruments. Des compositions de l'une et de l'autre, et aussi un emprunt au répertoire de Benoît Delbecq, avec de toutes parts ce goût de faire vibrer la matière sonore avec le concours de la pensée. Comme une sorte de collaboration exemplaire entre forme et matière. Du Grand Art, en somme. Réussite absolue.

Xavier Prévost

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Le duo est en tournée : le 13 juillet au Planet (Savoie), le 15 à Saint-André-de-Saint-Gonis (Hérault), le 18 à Monoblet (Gard), le 20 à Greffeil (Aude), le 23 à Estagel (Pyrénées-Orientales) & le 25 à Toulouse

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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10 juillet 2021 6 10 /07 /juillet /2021 21:27

Claire Vaillant (voix), Pierre Drevet (bugle, trompette), Francis Larue (guitare), Étienne Kermac (guitare basse), Fabien Rodriguez (batterie, percussions)

Invités sur une plage : Johan Véron & Martial Boudrant (violons), Estelle Gourinchas (alto), Thomas Ravez (violoncelle)

Renaison (Loire), octobre 2020

Lilananda / Inouïe distribution

 

Sauf erreur, le troisième disque de ce quintette, et l'occasion aussi de rappeler le très beau travail du trompettiste-arrangeur et de la chanteuse avec le Brussels Jazz Orchestra (chronique ici). À l'origine le groupe était très orienté vers la musique brésilienne (il l'est encore en partie, cf. la plage 4 qui reprend Tom Jobim). Mais l'essentiel est ailleurs : dans cette sophistication qui rappelle l'aventure musicale de Kenny Wheeler & Norma Winstone, le goût des phrases chromatiques qui s'envole vers l'inconnu et le risque, la chaleur des timbres, l'émotion qui tend à prévaloir dans l'expression. On est aussi dans cette clarté sonore qui s'épanouissait au cours des années-fusion (les années 70), mais avec un supplément d'âme : la présence presque charnelle des solistes, et le sens du dialogue entre la voix et les instruments plus que le goût de la performance. L'occasion pour moi de redire mon admiration pour Pierre Drevet, pour l'instrumentiste-improvisateur, pour le compositeur-arrangeur. Et aussi pour souligner encore le talent de Claire Vaillant, qui sait à merveille jongler avec les unissons les plus périlleux sans jamais céder un pouce de terrain en termes de musicalité et d'intensité expressive. Et qui sait aussi s'envoler dans la haute atmosphère de l'improvisation. Bref c'est un vraie réussite, dans un registre qui serait celui d'une fusion qui n'aurait pas oublié ce qu'elle doit à l'esprit du jazz.

Xavier Prévost 

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5 juillet 2021 1 05 /07 /juillet /2021 16:49
SIMON MOULLIER TRIO  COUNTDOWN

SIMON MOULLIER TRIO

COUNTDOWN

Welcome — Simon Moullier

 

www.freshsoundrecords.com

Simon Moullier - Countdown (Teaser 1) - YouTube

 

Aux commandes de son trio, avec le bassiste Luca Alemanno et le batteur Jongkuk Kim, qui constituent la rythmique de son dernier Spirit Song, le vibraphoniste Simon Moullier sort chez Fresh Sound New Talent son deuxième album Countdown, du nom de la composition de Coltrane de 1961 qui ouvre d’ailleurs l’album. Ce qui place tout de suite la barre très haut mais ces percutants du jazz s’en donnent à coeur joie!

Ce Spirit Song, nous l’avions trouvé prometteur, Simon Moullier continue sur cette lancée et ne nous décevra pas. Il a choisi cette fois des standards qu’il s’approprie dans des reprises très personnelles. Un répertoire canonique de dix mélodies inspirées comme ce “Work” de Thelonius Monk où le vibraphoniste dévoile toute sa science des percussions africaines. Il révèle ainsi tout un arrière-pays attachant et impose sa manière enjouée et rebondissante. S’inscrivant dans la lignée de prédécesseurs illustres, Lionel Hampton, Milt Jackson, Bobby Hutcherson, Gary Burton qui firent avancer l’histoire de l’instrument, il assumerait plutôt leur héritage, sans s’en cacher, mais en apportant sa touche personnelle, à la recherche d’ un son propre; tout en écoutant d’autres instrumentistes et des chanteurs comme Nat King Cole et Billie Holiday. Ce qui a son importance, puisqu’il cherche à tordre les notes avec son instrument pour obtenir une qualité plus vocale dans son phrasé.

La musique garde toute sa cohérence, car elle avance dans une seule direction, de par l’authentique travail de placement et de répartition des rôles dans un trio complice, maîtrisant l’harmonique et le mélodique. Un montage réussi varie les atmosphères des morceaux et des tempos, les pièces groovent intelligemment. Ils ont trouvé le bon feeling dans des orchestrations réussies, sensibles aux fréquences de chaque instrument et à leur place dans le groupe, à la clarté de chaque mélodie et structure.

C’est réussi, l’ensemble a une fraîcheur de ton, une belle énergie rythmique, de sérieuses qualités techniques. Le résultat de ce savoir-faire maillochique est tournoyant dans une version chaloupée et renouvellée de la belle mélodie d’ Eden Ahbez “Nature Boy”. Un vertigineux “Hot House” est lancé à un train d’enfer qui ne dépare pas l’original endiablé de Tadd Dameron. Les bonnes vibrations d’un trio qui s‘est jeté en plein Covid, dans l’enregistrement du CD, en mai 2020 au Sears de New York, nous emmènent sans jamais nous perdre: solaire comme il se doit sur le “Beijo Partido” de Milton Nascimento, d’une musicalité saisissante dans ce “Turn out the stars” qui fait oublier la mélancolie Evansienne.

Dirigé avec rigueur, subtilité et une grande science des équilibres, le trio fait avancer son équipage jusqu’au doux final dansant de Monk “Ask me now”.

Voilà un espace sonore du vibra tout à fait enchanteur, un nouvel opus élégant qui s’écoute sans modération.

 

Sophie Chambon


 

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4 juillet 2021 7 04 /07 /juillet /2021 15:09

Jérémie TERNOY (piano, compositions, direction)
Kristof HIRIART (voix, compositions, direction)

Maryline Pruvost (voix, flûtes), Didier Ithursarry (accordéon), Christophe Hache (contrebasse), Chris Martineau (alto), Julie Läderach (violonselle), Alexis Thérain (guitare), Christian Pruvost (trompette), Sakina Abdou (saxophones, flûte à bec), Vianney Desplantes (euphonium), Yoann Scheidt (percussions)

Abbaye de Noirlac, Bruère-Allichamps (Cher), janvier 2020

LagunArte productions LP 08 / www.lagunarte.org

 

Totalement singulier et déjà, pour cette seule raison, excitant. Après un premier disque, «Beraz», paru voici plus de 5 ans avec la même équipe, le tandem Kristof Hiriart - Jérémy Ternoy récidive. Un basque et un nordiste qui n'en sont pas à leur première collaboration (voir en effet le duo «Hermeto»), et qui reviennent avec cet orchestre totalement hors-norme, et un nouveau programme. L'orchestre recèle semble-t-il plus de Nordistes que de Basques, mais l'osmose est totale, autour d'une musique qui mêlerait toutes les sources, du jazz et du rock progressif aux musiques de tous les mondes, et les splendeurs du chant choral ; car les instrumentistes font également chœur. C'est construit, pensé, la forme d'ensemble se dénoue devant nous, et pourtant tout respire la liberté, dans l'écriture comme dans l'improvisation. Côté textes, avantage au Pays Basque avec Beñat Sarasola, Alejandro Bilbao Larrazabal alias Erramun Mazuri, et Manex Erdozaintzi-Etxart. Avec aussi un beau détour par William Blake. Côté musique, chromatisme, mais aussi élans mélodiques comme en conçoivent les musiques popuaires d'ici et d'ailleurs. Cela respire la vitalité de bout en bout, avec des surprises, et des détours, le temps suspendu d'une beauté fulgurante, et le surgissement des voix (du chant au cri) comme autant d'échappées belles (très belles). Bref c'est une œuvre unique en son genre, d'une originalité folle, à découvrir absolument !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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29 juin 2021 2 29 /06 /juin /2021 11:08


Paul Lay, piano. Studio Meudon, 3-4 novembre 2020.

Gazebo/L’autre distribution.
Sortie le 25 juin 2021.

Voilà un pianiste qui n’a pas fini de nous surprendre. Impossible à cataloguer (et c’est tant mieux), tel est Paul Lay. Lauréat du Prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz en 2015, il s’est manifesté depuis par un retour aux racines dans un duo avec le trompettiste Eric Le Lann (‘’Thanks a Million’’. Gazebo) et une ouverture sur le contemporain aux côtés de la fulgurante saxophoniste Géraldine Laurent (‘’At Work’’ et ‘’Cooking’’, tous deux chez Gazebo). Le béarnais d’Orthez approche la quarantaine -il fêtera ses 37 ans en juillet- avec sérénité et confiance, assuré d’une vingtaine de « dates » sur scène cet été.

 

 

« Fasciné » par Jelly Roll Morton et Earl Hines, Paul Lay s’attaque aujourd’hui à un autre géant du piano s’il en est, Ludwig van Beethoven. Une commande de René Martin, le patron des Folles Journées de Nantes pour les 250 ans de la naissance du compositeur allemand en 2020. « Ce qui m’a frappé, c’est la puissance des formes, analyse le pianiste dans le livret de « Full solo » (Gazebo). Chaque pièce se « tient » magistralement ».Devant de tels monuments, Paul Lay a souhaité préserver un équilibre entre « la perfection » des morceaux et la volonté de l’improvisation.

Avec élégance, légèreté et rythme, Paul Lay visite l’univers de Beethoven, donnant à entendre quelques-unes de ses plages les plus illustres (''La sonate au clair de lune'', la ''Lettre à Elise'', l’'Hymne à la joie'' …) auxquelles il a joint des compositions personnelles inspirées notamment par un séjour dans la cité où le Maître rendit son dernier soupir (Vienne. 1827).  

 

Avec Full solo, l’ancien élève du CNSM signe une œuvre de haute volée apte à séduire tous les amoureux de la bonne musique sans œillères ni préjugés.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

En concert cet été pour Full solo notamment au festival de la Vézère (Corrèze) le 19 juillet, Parc Floral à Paris le 14 août, Bal Blomet (Paris) le 29 septembre. Et également au sein du quartet de Géraldine Laurent le 1er juillet à Niort, le 11 à Porquerolles, le 31 juillet à Andernos et le 3 août à Marciac. Et avec son trio le 12 juillet à Chaumont, le 24 au Parc floral de Paris, le 7 août à Sisteron.

 

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27 juin 2021 7 27 /06 /juin /2021 21:30

Vincent Lê Quang (saxophones soprano & ténor), Bruno Ruder (piano), Joe Quitzke (batterie), Guido Zorn (contrebasse)

Pernes-les-Fontaines, décembre 2019

La Buissonne RJAL 397038 / PIAS

 

Dès les premières notes de piano (un arpège de do où la tierce, absente, est bien sous-entendue comme mineure), le sortilège est là. Les tambours sollicités par des mailloches qui font entendre ce que seraient des graves de piano étouffés avec la main confirment cette magie noire. La basse rôde et le soprano fait son entrée de velours. En moins d'une minute on sait que l'on entre dans une intensité musicale au sommet. Éternelle comme le suggère le titre ? Pourquoi pas. Une entrée dans un univers de très grande musique. Libre, émancipée des codes et langages, tout entière contenue dans l'évidence de la forme et la sensualité du son. Tout semble ici reposer sur la connivence tissée par ces musiciens depuis 12 ans, ce tétralogue de chaque instant d'où surgissent sans cesse, pour nous qui écoutons, surprise ou étonnement. Pourtant habitué à guetter dans chaque mesure, ou chaque groupe de mesures, ce qui pourrait advenir au-delà, je renonce assez vite : l'échec de mon anticipation abolirait le plaisir de l'écoute. Alors je fais allégeance à cette loi du plaisir immédiat, assuré que d'autres écoutes ouvriront de nouveaux horizons. Advient l'instant du ténor, à la troisième plage : force d'expression intacte, et interaction toujours avec les autres musiciens, comme s'ils avaient décidé une fois pour toute de faire langue commune, sans préjuger du langage qui se forge et se transforme au fil des barres de mesure. C'est à la fois une navigation à vue et une imparable vision du but à atteindre : c'en est fascinant. Le saxophoniste signe 9 titres mais laisse à chacun de ses partenaires la plume pour une plage, occasion de confirmer leur adhésion à cette musique qui est décidément collective. Après une espèce d'interlude pour piano seul (mais sur une composition du saxophoniste ?) accroît encore l'intensité du mystère, jusqu'à ce que la plage suivante marque le retour du soprano, en majesté, timbrant parfois sensuellement dans le grave. Un hommage appuyé à Wayne Shorter dans une plage, et dans toutes une déclaration d'amour au son et à la musique : magistral !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube 

 

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