A la veille de ses 90 ans (le 6 août) Jean-Louis Chautemps a ouvert son livre de souvenirs. Dans une longue et riche interview à Matthieu Jaffré accordée le 7 avril dernier en son appartement de Montparnasse, et disponible sur Youtube, (Jazz Archive*) le saxophoniste parisien passe en revue une grande partie de sa carrière.
(27 janvier 2020, Pan Piper, remise des prix de l’Académie du Jazz, Palmarès 2019).
Tout au long de ces 75 minutes de confidences, le lauréat 1965 du prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz évoque pêle-mêle ses déboires d’écolier (renvoyé du lycée Buffon, de l’Ecole Alsacienne), ses jeunes années avec son grand-père, Jules Rais, écrivain-éditeur, bibliothécaire en chef de la Chambre des Députés qui mourut à Auschwitz en 1943, son épouse, Ludmila Savitsky (1881-1957) née en Russie et traductrice de Joyce et Isherwood (Adieu à Berlin), ou encore leur fille Nicole Védrès, écrivaine (1911-1965) et réalisatrice en 1950 d’un film-documentaire La vie commence demain, où figurent Picasso, Gide, Le Corbusier, Prévert…Il aurait pu aussi bien parler de sa famille paternelle (un père médecin, des oncles, Emile et Camille, ministres de la III ème République).
Mais bien sûr l’essentiel de son « retour sur images » concerne le jazz. Jean-Louis Chautemps précise comment il apprit à « jouer en mesure » lors d’une saison estivale de deux mois en 1950 au casino de la station balnéaire de Veules-les-Roses (aujourd’hui en Seine Maritime) où il était sur scène -aux côtés du trompettiste Jean Liesse- en après-midi et en soirée sur un répertoire de danse des plus variés.
Rompu aux règles du métier, le saxophoniste ténor est bientôt embauché par Claude Bolling… pour jouer du baryton. Le voilà lancé comme musicien professionnel. Les engagements (« les affaires » dans le langage de l’époque) se multiplient dans les studios (du jazz, de la variété où il côtoie des musiciens « de haut niveau ») les clubs. « Le chômage n’existe pas » pour le saxophoniste (ténor, soprano, baryton) qui pratique aussi clarinette flûte et trompette, et entreprend des études d’harmonie. C’est une époque bénie où Jean-Louis Chautemps enregistre avec Django Reinhardt en compagnie d’un jeune Martial Solal dont avoue-t-il en riant « j’avais du mal à comprendre ce qu’il faisait », part en tournée avec un « charmant » Chet Baker, ou encore rejoint le Big Band très européen de Kurt Edelhagen à la radio de Cologne (la WDR).
Changement de rythme avec l’arrivée du free jazz, souligne-t-il, de nombreux jazzmen « devenant professeurs ». Lui-même va enseigner dans ce Quartier Latin qu’il n’a guère quitté depuis son enfance, à l’Ecole Alsacienne (un retour par la grande porte) et même à la Sorbonne tout en continuant de se produire sur scène jusqu’au milieu des années 2010 dans le jazz (Quatuor de saxophones) et la musique contemporaine (L’ensemble Intercontemporain).
(22 janvier 2017, Pan Piper, remise des prix de l’Académie du Jazz, Palmarès 2016).
Quels enseignements tire-t-il aujourd’hui de ces 70 ans de musique, interprète et compositeur ? Jean-Louis Chautemps se refuse à toute conclusion, évoquant plutôt un projet en cours sur Nietzsche et révélant seulement -sourire aux lèvres- le secret de son jeu au saxophone : « petite bouche, grande gorge ».
Jean-Louis Lemarchand.
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*La vie commence demain. Entretien de Matthieu Jaffré avec Jean-Louis Chautemps. Jazz Archive. Avril 2021 : La vie commence demain
©photo JLL.