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9 octobre 2019 3 09 /10 /octobre /2019 17:03

Yvan Robilliard (piano, piano électrique, synthétiseur), Laurent David (guitare basse, effets), Éric Échampard (batterie)

Meudon, 3-5 juillet 2018

Klarthe Records KRJ 021 / [PIAS]

 

Un voyage dans l'espace interstellaire, tel qu'il nous donne à voir la terre mère et son satellite, 'gros caillou brillant' : c'est le concept. Au-delà du discours d'escorte censé conférer au projet son identité, la musique nous parle. Musique de pianiste bien sûr, mais pleinement musique de trio, avec une indéniable communauté de langage entre Laurent David à la guitare basse et Éric Échampard à la batterie, cohésion au service des tourneries effrénées d'Yvan Robilliard, dont le piano passe la rampe, non dans le souci de briller mais par une sorte d'urgence irrépressible. Dès la première plage on se laisse emporter, et les accalmies lyriques ne sont que des reflets, en creux, du maelström. La petite danse de la plage 2 n'est qu'un prélude au groove qui suit, porteur d'un délicieux parfum fusion seventies. Et très vite ça barde. Les inclusions de documents sonore d'Apollo 11 dressent le décor mais la musique nous a déjà fait décoller. Sons technologiques du piano électrique et du synthé, émulation pressante du tandem basse-batterie, tout nous porte vers un horizon lointain. Mais l'espace distille aussi son lot d'excursions rêveuses. De plage en plage, la musique nous dépayse, ou peut-être nous déterritorialise, en tout cas on marche et on suit le trio dans ses pérégrinations musicales. Beauté du piano, méditatif, de la plage 7, avant une inclusion somme toute anecdotique d'Appolo 11, puis la voix parlée de Coltrane en leitmotiv rythmique autant qu'onirique d'une version très renouvelée de Naïma. Encore un délicieux parfum des années fusion (mais avec une effervescence rare) pour le thème qui donne à l'album son titre, puis un retour méditatif, avant de conclure par un groove très hancockien. Beau voyage en somme, dans l'imaginaire, voyage immobile qui fait pourtant vraiment décoller.

Xavier Prévost

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Le trio est en concert le jeudi 10 octobre 2019 à Paris, Studio de l'Ermitage

 

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5 octobre 2019 6 05 /10 /octobre /2019 12:36
PABLO CUECO  POUR LA ROUTE

 

PABLO CUECO

POUR LA ROUTE

Photographies de Milomir KOVACEVIC

Dessins Rocco

Editions Qupé

Première édition 2018

www.qupe.eu

 

https://www.qupe.eu/livres/pour-la-route/

Un petit livre que l’on déguste avec gourmandise ou qui se lit d’un trait, c'est selon, racontant l’histoire d’un quartier parisien, le 3ème, par la découverte de ses bistrots, de leurs propriétaires et clients. Une bistro-fiction au sens littéral plus qu’une auto-fiction, même si ce genre est à la mode, puisque l’auteur reconnaît ne pas avoir son permis de conduire...

Dans l’histoire de ce qui constitue une exception française, le bar, le bistrot, le troquet, le rade, on distingue le “classique”, la longue série des Brèves de comptoir de J.M Gourio qui relevait tout un ensemble de citations poétiques, absurdes, drôles, voire philosophiques, entendues au comptoir.

Le musicien Pablo Cueco qui pratique jazz, contemporain et musique traditionnelle au zarb, est aussi compositeur, écrivain de fictions, scénarios, dessinateur. Un artiste complet qui sait aussi prendre le temps et observer sa ville, mieux, son quartier. C’est lui qui parle, écrit et nous fait partager ses observations sur son 3ème, circonscrit au périmètre du quartier des Enfants-Rouges. Et il sait se livrer à une étude quasi exhaustive de tous les débits de boisson car il faut noter que, si on parle de nourriture (pas vraiment de gastronomie) dans ce petit livre savoureux, il est surtout question de liquides de diverses couleurs, tirés de plantes ou non, que l’on absorbe , souvent sans modération, à tout moment du jour et de la nuit, certains bars faisant la jonction, lieux mystérieux de la rencontre entre “ceux qui finissaient” et “ceux qui commençaient."  

Pablo Cueco connaît son quartier sur le bout de ces rues, trottoirs, bars qui paraissent fort nombreux : il doit y travailler aussi, donner ses rendez vous car il passe beaucoup de temps à observer les habitués, à décrire les comportements. D'où un ensemble de petits textes incisifs et très drôles, alternant avec quatorze "petits portraits" croqués sur le vif, reflétant une sociologie de comptoir, la radiographie d’un certain Paris actuel et en ce sens, le livre est aussi politique. Sans oublier les photos de comptoir, clichés d’atmosphère souvent poétiques de Milomir Kovacevic et les dessins, graphiques de circonstance de Rocco.

Pour la Route est à sa façon un guide touristique original pour découvrir un des cents villages parisiens. Ne manque qu'un plan justement avec l’emplacement de ces lieux à voir, à boire, la liste impressionnante des remerciements  étant en effet, adressés à tous les bistrots du quartier “sans qui le livre n’aurait pas pu boire le jour.” 

Soulignons enfin la découverte d’une jeune maison d’édition Qupé, dédiée aux Beaux-arts en général, et à l’écriture.

Sophie Chambon

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3 octobre 2019 4 03 /10 /octobre /2019 18:18

Annie Ebrel, Stella Vander, Pierre-Michel Sivadier, Mike Ladd (voix), Sophia Domancich (piano), Hélène Labarrière (contrebasse), Michel Edelin (flûtes), Vincent Lê Quang (saxophones), Emmanuel Bex (orgue), Simon Goubert (batterie, claviers)

Malakoff, 4-8 & 13 juin 2018

Seventh Ex-tension Records EX 16 / Berthus

 

Le jardin secret de Simon Goubert, que l'on a écouté de longtemps à la batterie dans les contextes les plus divers, mais aussi parfois au piano, et même au vibraphone dans un groupe de Joëlle Léandre. Celui qu'on adorait en trio avec Michel Graillier et Alby Cullaz, ou avec Sophia Domancich et Jean-Jacques Avenel, en duo avec Sophia, ou encore à la tête de ses propres groupes, nous révèle avec ce disque sa passion pour la voix (les voix) : voix de théâtre, de chant médiéval, classique, baroque ou traditionnel, voix du slam, et bien sûr du jazz (Billie Holiday....), de la soul music.... Il déploie ici son rêve, qui de phantasme est devenu réalité, avec la voix bretonne d'Annie Ebrel (sur des textes de Pierre-Jakez Hélias), la voix américaine (et les textes) de Mike Ladd, voix poétique de Pierre-Michel Sivadier, voix d'évasion onirique de Stella Vander, le tout mis en espace sonore par les complices instrumentaux de longue date, ou de plus fraîche connivence. Et Simon tel qu'en lui même, dans la finesse percussive comme dans l'explosion dionysiaque, et aussi aux claviers qu'il chérit et sait dompter. Pour ces voix d'élection il a composé des musiques, sur lesquelles ensuite ses partenaires ont écrit ou choisi des textes. Nous verrons, dit-t-il.... Eh bien c'est tout vu : un disque totalement singulier et absolument réussi, une œuvre d'artiste qui se livre à nous dans toute l'étendue de ses multiples talents.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=1UOVoQxGXvc

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1 octobre 2019 2 01 /10 /octobre /2019 16:16

 

WALLACE RONEY «Blue Dawn – Blue Nights»

Wallace Roney (trompette), Emilio Modeste (saxophones ténor & soprano), Oscar Williams II (piano), Paul Cuffari (contrebasse), Kojo Odu Roney (batterie),

invités : Lenny White (batterie), Quintin Zoto (guitare)

Englewood Cliffs (New Jersey), septembre & décembre 2018

HighNote Records HCD 7318 / Socadisc

 

Si j'en crois le Chicago Jazz Magazine, c'est le 22ème disque en leader du trompettiste. Il a été enregistré, comme une bonne part des précédents, au studio de Rudy Van Gelder. Il vient nous rappeler que Wallace Roney est bien autre chose que l'épigone de Miles que nous inflige notre mémoire, notamment la vidéo de ce tragique concert de Montreux à l'été 1991, à quelques semaines de la mort de Miles qui avait accepté de faire, sous la direction de Quincy Jones, ce qu'il avait toujours refusé : jouer la musique de son passé, en l'occurrence les magnifiques séances avec Gil Evans. Le regard de détresse de Wallace Roney, doublure de Miles, et jouant au côté les de son génial aîné les notes que celui-ci peinait à émettre, paraissait nous dire 'pourquoi ai-je accepté de participer à cette mascarade', ce regard m'a ému jusqu'au larmes (larmes de honte et de rage) quand j'ai vu ces images sur un programme nocturne d'une télévision française.

Wallace Roney donc, par et pour lui-même, entouré de jeunes musiciens (dont son neveu, un batteur âgé de 15 ans, le fils du saxophoniste Antoine Roney), avec aussi sur trois plages le concours en invité d'un déjà vétéran, le batteur Lenny White. Répertoire composite : un standard du groupe Toto (Don't Stop Me Now, que jouait aussi Miles), une compo de Lenny White, un thème de Dave Liebman (New Breed), et des contributions du pianiste et du saxophoniste du quintette ; le leader leur a laissé la main et n'a pas apporté ses compositions. Mais il a inscrit au programme Why Should There Be Stars, un thème qu'il avait joué, en accompagnateur (avec aussi Geri Allen) dans une disque de la chanteuse Mary Stallings voici près de 15 ans (et qu'il me paraît jouer ici en pensant à The Peacocks, le chef-d'œuvre de Jimmy Rowles). La musique est profondément vivante, un peu à l'ancienne, en ce sens que l'on semble avoir privilégié l'esprit du live plus que la production sophistiquée. Tous ont voix de soliste, et le chorus du leader s'efface parfois dans les brumes du mixage (New Breed). Je ne sais pas pourquoi, mais en l'écoutant je pense parfois à Art Farmer et à Booker Little. Bref c'est un (très) bel et bon disque de jazz.

Xavier Prévost

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Le quintette sera en tournée cet automne : à Limoges le 15 novembre, à Saint-Malo le 16, et à Paris (Sunside) les 22 & 23

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Un extrait sur Soundcloud

https://soundcloud.com/highnote-savant-records/bookendz-from-blue-dawn-blue-nights

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1 octobre 2019 2 01 /10 /octobre /2019 15:31
LES QUATRE VENTS  Perrine Mansuy, Christophe Leloil , Pierre Fenichel, Fred Pasqua

LES QUATRE VENTS

Perrine Mansuy(p), Christophe Leloil (tp et bugle), Pierre Fenichel (cb), Fred Pasqua( dms).

Label Laborie LJ56/ Socadisc

Sortie le 27 septembre.

 

Cinquante septième disque de Laborie, label découvreur de talents d’ Emile Parisien à Yaron Herman, de Paul Lay à Anne Paceo, Les quatre vents est sorti la semaine dernière, pendant le festival de l’ERMIJAZZ, au Studio de l’Ermitage (Paris 20 ème). Perrine Mansuy a déjà deux CDs à son actif avec le label limougeot, Vertigo Songs en 2011 et Rainbow Shell en 2015. Elle apparaît donc logiquement comme le fil conducteur de ce nouvel album.

Mais Les Quatre vents est aussi un collectif sudiste, créé en 2017, qui travaille avec la structure marseillaise Arts & Musiques. Normal, puisque les musiciens qui le constituent, s’ils ne sont pas tous marseillais d’origine, habitent à présent dans la cité phocéenne, et dans le même quartier, qui plus est. Le vent dont il est question pourrait-il être ce bon vieux mistral qui libère le ciel des nuages et autorise ce bleu si pur? Ou comme dans le titre du contrebassiste Pierre Fenichel, “Libeccio”, ce vent chaud, venu du sud, de Corse. Toujours la Méditerranée. Mais il n’est pas question sous les cieux de cette “mare nostrum” d’exalter le tragique mais la libre circulation du souffle (en l’occurrence, celui de Christophe Leloil, à la trompette) et des échanges animés entre ces quatre voix complices et complémentaires. Pas de leader en effet, leurs 9 compositions, de durée sensiblement égale, ont une cohérence qui puise dans une énergie  commune inspirée des éléments, l’eau, l’air, mais aussi le feu, selon leurs humeurs et tonalités.

Parti sur un tempo rapide, Christophe Leloil caracole en tête sur “Time eats up alive”, pune composition de la pianiste qui souligne la frénésie,  l’agitation inutile de notre temps...Le rythme s’adoucit avec “Kin hin”, délicieuse ballade aux cordes enveloppantes de Pierre Fenichel, arrimée par un chorus de sa contrebasse subtile, à la deuxième partie de ce qui constitue une petite suite “Prima Luce”.

Les énergies libérées se déploient dans plusieurs directions dans une musique généreusement expansionniste qui donne à chacun espace et liberté. Un jazz toujours vif avec les interventions agiles, brillantes de Christophe Leloil, qui stratosphérise volontiers de ses aigus clairs, tranchants, puissants. Même s’il est capable de pianissimos voluptueux, le trompettiste normand, Marseillais de coeur à présent, prend des chorus volontiers solaires, soutenu par le drive rebondissant, continu de Fred Pasqua qui doit décidément aimer les trompettistes puisqu’il joue aussi beaucoup avec Yoann Loustalot. C’est le seul des quatre à ne pas avoir donné (encore) de compositions au groupe mais il a su trouver sa place et se couler dans l’esprit de ces camarades de jeu.

La musique se crée dans l’instant sous leurs doigts experts: une sérénité teintée de mélancolie dans les variations de Perrine Mansuy, parfois encline à la contemplation comme dans les miroitements de sa “First Light on Muskoka”, qui traduit ses impressions d’un soleil levant sur un lac canadien. La pianiste fait entendre une voix de plus en plus affirmée, lyrique sans oublier d’être aussi percussive.

Voilà une musique de grande fluidité mélodique, se révélant pleine d’élan et d’allant jusqu’au final, une "chanson" de la pianiste “West of the Moon”(clin d’oeil au “East of the Sun, West of the Moon?”).

Une aventure collective réussie à qui l’on prédit un bel avenir, avec Laborie, “au sud du nord”, en quelque sorte…

 

Sophie Chambon

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30 septembre 2019 1 30 /09 /septembre /2019 11:49

 

Jacky Terrasson (piano, clavier, chant), Thomas Bramerie, Géraud Portal, Sylvain Romano (basse), Ali Jackson, Gregory Hutchinson, Lukmil Perez (batterie). Recall Studio, Pompignan, 12-19 juin 2019. Blue Note-Universal.

 

Une séquence rétro pour commencer : le premier concert de Jacky Terrasson qui me revient en mémoire eut lieu en 1996 au New Morning pour les 15 ans du club fondé par Eglal Farhi, disparue ces derniers jours. Le pianiste y jouait aux côtés d’un maestro de la basse, Ray Brown.  Peu après le lauréat du prix Thelonious Monk  surprit le milieu du jazz par une version toute pacifique de La Marseillaise qui aurait du plaire à Jacques Chirac, fan de musiques militaires et de Frank Sinatra.

 

L’actualité du pianiste franco-américain, c’est la sortie de son quinzième album en leader, intitulé simplement 53, pour rappeler son âge (il les fêtera le 27 novembre prochain). Comment marquer les esprits après trois décennies sur scène ? Jacky Terrasson  est revenu à la formule classique du trio (« celle où je me sens le plus libre ») tout en proposant uniquement ses propres compositions, si ce n’est une évocation brève (moins de 90 secondes) du Requiem de Mozart (Lacrimosa).


Pour mettre tous les atouts de son côté, le pianiste a retenu trois rythmiques différentes. Au gouvernail, Jacky Terrasson mène son équipage avec une main ferme, véloce, et un lyrisme séduisant.  Un hommage de belle manière à quelques maîtres (Ahmad Jamal dans le titre d’ouverture, ‘The Call’, Keith Jarrett dans ‘Kiss Jannett for Me’),  des accents bop, funky, pop :  en seize titres bien concentrés, le pianiste transmet à chaque note une jubilation de haut vol.  La classe !

 

Jean-Louis Lemarchand

 

En concert : le 4 octobre à La Rochelle, le 30 novembre au festival Jazz au fil de l’Oise, le 7 décembre à Bordeaux et le 12 décembre au New Morning (Paris).

 

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29 septembre 2019 7 29 /09 /septembre /2019 20:22

Jacques Chirac, Miles Davis et Frank Sinatra


S’il avait une certaine idée de la France, comme le général de Gaulle, Jacques Chirac, décédé le 25 septembre à 86 ans à Paris, n’avait jamais caché son affection pour les Etats-Unis. Le Président de la République (1995-2007) aimait à rappeler comment il avait découvert le pays de George Washington en 1953, en tant qu’étudiant à Harvard mais aussi dans différents emplois saisonniers, garçon dans un restaurant Howard Johnson à  Cambridge (Massachusets), cariste à St Louis ou encore journaliste au New Orleans Times-Picayune.  
Nul doute qu’au cours de cette année passée aux Etats-Unis le futur homme d’Etat aura découvert les musiques diverses, élément majeur de la culture américaine. Passionné des cultures du monde, et notamment des Arts Premiers auquel il consacra un musée quai Branly, amateur de poésie chinoise, Jacques Chirac eut l’occasion de témoigner de son penchant pour les musiques improvisées.  
En 1989, alors Maire de Paris, il avait organisé une réception à l’Hôtel de Ville en l’honneur de Frank Sinatra qui effectuait une tournée avec Dean Martin et Sammy Davis Junior et lui avait remis la plaque du bimillénaire de la ville de Paris. Ce jour-là, Jacques Chirac, se souvient un journaliste présent, Jean-Baptiste Tuzet, futur fondateur de Crooner radio, s’était lancé dans un discours en anglais extrêmement chaleureux et drôle avec des jeux de mots relatifs à de grands succès interprétés par l’artiste tels que «  Strangers in the Night », auxquels Frank Sinatra avait répondu par « April in Paris ».  
Cette même année, le futur chef de l’Etat avait remis la grande médaille de Vermeil de la ville de Paris à Miles Davis, nouveau témoignage du respect que portaient l’ami des américains et la ville-lumière  au prince de la trompette.
Longtemps, Jacques Chirac aura laissé croire que ses seuls centres d’intérêt personnels étaient les romans policiers, les westerns et la musique militaire. Ainsi, avait-il confié en souriant à un proche, « j’ai eu la paix pendant vingt ans sur la question de mes goûts culturels ». La vérité était tout autre.
Jean-Louis Lemarchand

 

 

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29 septembre 2019 7 29 /09 /septembre /2019 19:07

MIGUEL ZENON : «  Sonero, the music of Ismael Rivera »
Miguel Zenón (as); Luis Perdomo (p); Hans Glawischnig (cb); Henry Cole( dms)
Miel Music 2019

Un peu décevant.
Aïe, pas sur la tête ! On a bien conscience qu’en se montrant un peu déçus par ce nouvel album de Zenon l’on risque de se mettre à dos tout le fan club du saxophoniste porto-ricain. Et de fait, s’il a les apparences d’un petit bijou qui ne manquera pas de séduire, ce nouvel album de Zenon nous lasse néanmoins un peu sur notre faim.

Bon, (re)disons le tout net : Miguel Zenon est un saxophoniste au lyrisme superlatif ! La cause est entendue. L’un des plus grands. Ce qu’il livre ici met la barre très très haut dans l’inspiration lyrique des grands saxophonistes. Il faut dire qu’il y a des sujets qui l’inspirent et semblent le porter aux tripes. C’est qu’il est toujours dans une sorte de quête identitaire Miguel Zenon et qu’il ne cesse en effet de jeter des ponts entre le jazz et ses origines portoricaines. Et ceci album après album.
Ici, c'est de la musique du chanteur-compositeur Ismael Rivera (1031-1987) dont il s'agit.
Et dans ce registre, il faut bien le dire, Zenon est un alchimiste pour transformer en jazz la musique de ses propres racines.
Avec une fougue et un souffle Parkerien, le saxophoniste fait ainsi s'envoler les volutes mélodiques dans une sorte de monologue intérieur et néanmoins passionné.
Ca brûle autant que ça caresse, ça emporte dans un flot d’émotion intérieure. Ca embrase.

Mais parce que cette quête identitaire est une affaire personnelle, Miguel Zenon en devient un poil égocentré, ne livrant pas une musique ouverte et offerte mais laissant libre cours au plaisir très intime de l'improvisation lyrique. Miguel Zenon est certes un saxophoniste parkerien mais sa mise en avant occulte parfois la force d'un groupe qui pourtant est composé de trois autres musiciens de haute volée. Et c’est ce discours intérieur qui nous place parfois dans la position de spectateur ébahis, envahis mais étranger à cette histoire distanciée.
Jean-Marc Gelin

 

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27 septembre 2019 5 27 /09 /septembre /2019 10:25

S’il avait une certaine idée de la France, comme le général de Gaulle, Jacques Chirac, décédé le 25 septembre à 86 ans à Paris, n’avait jamais caché son affection pour les Etats-Unis. Le Président de la République (1995-2007) aimait à rappeler comment il avait découvert le pays de George Washington en 1953, en tant qu’étudiant à Harvard mais aussi dans différents emplois saisonniers, garçon dans un restaurant Howard Johnson à Cambridge (Massachusets), cariste à St Louis ou encore journaliste au New Orleans Times-Picayune.  

 

Nul doute qu’au cours de cette année passée aux Etats-Unis le futur homme d’Etat aura découvert les musiques diverses, élément majeur de la culture américaine. Passionné des cultures du monde, et notamment des Arts Premiers auquel il consacra un musée quai Branly, amateur de poésie chinoise, Jacques Chirac eut l’occasion de témoigner de son penchant pour les musiques improvisées.  

 

En 1989, alors Maire de Paris, il avait organisé une réception à l’Hôtel de Ville en l’honneur de Frank Sinatra qui effectuait une tournée avec Dean Martin et Sammy Davis Junior et lui avait remis la plaque du bimillénaire de la ville de Paris. Ce jour-là, Jacques Chirac, se souvient un journaliste présent, Jean-Baptiste Tuzet, futur fondateur de Crooner radio, s’était lancé dans un discours en anglais extrêmement chaleureux et drôle avec des jeux de mots relatifs à de grands succès interprétés par l’artiste tels que « Strangers in the Night », auxquels Frank Sinatra avait répondu par « April in Paris ».  

 

Cette même année, le futur chef de l’Etat avait remis la grande médaille de Vermeil de la ville de Paris à Miles Davis, nouveau témoignage du respect que portaient l’ami des américains et la ville-lumière au prince de la trompette.

 

Longtemps, Jacques Chirac aura laissé croire que ses seuls centres d’intérêt personnels étaient les romans policiers, les westerns et la musique militaire. Ainsi, avait-il confié en souriant à un proche, « j’ai eu la paix pendant vingt ans sur la question de mes goûts culturels ». La vérité était tout autre.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

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26 septembre 2019 4 26 /09 /septembre /2019 16:52

Rien ne prédestinait Eglal Farhi, disparue le 25 septembre à Neuilly à 97 ans (8 avril 1922/25 septembre 2019), à fonder à Paris un club de jazz , le New Morning,  qui allait devenir l’un des lieux mythiques des amateurs de la note bleue, au même titre que le Village Vanguard de New York ou le Blue Note de Tokyo.

 

L’ancienne élève de l’école des Dames du Sacré-Cœur du Caire avait dépassé le demi-siècle quand elle ouvre le 16 avril 1981, avec Art Blakey et les Jazz Messengers comprenant les frères Marsalis (Wynton, trompette, et Branford, saxophone ténor),  un club* dans un lieu tout à fait inhabituel, une ancienne imprimerie du Parisien Libéré au 7-9  rue des Petites Ecuries, à proximité de la Gare de l’Est.

 

 

Fan de jazz dans sa jeunesse, Eglal Farhi, qui écoutait dans la maison familiale au Caire Fletcher Henderson et Count Basie, avait décidé d’endosser le costume de chef d’entreprise et de prendre le relais de ses beaux-fils (Daniel et Alain) qui avaient rencontré quelques difficultés financières dans la gestion de leur club à Genève , dénommé déjà le New Morning, allusion à une chanson de Bob Dylan.

 

Tout le gotha du jazz est passé sur la scène du New Morning :  Stan Getz, Dizzy Gillespie, Dexter Gordon, Milt Jackson, Jim Hall, Elvin Jones, Art Blakey à plusieurs reprises et notamment pour ses 70 ans en 1989, Archie Shepp, Freddie Hubbard, Michel Petrucciani (la première fois à 18 ans), Nina Simone, Martial Solal, Michel Portal, Brad Mehldau, Joshua Redman… Le préféré d’Eglal Farhi restera Chet Baker : « un visage mélancolique, James Dean en plus beau, un fabuleux trompettiste qui me touchait beaucoup et a toujours tenu ses engagements même après avoir atteint dans l’après-midi un coma de stade 2 ».

 

 

Eglal Farhi nous confiait à la fin des années 90 « marcher au feeling » et « détester les ayatollahs » dans la musique.  « Le public jazz-jazz ne suffisait pas. Nous avons ouvert la scène à toutes les musiques afro-américaines », témoignait en 1996 Mme Farhi, une des rares femmes à tenir un club de jazz. « Chaque soir, c’est un coup de poker financier…. Et il m’arrive de perdre », ajoutait-elle, comme ce soir où un flutiste français (dont elle taira le nom) « fit » une dizaine de spectateurs.

 

La fondatrice du New Morning n’éprouvait qu’un seul regret : Miles Davis ne s’est jamais produit face au public exigeant de la rue des Petites Ecuries. Une consolation pour Eglal Farhi, le prince de la trompette a signé le livre d’or de l’établissement après y avoir tourné, acteur, l’année de sa mort (1991) quelques scènes du film Dingo dont il composa la musique avec Michel Legrand.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

*Depuis 2010, sa fille Catherine lui a succédé à la direction du club.

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