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3 juin 2019 1 03 /06 /juin /2019 22:19

SEBASTIEN PAINDESTRE - ATLANTICO : «  New eastern island »
La Fabrica’son 2019
Sébastien Paindestre (p, compos); Dave Schroeder: (chromatic harmonica, Mongolia ever buree, piccolo, bass flute, soprano saxophone, compos); Martin Wind (cb); Billy Drummond (dms); Janis Siegel (voc (2)); Billy Drewes (ss(1)).

Sebastien Paindestre n’a pas définitivement tourné la page Radiohead. Il y reviendra pour un 3eme opus mais pas tout de suite. Dans l’immédiat Sébastien Paindestre affirme surtout ici qu’il est avant tout un jazzman avec ses traditions et ses influences.
« New Eastern Island », le nouvel album d’Atlantico son groupe transatlantique est avant tout celui d’une rencontre, avec le saxophoniste Dave Shroeder, véritable référence du jazz New-Yorkais, impliqué dans toutes les grandes institutions du jazz de big apple. Shroeder s’est en effet pris d’affection pour Sebastien Paindestre depuis le premier album réalisé ensemble ( « En rouge ») et publié en 2016. Au point aussi de lui ouvrir en grand les portes d’un studio New-yorkais et d’aller jusqu’à produire lui-même l’album. Une histoire d’affinité musicale et d’amitié.
Sebastien Paindestre est arrivé de l’autre côté de l’atlantique avec ses compositions en poche ( auxquelles le saxophoniste a aussi contribué) et accompagné d’une formation de haut vol en associant au projet une rythmique de très très haute facture avec Martin Wind à la contrebasse et l’immense Bill Drummond à la batterie.
Et le résultat est à la hauteur de l’affiche. «  New Eastern island » se moque des sentiers battus et des clichés du jazz pour offrir une musique ouverte porteuse d’une réelle identité.
Par le talent de ses acteurs et par le choix de l’instrument qui évolue au fil des thèmes en associant parfois le sax soprano superlatif de Shroeder, parfois l’harmonica du même Shroeder ( sur les traces de l’harmoniciste belge Toots Thielmenans) ou encore la flute de Janis Siegel, Sebastien Paindestre parvient à créée un univers protéiforme porté aussi par des compositions dans lesquelles la nostalgie n’a pas de place.
Car il s’agit bien d’un album porté par un vent frais qui regarde le monde avec une formidable envie de jouer juste pour le plaisir. Il y affirme qu’il y  a une autre voie dans le jazz . Ni américain, ni européen mais quelque part au milieu de l'océan. Au delà aussi des postures post-coltraniennes ou Neo-colemaniennes. Car c'est effectivement une musique inspirée qu'il propose ici.
Pas un moment d’ennui tout au long de cet album ou l’on s’épate tant des compositions que du jeu des solistes qui contrent à créer cet univers « open mind »avec un souci du détail et du jouer ensemble. Il n’est que d’entendre cette formidable rythmique qui assoit la musique sur des bases aussi solides que vibrantes.
New Eastern Island montre peut être la voie. Celle d’un jazz épuré et riche à la fois.
Une réussite.
Jean-Marc Gelin

 

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14 mai 2019 2 14 /05 /mai /2019 21:15

Stéphan Oliva (piano), Sébastien Boisseau (contrebasse), Tom Rainey (batterie)

Pernes-les-Fontaines, 2018

Yolk RecordsJ2075 / l'autre distribution

 

Les quelques chroniques déjà parues font largement état de l'acronyme qui désigne le groupe et le disque tout à la fois : initiale des musiciens, O, R, B, et I.T. pour international trio. Bon, c'est fait. Le discours d'escorte qui accompagne le disque file la métaphore du circulaire et de l'ellipsoïdal, même si moins de la moitié des titres y fait référence. La musique, dira-t-on, peut en attester plus largement. Certes. Mais écoutons-la sans cette grille communicationnelle. La première plage, Split screen (référence aux écrans fragmentés, divisés, du multimédia ubiquitaire?) me fait penser à Lennie Tristano. Stéphan Oliva est un fan, et un grand connaisseur, de ce Maître du lyrisme tranchant, souvent abusivement taxé de froideur, quand il s'agit plutôt de poésie fracassée, déconstruite (et, comme la mer de Paul Valéry, «toujours recommencée»). J'entends cela ici, et beaucoup d'autres choses : l'escapade sérielle, la segmentation thématique, l'interaction subtile des voix (et la batterie n'est pas de reste). Parlons du batteur. Tom Rainey est un monument de précision pertinente, et pourtant son drumming respire la liberté, comme celui de Paul Motian, avec qui le pianiste avait enregistré («Fantasm», 1999, BMG ; «Intérieur nuit», night bird music, 2001) : technique supérieure chez Rainey, mais même sens poétique. Ne me demandez pas ce qu'est la poésie d'un batteur : je la sens, je la ressens, mais je renonce à tenter de la formaliser, et même de la formuler ; je crois bien que j'en suis incapable, peut-être devrais-je m'abstenir d'écrire.... Le dialogue, ou plutôt le trilogue, se joue tout au long du disque, plage après plage, selon cette indicible clarté. Suit une composition de Sébastien Boisseau : mouvements libres, convergence des pensées et des choix musicaux, magie et mystère, liberté, poésie encore.... Voici Gene Tierney, que le pianiste avait déjà évoquée dans son disque «After Noir (piano gone)» (sansbruits sbr013, 2011), poésie, mystère, encore (je m'enlise!) profonde musicalité, interaction fine (très fine!). Bref, quand je ne m'enlise pas, je m'égare.... Et cela se poursuit au fil des plages, compositions du pianiste et du batteur, plus le formidable Inflammable de Marc Ducret : c'est parfait, parfaitement captivant, alors si vous voulez me suivre dans mon égarement, plutôt que de vous infliger un commentaire de chaque titre (un petit mot quand même de Around Ornette, avec citations furtives -et jouissives parce que furtives- de Turnaround ), je vous propose de vous plonger dans le disque : pré-ci-pi-tez-vous pour l'acquérir ! Je vous conseille l'administration par voies auditives (ne le mangez pas!). Et puisque le groupe est en tournée (dates ci-dessous) ajoutez une bonne dose saisie sur le vif du concert.

Xavier Prévost

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Le trio est en tournée, le 16 mai au festival 'Jazz in Arles', le 17 au Pannonica de Nantes, le 18 à Paris, Maison de la Radio (concert 'Jazz sur le vif'), le 22 au Périscope de Lyon, le 23 au Cri du Port de Marseille, et le 24 au Petit Faucheux de Tours

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?1&v=p_m6GMWen7A

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14 mai 2019 2 14 /05 /mai /2019 12:21

Theo Croker (trompette, samples, claviers), Irwin Hall (saxophones), Michael King (piano, claviers), Eric Wheeler (basse),  Kassa Overall (batterie, percussions). Okeh/Sony. (sortie le 17 mai).

 

Les fans de Dee Dee Bridgewater avaient découvert ce jeune trompettiste dans son groupe au début de la décennie. Theo Croker fut repéré par la chanteuse quand il jouait à Shanghai où il résida sept années. Une rencontre qui devait inciter Dee Dee à produire son premier album pour le label Okeh en 2014 (Afro Physicist).

 

 

Pour son troisième disque, le trompettiste originaire de Floride confirme qu’il n’a rien oublié des fondamentaux du jazz tout en plongeant dans les expressions les plus contemporaines (hip-hop, fusion…).
S’il a fait connaissance avec l’instrument-roi à l’écoute, adolescent, de son grand-père, le très classique Doc Cheatham, Theo Croker ne cache pas son admiration pour Roy Hargrove, qu’il invita sur son précédent album. « Je voulais que cet album fasse ressentir des paysages terrestres, cosmiques, urbains et sauvages à la fois », confie le trompettiste trentenaire dans le texte de présentation.

Vaste programme, pour reprendre la formule d’un illustre chef d’Etat. De fait Theo Croker ne se limite pas à nous montrer sa vélocité, il construit un univers qui prête à une rêverie sans frontières. Revigorant.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

https://www.youtube.com/watch?v=LzQFI-moIP0
https://www.youtube.com/watch?v=XJM9gMHcHFE

 

©photo Bryant Norman.

 

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12 mai 2019 7 12 /05 /mai /2019 08:15
NICOLAS FILY JOHN COLTRANE THE WISE ONE

NICOLAS FILY

JOHN COLTRANE

THE WISE ONE

LE MOT ET LE RESTE

https://lemotetlereste.com/musiques/

 

 

On croyait que tout avait été dit, écrit sur John Coltrane mais le saxophoniste, plus de cinquante après sa disparition, le 17Juillet 1967, continue à inspirer musiciens, poètes, écrivains. Dans Le Réveil culturel sur France Culture, l’émission matinale de Tewfik Hakem, Nicolas Fily évoquait sa fascination pour le saxophoniste, l’homme autant que sa musique, découverte en écoutant du hip hop et en écoutant les diverses formations de Miles. Passionné de musiques plurielles, Nicolas Fily, né en 1983, a mis à profit ses compétences de disquaire et de critique pour parcourir et commenter les étapes marquantes de l’ évolution coltranienne. Il analyse avec sérieux les avancées du saxophoniste, le style, sans omettre la part de l'ombre, des addictions, sans réduire la dimension excessive de la vie et des albums. 

John Coltrane The Wise One, son premier livre est une somme sur la vie et la musique de cette légende du jazz du XXème siècle, virtuose et révolutionnaire. Il paraît chez l’excellente maison Le Mot et Le Reste qui cultive un éclectisme de bon aloi, à en juger par son catalogue qui ne s’arrête d’ailleurs pas à la musique. 

Son travail de recherches s’appuie sur une bibliographie sérieuse, une discographie sélective mais précise. Ce qui n’est pas l’un des moindres avantages du livre. Il précise et on le croit sans peine que tous ces auteurs et chercheurs lui ont évité des années supplémentaires de défrichage des terres coltraniennes. Coltrane qui mourut jeune n’a jamais cessé, en effet, dans sa quête insatiable de sens, de travailler, d’enregistrer, de créer. Il a mené une vie d’ascète dont le caractère mystique se retrouve dans sa musique. La minutieuse entreprise de Gily ne sépare pas la vie de la musique, qui vont très bien ensemble, une vie racontée par le double prisme mystique et artistique. Tous ceux qui ont approché Coltrane ont vanté l’humilité et la sincérité de son engagement, la profonde humanité du personnage.

Voilà une introduction bienvenue pour qui veut s’immerger dans cette oeuvre phénoménale mais aussi une synthèse pour les amateurs plus éclairés qui sauront se retrouver dans une production pléthorique que le livre met en valeur au moyen de sobres vignettes en noir et blanc, conformes à la charte graphique de la maison d’éditions marseillaise. Avec une attention particulière au travail des pochettes, les photographies et  fameuses "liner notes".

Le livre est d’une grande lisibilité, découpé chronologiquement en six périodes ( D’où viens tu John Coltrane?, Becoming a leader, Cap sur ATLANTIC, IMPULSE! ACTE I, Le souffle épique, Something else!Epilogue) elles mêmes fragmentées en mini chapitres aux titres judicieux. L’architecture du livre tourne autour des trois labels majeurs du musicien devenu leader, Prestige, Atlantic et Impulse.

Les années de formation montrent un Coltrane influençable qui se nourrit de rencontres, et même s’il se perfectionne aux côtés de Dizzy Gillespie, avec lequel il grave ses premiers solos de sax ténor, “il n’a pas encore de personnalité propre”. Le tournant, il le vivra avec le premier quintet de Miles Davis et surtout avec T.S Monk, au Five Spots de New York : il délaisse le vibrato et use de la vitesse à l’état pur avec ces rafales de notes en grappes, “sheets of sounds” selon Ira Gitler, critique à Downbeat.

Soultrane signé sur Prestige marque la première grande révolution coltranienne en 1958 et annonce l’ émancipation de la période Atlantic. Il faudra d’abord en passer par le retour chez Miles, le nouveau sextet et les deux séances pour écrire l’histoire de Kind of Blue (1959).Une fois constitué son quartet de rêve, suivront les albums mythiques où Coltrane développe ses concepts harmoniques de Giant Steps à Ole sans oublier My Favorite Things avec ce thème éponyme, véritable signature, dont l’impact, dû à cet allongement démesuré de la sensation du temps, fut considérable. 

Coltrane continue chez Impulse sa révolution du rythme et de la musique modale se concentrant sur l’expérimentation et son cheminement intérieur. Il explore différents mondes sonores propres à l’avant garde. Cette recherche formelle, cette ouverture vers de nouvelles sonorités chromatiques, en relation avec une quête spirituelle, mystique le conduira très loin d’Elvin Jones et McCoy Tyner qui quittent le groupe en 1965, car ils ne peuvent plus le suivre dans les espaces interstellaires du free jazz. A Love Supreme, le plus célèbre de ses albums, l’un des premiers concept albums du jazz, sort en janvier 1965 : “utopie créative”, ce sera un événement sur la planète jazz. L’aventure continue les dernières années d’ Ascension, suivant les concepts de la New Thing jusqu’à Om, le premier disque de jazz psychédélique, qui “franchit la frontière entre audace et omettincompréhension”.

Aucune partie de l’oeuvre n’est laissée de côté et chaque période a son intérêt : de la construction à l' épanouissement et à la maturité, le style du musicien n’a cessé d’évoluer. Rien ne put altérer son ineffable douceur, la fermeté de son caractère, sa détermination. Coltrane était un travailleur acharné, doté d’une exigence absolue, possédé par la musique plus encore que par la religion, obsessionnel jusqu’à son dernier souffle, hanté par le sens de sa recherche, passionnément ancré à ses saxophones et à sa quête spirituelle. Sa soif de jouer fut sa dernière addiction. Son influence est considérable sur des générations de saxophonistes.

Nicolas Fily arrive à rendre l’amour qu’il éprouve pour cette figure unique de musicien qui sut en donner beaucoup au monde. Et selon la belle formule de Santana qui rendit hommage à Coltrane dans son album Love, Devotion, Surrender, en 1973, avec John McLaughlin: “Certains jouent du jazz, d’autres du reggae ou du blues, Coltrane jouait la vie.


 

Sophie Chambon

 

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9 mai 2019 4 09 /05 /mai /2019 07:53

Denis Colin (clarinettes basse & contralto), Pablo Cueco (zarb), Simon Drappier (arpeggione), Julien Omé (guitare)

Bois-Colombes, 10-12 décembre 2018

Faubourg du Monde TAC 026 / Socadisc

 

Atypique assurément : ce gang de francs-tireurs associe deux presque vétérans des musiques aventureuses, et deux quadragénaires l'un et l'autre portés sur les musiques hétérodoxes. Joyeux mélange, plein de surprises, qui en dépit du nom de groupe suggérant des pères tranquilles n'exclut pas vigueur et incartades détonantes. Le discours d'escorte de cette musique suggère discrètement l'appellation Psychedelic Folk Jazz. C'est plutôt bien vu, car on y trouve les textures du folk, entre douceur de soie et rudesse du lin ; et puis les dérives (extra) sensorielles de la musique psychédélique, et bien sûr cette liberté frondeuse du jazz. Entre la mélancolie de Chevaliers, le caractère véhément de La Chasse, et le lancinement chromatique de Hommage au désert, un point commun (valable d'ailleurs pour toutes le plages) : authenticité du son, sans fioritures, mais d'une grande finesse ; subtilité du cheminement mélodique ; expressivité virtuose et trompeuse simplicité du propos. Bref une forme d'exemplarité artistique : évidence et mystère, indissociablement liés. Superbe.

Xavier Prévost

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En concert le 9 mai 2019 à Paris au Studio de l'Ermitage

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Un avant-ouïr en suivant le lien ci-dessous

https://www.faubourgdumonde.com/portfolio/quiet-men/

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9 mai 2019 4 09 /05 /mai /2019 01:16

Patrick Artero (trompette), David Blenkhorn (guitare), Sébastien Girardot (contrebasse), Guillaume Nouaux (batterie), Don Vappie (vocal). Studio Music Unit (Montreuil) 29-31 janvier 2019. Camille Productions/ Socadisc.

Un trompettiste se retourne sur son passé. Tel pourrait s’intituler le dernier album de Patrick Artero. Après un demi-siècle à arpenter scènes et studios, le jazzman salue onze confrères qui ont « balisé son parcours ». Des trompettistes qui « me font rêver, transpirer, enfiévrer, douter mais qui m’invitent à ne jamais renoncer ».

Ils appartiennent tous à l’époque classique, antérieure au be-bop : King Oliver, Bunk Johnson, Louis Armstrong, Bix Beiderbecke, Roy Eldridge, Rex Stewart, Cootie Williams, Red Allen, Buck Clayton, Joe Newman, Tommy Ladnier. Cet hommage proposé par le producteur indépendant Michel Stochitch (auquel on doit des albums de Pierre Christophe, Philippe Milanta, et le tout récent Bean Soup, coup de chapeau à Coleman Hawkins par Michel Bescont et Michel Bonnet),  prend un aspect particulier : Patrick Artero a eu l’idée d’insérer entre chaque titre des courts extraits de poèmes de Langston Hughes, une des figures de proue du mouvement Harlem Renaissance des années 20.

L’auditeur effectue ainsi un retour aux sources de la musique afro-américaine. De la Nouvelle Orléans avec ses influences caribéennes et même irlandaises à New York et l’atmosphère du Cotton Club. 

La sobriété qui ne cache pas l’émotion caractérise le jeu de Patrick Artero, qualités qui habitaient déjà son hommage à Bix Beiderbecke (2 Bix or Not Too Bix. Nocturne. 2005). Le guitariste David Blenkhorn lui donne la réplique, deuxième voix alerte du quartet avec basse et batterie. Panorama de la trompette jazz classique, 'Family Portrait' fait souffler un vent de fraîcheur printanier salutaire.


Jean-Louis Lemarchand


Patrick Artero sera au Caveau de la Huchette (75005) du 14 au 16 mai avec son Swing band.

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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 15:24
JACQUES PONZIO  MONK ENCORE

JACQUES PONZIO MONK ENCORE

EDITIONS LENKA LENTE

Avec une préface de Thieri Foulc

www.lenkalente.com

www.lenkalente.com/product/monk-encore-de-jacques-ponzio

Encore un livre sur Monk?

Jacques PONZIO persiste et signe un nouvel ouvrage sur Monk aux éditions LENKA LENTE, après son Abécédaire The ABC-Thelonius Monk- ABC dans la même collection, en 2017. Ce sera Monk encore. Chez ce neurologue de formation, devenu psychanalyste, pianiste et leader de l’African Express trio, Monk est une passion, une obsession. Découvert dans les années 60, il suit le pianiste dans une quête quasi existentielle et un travail d'écriture dont une première étape fondatrice sera l’ouvrage Blue Monk co-écrit avec François Postif, publié chez Actes Sud en 1995. Comme le suggère l’un des amis, Jean Merlin,dans une savoureuse contribution, s’il était américain, PONZIO passerait pour le spécialiste mondial de T.S.Monk. Tant il est vrai qu’il n’en finit pas de creuser le même sillon, de tourner dans sa tête certaines interrogations sur le mystère, le génie musical de T.S.MONK, sa vie, sa supposée folie. En fin limier, il trouve de nouvelles pistes, des indices qui justifient ses recherches, renforcent ses intuitions, son ressenti. Qui peut mentir bien sûr, mais le lecteur n’en a que faire, au fond, il suit ou pas, les méandres de cette analyse jusqu’à la conclusion. Certainement pas né fou, Thelonius Monk a mené une existence dont certaines circonstances ont entraîné des comportements que l’on a pu taxer de folie. Le projet de l’auteur est de préciser voire de contrarier ces affirmations.

En véritable monkien, Jacques Ponzio commence par revenir sur la musique extra-ordinaire du pianiste en analysant les compositions “Chordially”, Rhythm-a-ning”, après l’incontournable“Round Midnight”, tentant une fois encore de passer au crible musicologique les concepts de rythmes, harmonies et mélodies. Monk a souvent ravi les néophytes tant il est spectaculaire à voir, si ce n’est à entendre, bouleversant les codes au sein du be bop, pourtant révolutionnaire. Il fait, aujourd’hui du moins, l’unanimité au sein des jazzmen, de nombreux jeunes musiciens reprenant ses compositions, devenues des standards. Il est une icône dont la vie est romanesque, énigmatique de ses silences jusqu’à sa relation étrange avec sa bienfaitrice, la baronne Nica de Koenigswarter.

Et pour le plus grand plaisir de l’auteur de ce livre, Monk qui aurait eu cent ans en octobre 2017, lâche encore des trésors, vu les récentes parutions d’inédits du festival de Newport ou de sa B.O des Liaisons dangereuses de Vadim. On peut avoir l’impression que tout a déjà été dit, écrit, depuis Yves Buin, psychiatre, critique de jazz et spécialiste de biographies. Ponzio lui n’est jamais allé voir ailleurs. Il apprécie R.D.G. Kelley, Thelonius Monk, The Life and Times of an American Original, Free Press, 2009 et n’oublie pas l’autre auteur français sur Monk, le pianiste Laurent de Wilde, mais pour citer l’une de ses considérations :  "Oui, fou. Monk est fou”. Ce qui, en fait, ne lui plaît pas tant que ça, puisque  son sujet est de s’interroger sur la prétendue déviance du pianiste. Si Monk est constamment "limite", son attitude prêtant à des jugements rapides, on voit comment le moindre “détail” peut se renverser dans la démonstration ponzienne : des bagues qui contrarieraient son jeu pianistique, photo à l'appui, le comparant à la figure extravagante de Liberace à sa collection de chapeaux (délicieuses dernières pages sur ce singulier Mad Hatter). Le lecteur se régalera aux découvertes de ce Sherlock “addict” à son sujet de recherche. On apprécie ainsi certains rapprochements qui ajoutent à l’histoire de la musique noire ou de la ségrégation. Le titre de “ Round Midnight” serait ainsi inspiré de la composition de Cab Calloway au Cotton Club “Long about midnight”, intégrant Monk dans une lignée. De même, la formidable pochette de Solo Monk,CBS 1965, qui représente le pianiste en aviateur, est une référence directe au saxophoniste et chef d’orchestre Jimmy Lunceford, Takin’off with Jimmie. Et l’on apprend qu’il a existé une escadrille de pilotes noirs, Tuskegee experiment, que Lena Horne, militante de la cause noire, soutenait. La très célèbre pochette d’Underground, son dernier album pour Columbia, en 1968, où Monk pose en activiste FFI n’est pas non plus une lubie, une excentricité de plus. Ce qu’il faisait ou décidait provenait ainsi d’un cheminement intérieur très pertinent, incompréhensible peut-être mais logique à sa façon.

Le livre, petit mais dense, se présente sous forme de courts chapitres aux titres soignés, souvent ludiques, agrémentés d’interludes photographiques, d’interventions de copains, tous amateurs éclairés de Monk. Ces fragments s’appuient sur une réflexion ressassée certes mais toujours augmentée de véritables trouvailles, puisées souvent sur internet. A cet égard, les notes de lecture fournissent ainsi une sitographie originale et transdisciplinaire ( comme par exemple, le rapprochement avec l’architecte Mies van der Rohe, l’auteur du fameux “Less is more”, formule qui s’applique au style du pianiste).

Ainsi Jacques Ponzio livre un portrait des plus attentifs du pianiste dont chacun de ses livres apporte une nouvelle pièce, complètant le puzzle, l’image de l’”eremite”.

Sophie Chambon

 

 

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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 11:07
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5 mai 2019 7 05 /05 /mai /2019 11:03

JOSHUA REDMAN Quartet  : «  Come what may »
Nonesuch records 2019
Joshua Redman (ts), Aaron Goldberg (p), Reuben Rogers (cb), Gregory Hutchinson (dms), Aaron Goldberg (p)


Joshua Redman est une sorte de magicien du son. Un maître ciseleur.
Joshua Redman est de retour. Au coeur du son qui porte sa marque. Celle qui, dans un autre format avait fait les grands heures de l’Elastic Band et que l’on avait un peu perdu ces derniers temps.
Qu’on se le dise.
En revenant à un quartet  qui se connait depuis quelques décennies, le saxophoniste qui a entre temps multiplié des expériences multiples et variées atteint ici le nirvana de la plénitude dans la maîtrise de son art. Au sommet. Et cela en revenant à ses fondamentaux. Cette forme d'agilité et de plasticité qui, sur des compositions magnifiques s'attache à la légèreté et à l’élégance.
Ces quatre-là font dans le ciselage fin du son dont ils dessinent ensemble les contours. Tels des funambules en suspension au dessus du sol. Magic is in the air.
Il faut dire que si cette formation n’avait plus enregistré depuis ensemble depuis près de 20 ans ( sans toutefois ne s’être jamais perdus de vue), leur retrouvailles sonne comme une royale évidence. Comme la continuité d’un fil d’Ariane jamais rompu.
Et dans ces retrouvailles placées sous le signe d’une forme de zenitude, ils s’y montrent les maîtres du cool. « The shape of cool to com", pourrait on dire.
Le saxophoniste y signe l’intégralité des compositions entre blues, médium funk et ballades renversantes.
Avec Joshua Redman tout y est question de flow. Comme coulant de source. Maître du son, le saxophoniste semble plus relax que jamais, plus détendu et agile dans les sinuosités, avec une façon de dompter l’expression de la musique qui n’appartient qu’à lui.
Il n’y a plus qu’à se laisser porter par le courant.
Et tout va bien.
Jean-Marc Gelin

 

 

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3 mai 2019 5 03 /05 /mai /2019 15:06

Julien Favreuille (saxophone ténor), Christophe Motury (bugle), Stefan Orins (piano)

Attiches (Nord), 31 mai-1er juin 2018

Circum-Disc DIDI 1901 / www.circum-disc.com & Les Allumés du Jazz

 

Des nouvelles du Nord, avec ce groupe qui rassemble trois musiciens très actifs dans le haut des Hauts-de-France. Plaisir de retrouver Julien Favreuille, un peu perdu de vue par votre serviteur depuis les groupes Happy House (Olivier Benoit, Nicolas Mahieux, Jean-Luc Landsweerdt), Circum Grand Orchestra et autres aventures septentrionales. Plaisir aussi de réentendre le pianiste Stefan Orins, écouté plus récemment en trio ( http://lesdnj.over-blog.com/2017/10/stefan-orins-the-middle-way.html ), et Christophe Motury, repéré dans le Quartet Base.

La musique, composée par le pianiste, est d'une tonalité générale plutôt mélancolique, mélancolie chaleureuse et habitée. Le titre de l'album signifie en suédois (la langue familiale de Stefan Orins) 'À mes amis', et c'est bien de cela qu'il s'agit, la célébration d'une longue amitié musicale. Harmoniquement les lignes sont tendues, complexes, et donc jouissives. Chaque instrument donne la sonorité la plus 'vraie' ou 'naturelle', même si aucun des deux adjectifs ne rend justice au sens profond de ce qui émane de cette musique : la musique est un artefact et une production culturelle, donc 'vérité' et 'naturel' sont impropres. Ce que j'essaie de dire, ou plutôt ce que j'entends par là, c'est que nous sommes loin du souci d'ostentation, de performance (et pourtant cette musique est très élaborée) ; seulement semble-t-il le souci d'être là et de fairedelamusiqueensemble : quoi de plus beau ?

Xavier Prévost

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En concert à La Malterie de Lille le 8 mai 2019

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Infos et extrait

https://www.circum-disc.com/favreuille-motury-orins-till-mina-vanner/

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