Yaron Herman et le déclic créatif à la portée de tous
Les DNJ : « Tu viens de sortir un livre ( « le déclic créatif » - Editions Fayard), dont le postulat de base est que nous avons tous en nous, quelque soit notrLese environnement et notre profession, un potentiel créatif qui ne demande qu’à s’exprimer. Ai-je bien compris ? »
YARON HERMAN : « Oui. La volonté de l’écrire vient de motivations qui sont liées à mon expérience personnelle. J’ai commencé le piano très tard, vers l’âge de 16 ans et personne ne se doutait que je pouvais devenir pianiste. Je n’avais aucune prédisposition en matière en matière de créativité. J’étais juste dans la bonne moyenne. Mais c’est suite à une rencontre avec un professeur extraordinaire ( Opher Brayer) qui avait une méthode très particulière et très innovante, qui mettait en avant la créativité et le fait que l’on peut tous mobiliser l’énergie qui nous habite. Tout le voyage qui a suivi a été la découverte de moi-même et de mes capacités. Avec la Covid, je ne fais pas de scène et c’était le moment pour moi de faire un arrêt et de prendre un peu de recul par rapport à mon trajet, de me poser la question de ce que je pouvais apporter à la société en tant qu’artiste. Faire un peu de reverse engeneering. Cette transmission me tenait à cœur. »
Les DNJ : « Il y a trois notions qui se bousculent. Celles de créativité, de talent et de passion. Comment ces trois notions se rencontrent t-elles ? Car finalement lorsque tu commences l’apprentissage du piano, ta passion à ce moment-là était le basket. Le terrain n’était donc pas propice »
YH : « Déjà, c’est quoi la créativité ? Pour moi c’est la manière d’exprimer son unicité au travers d’une idée. C’est la capcité d’exprimer une idée qui nous est propre. Le but n’est pas de devenir Mozart ou Stve Jobs, c’est vraiment qu’elle est faite pour nous , nous apporter un bien être et un sens à la vie autre que par les choses que l’on est sensés faire comme aller travailler, manger, gagner sa vie etc…. C’est donc quelque chose de très personnel. Dire au gens que la créativité est réservée à une élite et n’est pas faite pour eux est une idée fausse.
Les DNJ : « Et le talent dans tout ça ? »
YH : « c’est encore une notion un peu vague. On peut plutôt parler de vitesse ou de capacité d’apprentissage. Avant de commencer le piano, personne ne se doutait que je pourrais avoir un talent en la matière.Mais j’ai appris comment apprendre. Derrière cela il y a l’idée que même si on ne deviendra pas tous des pianistes concertistes ou des performers d’élite, nous avons tous la capacité de mieux apprendre et d’optimiser nos capacités. »
Les DNJ : « la créativité est liée à l’apprentissage ? »
YH : « les deux sont liés. On a l’idée préconçue que le talent serait quelque chose qui tombe du ciel. Mon expérience m’a amené à constater que les gens les plus doués sont ceux qui travaillent le plus. Il faut remettre les choses à leur place »
Les DNJ : « Tout peut être prétexte à créativité ? »
YH : « Dans l’album que j’ai enregistré avec Ziv Ravitz, il y a un morceau qui l’illustre bien les différentes étapes de la créativité. Tout vient d’une tournée que je faisais et qui m’amenait au Japon. Dans l’avion, au dessus de ma tête, le cliquetis du bruit de la clim. Cela m’est insupportable. Mais au bout d’un moment j’écoute ce bruit. Il est sur trois temps. Au bout de quelques temps je me dis que cela pourrait être un petit motif pour la main gauche. Je le note sur le petit carnet que j’ai toujours avec moi.Ensuite j’imagine une mélodie. J’ai ensuite oublié cette histoire. Une fois revenu à Paris, j’ouvre le cahier et je vois qu’il est noté « Clim-trois temps. » . Je retrouve la mélodie et à côté de moi il y avait une partition de Bach que je travaillais et dans la mélodie il me manquait une partie. Et du coup je triture la partita, je la met à l’envers et je me rends compte que cela colle plutôt bien. Je fais un puzzle et là ça marche »
Les DNJ : « Tu parles aussi du rapport au jeu et tu dis qu’il n’y a pas de créativité sans jeu »
YH : « Ce qui est intéressant avec le jeu c’est que c’est lorsque l’on joue que l’on est le plus heureux. Il y a un cliché ( qui est vrai par ailleurs) qui dit que si on est passionné et que l’on joue ce n’est pas vraiment du travail. Quand on est absorbé par un jeu on ne voit pas le temps passer. On est absorbés parce que nous sommes en fusion avec ce que l’on est en train de faire. Plusieurs études montrent que plus on est dans le flow plus on est heureux. On est transportés dans un monde où l’on est juste là, à ce que nous faisons »
Les DNJ : » et il n’y a plus le regard des autres »
YH : « exactement. Le monde s’eclipse et on es juste en train d’être, tout simplement. C’est de plus en plus difficile parce que l’on est de plius en plus cosncience de notre environnement, des critiques, des comparaisons que l’on se fait intérieurement. On oublie cette capacité à s’oublier en faisant quelque chose. »
Les DNJ : « La créativité c’est à portée de tous, alors ? »
YH : « les fausses excuses ont de multiples visages. C’est comme le Dieu aux mille visages de Games of Throne. La créativité n’est pas une barrière infranchissable et en prenant conscience que c’est tout à fait à notre portée, on peut commencer par des petits pas ( les baby steps) et voire les résultats pratiquement à chaque étape. »
Les DNJ : « Le jazz est t-il un terreau propice à la créativité ? »
YH : « Pour moi la réponse est oui. Le jazz est pour moi la musique qui permet le plus l’expression personnelle dans le sens où il n’y a pas de barrière. Le jazz utilise beaucoup de matières premières que ce soit la tradition ou le passé écrit par les grands maîtres qui nous ont précédés et puis le fait que l’improvisation soit au coeur de cette musique est pour moi un vecteur de vie et d’imaginaire.
propos receuillis sur Jazzbox (Aligre Fm 93.1)