Le retour du saxophoniste alto-clarinettiste en saxophoniste soprano. Après «Saxomania», et les rencontres avec Benny Carter, Phil Woods, Teddy Edwards et quelques autres, Claude Tissendier nous offre une entreprise singulière : des compositions des grandes figures du jazz des années 50-60 (Oliver Nelson, Miles Davis, Horace Silver), et des standards de la fin des années 40 magnifiés par la décennie suivante (Early Autumn, On Green Dolphin Street) : le tout traité dans un style qui est plutôt celui des décennies antérieures. Avec en prime le conclusif After You've Gone, historique standard adulé par le middle jazz. Et le choix est des plus concluants. Instrumentation singulière et beaux arrangements, c'est frais, vif et pertinent, avec des solistes qui sont des compagnons de route de cette esthétique, et qui manifestement se régalent. Et cela m'a réjoui autant que le firent naguère les trublions de l'Anachronic Jazz Band en passant à la moulinette 'vieux style' les standards du bop. Joli clin d'œil à la passion intemporelle du jazz, et réjouissant pied de nez aux amateurs de cloisons stylistiques étanches : BRAVO !
C’est le premier album plutôt éthéré d’un jeune vibraphoniste français diplômé de Berklee College of Music puis de l’Institut Thelonius Monk, qui a choisi de s’installer à New York. Comme un premier film, il est intéressant de voir ainsi se lancer un artiste, adoubé par ailleurs par Herbie Hancock et Quincy Jones !
L’une de ses originalités est de jouer des percussions classiques mais aussi africaines, du balafon (xylophone d’Afrique occidentale percuté avec des baguettes et non avec des maillets, dont le son est amplifié par des calebasses disposées en dessous), du vibraphone et des synthés . Les différents timbres qui ainsi s’entrelacent, assurent une texture sonore particulière sur l’hypnotique et intrigant “Acceptance” ou sur “Wind Chaser” ( vibraphone et synthés). Ce qui donne une assez belle idée du paysage musical imaginaire du vibraphoniste, soucieux d’explorer et de tirer parti de sa palette d' instruments conférant à sa musique une qualité mélodique, harmonique, percussive évidemment, résonnante en un mot!
Il n’est pas tout seul sauf sur le dernier titre formidable “Bala” en solo de balafon et sur l’envoûtant “Prophecy” (vibraphone et synthé). Il a su s’entourer d’une équipe discrètement brillante: deux saxophonistes newyorkais Dayna Stephens et Morgan Guerin et deux pianistes, le français Simon Chivallon et Isaac Wilson qui alternent selon les séances (l’album est composé d’enregistrements choisis sur deux sessions en 2017 et en 2020 ) alors que la rythmique reste la même Luca Allemano ( contrebasse) et Jongkuk Kim (batterie) dans leur impact et drive subtils. La musique garde toute sa cohérence, car elle avance dans une seule direction, avec une fluidité remarquable, une qualité atmosphérique certaine, planante même sur la plupart des thèmes, portés comme en apesanteur. La seule composition qui ne soit pas du leader, le standard de Gene Paul “I’ll remember April” est réchauffée délicatement, construite sur des impressions fugaces. Les thèmes choisis, particulièrement mélodiques, induisent ce type de musique qui danse avec les éléments, cette “chanson de l’esprit” qu’évoque le titre, résultat de rencontres , de voyages dans le monde, propices aux aventures et découvertes musicales. Plus encore que de dépouillement, on est séduit par une élégance sensuelle comme dans ce “Kenyaland”, une ballade en quartet, sans saxophone où le piano sait se faire entendre.
La réussite de ce premier opus réside sans doute dans la maîtrise de cette formation qui a su se couler dans l’univers rêvé du leader comme si le temps était suspendu. Prometteur!
Troisième disque de ce trio après «Double Windsor» (2014, Tzadik) et D'Agala (2017, Intakt). Et toujours cette énergie farouche, et cette créativité débordante qui conjugue compositions (raffinées) et improvisations (audacieuses), langage du jazz (assumé) et de la musique contemporaine (sublimée). C'est une aventure musicale qui se déroule, étape après étape, au fil des plages, dans une folle interaction entre les membres du trio, mélange de précision et d'audace que l'on devine transgressive. Un fois encore, la pianiste-compositrice-improvisatrice dédie chaque titre à des personnes qu'elle admire (Claude Thornhill), et qui comptent dans sa vie personnelle (sa maman, ses chats, son frère....) et/ou musicale (Mark Feldman, John Zorn, et les partenaires de ce trio). Ces dédicaces ne sont pas anodines : elles enracinent le propos dans la vie, nous rappelant que les artistes, quelle que soit l'ambition esthétique, ne sont pas coupé(e)s du monde. Requiem d'un songe, dédié à Claude Thornhill, est à ce titre éloquent : manière de confronter le tempo lent et méditatif du passé au langage d'aujourd'hui. Galore, dédié au batteur-percussionniste Kenny Wollesen, met en évidence le cheminement rythmique qui, d'unisson en écarts, construit une forme.
Et le conclusif Highway 1 nous entraîne dans une songe abstrait, futuriste et mystérieux qui résume peut-être le projet d'ensemble : découvrir, surprendre, oser, sans perdre de vue l'horizon rétrospectif que nous offre le passé. Magistral ! Toutes les plages possèdent leur singularité, et pourtant l'ensemble reflète l'absolue cohérence du projet. Bref de l'art, et même du Grand Art.
Xavier Prévost
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Sylvie Courvoisier est en tournée européenne : seule date française le 21 octobre au Lieu Unique de Nantes (entrée libre sur réservation)
Sylvie Courvoisier Trio FREE HOOPS feat. Drew Gress & Kenny Wollesen Out on September 18th 2020, on Intakt Records Song : Requiem D'un Songe - Tribute to Claude Thornhill Artist : Sylvie Courvoisier
Comme toujours le pianiste italien, 79 printemps au compteur des millésimes, conserve la pulsion juvénile des musiques libres. Cette fois en un trio inusité (piano, trompette, guitare). C'est un double CD où des thèmes et des improvisations qui jouent le présent en se tournant vers le futur côtoient comme presque toujours des souvenirs du jazz d'avant (Livery Stable Blues, Tiger Rag ), mais toujours traités dans un esprit prospectif. Avec aussi des compositions nouvelles qui portent la trace des formes anciennes (A New Rag Suite). La partie se joue souvent entre piano et trompette, arbitrée par la guitare en accords secs qui font danser le rythme à la manière claudicante de Monk. Musicalement très intense.
Les chroniques de plusieurs précédents albums de Franco D'Andrea sur le site des Dernières Nouvelles du Jazz
Jazz de chambre mi-sensuel, mi-abstrait, sur des compositions de la contrebassiste dont c'est le quatrième album (le second avec ce trio). Elle a remporté en 2018 le prix du nouveau talent Top Jazz italien, et l'année suivante a reçu le prix du nouveau talent de la Siae (la cousine de notre Sacem). Un langage d'aujourd'hui qui tutoie parfois les progressions harmoniques du passé. Belle interaction en forme de contrepoint des solistes. Libre et concertant, d'un seul geste. À découvrir
DANILO GALLO DARK DRY TEARS «Hide, Show yourself»
Danilo Gallo (guitare basse, guitare baryton, guitare acoustique), Massimiliano Milesi (saxophones ténor & soprano, clarinette), Francesco Bigoni (saxophone ténor, clarinette), Jim Black (batterie)
Par un bassiste entendu souvent dans nos contrées avec Francesco Bearzatti, des thèmes lyriques et consonants, avec ce qu'il faut de tensions harmoniques pour que la musique soit vraiment vivante ; un peu dans l'esprit de ce que recherchait Charlie Haden tout au long de son parcours musical. Le tout propulsé par la batterie sèche et stimulante de Jim Black. Et aussi émaillé de séquences d'absolue liberté.
Nuovo appuntamento con gli #AuditoriumLives! Oggi vi facciamo ascoltare qualcosa dall'ultimo progetto musicale di Danilo Gallo, "Hide, show yourself!" disco ...
Après «God At The Casino», enregistré en 2013, le retour d'un trio totalement hétérodoxe, déguisé en monstre de films d'animation japonais qui se nourrirait de hambourgeois au fromage, selon la terminologie québécoise.... Autant dire que les surprises abondent. Ouverture par effraction sur des riffs rock avec éclats de saxophone et de violoncelle, batterie obstinée, pression en croissance constante et intermèdes apaisés. À ceux qui craindraient de ne pas trouver dans ce déroulement la forme qui rassure leur sens esthétique, on peut dire que la forme, son idée autant que sa réalisation concrète, sont précisément dans cette succession, dans ces cahots qui ne sont pas un chaos. Et la continuité rythmico-harmonique dans laquelle ce premier thème va s'installer rassurera les anxieux, jusqu'à l'explosion finale. Les thèmes sont signés par chacun des membres du trio : trois pour le violoncelliste, un pour le saxophoniste, et un pour la batteur. On est porté, de plage en plage, par les dialogues qui se nouent, par les fractures qui s'ouvrent, par les violences sonores ou formelles, lesquelles se résolvent souvent en douceur mélancolique. D'une obsession répétitive à une plainte cuivrée sur fond de drumming tendu à l'extrême, le fil se déroule, noué, dénoué, déjoué, rejoué. C'est un voyage perceptif et musical des plus jouissifs. Alors on s'abandonne. Et on en redemande !
Xavier Prévost
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Le trio jouera le 13 octobre à la Dynamo de Pantin, le 14 au Théâtre du Pavé à Toulouse, le 16 au Moulin d'Olivet (Loiret), le 7 décembre au Maquiz'art d'Eymet (Dordogne) et le 10 décembre à l'AJMI d'Avignon.
Micah Thomas (p), Dean Torrey (cb), Kyle Benford (dms)
Les auditeurs attentifs de l’émission « Open Jazz » d’Alex Dutilh lui sauront gré de nous avoir fait découvrir un jeune pianiste qui, jusqu’alors nous était totalement, mais alors, totalement inconnu… Micah Thomas.
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’il s’agit effectivement d’une révélation d’un talent hors norme.
Les oreilles des grands musiciens ne trompent d’ailleurs pas puisque ce jeune pianiste qui nous vient tout droit de Columbus (Ohio) avait déjà été repéré par Joshua Redman ou encore Wynton Marsalis qui ont chacun eu pour leur part l’occasion de l’inviter occasionnellement dans leur formation. Apparaissant parfois comme sideman aux côtés de jeunes musiciens prometteurs ( comme le tout jeune trompettiste non moins prometteur, Giveton Gelin – j’adore son base !), il sort là son premier album sous son nom. Et comme on dit parfois, pour un coup d’essai…..c’est un coup de maître.
« Tide » dans lequel il a écrit toutes les compositions laisse voir outre ses talents d’écriture, toute l’imagination et l’intelligence de son jeu aussi classique qu’il est riche et inventif. Ses improvisations tout comme ses morceaux respirent le jazz, respirent l’acquis de ceux qu’il a écouté mais surtout laissent émerger une grande personnalité musicale. On serait bien en peine de dire qu’il aurait pu s’inspirer de tel ou maître du piano jazz tant ils sont tous présents dans son jeu mais surtout parce qu’émerge une personnalité rare. Et lorsque l’on dit personnalité, en musique il faut aussi dire sensibilité. Sur tous les tempos, Micah Thomas est inspiré et brillant. Son sens du placement rythmique, sa lecture intuitive de l’improvisation, le son, le sens de l‘émotion, tout y est !
Pour cet album enregistré en public au Kitano, le pianiste s’est entouré d’une jeune rythmique avec le contrebassiste Dean Torrey et le batteur Kyle Benford que pour tout dire nous ne connaissons pas bien de ce côté de l’Atlantique. Et entre les trois, cela fonctionne à merveille.
A découvrir absolument. Et surtout suivre. On va entendre parler de lui. Assurément.
Jimmy Heath ( ts, ss) ; Kenny Barron (p), Russell malone (g), Mone Croft (dms), + Cecile Mc Lorin Salvant (vc), Gregory Porter (vc), Wynton Marsalis (tp)
C'est certainement le dernier album du légendaire saxophoniste de Philadelphie, mort en janvier dernier qui est publié ces jours-ci ( et avant que ne soient publiés certainement quelques inédits).
Le son ( et quel son !) de « Little Bird » ne nous enchantera plus. Mais il faut se consoler en se disant que Jimmy Heath qui aura continué à jouer jusqu’au bout de ses 94 ans est parti en nous laissant ces lettres d'amour comme un forme d'ultime témoignage.
Celui qui a côtoyé les plus grandes légendes du jazz ( dont il faisait d'ailleurs lui-même partie intégrante) aura voué sa vie au jazz et au saxophone jusqu'à son dernier souffle.
Et c’est une pure merveille d’entendre une dernière fois, ce son légendaire qui n’a absolument rien perdu de sa magie et de tous ses délices. A 94 ans, Jimmy Heath était toujours capable de vous envelopper dans une sensualité à nulle autre pareille dans ces grandes ballades langoureuses. Il en apporte ici un témoignage bouleversant.
Pour cet album, le saxophoniste a convié pour trois morceaux différents, la chanteuse Cecile Mc Lorin ( pour un « Left Alone » de légende), le chanteur Gregory Porter (« Don’t Misunderstand ») et enfn le trompettiste Wynton Marsalis ( sur « La Mesha » du saxophoniste Joe Henderson, où là encore l’on tutoie les sommets)
Grand, grand disque du saxophoniste entourré de musiciens de haut vol dont un Russell Malone à la guitare à qui visiblement le projet tenait à cœur et qui délivre des pépites dans sonaccompagnement.
S’il devait y avoir un grand prix du jazz dit « classique », cette dernière œuvre de cette légendaire figure du jazz le mériterait au-delà de tout superlatif.
Listen to "Left Alone" featuring Cecile McLorin Salvant, off of Jimmy Heath's stunningly elegant last testament, 'Love Letter' Listen/Order 'Love Letter': ht...
La suite des aventures d'une chanteuse qui cultive la singularité : chanteuse de jazz, assurément ; chanteuse à texte, aussi ; compositrice-auteure enfin, qui confie la réalisation de l'album au musicien-producteur Michael Leonhart. Le disque expose mille facettes d'un univers où chanson jazz et chanson française se télescopent, avec des écarts bienvenus, presque disco, des fantaisies inclassables, de sombres mélancolies et des éclats mutins. Beaucoup de français, un peu d'anglais, et pour conclure un version portugaise de la chanson qui ouvre l'album. Jacky Terrasson en partenaire limpide sur quelques plages, des arrangements bien gras sur les rares titres qui le requièrent par leur style : bref tous les ingrédients bien choisis selon les climats, avec même, quand il le faut, une bouffée de country music. Quelques beaux textes, beaucoup de charme, et au total bien des raisons d'aimer ce disque, sans préjuger de la paroisse à laquelle appartiennent l'auditeur comme l'artiste. Fédérateur ? Je dirai plutôt sincère, et bien vu. Je sens bien qu'un ou deux censeurs de l'orthodoxie vont s'étrangler : qu'on ne compte pas sur moi pour leur tendre le verre d'eau salvateur....
Il grandit à Albuquerque (Nouveau Mexique), où il étudie la musique et l’anthropologie et apprend à jouer du piano. À New York, il joue avec Charlie Parker (1947–48), Illinois Jacquet, le nonette de Miles Davis (qui interprète deux de ses arrangements : Rouge et Move) dont les traces discographiques constitueront les “fameuses” séances Capitol du trompettiste, Lester Young, etc. Après la formation du Modern Jazz Quartet, il est l’un des principaux initiateurs, avec Gunther Schuller, du Third Stream, participe à la création de la Jazz and Classical Music Society et de l’Orchestra USA, deux orchestres à personnel variable mais qui ont en commun de réunir des instrumentistes également capables de jouer du jazz et de déchiffrer des partitions classiques. Accompagnateur recherché, il a enregistré avec Ben Webster, Charles Mingus, Clifford Brown, Coleman Hawkins, Sonny Rollins, Stan Getz, Barney Wilen, Albert Mangelsdorff, Helen Merrill, Christian Escoudé…
Cet entretien a été réalisé en juillet 1976 au cours de la Grande Parade du Jazz à Nice.
avec George Duvivier et George Wein, Grande Parade du Jazz, Nice 1977.
Que faites-vous, John Lewis. depuis la dissolution du Modern Jazz Quartet. Avez-vous formé un autre groupe ?
Non, je n’ai pas de groupe régulier. J’enseigne dans un collège, à New York. L’un de mes étudiants, d‘ailleurs, est le guitariste du groupe actuel de Dizzy Gillespie : Rodney Jones. J’enseigne l‘improvisation de jazz, l’histoire du jazz après la deuxième guerre mondiale… J‘enseigne aussi la technique du jeu en petite formation. Dans cette école, nous avons également un orchestre de musique de chambre… Depuis la dissolution du MJQ, l’enseignement est ma principale activité. Je ne joue presque pas, sinon avec mes étudiants… En janvier dernier. j‘ai fait une tournée au Japon avec Marian McPartland et Hank Jones. Nous avons joué en piano solo, en duos et à trois pianos. En septembre, je retournerai à l’école, les cours reprennent. J’ai aussi l‘intention de retravailler avec Marian et Hank Jones.
avec Hank Jones, Anvers 1986.
Combien de disques avez-vous enregistrés avec le Modern Jazz Quartet ?
Trente-six. Peut-être y en a-t-il davantage, mais je n’en connais que trente-six.
Combien de temps le Modern Jazz Quartet a-t-il existé ?
Vingt-deux ans, et avec un seul changement de personnel — quand Connie Kay, il y a vingt ans, a remplacé Kenny Clarke.
Pourquoi le MJQ a-t-il été dissous?
Nous commencions à vieillir et nous voyagions sans cesse. Pendant les trois dernières années d’existence du quartette, nous n’avons pas pris les moindres vacances. Habituellement, nous cessions de travailler ensemble en été, mais les festivals et les occasions de jouer en été se sont multipliées et il n’a plus été question de vacances. C‘était vraiment trop ! La dernière année, nous avons fait deux tournées extrêmement longues, au Japon et en Australie. Quand on veut avoir un groupe de ce type, avec toujours les mêmes musiciens, il faut faire attention à ce genre de choses… Vingt-deux ans, c’est suffisant.
Comment ce groupe était-il né ?
L’idée du quartette est partie de la section rythmique du grand orchestre de Dizzy Gillespie en 1946–47 et en 48. Il y avait Milt Jackson, Ray Brown, Kenny Clarke et moi. Nous sommes devenus de grands amis. Puis Percy Heath s’est joint à nous…
Modern Jazz Quartet (Lewis, Heath, Kay, Jackson), Nice 1982.
Il fit partie, lui aussi, du big band de Dizzy Gillespie ?
Oui, mais plus tard. Vers 1951, Milt Jackson grava quatre faces de 78-tours avec nous, et il y avait un tel feeling, une telle entente, que nous avons essayé de former un groupe permanent. A cette époque, Percy, Kenny, Milt et moi avions une assez grande réputation. Aussi avons-nous pensé que ce serait une meilleure idée de former un groupe en coopérative, un groupe où nous partagerions tout.
Comment, aujourd’hui, décririez-vous la musique du MJQ ?
La musique du Modern Jazz Quartet était basée sur les idées de Dizzy Gillespie et Charlie Parker. Nous voulions former un groupe plutôt qu’un assemblage de musiciens…
On a beaucoup parlé de votre utilisation de formes telles que le contrepoint et la fugue…
Oui, nous avons essayé de profiter de la musique occidentale, et pas seulement de la musique occidentale…
La tenue de scène des musiciens du quartette, très souvent l’habit, affichait un certain souci de rigueur…
Oui, parce que notre apparence physique n’était pas importante. Ce qui était important, c’était notre musique.
Modern Jazz Quartet, Tourcoing 1990.
Vous souvenez-vous de votre premier engagement professionnel ?
Vous voulez dire la première fois que j‘ai joué pour de l‘argent? C’était il y a très longtemps. J‘avais douze ans et je jouais avec des groupes locaux, au Nouveau Mexique. Dans ma famille, presque tout le monde faisait de la musique, j’avais beaucoup de cousins qui jouaient de tous les instruments. (Propos recueillis par Gérard Rouy.)
avec Kenny Clarke — qui fut le premier batteur du Milt Jackson Quartet (MJQ) que complétaient John Lewis et Ray Brown, remplacé par Percy Heath, formation qui deviendra, sous la direction musicale de John Lewis, le Modern Jazz Quartet (MJQ), Connie Kay remplaçant Clarke en 1955. Nice 1976.avec Major Holley et Jimmy Rowles, Nice 1979.avec Dizzy Gillespie et George Wein, Nice 1979.avec Buddy Rich, Nice 1986.
Pour ce cinquième disque sous son nom, Pierre-Louis Garcia confirme sa démarche de franc-tireur. Après avoir pratiqué des groupes où l'esprit du rock et de la fusion côtoyait la verve du jazz le plus libre, il nous propose, dans une double album vinyle, 44 pièces, très concises pour la plupart, qu'il présente comme «des instantanés, mais aussi des improvisations longuement mûries». Comme une sorte de manifeste musical, une étape de son parcours artistique. Chaque séquence peut s'écouter comme une forme autonome avec, ici ou là, une inclusion mystérieuse de voix ou de paysage sonore. Tous les modes de jeu sont sollicités, comme autant de langues au service d'un message global : le disque (les disques, puisqu'il s'agit d'un double album) affiche(nt) une cohérence qui pourrait se lire, dans sa continuité, comme une dramaturgie sonore et musicale. Mélodies (voire mélopées), cavalcades harmo-rythmiques, slaps, harmoniques ou riffs obsédants, tout concourt à révéler, pas à pas, une histoire dont peut-être l'épisode ultérieur va dévoiler le mystère. Et à mesure que j'écoute, et réécoute, ces plages, dans la continuité ou isolément, le mystère tantôt s'épaissit, tantôt se révèle (ou donne l'illusion de se révéler). Ici on croit deviner une évocation elliptique du blues, ailleurs une allusion à un titre ancien, mais le mystère demeure. Et à la pénultième, Thomas l'obscur, dont le titre me parle car il ranime en moi une passion littéraire, je comprends que la clé n'est pas à portée d'une quelconque interprétation de ma part. Et pour l'ultime séquence, suite développée sur un peu plus de cinq minutes, il m'apparaît que toute clé d'interprétation serait vaine. Manifeste sonore et musical : musical, évidemment ; sonore, assurément, car la texture du son, le grain de chaque instrument dans chaque séquence, sont élaborés avec un soin jaloux. En réécoutant le tout, dans l'ordre, durant un peu moins d'une heure, j'ai fait un voyage esthétique et sensoriel aussi mystérieux qu'envoûtant : beau voyage, vraiment.