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22 septembre 2020 2 22 /09 /septembre /2020 22:17

Plaisir de plonger une fois encore dans la programmation toujours inventive de ce festival niché dans le Théâtre des Bernardines, ancienne chapelle du couvent éponyme. Année compliquée, comme pour tous les festivals, mais celui-ci a réussi à sauver l'essentiel, en donnant une sorte de préfiguration du festival 2021, lequel accueillera la programmation initialement prévue, jusqu'au début de l'été, pour 2020. Distanciation coronavirale oblige, un siège sur deux occupé dans cette salle de jauge modeste. Mais la créativité de l'équipe du festival comme des artistes a su pallier cette économie de crise, en déléguant un duo, ou un solo, issu des groupes initialement prévus, et qui seront là l'an prochain.

Mercredi 16 septembre

La soirée commence avec le duo JEAN-PIERRE JULLIAN / TOM GAREIL. En avant-ouïr du quartette pour la création 'Chiapas II' (qui accueillera Guillaume orti et Gilles Coronado), nous aurons une sorte de voyage entre harmonies, lignes vives et percussions tournoyantes, un tourbillon qui nous laisse ébahis, heureux et pleins d'espoirs pour la version à venir en quartette.

La scène accueille ensuite la flûtiste-et vocaliste- NAÏSSAM JALAL, en duo avec le contrebassiste CLAUDE TCHAMITCHIAN, qui est aussi la directeur artistique du festival (soutenu pour l'organisation par Françoise Bastianelli). Dans la version 2021 ils seront rejoints par le pianiste Leonardo Montana. Le duo est une pure merveille de nuances infinies, de communication télépathique et de densité spirituelle. Si le terme ne s'érodait pas à force d'usages parfois abusifs, j'oserais magique, car ça l'est vraiment.

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Jeudi 17 septembre

Pour 2021, ce sera le quartette 'Majakka' de Jean-Marie Machado, avec Vincent Segal, Keyvan Chemirani, et celui qui, aujourd'hui, assure l'ouverture de la soirée, le saxophoniste JEAN-CHARLES RICHARD. Son solo a fait le tour des continents, et il nous le présente comme une sorte de cérémonie musicale, intense, portée par une fine dramaturgie, et où se croisent tous les langages, duspiritual introductif jusqu'à la fantaisie conclusive, en passant par le jazz de stricte obédience, les mystères de la musique dite contemporaine, et les rythmes des musiques du monde.

Pour conclure cette soirée, deux des protagonistes de la 'Petite histoire de l'Opéra, Opus 2' (sextette qui sera là en 2021), LAURENT DEHORS et MATTHEW BOURNE, vont nous offrir un aperçu du disque en duo qu'ils ont récemment enregistré pour le label émouvance (l'entité disque dont le festival est l'un des appendices). Le disque, intitulé «A place that has no memory of you», paraîtra en novembre, mais il venait de sortir de l'usine, et les spectateurs ont pu se l'offrir. J'ai pu l'écouter : très beau disque, et différent du concert, car l'éthique de ces musiciens (et de cette musique) interdit la copie conforme. Concert infiniment vivant, plein de risques et de surprises. Très belle conclusion de mon séjour. Je manquerai hélas le lendemain Jacky Molard/François Corneloup, et David Chevallier en solo. Et le jour d'après Christophe Monniot/Didier Ithursarry, puis Éric Échampard/Benjamin de la Fuente.

Mais avant de prendre le train j'ai trinqué avec l'Ami Philippe Deschepper, retour de pérégrinations régionales, et qui me racontera ses bonheurs d'écoute des derniers concerts auxquels il assistera.

J'allais oublier une composante importante de ce festival. Comme quelques autres dont il partage l'ADN, il a le souci de la transmission, au sens artistique plus encore que technique : le parti des poètes plus que celui des ingénieurs. En descendant du train, mercredi avant midi, j'ai filé au conservatoire Pierre Barbizet pour la master class de Laurent Dehors, autour de l'improvisation, du geste collectif, de l'engagement dans le présent immédiat de la musique. Très passionnant. Puis je suis revenu à 14h pour la master class de Bruno Angelini, qui fait travailler la conscience approfondie, instinctive, des séquences de quatre mesures dont la maîtrise permet de construire une improvisation libre et cohérente sur l'ensemble de la forme : passionnant. Une fois encore, coup de chapeau à ce festival, comme à tous ceux qui sont de véritables fêtes de l'Art en mouvement.

Xavier Prévost

 

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21 septembre 2020 1 21 /09 /septembre /2020 13:12

David Linx (bc, compos), Gregory Privat (p), Chris Jennings (cb), Arnaud Dolmen (dms) + Manu Codjia (g), Marlon Moore (vc)


Attention : très grand album de jazz vocal pour cette rentrée !
Le chanteur bruxellois David Linx nous revient en ce début d'année avec un album majeur dans sa carrière pourtant déjà très riche et ponctuée d'une 30aine d'albums.
Initialement prévue pour le printemps sa sortie a été décalée en septembre pour des raisons liées au contexte actuel.
Ce n'etait pas le bon moment.
Et pourtant !
Cet album que David linx a quasiment conçu tout seul (paroles et musique ) est à la fois une oeuvre très personnelle et surtout une sorte d'hymne à la vie.
David Linx y reussit un tour de force avec l'incroyable énergie qu'on lui connaît. Ça vibre, comme une forme d'urgence à dire.
Chacun des thèmes porte en lui une mélodie magnifiquement bien écrite, au point que l'on y vient et revient sans cesse (cet album a tourné dans ma tête tout l'été ).
Mais il faut aller au delà. Il faut aller aux textes, aller aux mots pour comprendre ce qui se joue-là. Où il est question de beaucoup plus que d'un simple alignement de chansons.
A ecouter plutôt comme un manifeste parfois poétique (des textes sublimes) et parfois comme une forme d'engagement pour ceux qui savent lire entre les lignes.
Message d'amour et de liberté d'un monde que David Linx voit avec autant d'avidité que d'exaltation.
Une grande emotion parcourt l'album sur To the end of an idea dont la musique est ici signée Mario Laginha.
Rien à jeter. Chaque morceau reste en tête et le message s'imprime parce que David Linx y met, outre son énergie fougeuse, un part de son âme. Et le message est clair : skin in the game !
Les arrangements sont à l'encan et la formation qui l'accompagne porte la musique très haut. Comme on dit dans le milieu : ça joue terrible !
David Linx est aux chanteurs ce que l'Art total est aux acteurs. Un chanteur entier qui se livre et dont le chant traverse le(s) corps.

Bien plus qu'un album : un hymne.
Jean-Marc Gelin

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20 septembre 2020 7 20 /09 /septembre /2020 18:07

Né de la fusion dans les années 90 de deux associations lilloises distinctes — Circum, dévolue au jazz contemporain, et le CRIME (Centre régional pour l’improvisation et les musiques expérimentales) —, Muzzix est aujourd’hui un collectif d’une trentaine de musiciens se produisant sous des formes très variées allant du solo aux grands orchestres, du concert à l’installation sonore ou la performance. 

Muzzix a également une activité de programmation en lien avec les projets du collectif dans différents lieux de la métropole lilloise, mais principalement à la Malterie, un « club » qui demeure son point d’ancrage historique, dont l’avenir est hélas incertain. Chaque trimestre, l’association organise les temps forts **Muzzix & Associés**, sortes de mini-festivals qui lui permettent d’accueillir des artistes français ou étrangers en tournée, de tester de nouvelles configurations musicales avec ces derniers, et de développer des partenariats avec les institutions culturelles de la région. Responsable du label Circum-Disc, le collectif s’enorgueillit en outre de compter dans ses rangs des groupes dont la renommée dépasse largement les limites hexagonales, tels que le Stefan Orins Trio, le quatuor franco-japonais Kaze ou encore le trio TOC.

 

TOC (Jérémie Ternoy, Ivann Cruz, Peter Orins)

TOC (Jérémie Ternoy, Ivann Cruz, Peter Orins)

Depuis l’arrivée funeste de la pandémie de Covid-19 en février, les activités de l’association ont brutalement cessé. Pourtant, profitant des beaux jours (tout en appliquant scrupuleusement précautions et mesures barrières face au virus) dans le cadre du Printemps 2020 avec lille3000, le trio TOC (comme Jérémie Ternoy-Fender Rhodes, Peter Orins-batterie, Ivann Cruz-guitare) fêtait dimanche 13 septembre la sortie de ses 2 nouveaux disques lors d’une après-midi musicale et festive en plein air à la Gare Saint Sauveur de Lille en invitant des compagnons de longue date du collectif Muzzix ainsi que des musiciens issus de la scène free européenne : John Dikeman (sax ténor - Usa), Hanne De Backer (sax baryton - B), Sakina Abdou (sax alto), Christian Pruvost (trompette), Maryline Pruvost (voix), Samuel Carpentier (trombone) et David Bausseron (guitare).
 

Muzzix : TOC Release Party
Muzzix : TOC Release Party
Muzzix : TOC Release Party
Muzzix : TOC Release Party
Muzzix : TOC Release Party

Les deux nouvelles galettes sont disponibles à l’adresse www.circum-disc.com : TOC “INDOOR” (CIDI2001-2020) et TOC & DAVE REMPIS “CLOSED FOR SAFETY REASONS” (CIDI2002-2020). À signaler également la sortie tout aussi récente de “SAND STORM” (Circum-Libra 205-2020) du quatuor KAZE (Satoko Fujii, Natsuki Tamura, Christian Pruvost, Peter Orins) et leur illustre invitée Ikue Mori.

À noter enfin que les concerts reprennent à partir du 21 septembre à la Malterie dans le respect de la distanciation physique (jauge limitée, port du masque obligatoire, gel hydroalcoolique disponible…) : les rendez-vous hebdomadaires du lundi à 19h, ainsi que “Confiture : Muzzix rencontre The Bridge #13” dimanche 11 octobre à 18h (Pierre-Antoine Badaroux & Jean-Luc Guionnet-sax alto et des musiciens du collectif) et “Forget to Find - The Bridge #13” lundi 12 octobre à 19h (Pierre-Antoine Badaroux & Jean-Luc Guionnet-sax alto, Jim Baker & Jason Roebke (pièce radiophonique). Tous renseignements disponibles à l’adresse www.muzzix.info

**Texte et photos Gérard Rouy**

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19 septembre 2020 6 19 /09 /septembre /2020 11:24
MARC COPLAND DAVE LIEBMAN RANDY BRECKER DREW GRESS JOEY BARON    QUINT5T

 

 

 

MARC COPLAND DAVE LIEBMAN RANDY BRECKER DREW GRESS JOEY BARON

QUINT5T

LABEL INNERVOICE JAZZ 

SORTIE 18 SEPTEMBRE

http://innervoicejazz.com/produkt/quint5t/

https://www.jmp.fr/artistes/item/root/brecker-liebman-copland-quintet.html

 

 

 

Neuf titres dont une seule reprise d’un titre rare de Duke Elligton, enregistré en 1931 et une répartition assez égale de 2 compositions, soigneusement alternées pour quatre des musiciens de la formation. Seul le pianiste Marc Copland ne donne rien cette fois, lui qui est tout de même auteur de près de trente albums en leader!

L’alchimie entre les membres de cet “all star,” de ce quintet sans leader, est immédiatement palpable dès le “Mystery Song” inaugural de Duke Ellington, rajeuni en quelque sorte, si je peux me permettre cctte audace, avec une grande fidélité au thème. Ce qui est la moindre des choses avec pareilles mélodies. Mais nos compères, mélodistes hors pair, savent garder l’esprit, si ce n’est la lettre.

On nous intime ensuite de prendre le large, de nous envoler avec cet “Off bird” du saxophoniste Dave Liebman, drôle d’oiseau sautillant et plein d’esprit, qui s’élève en douceur, vers un point de vue aérien avant de s’accorder en duo avec son autre partenaire soufflant, jusqu’à une brusque et amusante pirouette finale.

Le temps est alors venu d’une première ballade de Drew Gress , ce “Figment” bien titré, tant elle est inventive, créative avec chacune des interventions de ces frères de son, au phrasé impeccable, au jeu jamais trop linéaire, qui savent se rejoindre dans un échange constructif. Comment ne pas suivre, ne pas être en phase, adhérer à une vraie couleur d’ensemble, un chant d’une évidence lumineuse, qui paraît simple?

Les interventions du trompettiste Randy Brecker, impérial, bouleversent, quand il étrangle les aigus, hoquète, éructe, bourdonne comme “a busy bee”. Alors que c’est le pianiste qui ferme, en douceur, à la façon d’une comptine, un peu mélancolique. Comme le poème de son ami Bill Zavatsky qui accompagne fidèlement chaque album de Marc Copland.

Broken time” est double, avec une reprise en trio, très différente, plus apaisée que la version en quintet où la rythmique harcèle les soufflants, les pousse à se démultiplier, à vibrionner avec swing! Ils vont vite avec le vent, comme le vent, sans rencontrer d’obstacles, heureux hommes volants.

Le thème de Randy Brecker qu’ils jouent souvent en quintet, “There’s a Mingus aMonk us”, réveille des effluves d’un jazz aimé, exalté et exaltant, étrange fusion entre le neuf et l’ancien, en échos légers, néanmoins perceptibles qui imprègnent la mélodie, donnent de la couleur, posent une atmosphère, donnant des fredons inoubliables.

Cet album au titre sans fioriture, QUINT5T, à la pochette précisionniste même, au sens du peintre Demuth illustrant William Carlos Williams à la manière de “I saw the figure 5 in gold” suit un montage cohérent avec des pièces aux cadences changeantes, trame d’un ensemble plus que résistant dans lequel on s’immerge très vite, dans une durée rafraîchissante et légère. 

Un jazz enjoué, qui a du corps, de la saveur et qui, dans la ballade finale, “Pocketful of change” est propice aussi à la rêverie avec un piano exquisément perlé. Comment rêver de plus beau final? 

Cette “Dream team”, belle équipe et machine rutilante, invite justement à entrer dans la danse du jeu, quel qu’il soit, à suivre une inspiration vagabonde, un cheminement buissonnier, à moins que ce ne soit l’inverse. Qu’importe, on les suit les yeux fermés, en progressant sans crainte, tout en remontant le courant du temps qui s’étire comme les ailes d’un curieux volatile. Rassérénant!

 

Sophie Chambon

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17 septembre 2020 4 17 /09 /septembre /2020 08:44
TERJE RYPDAL : " Conspiracy"

TERJE RYPDAL : " Conspiracy"
ECM 2020
Terje Rypdal (g)Ståle Storløkken: claviers, Endre Hareide Hallre: basse, basse fretless, Pål Thowsen: batterie et percussions


Terje Rypdal signe un nouvel album fort. Aux effluves de jazz et rock spirituel.
Accompagné d'un groupe de haute volée et d'un organiste aussi dicret qu'à même de distiller de profondes nappes electriques.
L'album est fascinant de bout en bout. Suit des méandres où le son est travaillé à la perfection.
La musique de Rypdal est parfois dense et serrée et parfois merveilleusement espacée et onirique.
Le travail de Pål Thowsen à la batterie donne un relief vivant et vibrant.
Un album comme une plongée fascinante dans les limbes de nappes sonores fascinantes.
Une belle page dans la carriere de ce guitariste norvegien déjà legendaire.

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14 septembre 2020 1 14 /09 /septembre /2020 17:00
HUMAIR BLASER KÄNZIG  1291

 

HUMAIR BLASER KÄNZIG  1291

OUTHERE MUSIC/OUT NOTES RECORDS

On a toujours autant de plaisir à écouter le tromboniste Samuel Blaser, à le retrouver dans une autre configuration, cette fois un "jeune" trio des plus singuliers, avec une rythmique sensationnelle composée de Daniel Humair à la batterie et du contrebassiste Heiri Känzig.

Trois musiciens suisses dans 1291? Un titre qui n’évoquera pas grand chose aux Français, pas toujours à jour avec leur propre histoire et géographie. Alors celles des voisins....

Ce que l’on apprend, avec cet album, sorti sur le label Out There, c’est que la création de la vénérable Confédération helvétique, remonte à 1291.

C'est un salut enjoué, humoristique à la mère “patrie” des trois comparses, qui, sans reprendre les clichés attendus de Guillaume Tell, des chalets fleuris ou du chocolat, évitent au contraire les idées reçues, même si un chant  des alpages, remontant au folklore du XVIIIème, “Guggisberglied”, fait résonner les cors de montagnes et entendre les feuilles tomber! Le dernier titre est tout de même, “Cantique suisse”, l'hymne national, antienne chère à leur coeur. Il le fallait bien tout de même, vu que très symboliquement, nos “trois petits Suisses” polyglottes sont nés dans des cantons différents : le maître des baguettes, Daniel à Genève, Samuel à la Chaux de Fonds (comme Le Corbusier) et Heiri à Zürich (il maîtrise donc le “schwizerdutsch”, clin d’oeil suprême aux voisins teutons qui ne comprennent pas grand chose à ce dialecte grasseyant et plutôt rapide).

L’expression collective est intense, essentielle, dans ce trio “osmotique” à la formule instrumentale originale (trombone/contrebasse/batterie) avec une rythmique jamais surpuissante, qui soutient, sous tend et propulse le soliste. Mais qui peut aussi ronronner tout autant que le trombone, comme si les trois permutaient leurs places. Un exemple? Ce “7even”, où l’emballement progressif du batteur est soutenu par le chant du trombone, dans une grande fluidité.

Les quatorze petites pièces, courtes et virtuoses car concentrées pour faire ressortir les mélodies de ces traditionnels, reprises blues, ou originaux qui composent ce 1291, enregistrées en février dernier, au Centre Culturel Suisse à Paris, glissent dans l’oreille et la musique s’avale facilement à grandes goulées.

Samuel Blaser peut tout obtenir de son instrument, du growl le plus attendu aux stridences atonales elles aussi espérées. Il a une qualité rare, un son moelleux, pas forcément caressant. Il conserve ainsi une touche personnelle, travaillant au mieux sa tonalité, son timbre. Une envergure de soliste qui maîtrise le sens de la construction et du motif avec une énergie tranquille, que ce soit dans du Machaut ou du Ducret! S’il y a bien un grégorien, un duo contrebasse/trombone, “Grégorien à St Guillaume de Neufchâtel”, l’inspiration dominante vient du blues dont le trio arrive à restituer l’esprit, par une écriture “arrangée” qui sonne actuelle en faisant réécouter autrement ces gemmes de temps historiques. On part de l’“Original Dixieland One Step”, le préjazz blanc de 1917 pour arriver à Ory’s Creole trombone”, jusqu’à l’antépénultième composition commune, une synthèse “ Ory’s Original Creole Dixieland Trombone One step”. Le tromboniste retrouve les émois des fanfares, l’exubérance des premiers “Marching bands” néo orléanais qui plurent tellement à “Little Louis” (Armstrong) qui entendit un jour son maître, le roi du cornet King OLIVER. Pour Samuel Blaser, s’il doit laisser ses traces dans les pas d’un père, il s’est choisi Kid Ory. 

Les trois comparses tordent le cadre de la tradition, tout en revenant pour le tromboniste aux origines jazz de l’instrument comme dans le titre inaugural où il joue charnu, gouleyant; il baille même de plaisir sur ce Dixie du premier orchestre blanc. Plus loin, il escaladera la gamme avec un plaisir renouvellé, véloce et profond aussi, toujours prêt à descendre dans les graves.

Du blues encore, avec sourdines dans le formidable “Belafonte”, dédié au chanteur et acteur, vrai héros et héraut de la lutte pour les droits civiques qui n’hésita pas à compromettre sa carrière, à qui Spike Lee rend hommage dans son dernier BlacKkKlansman.

Du blues  dans “Where did you sleep last night?”, “High Society” de Cole Porter (thème popularisé par le musical puis le film éponymes, grand succès des années cinquante), dans ce “Bass Song”, le très beau thème, le plus long de l’album, dû au contrebassiste qui soigne ses complices!

Dans une étonnante reprise, très courte (2’ et des poussières) des célébrissimes “Oignons” du soprano Bechet, Daniel Humair qui s’y connaît en matières et en fourneaux, se mêle des oignons, mitonne son propre plat d'oignons, pas confits en chutney mais délicieusement frits et juste blonds! Il nous réserve un dernier plaisir en créant la pochette colorée, graphique, lui qui aime peindre autant que jouer des peaux et des fûts! D’ailleurs, “Jim Dine”, une de ses compositions -où le trio joue à plein, rend hommage à cet artiste inclassable, qu’il apprécie dans son grand éclectisme,  peintre, sculpteur, compositeur, qui créa ( entre autres) des “Hard hearts” rouges.

Intense, intelligemment construite, tournée à la fois vers les formes libres et un amour authentique des origines, ce 1291 procure une véritable “Jazz Envy”, une attirance forte pour ce jazz “en vie”, d’autant plus essentiel en ces temps volontiers déprimants. 

Cette musique élastique, à la plasticité brillante d'un trio partageant gourmandise et sensualité, est “crunchy” à souhait (rappel de l’incontournable "madeleine", du chocolat de l’enfance, Crunch?).

Sophie Chambon

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12 septembre 2020 6 12 /09 /septembre /2020 00:10

Thelonious Monk (piano), Charlie Rouse (saxophone ténor), Ben Riley (batterie) et Larry Gales (contrebasse). Palo Alto High School Auditorium (Californie) 27 octobre 1968.
Disponible en cd et en vinyle (Impulse!-Verve / Universal) et au format numérique (Legacy Recordings).


Bonne nouvelle : le concert inédit de Thelonious Monk du 27 octobre 1968 à Palo Alto va enfin sortir, le 18 septembre. L’information a été donnée par le label Impulse qui avait in extremis annoncé l’annulation de sa commercialisation au début du mois d’août, en raison « de circonstances indépendantes de la volonté du label ».

Même si le label n’avait alors donné aucune explication officielle, c’est une affaire financière qui était à l’origine de ce forfait de dernière minute. Danny Scher, l’étudiant qui alors âgé de 16 ans avait organisé le concert et disposait des bandes avait  fait état d’un différend entre les héritiers de Monk et le dernier label du pianiste, Columbia.

 

Dans un entretien avec le Palo Alto Weekly, publié sur le site Almanac news, Danny Scher ajoutait alors, philosophe :  « Je détiens ces bandes depuis 50 ans, je peux bien attendre encore deux ou trois décennies »   Organisateur de ce concert  donné au Palo Alto High School Auditorium (Californie), Danny Scher (ici) était tombé d’accord en 2017 avec T.S. Monk,(interview ici) fils de Thelonious et dépositaire des droits sur l’œuvre de son père sur la sortie de cet inédit.


La sortie de cette captation était d’autant plus attendue que le quartet de Thelonious Monk formé alors du fidèle Charlie Rouse au saxophone ténor, Ben Riley à la batterie et Larry Gales à la contrebasse vivait alors ses derniers instants après plusieurs années de complicité créative. Peu après, en novembre, Columbia réunira en studio le combo avec un grand orchestre, sous la houlette de Gerald Wilson, une session qui s’avèrera un « naufrage », (Blue Monk. Jacques Ponzo et François Postif. Actes Sud) et signera la fin de la collaboration du pianiste avec le label.


D’une durée de 47 minutes, Monk à Palo Alto propose quelques-unes des compositions les plus notables du pianiste dont : "Ruby, My Dear," "Well, You Needn’t," "Epistrophy" ou encore une émouvante version de 14 minutes de "Blue Monk."

 

©photo X. (D.R.)

 

Jean-Louis Lemarchand.

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6 septembre 2020 7 06 /09 /septembre /2020 22:12

Elles/Ils jouent dans l'instant la musique du futur immédiat. Leur aventure musicale me fait penser au propos prêté par Julio Cortázar à Charlie Parker : «ce solo, je l'ai déjà joué demain». Quand le geste est lancé, l'impossible est déjà possible, hic et nunc.

JOËLLE LÉANDRE, MYRA MELFORD, LAUREN NEWTON «Stormy Whispers»

Joëlle Léandre (contrebasse), Myra Melford (piano), Lauren Newton (voix)

Varsovie, 27 octobre 2018

FSR Records FSR11-2020 / http://fsrecords.net/catalogue/stormy-whispers/

 

Un concert au festival Ad Libitum. Trois partenaires dont les improvisations se sont croisées maintes fois. La cohésion s'installe à la première note, d'un seul geste musical qui nous saisit, et ne nous lâche plus jusqu'au terme du voyage, quelque 44 minutes plus tard. Les musiciennes semblent avoir lâché prise dès le premier instant, et ce qu'elles ne tentent plus de saisir dans le dicible est précisément ce qui nous parle, ce qui nous prend et nous captive. Magie ? Sorcellerie même ? On se souvient des «Diaboliques», Joëlle Léandre avec Irene Schweitzer et Maggie Nichols : même audace, même apparente folie qui nous dit, en fait, le sens que nous devinions sans jamais oser l'imaginer. Grand Art, vraiment !

 

JUBILEUM QUARTET «a uiš»

Joëlle Léandre (contrebasse), Evan Parker (saxophone ténor), Agustí Fernandez (piano), Zlatko Kaučič (batterie, objets)

Czerkno (Slovénie), 18 mai 2018

Not Two Records MW 1005-2 / https://www.nottwo.com/mw1005

 

Ce disque, enregistré dans un festival slovène, est le fruit d'un concert marquant les 40 ans de carrière du batteur, figure marquante de la musique improvisée en Slovénie. En rassemblant cette brochette de solistes flamboyants, il a joué la carte de l'effervescence. Le titre, en slovène, semble dire 'on y va', et ils/elle y vont 'bille en tête'. Les propositions musicales se croisent, se stimulent, s'interpellent, voire se donnent un instant le loisir d'une joute. Cela dure 45 minutes, et nous laisse groggy ; groggy et heureux. Et le public du festival dit par sa réaction le bonheur qu'il a eu d'être le témoin d'un tel emportement.

 

JEAN-MARC FOUSSAT – EVAN PARKER – DAUNIK LAZRO «Café OTO»

CD 1 «Inventing Chimaeras»

Jean-Marc Foussat (synthétiseur, voix)

CD 2 «Présent Manifeste»

Jean-Marc Foussat (synthétiseur, voix), Daunik Lazro (saxophones ténor et baryton), Evan Parker (saxophone soprano)

Londres, 22 janvier 2020

Fou Records FR-CD 38-39 / https://www.fourecords.com/oto.htm

 

Enregistrés le même soir, un solo, puis le trio. La performance solo de Jean-Marc Foussat est une sorte de manifeste de singularité dans une champ historiquement chargé et connoté, celui de la création électronique sonore. Paysages pour l'oreille, ou plutôt pour les oreilles, car si le panoramique n'est pas sollicité de manière inconsidérée, l'espace est bien là. Déambulation, fracture parfois, onirisme ou pure sensation, le spectre est large, et mérite assurément une immersion dans l'écoute.

Pourtant c'est le trio qui va mobiliser pleinement ma curiosité passionnée d'auditeur. Les sens et le sens, sensualité et signification, vont se télescoper pour dessiner un paysage évolutif qui se déploie, offrir des voies d'interprétation.... qui vont se renverser ensuite en quelque mystère. La force de la musique est dans ce dialogue à demi-mots, sons allusifs ou propositions plus explicites. Embarqué, transporté, je vogue dans ce dialogue/trilogue, partagé entre sensation hypnotique et furieux désir d'en découdre avec le sens. Jouissif, assurément. Et le talent de sorcier sonore de Jean-Marc Foussat qui a mixé cette aventure dont il était aussi l'acteur sur scène n'y est pas pour peu. Belle réussite.

Xavier Prévost

 

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1 septembre 2020 2 01 /09 /septembre /2020 10:53
Non, t’es pas tout seul ANDY

 

A propos de No solo d'ANDY EMLER sur le label La Buissonne.

Retrouvez la chronique de Jean Louis Lemarchand :

http://lesdnj.over-blog.com/2020/08/andy-emler-no-solo.html

A l'écoute de ce nouvel opus du chef du Mégaoctet, je me suis interrogée sur certaines compositions qui ont réveillé ma nostalgie. 

Si le titre n’était déjà pris, Alone Together résumerait bien mieux que de longs discours le nouveau projet du pianiste Andy Emler qui a créé une suite de petites pièces pour piano et solistes (instrumentistes et vocalistes) mettant en valeur la personnalité musicale de ses amis/partenaires.

Il a plus que jamais un vrai désir de musique en commun pour traverser le temps, les espaces naturels, se moquant des dénivellés, gravissant les escarpements rocheux allègrement pour mieux dégringoler les pentes, ou se coulant en rivière, enflant et grondant comme un torrent…

Au fil des pièces qui se succèdent, on se réjouira des surprises abordées avec le chant de la flûtiste syrienne Naïssam Jallal; dans “12 oysters in the lake”, il réserve à  Ballake Sissoko avec lequel Emler a joué de l’orgue dans des églises, un ostinato qui permet au chant de ce maître de la kora de s’élever. Dans la délicate pièce “The Rise of the Sad Groove”, le timbre sensible de la saxophoniste alto Géraldine Laurent mêlé aux voix d'Hervé Fontaine, en un doux ressac, ebb and flow, nous transporte au bord de l’océan!

Son partenaire du “chauve power”, le saxophoniste Thomas von Pourquery, il le fait chanter, avec Phil Reptil, dans ce “Light please” exalté, lointainement inspiré de Ludwig von … et d’une demande en concert de faire du Beethoven. Bizarre requête mais tous deux s’étaient gentiment exécutés à partir du Clair de Lune…. “Light Please”, une impro détonante qui s’appelle ainsi Car après la nuit….

Abrupt dans les graves, percutant et percussif encore et toujours, comme dans cette intro “Jingle Tails” (un jeu de mots avec "Jingle Bells", ça ne m’étonnerait pas!). Mécanique et obsessionnel, martelant des accords surprenants, sa musique rythmiquement appuyée, affirme un sens dramatique évident avec un goût prononcé pour les reprises, les boucles, les échos, les répétitions passionnées.

Quand on pense à un soliste, on n’écrit pas de la même manière, il faut simuler la présence de l’autre et jouer comme s’il était là! “Travail de mémoire, de réminiscences comme il a su très bien faire avec son My own Ravel, où il ne jouait pas du Ravel. Je me souviens à l’époque avoir été prise de cours tant sa partition me semblait faites de citations, d'extraits existants ravéliens! Non, tout provenait de sa plume. Géraldine Laurent partage son goût pour Ravel même si c’est dans “Près de son nom”, avec son pote de toujours, le contrebassiste Claude Tchamitchian, qu’il joue au plus près du maître, à grands traits d’archets, déchirants de mélancolie, avant de prendre la main, tant il connaît son Ravel sur le bout des touches.

Même impression en écoutant “The Warm up”, un échauffement harmonisé, inspiré de la musique symphonique de Genesis, celui de Peter Gabriel. Mais à 90% d’EMLER et 10% du groupe anglais. Il ne nous facilite pas la tâche, jamais de citation franche, même courte, mais des fredons qui se fondent littéralement dans sa version, un écho fugace qu’au détour d’un fragment, d’une phrase musicale, la mémoire croit reconnaître! J’ai écouté plusieurs fois ce titre et me pose cette devinette: est-ce un retour de l’intro grandiose de The lamb lies down on Broadway ou une “resucée” emlerienne de Firth of Fifth de l’admirable Selling England by The Pound? Il y mêle peut être un écho de Foxtrot ou Nursery Rhymes ?

Je donne ma langue au chat mais voilà encore un exercice de style qui n’en manque pas: s’il renvoie aux maîtres de l’instrument, ce piano qui danse, est assez éloigné du jazz américain. Andy Emler a une culture, une formation et se reconnaît dans une génération qui l’autorisent à sortir de ces références. Ecoutons donc ce compositeur à la signature immédiatement reconnaissable, à l’univers des plus attachants qui sait se fondre dans celui de ses partenaires. Merci et encore bravo l’artiste!

 

Sophie Chambon

 

 

 

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31 août 2020 1 31 /08 /août /2020 09:44

Andy Emler (piano et compositions), Naïssam Jalal (flute et voix), Aïda Nosrat (voix), Rhoda Scott (voix), Thomas de Pourquery (voix), Phil Reptil (sound design), Ballaké Sissoko (kora), Aminata « Nakou » Drame (voix), Claude Tchamitchian (basse), Géraldine Laurent (saxophone alto), Hervé Fontaine (voix) et Nguyên Lê (guitare électrique). enregistré au Studio La Buissonne et au Studio Sextan à La Fonderie, Malakoff (entre février 2019 et janvier 2020).
La Buissonne / PIAS / ECM Records. Août 2020 .

 

No solo.
Andy Emler s’explique.
Alors que tant de pianistes un jour ou une nuit se lancent dans cet exercice sans filet, il n’a jamais ressenti cette impérieuse envie en quarante ans de métier. « Je ne m’entraîne pas huit heures par jour, les exercices ont tendance à m’ennuyer et je ne prends jamais de solos dans les groupes ».
Voilà qui est dit. Reste que le fondateur du MegaOctet n’a rien d’un sectaire. On relève dans son abondante discographie un album en solo (For Better Times, 2008) et il se produira en solitaire le 7 novembre prochain à Argences en Aubrac (Aveyron).

 

Le disque ici chroniqué débute d’ailleurs par deux compositions en solo dont un bien nommé Warm Up. Cet exercice d’échauffement passé, nous entrons dans le vif de l’œuvre. Evoquons tout d’abord sa genèse. Fin 2018, devant annuler un concert en grande formation, Andy Emler s’installe au studio La Buissonne à Pernes-les-Fontaines (Vaucluse) devant un grand Steinway. Et là il enregistre des pièces pour piano et solistes.

La liste de ses comparses de jeu est dans sa tête. La diversité y règne. Qu’on en juge : des jazz(wo)men à temps complet (Géraldine Laurent, Rhoda Scott, Claude Tchamitchian, Thomas de Pourquery), des musiciens du monde (Nguyên Lê, Ballaké Sissoko), des voix venues d’ailleurs (l’iranienne Aïda Nosrat, la malienne Nakou Drame). Andy Emler a écrit une partie pour chacun de ses invités et a dirigé la séance finale dans un studio francilien. Son seul mot d’ordre : soyez zen et jouez peu de notes. En duo et quelquefois en trio, les musiciens s’expriment avec sérénité, laissant le temps s’écouler sans jamais lasser.  Très présentes, les voix (y compris celle de l’organiste Rhoda Sott qui délaisse ici son « buffet ») sont autant d’instruments, toujours en nuances.


Voici une œuvre riche qui interpelle, manifeste d’un compositeur sans œillères.  A écouter sans modération.


Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo Christophe Charpenel

 

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