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30 août 2024 5 30 /08 /août /2024 10:44

Jazz in Marciac : Deux soirs de rêve sous le ciel gersois de Marciac !

Comme tous les ans, nous avons fait un détour du côté de Marciac pour nouvelle édition du festival. Pour deux soirs seulement malheureusement (c’est bien trop court) mais néanmoins pour deux soirées superbes d’un bel été sous le célèbre chapiteau.

31 juillet : ARTEMIS (1ère partie) et KENNY GARRETT (2ème partie)

La première soirée offrait un plateau bien alléchant avec deux formations bien différentes dans l’esprit.

Tout d’abord celle d’Artemis, un formidable quintet féminin que l’on avait découvert il y a trois ans avec leur premier album éponyme et qui, créé par Renée Rosnes réunit quelques grands talents bien installés sur la scène du jazz aux Etats-Unis et ailleurs.

Artemis c’est donc la pianiste Renée Rosnes au piano et à la direction, la canadienne Ingrid Jensen ( que l’on peut entendre dans la formation de Maria Schneider) à la trompette, Nicole Glover au sax ténor, la japonaise Noriko Ueda à la contrebasse et enfin la batteuse américaine Allison Miller.

Ce qui frappe dans ce quintet c’est qu’il s’agit à la fois de l’addition de personnalités musicales bien affirmées mais qui toutes se mettent à l’unisson d’un vrai son de groupe. D’une formidable cohérence homogène. On est alors dans l’enveloppement d’une musique aux harmonies recherchées, servie par des solistes talentueux dont aucun ne cherche l’esbrouffe.

La pianiste Renée Rosnes s’affirme bien comme la leader de ce groupe qu’elle dirige avec bienveillance et discrète fermeté derrière son clavier

On aurait tout aussi bien pu partir regarder les étoiles, tant cette première partie revêtait tous les atours d’une belle nuit d’été.

Mais….. deuxième partie

Changement radical d’atmosphère avec Kenny GARRETT venu présenter son « Sounds from the ancestors ».

Avec ses airs de sorcier un peu fou et proche de la transe, Kenny Garrett sait y faire pour se faire lever les corps et battre les tempos. Kenny au sax alto bien sûr, accompagné de Keith Brown au piano, Corcoran Holt à la contrebasse, Rudy Bird aux percus et Melvis Santa aussi (aux perçus). Autant de musiciens un peu figuratifs tant le saxophoniste occupe tout l’espace en véritable star d’une musique entre jazz, groove funky et réminiscences africaines. Kenny Garrett nous gratifiait de ses solos absolument époustouflants, à la limite de l’apoplexie. Incandescent comme il sait si bien le faire avec cette incroyable maîtrise du son d’alto qui n’a pas beaucoup d’équivalent. A 64 ans, le saxophoniste du Michigan n’a rien perdu de sa fougue et de son envie d’emballer les foules. A preuve ce tube repris à la fin de chacun de ses concert et qu’il laisse tourner infiniment comme une forme de rappel qui tourne en boucle jusqu’à étourdissement de la foule en délire. Kenny connaît par cœur ses recettes pour se mettre le public in the pocket.

1er Aôut : CHARLES LLYOD (1ère partie) et YOUN SUN NAH ( 2ème partie)

La soirée du 1er août était prometteuse et augurait d’un de ces moments forts dont Marciac a le secret. Pour cette dernière soirée d’antenne de notre confrère Alex Dutilh sur France Musique, on ne pouvait rêver de plus beau plateau.

Et c’est peu dire que cette soirée remplit toutes ses promesses !

En 1ère partie Charles Lloyd venait avec une dream team composée du sublime guitariste danois Jakob Bro et de la plus élégante des rythmiques, composée de Larry Grenadier à la contrebasse et de Eric Harland à la batterie. C’était Charles LLyod et son Sky trio.

Moment de pure grâce, de suspension du temps et de l’âme, de l’envol très haut au dessus du ciel de Marciac. Moment quasi mystique avec un Charles LLyod qui, du haut de ses 86 ans n’a jamais perdu sa flamme et la puissance incroyable de son discours. Qu’il soit au ténor ou à la flute c’est toujours l’expression d’un son d’une maîtrise comparable à celle d’un calligraphe. La précision alliée à la puissance et à l’énergie du geste. Et l’on ne peut s’empêcher de s’émerveiller d’entendre Charles LLyod jouer, malgré son âge sans le moindre vibrato.

A ses côtés, celui qui s’impose comme l’un des guitaristes les plus inspiré de la scène actuelle, le danois Jakob Bro dont chacune des interventions était marquée d’une sorte de science harmonique hallucinante ( ou hallucinée). Créateur de nappes évanescentes. Un Wayne Shorter de la 6 cordes. Une inspiration venue de paul Motian qu’il a longtemps côtoyé.

Après un tel moment d’extase, le public se demandait comment la chanteuse coréenne pourrait assurer la 2ème partie.

Et pourtant !

Youn Sun Nah venait présenter son album « Elles » dédié aux voix de femmes en passant par Piaf, Björk, Nina Simone ou Roberta Flack. Le format proposé est des plus original puisque la chanteuse avait choisi de s’entourer de deux claviers ( et non des moindres), celui d’Eric Legnini et de Tony Paelman alternant chacun à tour de rôle le clavier acoustique ou électrique.

Comme toujours, la chanteuse donne ce sentiment d’incandescence : elle brûle sur scène ! Sur un répertoire varié sur lequel elle chante en plusieurs langues, Youn Sun Nah ne cesse de nous émerveiller passant d’un feeling très jazzy à une sorte de sauvagerie pop. C’est qu’en fait la chanteuse est totalement libre sur scène, sans aucune limite. Elle prend des risques, elle ose et mute en 100 personnalités en une.

Loin d’être démonstrative, Youn Sun Nah est habitée. Juste habitée par une forme d’urgence.

Le public est debout, transporté dans son monde et prêt à la suivre jusqu’au bout de la nuit.

L’heure pour nous de finir la soirée comme il se doit au J’Go où se produisent, comme tous les soirs Leonardo Montana (p), Samuel Adusar (dms) et Thibaud Soulas (cb).

On est bien !

 

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6 juillet 2024 6 06 /07 /juillet /2024 11:42

Deux nouveaux disques pour célébrer les 20 ans du label lillois de création. Deux univers, deux approches, avec en commun le batteur. Système à contraintes voulues et assumées d’une part, liberté du free jazz d’autre part. Mais grande liberté dans les deux cas
 

TERNOY, CRUZ, ORINS «The Theory of Contraints »

Jérémie Ternoy (piano), Ivann Cruz (guitare), Peter Orins (batterie)

Ronchin, 17-19 octobre 2023

Circum Disc CIDI 2401 -2024

https://www.circum-disc.com/ternoy-cruz-orins-the-theory-of-constraints/

 

Il n’est pas ici question de produire une œuvre en s’imposant des contraintes par jeu de l’esprit. On n’est pas dans la revendication de l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle) cher au cœur de Raymond Queneau. Et pourtant c’est bien le même esprit qui règne : faire œuvre d’art en tissant un réseau de contraintes qui fait que le jeu devient fécond, et que cette fécondité produit un objet artistique que l’on appelle œuvre (d’art), musique, performance…. que sais-je. Je me suis régalé à cheminer dans ce labyrinthe où chaque méandre me dit : là n’est pas le sens. Et pourtant sens il y a : giratoire, signifiant ou auditif. On s’immerge, on s’abandonne, la magie est là


WOO - HOO-HA

Christine Wodrascka (piano), Pauline Owczarek (saxophone alto), Peter Orins (batterie)

Ronchin, 12 décembre & Poitiers, 14 décembre 2023

Circum Disc CIDI 2402 -2024

https://www.circum-disc.com/woo-hoo-ha/


 

Elles-il se sont rencontrés en duo, puis en trio, pour des concerts. Et leurs improvisations font explicitement référence à l’univers du free jazz . Ici les libertés anciennes rejoignent les conquêtes du présent le plus vif. Entrée progressive dans une dramaturgie qui s’élabore, pas à pas, et se construit jusqu’au paroxysme, avec des pleins, des déliés, des foucades, des emportements, des méditations et des replis intimes. Musique libre, vraiment, qui nous saisit, et nous captive.

Xavier Prévost

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2 juillet 2024 2 02 /07 /juillet /2024 17:51
ALVIN QUEEN TRIO      Feeling good

ALVIN QUEEN TRIO      Feeling good

Stunt Records

www.alvinqueen.com

 

 

 

Est-il besoin de présenter Alvin Queen, batteur de légende qui, encouragé par Elvin Jones, a accompagné un soir Coltrane? En sideman ou en leader, il a tourné avec les plus grands Kenny Barron, Horace Silver, Dizzy Gillespie, Nina Simone... dans une carrière de plus de soixante ans.

Pour cet album en leader, il a choisi d’enregistrer en trio-le format classique-un album conçu à l’ancienne, en parfaite synergie avec son pianiste le très doué Carlton Holmes et son contrebassiste Danton Boller qui lui aussi a fait ses preuves.

Le titre Feeling good est une invitation à laquelle on s’abandonne avec plaisir tant le trio sait travailler à sa manière épurée l’héritage de la musique américaine, revoir divers répertoires du jazz, des thèmes de l’American Songbook déployés avec succès sur scène ou dans les films qui sont toujours source d’inspiration. Soit un spectre large composé de six chansons sorties de musicals, de quatre de jazzmen dont deux du pianiste Cedar Walton, deux autres issues de B.O de films dont le fameux Love Theme d’Alex North dans le Spartacus de Kubrick et aussi une chanson pop de 1961 devenue un standard de jazz The Night has a thousand eyes dont on se souvient de l’interprétation magistrale de Sonny Rollins.

Ce nouvel album ne changera pas la donne, au champ ouvert mais délimité puisqu’il enjambe une grande partie de l’histoire du jazz, de l’ineffaçable mais toujours émouvant-quand le piano sonne aussi bien, Someone to watch over me de Gershwin (1926 ) à Bleeker Street ( Cedar Walton 1985).

La science de l’alternance dans le montage confère tout son relief à cet album: loin d’une relecture facile des standards, on suit une progression lente menée de main de maître, un patient travail d’élaboration. Dès le démarrage allègre d' Out of this world d’Harold Arlen et Johnny Mercer, la complicité est immédiate entre ces trois musiciens qui avancent comme un seul homme. It ain’t necessarily so groove joliment. Waltz for Ahmad de Joe Wilson est un thème magnifique qui souligne l’habileté d’un pianiste vraiment talentueux accompagné d'un batteur  des plus caressants aux balais. Que dire de leur version de cette imparable mélodie Love theme de Spartacus qui vous cueille sans crier gare où, après une exposition élégiaque du thème, le pianiste développe une improvisation soignée aux variations recherchées? Changement de style avec Love will find a way, une chanson douce et chatoyante de 1977 de la femme de Pharoah Sanders où le pianiste joue aussi de synthés dans un esprit très pop.

La suite du programme n’en est pas moins réjouissante, le tempo s’accélère avec cette version éponyme de Feeling Good qui n’aurait pas déplu à Nina Simone qui connaissait la chanson et s’en empara dans son I put a spell on you. C’est en effet mérité que Feeling good donne son titre à l’album tant il a de quoi nous plaire réunissant dans un "mash up" réussi un soupçon de bossa, le thème mais aussi des citations de James Bond qui “matchent” particulièrement .

Impérial aux baguettes, stimulant sur les cymbales dans The night has thousand eyes, Alvin Queen entre dans la danse avec son solo (roulements secs sur la caisse claire) introduisant Firm Roots ; sans jamais forcer le ton,  il  sait utiliser toutes les nuances des peaux et des fûts, batteur “quintessential” qui commente, ponctue, rythme avec un drive d' une rare élégance, propice à induire des plages d’improvisation dont une écoute attentive révèle les subtilités.

On prend plaisir à cette balade dans un paysage musical américain éternel où tout part et ramène aux chansons. En cette période tourmentée, il n’y a vraiment pas de mal à se faire du bien avec ce rappel bienvenu de Send in the clowns de Steven Sondheim ou le final Three Little Words léger et rebondissant comme Fred Astaire. Un trio qui enthousiasme par son aptitude à faire revivre loin de toute performance, avec intelligence et conviction, des musiques essentielles.

Sophie Chambon

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29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 11:21

Ludovic Ernault (saxophone alto),
Pierre Bernier (saxophone ténor),
Jean-Christophe Kotsiras (piano, composition),
Blaise Chevallier (contrebasse),
Ariel Tessier (batterie).
Enregistré en juin 2021 à Paris.
Soprane Records. Paru en juin 2024.


     Quoi de neuf ? Lennie Tristano (1919-1978).

 

     Un brin de provocation assorti d’un retour aux sources en forme de réhabilitation pour la jeune génération. Quand fleurissent à ne plus finir les adeptes de Brad Mehldau, Esbjorn Svensson et autres, se plonger dans l’univers du pianiste-professeur marginal mais central relève de l’exercice salutaire.

 

     « Contaminé par le virus tristanien », selon ses propres termes, le pianiste Jean-Christophe KOTSIRAS nous avait déjà donné un album en duo (Linea Bach with Tristano) avec Alice ROSSET, formation dénommée HASINAKIS, où alternaient titres de Tristano, Lee Konitz, Lennie Popkin, Jean-Sébastien Bach, et ses propres compositions.
      Enthousiaste, Kotsiras vante le jeu de Tristano « très fluide, très lié, d’apparence monotone mais en réalité avec beaucoup de relief un peu comme un dessin en noir et blanc ».


     Un enthousiasme qui incite aujourd’hui Jean-Christophe Kotsiras à proposer un second disque (espérons qu’un troisième interviendra) traitant de la musique de Tristano avec un quintet (deux saxophones et une rythmique), rappelant le groupe qui fit fureur à la fin des années 40 où se côtoyaient Lee Konitz (alto), Warne Marsh (ténor), Billy Bauer (guitare).
    Kotsiras présente des œuvres de Tristano (Wow), Konitz (Lennie’s, It’s You, Palo Alto) Billy Bauer (Marionette) s’ajoutant à trois compositions personnelles (Anamnèse, Emelia, Shining).

 

     Avec « LENNIE’S » (Soprane Records), nous disposons d’un quintet qui tout en sobriété (9 titres pour une durée totale de 43 minutes) propose l’exploration d’un univers envoûtant où l’émotion (sans pathos) se conjugue à la rigueur avec une élégance de classe ... Avis aux programmateurs de festivals et de concerts qui souhaitent sortir des sentiers (re)battus !  

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

©photo X. (D.R.)

 

Cet été, on pourra entendre le duo HasinAkis le 20 juillet  à 19 h dans le cadre d'une résidence au Grand Bain de la Madelaine-sous-Montreuil  (62) et les deux pianistes (en solo ou duo) en Charente-Maritime dans des lieux non encore définis.

 

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29 juin 2024 6 29 /06 /juin /2024 08:20

Claude Barthélémy (guitares & autres instruments)

pour l’instant en numérique sur Bandcamp

https://claudebarthlemy.bandcamp.com/album/panorama

 

Une musique commencée pendant le confinement, avec tout le confort moderne des outils numériques ; mais le virtuel n’évacue pas le concret : des guitares, un peu de batterie et un piano jouet…. le tout mixée ensuite en studio. C’est du Barthélémy pur sucre, mélange de débordements et de finesse, de nuances et d’éclats, de mélodie entêtantes et de constructions musicales vertigineuses, de sons saturés et de sonorités bercées dans leur naturel. Des compositions nouvelles, mais aussi des thèmes qui appartiennent au passé, récent ou lointain, du compositeur-guitariste. On se surprend à écouter cette musique comme si, déjà, elle nous était familière. Comme si nous l’avions guettée, derrière ‘la balustrade du possible’, selon l’expression du poète Bruno Capacci. Le résultat de cette aventure solitaire est assez bluffant. Mais le projet musical n’est pas autarcique : au contraire. Claude Barthélémy veut de cette musique donner une version vivante, incarnée, par des musiciens/musiciennes qui lui donneront une autre vie, un nouvel essor, comme une aventure renouvelée. Bref pour en faire ‘de la musique de musiciens, entièrement faire à la main’, comme aimait à le dire notre Ami Jacques Mahieux, longtemps batteur au côté de Claude Barthélémy. Et en l’écoutant dans cette version princeps, on se prend à rêver de la voir resurgir, sous cette forme de réinvention foncière que l’on appelle ‘le jazz’

Xavier Prévost

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27 juin 2024 4 27 /06 /juin /2024 10:53

Dimitri Naïditch (piano, compositions, arrangements),
Gilles Naturel (contrebasse),
Lukmil Perez (batterie).  
Dinaï Studio, Achères–La-Forêt. Novembre 2023.
 PIANO MA MUSE - SKU 5349237 / L’autre distribution.
Paru le 24 mai 2024.

 

     Dans les années 60, le pianiste Jacques Loussier (1934-2019) atteint l’Himalaya du succès populaire (7 millions d’albums vendus) avec sa version teintée de jazz de Bach. Ce fut « Play Bach », qui bénéficia de la solide maîtrise de piliers du rythme, Pierre Michelot (contrebasse) et Christian Garros (batterie), leur assurant accessoirement un niveau de vie sans commune mesure avec leur quotidien de jazzman.

 

     Cette volonté de transgresser les genres et de tirer la substantifique moelle des compositeurs du grand répertoire classique habite aujourd’hui le pianiste d’origine ukrainienne installé en France, Dimitri Naïditch. « Reconstruire et recomposer », tel est le défi que se lance l’interprète en abordant Bach (Bach Up), Mozart (Ah ! Vous Dirai-je … Mozart), Liszt (SoLiszt) et maintenant Chopin (Chopin Sensations).

 

 

     Dimitri Naïditch entend agir « avec respect et amour » pour Frédéric Chopin dont il souligne « la beauté omniprésente de chaque mélodie, de chaque accord et de chaque détail de son tissu musical ». S’inspirant de thèmes bien connus des mélomanes (Nocturnes, Préludes, Valses…), le pianiste a composé en laissant une grande part à une improvisation maîtrisée.

 

 

    Sur scène, lors du concert de lancement de l’album le 19 juin au Bal Blomet (75015), les trois interprètes -Dimitri Naïditch (passionné) au piano, Gilles Naturel, contrebasse et Lukmil Perez, batterie (impeccables de finesse et musicalité)- suivaient scrupuleusement leurs partitions, contribuant à confectionner une œuvre équilibrée et homogène forte en émotion. L’esprit de Chopin est respecté avec une légèreté dans le jeu et un swing bien tempéré appréciés par un public nombreux, visiblement heureux, en cette période d’incertitude, de cette parenthèse enchantée.

 


Jean-Louis Lemarchand.

 

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24 juin 2024 1 24 /06 /juin /2024 10:06
JACQUES PONZIO                          MONK SUR SEINE

 

JACQUES PONZIO MONK SUR SEINE

Editions LENKA LENTE

 

Monk Sur Seine de Jacques Ponzio / Editions Lenka lente

 

Monk encore…. Monk toujours par le spécialiste mondial de l’artiste à savoir Jacques Ponzio qui persiste et signe un nouvel ouvrage sur Monk, le troisième aux éditions nantaises Lenka Lente après son Abécédaire The ABC-Thelonius Monk en 2017, réédité en 2023 et Monk again en 2019. Chez le psychanalyste, pianiste et leader de l’African Express trio, Monk est une obsession. Découvert dans les années 60, il suit le pianiste dans une quête quasi existentielle et un travail d'écriture qui commença avec Blue Monk co-écrit avec François Postif, publié chez Actes Sud en 1995. On peut avoir l’impression entre Blue Monk et le superbe Monk de Laurent de Wilde en 1996 que tout a déjà été dit, écrit. Ponzio lui n’est jamais allé voir ailleurs. Tant il est vrai qu’il n’en finit pas de creuser le même sillon, de tourner dans sa tête certaines interrogations sur le mystère de ce génie musical. En fin limier, il trouve de nouvelles pistes qui justifient ses recherches. Cette fois il s’attaque au premier séjour parisien de Monk, il y a soixante dix ans , en 1954 et s’efface presque devant son sujet, puisqu’il fait appel à des témoins encore vivants comme le galeriste et photographe Marcel Fleiss âgé alors de vingt ans, et s’appuie sur une formidable enquête menée par un autre Sherlock, “addict” à son sujet de recherche, Daniel Richard éminent disquaire à Paris dans les années 70 à l'enseigne de Lido Music où il savait dénicher les introuvables et faire entrer  les imports japonais, puis à la Fnac Wagram, producteur chez Verve, Polygram, Gitanes Jazz, Managing Director chez Universal...quelqu’un qui compte dans le jazz.

https://www.jazzinfrance.com/theloniousmonk.html

Le livre nous fait revivre dans les moindres détails l’aventure parisienne du Moine depuis son départ de l’aéroport d’Idlewild qui ne s’appelait pas encore JFK, le dimanche 30 mai jusqu’au jeudi 10 juin quand il reprit l’avion d’Orly Sud, quelque peu dépité par l’accueil du public pour le moins mitigé. Dix jours avec le compte rendu précis (premier article de fond) de ses concerts salle Pleyel lors du 3ème Salon international du jazz dans un décor Nouvelle Orleans où il était invité avec Gerry Mulligan en quartet et le trompettiste Jonah Jones. Une initiative bienvenue qui voulait faire de Paris le centre mondial du jazz, une foire commerciale et artistique qui hélas n’eut pas de suite pour des raisons financières. Monk va passer de concerts en clubs (Ringside, Club St Germain, Tabou...) vivre soirées et boeufs, se faire trimballer en scooter par le jeune René Urtreger ou guider dans la capitale par Jean Marie Ingrand, le contrebassiste commis d’office pour assurer la rythmique des concerts en trio avec le batteur Jean Louis Viale.

On suit à la trace tout son parcours dans une géographie parisienne orientée jazz jusqu’à une conclusion… jamais définitive puisque Ponzio n’abandonne pas encore la partie, pensant avoir encore des choses à nous raconter sur le sujet.

Si Monk fait aujourd’hui l’unanimité, on s’aperçoit qu’il n’en fut pas toujours ainsi. Il est une icône dont la vie est romanesque, énigmatique, de ses silences avec les journalistes ( jusqu’à cette fameuse interview d’Henri Renaud en 1969, lors de son second séjour en France, objet du documentaire controversé "Rewind and Play" d’Alain Gomis) jusqu’à la relation étrange avec sa bienfaitrice, la baronne Nica de Koenigswarter.

 Ce n’est pas l’un des moindres intérêts de ce livre que de souligner que Mary Lou Williams est à l’origine de leur rencontre et de dater ce moment au 3 juin 1954. S’il a souvent ravi le public, tant il est spectaculaire à voir et à entendre, bouleversant les codes au sein même du be bop pourtant révolutionnaire dont il est reconnu comme grand prêtre, on comprend lors de ses concerts à Pleyel qu’il divisa les experts souvent sans nuance. Pourtant les disques de cette période vont connaître la reconnaissance Bird and Diz (Prix Jazz Hot 1954 et son premier Thelonius Monk piano solo) alors que pour sa première cérémonie,  le 4 juin, l’Académie du Jazz présidée par André Hodeir choisit Milt Jackson Wizzard of Vibes (avec deux titres de Monk, Criss Cross, Eronel). Mais il y eut toujours des voix pour défendre le style extravagant de Monk, des musiciens éblouis comme Gerry Mulligan, des admirateurs de la première heure comme le pianiste Henri Renaud et sa femme Ny qui signe des papiers pertinents dans Jazz Hot, sous N. Rémy ( déjà l’usage de pseudo), des musicologues comme André Hodeir...

Le livre petit mais dense se présente sous forme de courts chapitres agrémentés d’abondantes photos, vraiment exceptionnelles de Marcel Fleiss mais aussi d' Alain Chevrier (grâce à Francis Capeau), quasiment inédites, regroupées pour l’occasion. Les notes renvoient à une bibliographie, une discographie très précises. L'auteur n'oublie pas  de représenter les principaux acteurs de cet épisode. Et surtout dans ce montage d’archives d’une grande honnêteté, il n’omet aucun point de vue, induisant une complexité certaine mais approchant la vérité du reportage. Ainsi chacun des livres de Jacques Ponzio ajoute une nouvelle pièce au puzzle Monkien dont tous les mystères ne sont pas encore résolus.


Sophie Chambon


 

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22 juin 2024 6 22 /06 /juin /2024 08:48

Christophe Monniot (saxophones, composition), Aymeric Avice (trompette), Jozef Dumoulin (claviers), Nelson Veras (guitare acoustique), Nguyên Lê (guitare électrique), Bruno Chevillon (contrebasse), Franck Vaillant (batterie), Sylvie Gasteau (textes)

Les Lilas, 19-20 mai 2023 et Berlin, 6 juin 2023

Le TritonTRI-23577 / l’autre distribution


 

Un disque-manifeste, qui aborde avec une forme de radicalité artistique la question des migrants, de la migration, de la lutte pour le respect d’autrui, de l’hospitalité…. Toutes choses dont un cruel présent crie, plus fort que jamais, l’absolue nécessité. Un manifeste artistique, pas un prêche édulcoré par une simulation de bienveillance. Les formidables musiciens que l’on écoute ont tous une relation personnelle avec la migration : nés ailleurs, ou de parents nés hors de notre cercle territorial, voire immigrés de l’intérieur, ils se sont retrouvés dans notre capitale cosmopolite. Leur musique parle d’ailleurs et d’ici, de mélange et de singularité. Une aventure née voici plus de 4 ans, dans différents lieux, avec les incertitudes du temps, et des partenaires parfois différents (mais toujours porteurs d’un excentrement par rapport à leur origine). La musique jaillit, elle est forte, presque implacable, et son parcours s’émaille de voix multiples, venues d’ailleurs, qui nous parlent de ces déplacements : subis, forcés ou contraints par la nécessité de survivre. Surgissent des paroles de Martin Luther King, de l’Abbé Pierre, de l’écrivain Abdoul Ali War, de la philosophe Marie-José Mondzain, ou de Bruno Chevillon parlant dans langue de sa mère, italienne…. Et la musique, plus que tout, nous parle avec force, exubérance, violence et conviction. Une très belle réussite artistique conjuguée au présent de l’humanité qui, toujours, doit prévaloir.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert au Triton, près de la Mairie des Lilas, le samedi 29 juin

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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19 juin 2024 3 19 /06 /juin /2024 18:04
Nell' Italia di Ennio Morricone

 

Vincent Beer Demander    Grégory Daltin

Nell' Italia di Ennio MORRICONE

 

www.labelmaisonbleue.com

Accueil - Compagnie Vincent Beer-Demander & Co (compagnievbd.org)

 

Le mandoliniste Vincent Beer Demander et son ami et complice, l’accordéoniste Grégory Daltin savent faire preuve d’une formidable ouverture musicale. Avec ce nouveau projet Nell’ Italia di Ennio Morricone sorti sur le label Maison Bleue, ils ont voulu enregistrer diverses musiques du maestro mais mettre aussi en lumière ce qu’elles ont pu inspirer à des compositeurs français...Une façon de reprendre des thèmes moins connus et de lui rendre ainsi un hommage plus soutenu encore. Comme ils l’avaient fait pour Lalo Schifrin ( Lalo Schiffrin for mandolin) et Vladimir Cosma avec sa Suite Populaire, ils participent à la création d’un nouveau répertoire avec des commandes passées à François Rossé (à la Calabrese), à Richard Galliano (Umoresca) qui révèle toute son habileté  à faire revivre l'esprit du compositeur.

Ce que l'on connaît d' Ennio Morricone, c’est l’accord parfait avec son copain d’enfance Sergio Leone depuis Per un pugno di dollari jusqu'à l’émouvant et crépusculaire chant de C’era una volta in America   en écho au premier et légendaire Il était une fois... qui finit l'album. Or Morricone est l’auteur de plus de cinq cents musiques de films depuis le début des années soixante, un arrangeur extraordinaire, un compositeur attiré par toutes les musiques, du classique symphonique au contemporain.

Nell'Italia di Ennio Morricone est une façon de montrer la variété d' inspiration du maître avec des reprises qui jouent d’une instrumentation des plus originales, un duo qui “matche” accordéon/mandoline agrémenté accessoirement  de l’apport de complices, à la voix (Petra Magoni) et au piano et aux percussions, Claude Salmieri, auteur d’une Valse di Roma lente et mélancolique. 

L’album commence avec des reprises de colonne sonore de Morricone moins connues comme l’entraînant Viaggio (tout un programme), l’un des thèmes de Stanno tutti bene du Sicilien Giuseppe Tornatore, autre ami de longue date du compositeur qui écrivit la musique si nostalgique de son plus grand succès Cinema Paradiso.

Suivent Variazioni da un tema sereno issu de La Chiave, film érotique de Tinto Brass avec Stefania Sandrelli, un thème baroque, de la musique de chambre où la mandoline se glisse dans le rôle de la flûte, épaulée par un accordéon souverain. Avec Regalo di Nozze du Novecento de Bertolucci en 1976, c'est un changement d’atmosphère plus sombre et entêtante, un inquiétant décompte,  compte à rebours fatal. Le duo alterne les rôles, l’accordéon se chargeant souvent des ostinato de basse dans ce mécanisme d’horlogerie fine. Hundred Yards Dash du film Les Anges de la nuit de Phil Joannon (State of Grace-1990) nous régale d’une montée tout en pizz déchaînés.

Avec Una serenata passacaglia per Cervara, il s’agit de s’amuser comme dans le jazz, avec des variations “rafraîchies” à partir d’une danse d’origine espagnole des XVIè et XVIIème siècles, à l’origine une cantate avec accompagnement de guitare jouée ici par la mandoline, “la petite soeur de la guitare”. L’instrument de quatre cordes doubles se joue sur une corde ou sur les doubles, avec des trémolos tenus ou des notes poussées au plectre, entre pouce et index, à la “plume” comme on disait à l’époque baroque, âge d’or de l’instrument.

On entend dans les quinze petites pièces de l'album une musique solaire aux accélérations brusques, sur un rythme qui jamais ne faiblit comme dans le très insolite  Tango cromatico per il maestro de Régis Campo qui joue d'effets que n'aurait pas renié le maître. Ou comment faire un clin d’oeil à ce qui est aussi l'une de ses signatures, l'utilisation d’instruments des plus originaux guimbarde, sifflets, flûte de pan, hautbois, fouet, enclume...

L’interprétation des musiciens souligne la qualité narrative de pièces témoignant d’une véritable science d’écriture et d’inspiration mélodique comme dans le passionnant A la calabresa de François Rossé, une pièce plus résolument contemporaine,  à l'émancipation parfois dissonante où le duo s’étoffe de percussions et du chant rauque de Petra Magoni. On se souvient de son duo de Musica Nuda avec le contrebassiste Ferrucio Spinetti. Plusieurs lignes mélodiques qui ne s’unissent pas souvent, révèlent cependant toutes les possibilités de la mandoline, si expressive. 

Il y a une réelle cohérence dans cet album car le chant profondément italien, ces rythmes de mélodies populaires se conjuguent avec l’art savant de réharmoniser, le jeu avec la matière musicale pour en faire des miniatures pour mandoline comme dans Il Padrino de Nino Rota (!). Cet arrangement magistral du marseillais Christian Gaubert n’est pas une erreur dans ce programme tant ce thème mondialement connu semble avoir été écrit pour la mandoline qui nous en met plein l’ouïe. 

 

Sophie Chambon

 

Nb: Emouvant aussi à la fin du Cd  cet enregistrement téléphonique de Morricone qui remercie les musiciens pour leur fidélité et justesse d'interprétation. 

 

 

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10 juin 2024 1 10 /06 /juin /2024 20:20

Kosmos 2024 

Robinson Khoury (tb, modular synth & vc) ; Anissa Nehari (perçus, vc), Léo Jassef (p, synth, vc) + Lynn Adib (vc), Natacha Atlas (vc)


Robinson Khoury ne cesse de s’imposer comme l’une des révélations et des talents de la scène hexagonale. Comme tromboniste tout d’abord. On l’avait découvert lors de son premier album ( Broken lines) puis au travers du groupe Sarāb. On a appris ensuite qu’il était un formidable chanteur. Il nous restait à découvrir le compositeur et arrangeur. Et là, nouvelle révélation. Robinson Khoury impressionne en effet par la qualité de son écriture et par ses arrangements. Par une certaine profondeur de style aussi.

Car Robinson Khoury livre dans cet album, Mÿa une écriture sublime qui est à la croisée d’une nouvelle forme de jazz-fusion où se mêlent les fondamentaux de cette musique avec une pop orientale qui invite à une forme de transe électro. L’univers de Robinson Khoury navigue ainsi entre scènes fantasmées et onirisme parfois sombre. Il y a dans cet album une sorte de déambulation fascinante comme dans de longs couloirs où viennent s’entendre des timbres, des sonorités et des couleurs différentes. On est toujours en éveil dans ce dédale où se mêle l’acoustique, l’électrique et l’électro dans ce voyage dans un orient modernisé aux mille facettes. Dans une configuration minimale, c-a-d en trio, Robinson Khoury parvient pourtant à donner une forme vraie orchestrale, pleine et dense où le tromboniste s’y fait vocaliste ( tant à l’instrument qu’à la voix) et où les contrechants se juxtaposent dans un métissage fait de nappes et de timbres.

Il y a définitivement quelque chose de magique dans cette musique de Robinson Khoury qui ancre le jazz dans une forme de modernité syncrétique.

Jean-Marc Gelin

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