Jazz in Marciac : Deux soirs de rêve sous le ciel gersois de Marciac !
Comme tous les ans, nous avons fait un détour du côté de Marciac pour nouvelle édition du festival. Pour deux soirs seulement malheureusement (c’est bien trop court) mais néanmoins pour deux soirées superbes d’un bel été sous le célèbre chapiteau.
31 juillet : ARTEMIS (1ère partie) et KENNY GARRETT (2ème partie)
La première soirée offrait un plateau bien alléchant avec deux formations bien différentes dans l’esprit.
Tout d’abord celle d’Artemis, un formidable quintet féminin que l’on avait découvert il y a trois ans avec leur premier album éponyme et qui, créé par Renée Rosnes réunit quelques grands talents bien installés sur la scène du jazz aux Etats-Unis et ailleurs.
Artemis c’est donc la pianiste Renée Rosnes au piano et à la direction, la canadienne Ingrid Jensen ( que l’on peut entendre dans la formation de Maria Schneider) à la trompette, Nicole Glover au sax ténor, la japonaise Noriko Ueda à la contrebasse et enfin la batteuse américaine Allison Miller.
Ce qui frappe dans ce quintet c’est qu’il s’agit à la fois de l’addition de personnalités musicales bien affirmées mais qui toutes se mettent à l’unisson d’un vrai son de groupe. D’une formidable cohérence homogène. On est alors dans l’enveloppement d’une musique aux harmonies recherchées, servie par des solistes talentueux dont aucun ne cherche l’esbrouffe.
La pianiste Renée Rosnes s’affirme bien comme la leader de ce groupe qu’elle dirige avec bienveillance et discrète fermeté derrière son clavier
On aurait tout aussi bien pu partir regarder les étoiles, tant cette première partie revêtait tous les atours d’une belle nuit d’été.
Mais….. deuxième partie
Changement radical d’atmosphère avec Kenny GARRETT venu présenter son « Sounds from the ancestors ».
Avec ses airs de sorcier un peu fou et proche de la transe, Kenny Garrett sait y faire pour se faire lever les corps et battre les tempos. Kenny au sax alto bien sûr, accompagné de Keith Brown au piano, Corcoran Holt à la contrebasse, Rudy Bird aux percus et Melvis Santa aussi (aux perçus). Autant de musiciens un peu figuratifs tant le saxophoniste occupe tout l’espace en véritable star d’une musique entre jazz, groove funky et réminiscences africaines. Kenny Garrett nous gratifiait de ses solos absolument époustouflants, à la limite de l’apoplexie. Incandescent comme il sait si bien le faire avec cette incroyable maîtrise du son d’alto qui n’a pas beaucoup d’équivalent. A 64 ans, le saxophoniste du Michigan n’a rien perdu de sa fougue et de son envie d’emballer les foules. A preuve ce tube repris à la fin de chacun de ses concert et qu’il laisse tourner infiniment comme une forme de rappel qui tourne en boucle jusqu’à étourdissement de la foule en délire. Kenny connaît par cœur ses recettes pour se mettre le public in the pocket.
1er Aôut : CHARLES LLYOD (1ère partie) et YOUN SUN NAH ( 2ème partie)
La soirée du 1er août était prometteuse et augurait d’un de ces moments forts dont Marciac a le secret. Pour cette dernière soirée d’antenne de notre confrère Alex Dutilh sur France Musique, on ne pouvait rêver de plus beau plateau.
Et c’est peu dire que cette soirée remplit toutes ses promesses !
En 1ère partie Charles Lloyd venait avec une dream team composée du sublime guitariste danois Jakob Bro et de la plus élégante des rythmiques, composée de Larry Grenadier à la contrebasse et de Eric Harland à la batterie. C’était Charles LLyod et son Sky trio.
Moment de pure grâce, de suspension du temps et de l’âme, de l’envol très haut au dessus du ciel de Marciac. Moment quasi mystique avec un Charles LLyod qui, du haut de ses 86 ans n’a jamais perdu sa flamme et la puissance incroyable de son discours. Qu’il soit au ténor ou à la flute c’est toujours l’expression d’un son d’une maîtrise comparable à celle d’un calligraphe. La précision alliée à la puissance et à l’énergie du geste. Et l’on ne peut s’empêcher de s’émerveiller d’entendre Charles LLyod jouer, malgré son âge sans le moindre vibrato.
A ses côtés, celui qui s’impose comme l’un des guitaristes les plus inspiré de la scène actuelle, le danois Jakob Bro dont chacune des interventions était marquée d’une sorte de science harmonique hallucinante ( ou hallucinée). Créateur de nappes évanescentes. Un Wayne Shorter de la 6 cordes. Une inspiration venue de paul Motian qu’il a longtemps côtoyé.
Après un tel moment d’extase, le public se demandait comment la chanteuse coréenne pourrait assurer la 2ème partie.
Et pourtant !
Youn Sun Nah venait présenter son album « Elles » dédié aux voix de femmes en passant par Piaf, Björk, Nina Simone ou Roberta Flack. Le format proposé est des plus original puisque la chanteuse avait choisi de s’entourer de deux claviers ( et non des moindres), celui d’Eric Legnini et de Tony Paelman alternant chacun à tour de rôle le clavier acoustique ou électrique.
Comme toujours, la chanteuse donne ce sentiment d’incandescence : elle brûle sur scène ! Sur un répertoire varié sur lequel elle chante en plusieurs langues, Youn Sun Nah ne cesse de nous émerveiller passant d’un feeling très jazzy à une sorte de sauvagerie pop. C’est qu’en fait la chanteuse est totalement libre sur scène, sans aucune limite. Elle prend des risques, elle ose et mute en 100 personnalités en une.
Loin d’être démonstrative, Youn Sun Nah est habitée. Juste habitée par une forme d’urgence.
Le public est debout, transporté dans son monde et prêt à la suivre jusqu’au bout de la nuit.
L’heure pour nous de finir la soirée comme il se doit au J’Go où se produisent, comme tous les soirs Leonardo Montana (p), Samuel Adusar (dms) et Thibaud Soulas (cb).
On est bien !