SHABAKA HUTCHING AND THE ANCESTORS : « We are sent here by history »
Impulse 2020-04-13
Shabaka Hutchings (ts, cl), Mthunzi Mvubu (as), Ariel Zamonsky (b), Tumi Mogorosi (dms), Siyabonga Mthembu (vc), Gontse Makhene (percus), Nduduzo Makhatani, Thandi Ntuli (kybds), Mandla Mlangeni (tp),
On avait laissé Shabaka Hutchings sur un superbe album réalisé avec son groupe Sons of Kemet ( « Your queen is a reptile) qui portait déjà en lui un engagement fort autour de portraits de femmes célèbres.
Ici le saxophoniste de 35 ans, figure de proue du jazz britannique, entouré pour l’occasion d’un groupe de musiciens de Johannesburg (The Ancestors) délivre un autre message sous forme d’incantation combattante. Sous forme d’exhortation à refuser l’inéluctable : engagé pour la préservation de notre humanité et contre le patriarcat. Entre préservation de la terre et lutte contre la domination masculine du monde. A propos de son album, le saxophoniste déclarait au Gardian: “For there to be a change, there needs to be the end of what we want changed ” ( prémonitoire) et ,”We’re at a crisis point, and the only way we can continue is to have more discussions and to learn the perspectives of others,” he says. “People think that history is finite, but it is something that needs to be explored constantly; it needs to be challenged and sometimes set alight, so we don’t continue to make the same mistakes.”
Pour faire passer ce message Shabaka Hutchings déploie des armes de sorcier d’Afrique et l’assène jusqu’à la transe, à force de danses et de rythmes scandés jusqu'au bout de l'épuisement ( The coming of the strange ones). Une Afrique faite de chair, de sueurs, de peaux et de feu. Musique d’une rare richesse à forte densité avec notamment Thandi Ntuli qui, aux claviers nappe ce son acoustique énorme de brumes électriques dans une sorte de jungle jazz mystique.
On entre alors dans sa musique comme on entre dans une jungle chaude et moite, dangereuse, faite d'une myriade de sons acoustiques et électriques. Envoûtant (They who must die) ! Sabaka Hutchings se transforme en panthère, en prédateur enragé, engagé. S’appuyant sur des poèmes de Siyabonga Mthembu, sa musique et ces textes prennent la forme d’imprécations entre xhosa et anglais. Prennent aux tripes et appellent à la conscientisation de l’humanité.
L'énorme son de Shabaka caresse la note puis la râpe puis lui extirpe ses râles. Intense. Toujours intense
A la limite du (trop) spectaculaire.
Shabaka incarne, plus encore que sur ses précédents albums cette notion d’ARTISTE TOTAL, fils spirituel de Fela, de Pharoah sanders et bien sûr de Coltrane et d’Eric Dolphy.
Toujours dans le Guardian, Shabaka déclarait “I feel really positive about the future, because there is always a fraught tension before things change – things really do have to get worse before they get better.”. On ne saurait que trop l’entendre aujourd’hui.
Il faudra dès que les cieux seront plus cléments se ruer a la première occasion pour les voir sur scène. Expérience forte assurée. Physique. Tripale. Forte. Intensément épuisante.
Jean-marc Gelin
A ne pas louper demain mercredi 15 mars un Open Jazz d’ALEX DUTILH qui nous emmènera en Afrique.