HAROLD MABERN : « Mabern plays Mabern »
Smoke Sessions 2020
Harold Mabern (p), Vincent Herring (as), Eric Alexander (ts), Steve Davis ( tb), John Webber (cb), John Farnsworth (dms)
On ne va pas vous mentir, la révolution du jazz ne figure pas au rang des prétentions de cet album du regretté pianiste Harold Mabern, disparu en septembre 2019.
Enregistré en live au Smoke (à New-York) en 2018 alors que le pianiste allait sur ses 82 ans (excusez du peu !) cet album regorge de cette énergie des jazzmen de Big Apple qui ne cessent d’entretenir la flamme du hard bop avec autant d’amour que de passion. Harold Mabern n’est d’ailleurs pas le dernier à souffler sur les braises entouré qu’il est de vieux briscards qui répondent toujours présents à l’appel comme Vincent Herring à l’alto puissant, Eric Alexander ( superlatif comme sur cette envolée exceptionnelle sur The Lyrical Cole-man composée par Mabern en hommage à George Coleman dont il fut compagnon de route) ou encore Steve Davis au trombone bien râpeux.
Le vieux pianiste était toujours prêt à en découdre ( écouter son drive sur Mr Johnson), sans mollir. Lui qui a à peu près tout connu ( Stanley Turrentine, Hank Mobley, Clark Terry, Art Farmer et tant d’autres) assure le tempo avec une rare jeunesse et lance ses bandidos sur la voix d’un jazz hard et funky au plaisir communicatif. Eric Alexander à 52 ans et en compagnon de jeu de longue date du vieux pianiste, balance un énorme gros son rollinsien capable de faire trembler les murs du Smoke.
N’allez pas chercher midi à quatorze heure. Il suffit juste d’ouvrir ses oreilles en grand et d’écouter ceux pour qui il y a une tradition et une impérieuse nécessité dans le jazz : maintenir la flamme du groove et que jamais elle ne s’éteigne.
Harold Mabern a passé la main. La génération suivante l’a reprise au vol et n’est franchement pas prête de lâcher l’affaire.
Jean-Marc Gelin