Christophe Gauvert (contrebasse), Guillaume Grenard (trompette, bugle, composition), Thibaut Martin (batterie), Fred Meyer (guitare), Andrea Parkins (accordéon, ordinateur)
Sainte-Colombe-sur-Gand (Loire), mars 2019
L'Arbre Canapas can 2019-1 / Inouïe distribution
La poursuite d'un projet un peu fou, qui se donne pour cadre la déclinaison des éléments chimiques instaurée par un chimiste russe du XIXème siècle. Cette fois ce sont le bismuth, le polonium, l’astate, le radon, le francium, le radium, le rutherfordium et le dubnium. Au delà de cette référence qui serait seulement décorative si elle n'ambitionnait pas de structurer le déroulement de la musique, je perçois, sous le titre Liber Azoth ,les réminiscences d'un univers occulte et magique, qui convoque autant le Grand Œuvre des alchimistes que l'occultisme des années 1800, et Le Dogme et Rituel de la Haute Magie d'Eliphas Lévi, texte que j'ai croisé dans mes études de littérature avec le regretté Jean Decottigines, féru de Lautréamont, Villliers de l'Isle-Adam, mais aussi de Pierre Klossowski, Witold Gombrowicz et.... Colin Dexter, l'inventeur des aventures de l'inspecteur Morse ! Bref l'important n'est pas le tableau périodique des éléments mais la fiction musicale qui s'organise par ce réseau de références supposées.
La musique puise à toutes les sources de la seconde moitié du vingtième siècle : musiques concrète et électronique, musiques répétitives, (free) jazz, rock progressif et musiques dites contemporaines de toutes obédiences. La présence de l'accordéoniste Andrea Parkins est d'importance, car elle s'accompagne d'un héritage de musiques audacieuses, voire transgressives. La pulsation est forte, et les plages avancent dans une foule de séquences segmentées où basse, batterie et guitare s'affrontent en combat singulier avec des riffs entêtants de cuivre, et des plongées de l'accordéon dans un ailleurs musical très dépaysant. C'est très singulier, inclassable et esthétiquement riche. L'ordinateur joue aussi sa partie d'inoculation d'imprévu autant que d'inouï. Trois longues plages organisent ce parcours en toute cohérence esthétique, ruptures et contrastes compris. Les solos et le collectif jouent une sorte de ballet dont le sens se dévoile à l'étape ultérieure, avant l'émergence d'un nouveau mystère. Bref c'est une belle expérience d'immersion, dans un univers qui me rappelle parfois les aventures musicales européennes des années 70 (le grand orchestre Centipede, de Keith Tippett, entre autres souvenirs).
Xavier Prévost
.
Un avant-ouïr sur Youtube
https://www.youtube.com/watch?time_continue=3&v=oAw04MqeRic&feature=emb_logo
.
On ne s'étonnera donc pas de retrouver deux membres du groupe, le bassiste Christophe Gauvert et le trompettiste Guillaume Grenard au sein du groupe de l'A.R.F.I. de Lyon dans une rencontre que l'on prévoit historique avec le Collectif COAX , le samedi 29 février , au théâtre Berthelot-Jean Guerrin de Montreuil (Seine-Saint-Denis). Il y aura sûrement des surprises qui décoiffent dans ce COARFIX....