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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 16:35
Francesco BEARZATTI  Woody Guthrie  / Tina Modotti

 

LA HUIT DVD

Avec Mezzo et Banlieues Bleues

Sortie le 27 mars 2018

 

http://www.lahuit.com/fr/content/francesco-bearzatti-2-films

 

Premier concert capté par Stéphane Jourdain pour la Huit, This Machine Kills Fascists est un projet du Tinissima Quartet, après l'évocation de Tina Modotti et Malcolm X.

Le transalpin Francesco Bearzatti, à la tête d'un extraordinaire quartet, se lance dans l'évocation de Woody Guthrie, à l'origine du "protest song", qui aura une grande influence sur Bob Dylan et nombre de musiciens américains. Le programme célèbre la force de l'engagement de celui qui avait écrit sur sa guitare "THIS MACHINE KILLS FASCISTS". Entre blues et frénésie, le concert commence avec "Okemah"/ "Dust Bowls", retraçant les tempêtes de sable et l'exode des fermiers vers l'ouest chassés par les banques, continue avec un "Hobo Rag" à la rage punk,sur les équipées de ces vagabonds du rail (hobos) menacés par les serre-freins, et se termine par une ode aux anarchistes italiens exécutés "One for Sacco &Vanzetti".

La Huit continue à explorer en musique la biographie d'artistes inspirés et rebelles et le film de Guillaume DERO suit le concert du cinquième album du saxophoniste et clarinettiste italien , consacré à la photographe Tina Modotti (1896-1942), transposant en musique ses "aventures, douleurs et passions"; une suite dont la couleur évolue d'une pièce à l'autre selon que Bearzatti utilise le saxophone ou la clarinette.

Témoin du Mexique post révolutionnaire des années 20, où, après une carrière au théâtre en Californie, elle se réfugie avec le grand photographe Edouard Weston qui a quitté femme et enfants pour elle. Si le studio qu'ils ont créé à Mexico a du succès, elle s'engage auprès du peuple mexicain et continue à oeuvrer jusqu'en URSS avant de rejoindre les rangs des républicains espagnols...Une vie extraordinaire de sacrifices et d'aventures.

Nés tous deux nés dans le Trentin, elle ne pouvait qu'inspirer Francesco Bearzatti. Les deux soufflants de front au premier plan, la caméra tournant autour du leader, le trompettiste Giovanni Falzone, obstinément tourné vers lui.  En fond de scène sur grand écran, les photos de cette artiste révolutionnaire prennent le temps d'exprimer le sujet, l'époque, les pays traversés, le parcours de la militante italienne, du Frioul à la Guerre Civile espagnole, des révolutions sudaméricaines, sans oublier la Russie des années 30. Une suite qui se regarde donc et s'écoute attentivement, une histoire racontée avec ferveur et fougue selon les chapitres ("America" et "Why?"). Les changements de rythme alternent selon les photos de groupes d'ouvriers ou d'enfants, de végétaux, des portraits singuliers aux cadrages surprenants sur des mains, "la femme au drapeau" devenue iconique, ou bien la machine électrique s'emballant au rythme du cliquetis des baguettes... Peu ou pas de temps morts, simplement ralentis avec l'archet de la contrebasse qui s'ajointe au saxophoniste. Du grand live!

 

 

Sophie Chambon

Francesco BEARZATTI  Woody Guthrie  / Tina Modotti
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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 21:03

The Final Tour : The Bootleg Series Vol 6.

Miles Davis, trompette, John Coltrane, saxophone tenor, Wynton Kelly, piano, Paul Chambers, basse et Jimmy Cobb, batterie. Concerts des 21,22 et 24 mars 1960 à Paris, Stockholm, Copenhague. Coffret 3 cd. Columbia-Sony Music. Une version vinyle est disponible pour le concert du 24 mars à Copenhague, The Final Tour : Copenhagen, March 24, 1960.

 


Dans l’histoire du jazz moderne post-be-bop, cette tournée du printemps 60 du quintet de Miles Davis reste marquée d’une pierre blanche (ou noire si l’on préfère). Dernière série de concerts de Miles avec Trane qui avait décidé de voler de ses propres ailes et accepta au tout dernier moment de participer à la tournée européenne organisée par Norman Granz, et première apparition de Coltrane en Europe avec un choc de première classe pour les spectateurs. Si la musique de Miles Davis était familière aux fans du vieux continent, ils découvraient en direct les « vagues de son » caractérisant le style du saxophoniste ténor. L’accueil fut partagé à l’Olympia le 21 mars, ainsi qu’on peut l’entendre dans ce coffret réalisé avec soin, et interrogé sur les sifflets ayant salué sa performance, Coltrane lâcha non sans humour : « Les spectateurs ont jugé que je n’allais pas assez loin ! ». A ceux qui considéraient que sa musique exprimait sa colère, JC expliqua dans une interview au journaliste suédois Carl-Erik Lindgren, reproduite dans le coffret : « Peut-être que jouer tant de sons peut apparaître comme une expression de colère mais c’est parce que j’essaye tellement de choses en même temps ». L’attitude de Miles, qui s’était retiré en coulisses à Paris pendant un solo vigoureux de Trane prêta aussi à des interprétations contradictoires : d’aucuns y virent un signe de désapprobation, d’autres une forme de respect pour la liberté d’expression. Qu’importe l’exégèse, ces concerts du printemps 1960 restent une mine d’or et une source permanente d’émerveillement.
Jean-Louis Lemarchand

 

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24 mars 2018 6 24 /03 /mars /2018 19:26

Keith Jarrett (piano), Gary Peacock (contrebasse), Jack DeJohnette (batterie)

Newark (New Jersey), 14 novembre1998

ECM 671 7506 / Universal (double CD)

 

Enregistré au New Jersey Performing Arts Center, c'était le grand retour sur scène du pianiste (et du trio), après un série en solo fin 1996 (Modène, Ferrare, Turin & Gênes : coffret ''A Multitude of Angels'', ECM) et un concert du trio à Tokyo le 30 mars 1996 (CD '' Tokyo '96'' et DVD 'Live in Japan 93/96', ECM). Après deux années d'une interruption due à une maladie appelée 'syndrome de fatigue chronique', qui inspire le titre de l'album (après le chute, lorsque l'on 'tombe' malade), le pianiste revenait, en trio, dans le contexte sécurisant d'une salle du New Jersey, à quelques kilomètres de New York, juste de l'autre côté de l'Hudson River. Quelques-uns des standards enregistrés dès les années 80 (The Masquerade Is Over, Autumn Leaves, When I Fall In Love....), et des standards du jazz (Scrapple from the apple, Bouncin' With Bud, Doxy, Moment's Notice , et le plus rare One For Majid, de Pete La Roca) : bref un terrain de jeu idéal pour ce trio qui avait alors déjà 21 ans de connivence (si l'on inclut le disque 'Tales Of Another', sous l'intitulé du Gary Peacock Trio, en 1977). Autant le dire tout net : dans la profusion des disques du trio, celui-ci mérite vraiment le détour, par la vivacité qui tend à prévaloir (peut-être le bonheur des retrouvailles après l'angoisse d'une maladie assez incernable ?). Les quelque 13 minutes d'Autumn Leaves plaident pour cette interprétation. Et le déboulé radieux sur les thèmes bop, et sur Moment's Notice, plaide tout autant. Régal que la longue intro volubile, mais inspirée, sur The Masquerade Is Over, avant que le trio ne se mette en marche avec ses vertus pulsatoires, ses accents inattendus et ses incartades complices. Pur bonheur que l'exposé délicieusement evansien sur When I Fall In Love.... Bref, Jarrettolâtres ou non, possesseurs de l'intégrale du trio ou nouveaux convertis, ce double disque est pour vous ; pour nous tous !

Xavier Prévost 

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=MqVGFvQB85E

 


 

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23 mars 2018 5 23 /03 /mars /2018 16:20

Kavita Shah (voix, ukulélé), François Moutin (contrebasse)

Invités : Sheila Jordan (voix), Martial Solal (piano)

New York 22 & 23 février, 6 avril, 26 & 27 septembre 2016 & Meudon, 21 juin 2016

Dot Time DT 9077 / Socadisc

 

Formule inusitée que ce duo voix-contrebasse ; on ne sera donc pas surpris de découvrir que Sheila Jordan est de la partie : dès les années 50 elle s'est livrée à cet exercice, et elle a porté la formule au disque dès la fin des années 70 avec Arild Andersen puis Harvie Swarz. Aussi quand, après s'être rencontrés au sein d'un orchestre, ils ont décidé de monter un duo, Kavita Shah a naturellement choisi pour mentor Sheila Jordan, tandis que François Moutin sollicitait comme invité Martial Solal, qu'il a si souvent accompagné, à Paris, à New York, et ailleurs. Le répertoire est très ouvert : trois compositions originales, des standards de Broadway, mais aussi de France (La Vie en Rose, remaniée quelque part entre Caraïbes et Brésil), des thèmes de Bill Evans, Horace Silver, du batteur cubain Dafnis Prieto, et deux très belles compositions de Martial Solal, rarement jouées.

 

Le disque commence avec You Go To My Head : la voix seule d'abord, dans une fragilité assumée qui fait sa force expressive, vite rejointe par la contrebasse. Le dialogue est subtil, le temps comme suspendu, et dès cette première plage le miracle opère, ce qui n'est pas évident avec cette instrumentation si périlleuse. Les deux thèmes de Martial Solal sont traités différemment. Coming Yesterday est chanté sans paroles, la voix épousant les intervalles périlleux parfois sans filet, parfois en unisson avec le piano ou la contrebasse. Le dialogue entre Martial et la chanteuse est ludique, musicalement raffiné, et le contrebassiste profite de sa longue connivence avec le pianiste pour enrichir encore la conversation. Sur Aigue Marine, Kavita Shah a écrit des paroles dont le sens fait merveilleusement écho à la mélancolique sophistication du thème. Bliss, composé par François Moutin, est l'occasion d'une escapade enjouée entre voix et contrebasse, musicalement riche, en pleine béatitude comme le suggère son titre. Utopian Visions, co-signé par la chanteuse et le bassiste résonne d'échos folky qui nous entraînent encore ailleurs. The Provider's Gone, signé par la chanteuse, avec l'exotique ukulélé, et son rythme valsé, nous maintient pourtant au cœur du jazz. On n'oublie pas le bel échange improvisé sur Blah Blah (de Dafnis Prieto), la liberté de phrasé sur Falling In Love With Love, et un émouvant dialogue avec Sheila Jordan (qui avait enregistré ce titre sur son premier disque, en 1962), ni cet autre échange entre les deux chanteuses sur Peace (signé Horace Silver). Que dire enfin du dialogue sans paroles entre la chanteuse et le bassiste sur Interplay, de Bill Evans, sinon qu'il est, comme l'ensemble de ce disque, porteur d'une intense émotion, et proche de la perfection.

Xavier Prévost

Le duo sera en concert à Paris, au Sunside, le jeudi 29 et le vendredi 30 mars, à 19h30 précise.

 

Les artistes parlent de leur projet sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=m2b6rFmng_Q

La Vie en Rose

https://www.youtube.com/watch?v=KSJgovzGqp4

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22 mars 2018 4 22 /03 /mars /2018 15:07

Bruno Ruder (piano, compositions), Rémi Dumoulin (saxophones ténor & soprano, compositions), Aymeric Avice (trompette, bugle), Guido Zorn (contrebasse), Billy Hart (batterie)

Lyon, 14 & 15 janvier 2017

Assosiciation du Hajeton HAJ 0001 / Absilone-Socadisc

 

Un projet singulier, concocté par deux musiciens qui ont eu en commun, en plus de leur formation au Conservatoire de Paris (CNSMDP), d'avoir croisé dans leurs expériences scéniques le batteur Billy Hart. Pour Bruno Ruder, ce fut dans le groupe de Riccardo Del Fra, et pour Rémi Dumoulin à l'occasion d'un programme de l'ONJ Daniel Yvinec qui associait le musicien américain en soliste. Marqués par cette double expérience, ils ont élaboré une musique sur mesure, destinée à accueillir Billy Hart en batteur-créateur de sa propre partie. L'expérience s'est déroulée à l'Amphi Opéra de Lyon, et elle s'est conclue par deux concerts, lesquels ont été enregistrés. Et les deux leaders ont ensuite élaboré, à partir de ces enregistrements, un objet musical autonome, qui a repris les éléments de ce concert sous forme d'un montage scénarisé. Il en résulte une œuvre singulière, habitée à la fois par la magie vivante du concert et par la construction d'une univers fictionnel. Autant le dire tout net : la réussite est totale. Tout ce que draine l'irremplaçable vécu du jazz est là, avec la part spontanée (stimulée encore par la totale latitude laissée au batteur), la magie de l'instant. Et cette précieuse matière est mise en forme par l'élaboration phonographique. On dépasse ainsi la problématique de Walter Benjamin, pour qui la reproduction mécanique frustrait l'œuvre d'art de son aura, cette part insaisissable qui résulte de l'exécution unique et incarnée. Ici l'enregistrement et sa post-production participent de l'aura. Chacune des plages du disque constitue en fait un élément d'un tout (puzzle ou suite ?) totalement cohérent. À Billy Hart qui lui demandait ce qu'il attendait d'un batteur, Stan Getz avait laconiquement répondu «undulate». Onduler dans et autour de la musique écrite pour qu'il y trouve sa place, c'est ce qu'a fait le batteur dans cette œuvre singulière, ou plutôt pour et par lui singularisée. Le résultat est étonnant, presque magique. Les deux musiciens, dans le livret du CD, écrivent ceci : «Billy semble littéralement appliquer depuis sa batterie des oscillations aux courbures de notre espace-temps. Il donne pour ainsi dire une réalité à ce phénomène prédit par Albert Einstein il y a un siècle et observé tout récemment pour la première fois : les ondes gravitationnelles» : d'où le titre de l'album. Même si comme ceux qui ont étudié l'histoire des sciences je me défie des analogies qui tentent de figurer la réalité scientifique, je trouve l'image appropriée, d'autant qu'elle est ici inversée par une sorte de renversement poétique. Les solistes-compositeurs et leurs partenaires habitent cet espace fictionnel avec une pertinence qui ne déflore jamais totalement le mystère : la forme, les sons, les timbres et les improvisations touchent à la perfection ; une vraie grande réussite artistique ; une œuvre d'art, en somme.

Xavier Prévost


 

Le groupe est en concert à Paris, au Sunside, les 23 & 24 mars.


 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=Q467loRS7A0

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21 mars 2018 3 21 /03 /mars /2018 12:29
SYLVAIN DANIEL PALIMPSESTE Voyage imaginaire dans les ruines de Détroit

 

SYLVAIN DANIEL PALIMPSESTE

Voyage imaginaire dans les ruines de Détroit

ONJ RECORDS JF006/ L' AUTRE DISTRIBUTION

http://www.onj.org/record-label/sylvain-daniel-palimpseste/

 

 

CONCERT 3 AVRIL FESTIVAL BANLIEUES BLEUES
LA MARBRERIE / MONTREUIL

 

Sans être jamais allé à Détroit, le bassiste actuel de l'ONJ Benoît, Sylvain Daniel (corniste par ailleurs) nous livre ses réflexions musicales sur la ville sinistrée, dans un exaltant voyage imaginaire sur des photos de Romain Meffre et Yves Marchand, tirées du livre Ruins of Detroit.

Si on a regardé des témoignages filmés sur le déclin de la ville, autrefois phare de l'industrie automobile, aujourd'hui cité fantomatique, le contraste est  navrant. La gloire de la capitale du Michigan ne fut pas seulement industrielle, Detroit fut aussi le siège d'une des plus grandes compagnies de disques, le label de la  Motown, (contraction de "motor town", surnom de Detroit), célébrant les musiques noires, la soul triomphante des années soixante. Sylvain Daniel s'attaque à la poésie des ruines, dévoilant  la splendeur architecturale passée, travaille au déchiffrage, à la redécouverte de ces lieux d'où le titre de Palimpseste. Il est donc question de mémoire, de "réminiscence" comme dans l'une des compositions du leader. Dans cette ambiance sinistrée, les artistes résistent encore. Les musiciens actuels n'ont pas quitté la scène pour autant : grâce à eux, la ville continue à être un foyer actif de hip hop, d'électro minimaliste.

Une équipe de choc entoure le bassiste avec le saxophoniste Laurent Bardainne (inoubliable Limousine, mais aussi Poni Hoax ...), le claviériste et pianiste Manuel Peskine et Mathieu Pénot à la batterie. On leur fait confiance pour injecter des sons saturés et nous plonger dans ce chaos minéral. Voilà un jazz mutant qui ne tient plus à affirmer à tout prix son identité, ce qui n'est pas forcément pour déplaire : il condense et retraite la matière musicale, fait une synthèse des plus actuelles, avec une instrumentation tout terrain, sans rejouer les musiques comme si elles venaient d'être créées. Injectant une étrangeté inquiétante dans "Hotel fantastic" et du jazz rock  "historique" dans "Vanity Ballroom", sans rappeler pour autant, les orchestres rétro de la "golden room" de Shining.

S'ensuit une histoire vraie, au sens de vécue, faite de pas mal de bruit et de rage, dès le haletant "Game on", de souvenirs ouatés et de ballades tristes dans "Réminiscence" ou le délicat "Colchiques" : le saxophone délivre sa plainte bleutée jusqu' à une explosion de violence sourde. Extérieur, nuit. C'est qu'il ne s'agit plus, comme en 2006 dans le Limousine, sorti chez Chief Inspector, de rock post-moderne glauque et de blues urbain chic. Times are changin'.... là encore. Une batterie furieuse cogne et martèle en cadence comme le marteau-pilon de forges, aujourd'hui arrêtées, dans une ambiance compulsive et lancinante. Des effets plus trash peut-être, des hurlements surgissent après les cliquetis insistants de "Fisherbody Party". Dans "Jazz investigation", c'est plutôt l'énergie qui l'emporte jusqu'à ce que l'élan de la rythmique se casse dans cet univers de robots désaffectés. La narration continue à dériver avec de douloureuses "Réminiscences" jusqu'au tendre mais lucide "Recueillement final". En tous les cas, le groupe impose une vision cinématographique avec une écriture qui lie l'ensemble en 11 séquences avec travellings oniriques ou assourdissants, plans fixes hypnotiques.

Pour réaliser ce projet plutôt spectaculaire, Sylvain Daniel est épaulé par le dispositif bien nommé de l'ONJ FABRIC, car il s'agit bien de présenter un spectacle pluridisciplinaire, qui brasse d'une belle façon sensations, sentiments, actualité et passé. Il est évident que cette musique résonnera d'autant plus fort dans notre mémoire collective, à la vision du triptyque d'images et de vidéos, accompagnant sur scène, la musique du quartet en concert. Voir le teaser http://www.onj.org/palimpseste/

Plus que jamais la musique est à vivre en live... L'oeil écoute évidemment.

Sophie Chambon

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21 mars 2018 3 21 /03 /mars /2018 10:08

FABIEN MARY OCTET 

« Left Arm Blues (and Other New York Stories) »

Fabien Mary (trompette, compositions, arrangements), Pierrick Pedron (saxophone alto), David Sauzay (saxophone ténor), Thomas Savy (saxophone baryton, clarinette basse), Jerry Edwards (trombone), Hugo Lippi (guitare), Fabien Marcoz (contrebasse), Mourad Benhamou (batterie).

Meudon, 21 mars 2017

Jazz & People JPCD 818002 / Pias

 

Une chute, et une fracture de la clavicule droite, à New York : voilà comment le trompettiste s'est trouvé privé de jouer, mais pas de composer.... de la main gauche. Dans cette ville où il avait déjà fait un séjour de trois ans voici une dizaine d'années, les sources d'inspirations sont pour lui nombreuses, notamment les petits clubs où il a joué maintes fois, en concert ou en jam session. Son bref séjour de 2015 sera donc un séjour d'écriture, de composition et d'arrangements : huit thèmes originaux, plus un standard (l'inoxydable All the Things You Are, dans une harmonisation très tendue), car il faut se frotter au répertoire. A ses côtés, ceux pour qui le hard bop et le bop sont une langue familière : des orfèvres de ce jazz qui affirme son histoire, versant fifties (et plus si affinités). Le texte qui défendait le projet de financement participatif sur Kiss Kiss Bank Bank évoquait, pour la composition et l'arrangement, les influences de Benny Golson, Jimmy Heath, Thad Jones, Gigi Gryce, Bill Holman et Teddy Charles : je retiendrai volontiers Gigi Gryce, parce que c'est une passion personnelle, sans nier la pertinence des autres mentions, et j'ajouterai peut-être Oliver Nelson, pour le blues dévoyé intitulé Quercus Robur , et parfois aussi Gerry Mulligan. On connaît références plus ingrates.... Les arrangements sont peaufinés : cet octette sonne comme un big band, et les sidemen ont aussi loisir de s'exprimer (et c'est tant mieux, car ils sont la fine fleur du métier). Fabien Mary fait merveille, dans le registre retenu comme dans les phrasés les plus hardis. Certaines plages m'ont rappelé des souvenirs musicaux, mais en jazz (comme dans d'autres domaines) peu d'écritures peuvent s'exonérer d'un brin de nostalgie (et c'est heureux!). Bref c'est un p..... de bon disque, pour ceux qui (comme votre serviteur) aiment le jazz.

Xavier Prévost

 

L'octette se produira à Paris, au Sunset les 23 et 24 mars, et le 24 juillet au festival de Foix.

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=J28EwDtJZYI

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20 mars 2018 2 20 /03 /mars /2018 10:25

Bruno Angelini (piano, composition), Régis Huby (violon, violon ténor, effets électroniques), Claude Tchamitchian (contrebasse), Edward Perraud (batterie, percussion)

Pernes-les-Fontaines 19-21 juin 2017

Label La Buissonne RJAL 397031 / Pias

 

Trois ans après l'enregistrement du disque 'Instant Sharings' (cliquer pour lire la chronique sur le site), et un an après le très beau concert de 'Jazz in Arles' (chronique itou), le quartette récidivait en studio dans son rôle de pourvoyeur de beauté. Contrairement aux canons fixés par André Breton, cette beauté-là n'est pas convulsive, et pourtant elle est belle et bien là. Beauté singulière, inquiète parfois, mais d'une grande quiétude aussi. Cela commence par un hommage profond et recueilli au pianiste John Taylor, disparu quelques semaines après la parution du disque 'Instant Sharings' : entre requiem et lamento, une lente procession vers l'inaccessible, une quête de l'impalpable, où chaque note est pesée, posée à sa juste place, chaque son dosé, chaque timbre ouvragé. Je ne doute pas une seule seconde que John Taylor aurait accueilli cette dédicace comme une offrande. Puis vient, avec Perfumes of quietness, une mélodie simple sous laquelle l'harmonie bouillonne de tensions, mais sans une once d'ostentation : l'art est à ce prix. Et le chorus de piano s'évade, avant qu'un dialogue ne renaisse entre les protagonistes. La magie continue d'opérer, de plage en plage, entre exposés hiératiques et profusion maîtrisée, mélodies évidentes et surgissement d'intervalles inattendus. Le degré d'implication de chaque musicien est perceptible, jusque dans la plus infime nuance, et l'on se laisse porter, de dérive en surprise, avec la curiosité gourmande d'une promesse de bonheur musical qui n'avoue pas trop ostensiblement son projet, ses ressorts et son horizon. Et pourtant l'horizon est une promesse : les trois dernières plages en forme de suite, comme une cérémonie secrète offerte à l'aventure. A propos du premier disque de ce quartette j'invoquais le tutoiement du sublime : je persiste, et je signe !

Xavier Prévost

 

Le groupe est en concert le 23 mars au Théâtre 71, à Malakoff. Et aussi en Arles, à la Chapelle du Méjan le 6 avril, pour célébrer les 30 ans du Studio de La Buissonne

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=sIGVbP0dLLg&feature=youtu.be

https://www.youtube.com/watch?v=TK3CE59DEcc&feature=youtu.be

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19 mars 2018 1 19 /03 /mars /2018 15:09

 ''Imaginer demain''  : ce pourrait être le slogan, le mot d'ordre, que sais-je, bref l'ambition de ce nouveau label qui sort simultanément deux CD, assez différents l'un de l'autre, mais qui ont en commun ce pas de côté qui reconsidère le passé récent dans une désir de différence, d'alternative, de libre métamorphose. Vérification à l'écoute, et aussi sur scène le 20 mars à Paris au Studio de l'Ermitage

 

Clément Janinet «O.U.R.S. [Ornette Under The Repetitive Skies]»

Clément Janinet (violon, composition), Hugues Mayot (clarinette basse, saxophone ténor), Joachim Florent (contrebasse), Emmanuel Scarpa (batterie). Invités : Gille Coronado (guitare), Mario Boisseau (violoncelle)

Yerres (Essonne), sans date

GIG 002 OUR 1/ https://www.gigantonium.com/label

 

Ça commence avec des accents mélancoliques et déchirés qui rappellent Lonely Woman. Puis on glisse vers des escapades en pizzicato, avant retour à la mélancolie. La plage suivante procède de la même liberté, du lyrisme aux développements cursifs et segmentés. Belle cohésion, sens de la forme et goût de l'échappée. On scrute ensuite l'étrange, le goût des sonorités profondes, des timbres incarnés (charnels même). Puis le voyage nous entraîne vers les horizons de la musique répétitive (Ornette Under The Repetitive Skies), et très vite ailleurs, plus loin, là où l'imaginaire rend caduques les vieilles étiquettes : musique de chambre ensauvagée, mélodies intenses sur un ostinato que l'on croirait tout droit venu de Laurie Anderson, tandis qu'autour la batterie gronde et la tension survolte, comme un souvenir d'hier, plongé sans excès de nostalgie dans le paysage de demain. Sans chercher à détailler chaque item, on peut dire que, sur le plan de la composition comme de la cohésion du groupe, de l'inspiration des solistes comme de la suprême liberté qui consiste à se nourrir sans piller, à se souvenir sans rabâcher, c'est vraiment impeccable. Le violoniste signe l'essentiel des compositions, mais celles qui ne sont pas de sa plume sont en parfaite cohérence avec l'ensemble : beau travail d'artiste(s), à découvrir d'urgence.

Découvrir «O.U.R.S.» Sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=2xaPI9J5-AI

 

Camarasa-Mahler «TbPn»

Xavier Camarasa (piano, piano préparé), Matthias Mahler (trombone)

Toulouse, 4 novembre 2017

GIG 003 TBP 1/ https://www.gigantonium.com/label

 

Avec ce duo trombone (abréviation Tb) -piano (Pn....), le propos est différent. Non plus partir du passé très proche pour le plonger dans un bain d'avenir, mais scruter le potentiel sonore d'un alliage radical : le piano (et son double préparé) et le trombone (dans toutes les métamorphoses de son timbre et de son expression). C'est ce que fait la première plage, sans concessions, ouvrant ainsi les portes de l'imaginaire perceptif autant que musical. Puis c'est un envol progressif vers les escapades harmoniques, une mélodie aux intervalles tendus, avec effractions, déflagrations, effervescence puis accalmie, quand la mélodie triomphe. Les compositions sont signées du pianiste, et le trombone se les approprie par la force de son expressivité (Matthias Mahler, dans ce domaine, est un orfèvre). L'exploration sonore reprend ensuite ses droits, et le discours son mystère, avant que l'expérimentation ne rejoigne l'expression mélodique, et les surprises de l'improvisation. Et en coda de nouveau sons brossent un autre portrait d'un dialogue en perpétuel devenir : une expérience à vivre et revivre, comme une descente dans les abysses d'où surgissent et le son, et l'expression.

Xavier Prévost

 

Un avant-ouïr de TbPn

https://xaviercamarasa.bandcamp.com/album/camarasa-mahler-tbpn

https://www.gigantonium.com/label


 

Les deux groupes sont en concert pour la sortie des CD le 20 mars, à Paris, au Studio de l'Ermitage

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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 11:00

Clovis Nicolas (contrebasse), Brandon Lee, Bruce Harris (trompette), Grant Stewart (saxophones ténor), Kenny Washington (batterie)

Brooklyn, 23 novembre 2016

Sunnyside SSC 1495 / Socadisc

 

Cela fait 15 ans que Clovis Nicolas a choisi de vivre à New York sa vie de contrebassiste, et il nous envoie ce message phonographique, qui fait suite à «Nine Stories», enregistré en 2012 pour le même label. Le précédent CD comportait une grosse moitié de compositions personnelles, et c'est le cas cette fois encore ; mais les reprises comportent un morceau de choix (presque un défi !) : la Freedom Suite de Sonny Rollins (millésime 1958, avec Oscar Pettiford et Max Roach). Clovis Nicolas a choisi de donner, de cette célèbre pièce en trio, une version de quartette, avec saxophone et trompette (le trompettiste pour la suite, comme sur la majorité de l'album, est Brandon Lee). De ce changement d'instrumentation procède une nouvelle approche : on pense (notamment dans l'harmonisation des exposés) aux rencontres de Rollins (ou de Coltrane) avec Don Cherry. Le contrebassiste intercale deux courts interludes entre les parties, confirmant ainsi son désir d'un éclairage personnel sur une œuvre abordée avec amour et enthousiasme ; et le résultat en valait la peine. Les compositions du contrebassiste révèlent (ou plutôt confirment) un sens aigu de l'idiome, maîtrisé comme il se doit, mais surtout servi par un désir de faire chaque fois un pas supplémentaire (de côté, ou vers l'avant, selon les plages), comme le firent les compositeurs solistes des années 50 et 60, recevant un langage en héritage, mais s'efforçant de conquérir une vraie singularité. La plage 8, Nichols and Nicolas, est à cet égard très éloquente : son caractère sinueux, et ses bifurcations subtiles, montrent à quel point on peut encore labourer les territoires du jazz de stricte obédience en quête de nouvelles sensations. Les standards (Fine and Dandy, en quartette, puis Little Girl Blue, en solo), viennent à propos rappeler que le jazz ne dédaigne pas le répertoire, pourvu que l'on pose sur l'objet sacralisé une regard neuf. Et cela nous prouve que décidément, et notamment par la réussite de ce disque, Clovis Nicolas confirme son importance, comme leader autant que comme sideman, ou comme soliste, sur les deux rives de l'Atlantique.

Xavier Prévost

 

Clovis Nicolas sera en quartette (avec Bruce Harris, Dmitry Baevsky & Steve Brown) le 19 mars à Paris au Duc des Lombard, à 19h30 et à 21h30, mais les deux concerts sont complets. Le lendemain, 20 mars, le groupe jouera au «Jazz Fola Live Club», dans le Quartier de Luynes, à Aix-en-Provence.

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