Voilà une révélation de Jazz Migration qui va vous décoiffer et vous laisser scotchés à votre siège ou à vos casques d’écoute.
Trois musiciennes sur vitaminées, bourrées d’énergie et d’idées musicales à casser la baraque et à ne surtout pas se laisser enfermer dans les schémas musicaux trop contraignants.. Bien sûr dans cette musique inclassable on pense parfois à certaines productions de John Zorn et l’on pourrait même imaginer aux côtés de la folie d’un Benat Atchiary (sur un morceau), un Mike Patton tendance Naked City qui n’aurait pas dénaturé dans cet univers où la musique se fait trash et crade à souhait, allant plonger dans le plus profond des bas-fonds sans jamais céder à l’exigence musicale.
Pour cet enregistrement en live, Delphine Joussein, Raphaëlle Rinaudo et Blanche Lafuente décident d’envoyer du lourd dans le genre « prends toi ça en pleine face ! », « choc au plexus » ou « musique tripale ». Les trois musiciennes nous violentent, nous bousculent dans nos habitudes et même ne manquent pas d’humour non plus (les connaisseurs qui ont des jeunes enfants reconnaitrons le générique d’ « inspecteur gadget » à ne pas mettre toutefois entre toutes les oreilles).
« Sauvages » c’est le titre d’un morceau mais c’est aussi ce qui défini Nout : sauvage et formidablement libre. Jean-Marc Gelin
Produit par Samuel Blaser sur le label Blaser Music
www.samuelblaser.com
On retrouve avec plaisir le trio Helveticus découvert il y a quatre ans dans le programme de 1291, date decréation de la Confédération Helvétique. Ils continuent cette aventure après avoir beaucoup tourné en Europe et on n’est pas déçu du résultat. Sans se réinventer, il poursuivent l’exploration d’un champ musical aussi ouvert que délimité à la reprise de standards du jazz classique de Duke Ellington, Thelonius Monk (Jackie-ing et un Bemsha Swingmétamorphosé sur un tempo étiré au maximum), de traditionnels suisses (Traume der liebe) et des anciens titres de Daniel HumairIra, Genevamalgame.
Le programme de 1291 tournait déjà autour de reprises de mélodies des origines du jazz à partir du Dixie et du Créole néo-orléanais. Les trois comparses tordent le cadre de la tradition, engagés dans un processus de relectures inventives avec des pièces plutôt courtes, intenses, retrouvant l’esprit des fanfares, parsemant leur interprétation de ces fredons qui courent dans la mémoire collective. Chaque pièce est une succession de séquences libres, du jazz toujours vif, saisissant dans l’instant les voisinages et associations libres. Une musique qui n’oublie donc pas d’où elle vient mais sait se dégager des codes et styles trop marqués. Pas de remise en question radicale mais une appropriation intelligente et sensible, intuitive et logique. Sans thématique précise, le trio s’empare des diverses compositions avec cette qualité pas si fréquente dans le monde du jazz, un humour imparable dans les “déconstructions” apparentées à des arrangements. Un patrimoine inoubliable revu à leur goût, à leur manière, in their Own Way, le titre de l' album à la pochette mise en oeuvre par Daniel Humair qui n’a jamais pu choisir entre peinture et musique, aimant autant peindre que jouer des peaux et des fûts, aussi à l’aise avec les brosses et pinceaux que les baguettes. Si cette fois sa palette travaille plus les neutres, on reconnaît bien ses formes fixes et flottantes.
L’expression collective est essentielle dans ce trio “osmotique” à la formule instrumentale originale (trombone/contrebasse/batterie) avec une rythmique jamais surpuissante, qui soutient et propulse un soliste phénoménal, qui ne prend d’ailleurs pas vraiment de solos tant tous trois se rejoignent constamment, s’épaulant dans ces chemins qui bifurquent selon les changements de couleurs, de tempo de phrasé.
Affranchi depuis belle lurette des contraintes techniques, Samuel Blaser contrôle le sens narratif de chaque pièce car il sait tout faire avec son instrument, du growl le plus attendu aux glissandi acrobatiques et autres stridences atonales. Il a intégré les styles qui ont irrigué l’histoire de son instrument dans un apprentissage qui a bouleversé parfois la chronologie. Il a écouté Jay Jay Johnson et Albert Mangelsdorff avant de découvrir Jack Teagarden avec Armstrong. Et même rendu hommage au reggae et au ska et à Don Drummond dans son dernier Routes. Il ne la joue pas souvent balade moelleuse et caressante à la Lawrence Brown, surtout quand il reprend du Duke jungle dans “Creole Love Call”. On entendrait plutôt le gouailleur Joe Tricky Sam Nanton rauque sansla wah wah.Utilisant tout le registre de son instrument, il nous offre un feu d’artifice d'effets possibles du plus gouleyant au plus vibrant ou au plus rude. Quant au blues il n’est pas oublié sur son “Root Beer Rag” après un désopilant “Tiger Rag”.
Au cours de sa longue et prolifique carrière Daniel Humair a connu toutes les périodes ou presque du jazz, accompagné les plus grands musiciens européens et américains. Gaucher naturel, ambidextre par ailleurs, son style et sa technique travaillent à l’égal des percussionnistes les timbres les plus variés, distribuant de façon complexe et asymétrique les accents tout en conservant la continuité rythmique, sa pratique des balais et des baguettes qui caressent, frottent, cliquètent, transposant le geste pictural en geste musical. Il ne faudrait pas laisser de côté le troisième homme, la gardien de la rythmique Heiri Kanzig. La prise de son remarquable souligne ses interventions d’une précision et d’une intensité rares, une énergie irrésistible dans ses envolées et ses rebonds organiques, son ostinato sur son Heiri’s idea.
Nos Suisses n’ont aucun mal à dépasser les frontières de la création, à plonger dans l’improvisation y compris sur les airs plus traditionnels comme dans cette Mazurka du tessin insolite. Helveticus ou le goût de la liberté non surveillée sans faire table rase de l’histoire du jazz.
Simon Deslandes (tp, fch) ; Raphael Quenehen (saxs), Didier Dufour (kora), Nicolas Talbot (cb), Philippe Boudot (dms)
Dès les premières notes entendues on est immédiatement séduits et l’on comprend aisément que ce jeune groupe de Caen, crée à l’initiative du trompettiste Simon Deslandes ait été lauréat du tremplin Jazz Normand et qu’il se retrouve désormais propulsé dans plusieurs festivals.
Car, en effet la musique est au rendez-vous dans ce quintet à l’instrumentarium original où la Kora se marie avec des textures sonores très ancrées dans un jazz riche. Les liens entre jazz et world music sont anciens et fréquents dans ce grand métissage initié jadis par Don Cherry et poursuivi par d’autres. Mais il y a là, chez ce Brame de Zephyr une autre façon d’intégrer les sonorités mandingues à un jazz plus actuel. Toujours entre écriture et improvisation, la musique de Brame de Zephyr est alerte et vive. Pétillante et malicieuse aussi. Pianoless mais avec cette association judicieuse des cuivres à la Kora qui n’est jamais utilisée dans le cliché auquel l’instrument est souvent renvoyé mais qui prend justement la place ici du piano comme l’instrument à cordes d’une section rythmique, entre soutien harmonique et dépositaire de la mélodie. C’est malin et hyper bien fait.
Il y a de la vie dans cet album qui palpite de bout en bout ( Afofona qui prend des airs de bandas délocalisées), que ce soit sous le souffle de Raphael Qhenehen au sax ( Sisyphe), par les ellipses calligraphique de Didier Dufour (Sirroco) ou encore sous le feu de Simon Deslandes.
Afafona est un mot issu du Bambara ( langue du Mali) et exprime la parole involontaire, impromptue. Une sorte de cri ancestral. C’est assez bien trouvé pour dire la liberté de cette musique qui ne s’enferme pas dans les arcanes d’une musique stéréotypée mais parvient à recréer son univers à la fois errant, voyageur, poétique et festif. Si le jazz est l’expression d’un certain syncrétisme, alors cet album du Brame de Zephyr est bien ancré dans cette musique et contribue à sa foisonnante ouverture.
LES MC CANN : « The Pacific jazz colllection 1960-1963 »
4 CD’s
personnel : Leroy Vinnegar, Ron Jefferson, Herbie Lewis etc….
Le pianiste Les Mc Cann, disparu en décembre 2023 à l’âge de 88 ans n’était certainement pas le pianiste de jazz le plus légendaire ou le plus emblématique de l’ère post-bop. Il est cependant pour nous très largement sous-estimé surtout si l’on en revient à son abondante production discographique des années 60 pour le label de la West Coast, Pacific. Il est vrai qu’Alain Tercinet dans son livre « West Coast » disait du pianiste « qu’il débitait de la soul music au kilomètre avec une absence totale d’imagination ».
Constat qui, s’il s’approche parfois de la vérité est tout de même un peu sévère si l’on en juge par cette retrospective qui couvre les années 1960-1963.
Car ce que l’on entend c’est surtout un pianiste dans la pure lignée d’un Erroll Garner avec la même fluidité et la même souplesse au travers des standards égrenés avec cette rythmique de Los Angeles ( Leroy Vinnegar et Ron Jefferson). Un sens rythmique exceptionnel, un sens de la mesure dans l’impro et surtout une grande forme d’élégance.
Le pianiste qui a fait, comme beaucoup ses armes dans les choeurs d’église s’y montre surtout empreint de gospel et de soul.
Cette collection est à découvrir car elle nous semble la meilleure du pianiste qui, à partir de la fin des années 70 s’est peut être un peu égaré dans des formes plus commerciales ( chanteur ou joueur de synthé) et moins intéressantes à l’exception peut être de son album avec le saxophoniste ténor Eddie Harris ( « Swiss movement » pour le label Atlantic)
Collectif, dans tous les sens du terme : communauté des artistes qui se sont engagé.e.s mutuellement dans ce groupe sans leader, sextette qui rassemble des musiciennes et musiciens qui ont souvent joué les uns-les unes avec les autres (tiens : les autres échappent à la pesante tyrannie du genre). Amitiés, goût de faire de la musique (de la porter, de la penser, de l’offrir) en commun. Choix de thèmes empruntés aux admirations collectives, au souvenir des figures marquantes des musiques libres et émancipatrices.
Plaisir d’écouter des compositions qui parlent de légèreté autant que de gravité, de découvrir sous un nouveau jour une musique de Michel Portal pour un film de Jean-Louis Comolli, ou un thème de Beb Guérin pour rappeler ce contrebassiste qui fut une sorte d’étoile filante dans l’effervescence des années 60-70. Se souvenir autrement de ce qui ne peut demeurer immuablement même, identique au souvenir arraché au fil du temps : Cinq Hops, du disque éponyme de Jacques Thollot ; Four Women, à jamais marqué par l’aura de Nina Simone ; Charangalila, naguère gravé par Lol Coxhill avec les Melody Four, ou Waste No Tears, inauguré par Sidney Bechet au temps du 78 tours…. Nostalgie ? Que non ! Cri d’amour joyeux et obstiné, avec La Paloma métamorphosée par l’arrangement de François Corneloup ; et salut amical, et posthume, à Jef Lee Johnson, compagnon de route d’Ursus Minor. Avec aussi des compositions originales des membres du groupe, pour célébrer les surgissements de liberté et de révolte. Les textes du livret, signés Jean Rochard, nous en disent plus encore sur ce qui se joue dans la mise en abyme de l’identité et de l’altérité. Et une plage résume peut-être ce qui, précisément, ne saurait être rejoué, et pourtant nous saisit comme le retour d’émotions surgies du passé : la Romance de la Guardia Civil española, ici dans la voix de la rappeuse Billie Brelok, fait resurgir en nos mémoire la façon dont Violeta Ferrer portait ces mots de Federico García Lorca, comme une tragédie immémoriale.
J’avais écouté ce groupe en concert, avec une bonne partie du répertoire de ce disque (c’est le premier du trio, mais la connivence entre eux est ancienne). C’était en juin dernier à Paris, à la Galerie 19 Paul Fort. Et j’avais été conquis, comme tout le public présent. La musique,composée par Trevor Watts, est un effervescent mélange de jazz de stricte obédience et de musique libre (libre mais très syncopée). La pulsation est reine, elle est souvent véhémente. Les thèmes sont structurés, mais ils incitent à l’échappée, et les membres du trio ne s’en privent pas. La musique puise à toutes les sources. En permanence se télescopent une foule de micro-événements musicaux dont le développement est toujours fécond : musique intensément vivante, qui fait bouger nos pieds autant que nos neurones. Un régal en somme.
Xavier Prévost
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Le trio est en concert le samedi 1er juin à Paris à la Galerie 19 Paul Fort
Editions Le Mot et le Reste, (312 pages).
À paraitre le 31 mai.
Janvier 2009. Théâtre du Châtelet. Sur la scène lors de la remise des prix de l’Académie du Jazz, Alain Goraguer, au piano, joue un air de la bande originale de « J’irai cracher sur vos tombes », musique de sa main composée pour le film de Michel Gast adapté du roman de Boris Vian. Un hommage à l’écrivain-jazzman disparu en 1959, le jour de la première projection pour la presse du film et qui prend une saveur particulière. Boris Vian avait ce matin-là confié à Goraguer, présent à la séance : « J’ai écouté ta musique, elle me plaît beaucoup ».
Ce soir de janvier 2009, « personne de son entourage ne se souvenait d’avoir vu Goraguer jouer sur scène depuis sa participation en 1953 au Tournoi de Paris des pianistes amateurs » (ndlr : où il avait terminé troisième derrière René Urtreger et Georges Arvanitas), relève Rémi Foutel dans une biographie très précise consacrée à Alain Goraguer.
Toute la personnalité du pianiste né en région parisienne (le 20 août 1931 à Rosny-sous-Bois) se trouve ainsi résumée. Un musicien, homme de l’ombre et qui a marqué l’histoire de la musique française pendant un demi-siècle.
Disparu le 13 février 2023 à 91 ans, Alain Goraguer aura contribué comme arrangeur et compositeur au succès de vedettes de la chanson, débutant avec Boris Vian ( Complainte du progrès) en 1954, avant de coopérer avec Serge Gainsbourg (Le poinçonneur des Lilas, l’eau à la bouche, Black Trombone), « la période de sa carrière qu’il préfère », Boby Lapointe (Aragon et Castille, la maman des poissons, Méli-mélodie), France Gall (Poupée de cire, poupée de son, qui décroche le Grand Prix de l’Eurovision en 1965, les Sucettes), Jean Ferrat (Ma môme, La Montagne, Nuit et brouillard), Adamo (Inch’Allah), Serge Reggiani (La chanson de Paul), Régine, Isabelle Aubret, Georges Moustaki (Le métèque)…
A l’apogée de sa renommée, dans les années 60-70, Alain Goraguer pouvait signer une cinquantaine d’arrangements par an (un par semaine !). Arrangeur salarié de maisons de disques (Philips pour commencer), le pianiste prend aussi le temps de composer pour le cinéma (après J’irai cracher sur vos tombes, Les loups dans la bergerie, Sur un arbre perché, la Planète sauvage, l’affaire Dominici …) sans oublier quelques films pornographiques (dont l’Essayeuse) et la télévision, notamment en 1982 avec la musique d’une émission devenue culte, dédiée a l’aérobic, Gym Tonic, de Véronique et Davina (« j’ai écrit ce morceau très rapidement, il fallait seulement que ce soit un titre entraînant ») .
Les années 80 s’avèrent plus délicates pour Alain Goraguer avec la fin des grandes sessions orchestrales en studio pour raisons financières mais il va dès lors s’investir au sein de la SACEM, se battant ainsi pour obtenir dans les contrats des droits aux arrangeurs. Dans les années 80-90, il vit grâce à ses droits d’auteur, la publicité et la musique de film. Sa dernière œuvre le ramène à Boris Vian. En compagnie du parolier Claude Lemesle, il écrit la musique d’une comédie musicale, « Mademoiselle Bonsoir », dont le Bison Ravi avait rédigé le livret. Le projet est déposé à la Sacem le 15 janvier 2013 mais restera lettre morte.
Et le jazz dans cette carrière prolifique ? Il ne sera jamais loin tout au long de ses œuvres, dès les débuts comme pianiste à Nice, qui « montera » à Paris sur les conseils de Jack Diéval (star du jazz à la télévision des années 50-60), formera un trio avec Paul Rovère (basse) et Christian Garros (batterie), et sortira chez Philips en 1956, à la demande de Boris Vian, « Go… Go… Goraguer ». Et les jazzmen sont largement mis à contribution dans les enregistrements d’Alain Goraguer, et notamment Pierre Michelot, Michel Portal, Georges Grenu, Roger Guérin, ou encore Eddy Louiss…
Grâce à Rémi Foutel, qui a rencontré à plusieurs reprises entre 2018 et 2021 Alain Goraguer, nous découvrons le parcours singulier d’un musicien qui a marqué son époque par une œuvre colossale. « Forçat de l’écriture, résume Rémi Foutel, Alain Goraguer est le compositeur d’environ neuf cents musiques et l’arrangeur d’un nombre prodigieux de chansons, peut-être le double ». Et quel talent ! « C’est l’un des seuls orchestrateurs français qui lisent vraiment les textes, s’émerveille Claude Lemesle. C’est un musicien qui connaît son métier sur le bout des doigts ».
Lire cette biographie c’est aussi découvrir une personnalité dotée d’un sens de l’humour froid et dévastateur, qui n’a pas sa langue dans sa poche pour évoquer les artistes auxquels il a prêté son concours, et qui a accompli son rêve, « devenir musicien ». « Je n’avais pas de plan B…. Je n’ai aucun regret ». Une lecture, on l’aura compris, fortement recommandée, d’un ouvrage vivant et richement documenté.
JEANNE MICHARD : « Entre las flores » Quai son records 2024
Jeanne Michard (ts, compos), Clément Simon (p, Rhodes, vc), Natascha Rogers (percus, vc), Pedro Barrios (percus, texte et vc), Maurizio Congiu : (cb, vc), Julien Lourau (DA) + GUESTS :Paloma Pradal : (vc), Nelson Palacios (vc),Sebastian Quesada (timbales),Rodin Sotolongo vc)
Jeanne Michard était la révélation de Jazz Magazine en 2022 et Victoire du Jazz en 2023. Jusque-là, il faut bien l’avouer nous ne la connaissions pas vraiment et son précédent album nous était passé très vite entre les oreilles.
Mais Jeanne Michard, à 31 ans confirme aujourd’hui et d’autant plus avec ce nouvel album, qu’elle est le nouveau son du sax ténor en France avec sa formation orientée vers un latin jazz entre New-York et Cuba. Car, si l’on juge un sax ténor par la qualité de son son, alors Jeanne Michard s’impose assurément dans le paysage avec cette texture à la fois ample, soyeuse et avec ce grain de raucité qui évoque certaines légendes de l’instrument. Un lyrisme félin, un placement rythmique exceptionnel et une façon de vous caresser les mélodies autant que de les projeter dans l’espace, tout cela vous fait sentir un vent de sensualité bien agréable. De suavité devrait-on dire.
Il y a chez Jeanne Michard de ces formes d’ancrage, les deux pieds dans la terre et la tête dans les voyages partagés qu’elle exprime avec un lyrisme impeccable et vous donne de ces balancements au bout des pieds qui donnent envie de danser, de chalouper, de se laisser aller tout simplement.
Si l’on y ajoute une superbe écriture empreinte de ses voyages à la Havane on ne peut qu’être totalement convaincus et séduits par cette saxophoniste qui fut en d’autres temps élève de Luigi Grasso d’où elle tient peut être l’art de sculpter le son.
Jeanne Michard porte haut les couleurs du latin jazz.
Rien à jeter dans ce nouvel album de la saxophoniste : on prend tout avec gourmandise !
Jeanne Michard sera au Studio de l’Ermitage vendredi 31 mai. A ne pas louper. En plus cela tombe bien, le Studio fait les meilleurs ti’punch de Paris ! De quoi rêver à la danse sur des plages cubaines.
Kenny Barron (p), Immanuel Wilkins (as), Steve Nelson (vb), Kiyoshi Kitagawa (cb), Jonhatan Blake (dms)
Tout nouvel album signé du pianiste de Philadelphie est en soi un évènement. Evènement qui, de toutes façons sera encensé par la critique.
Normal, Kenny Barron est une légende. C’est bon, c’est dit, c’est écrit partout et proclamé dans la presse qui est unanime sur le sujet : Kenny Barron est une légende. Cela ne se discute pas. Cela est.
Alors forcément nous étions impatients de découvrir à notre tour cet album qui est pré-destiné à devenir légendaire dans la discographie abondante du pianiste dont nous gardons tous en tête les duos sublimes qu’il nous livrait avec Stan Getz sous la houlette du regretté Jean-Philippe Alard. On atteignait alors des sommets desquels le pianiste n’est jamais vraiment redescendu.
Avec Kenny Barron c’est à la fois un pianiste-caméleon et aussi l’éloge de la simplicité. Quel que soit le format dans lequel il s’exprime ( en solo, en duos en quartet), Kenny Barron impressionne par sa façon de…ne pas impressionner et de rendre la musique aussi limpide que dépouillée de tout le superflus. Kenny Barron c’est la science de l’harmonie et du placement au service du verbe. Et il n’est pas étonnant de voir un pianiste comme Alain Jean-Marie porter aux nues Kenny Barron tant ils ont en commun l’art de l’effacement, de la discrétion sublime tout en imposant un style imprégné de toute l’histoire du jazz.
Kenny Barron n’hésite pas à se mettre au service d’un collectif renouvelé comme avec ce quintet pour lequel il est allé chercher le jeune et incroyable saxophoniste Immanuel Wilkins, qui malgré son jeune âge ( 27 ans) s’imprègne des racines du jazz, comme il se plaît à le faire avec son camarade Micah Thomas.
Mais au-delà de cette belle surprise, cet album est aussi un bel écrin pour les compositions du pianiste pour qui l’influence d Monk reste prégnante.
Kenny Barron continue d’écrire sa propre légende à l’encre d’une histoire du piano-jazz qui n’est ni sèche ni sur le point de se tarir. La preuve par Barron.
C'etait hier sur Jazzbox avec le pianiste Arshid Azarine (pour l'album Vorticity) et le contrebassiste Joachim Govin pour la sortie du Volume 2 de "Tree"