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15 décembre 2017 5 15 /12 /décembre /2017 16:57
FRANK KOFSKY John Coltrane Conversation
 
 
John Coltrane Conversation Frank KOFSKY
 
Voilà un petit livre dont la lecture est conseillée absolument quand on aime le jazz vif, les années soixante et ...John Coltrane. Un livre de "pochette", de 47 pages que publient les éditions Lenka Lente de Guillaume Belhomme.
Il s'agit de l'une des dernières interviews de Coltrane réalisée par un fou de jazz, historien, chroniqueur, Frank Kofsky, qui allait devenir l'auteur d'ouvrages manifestes sur le jazz, la musique créative de l'époque. Eperdu d'admiration pour John Coltrane depuis sa découverte dans le Round about Midnight du groupe de Miles Davis en 1957, il s'attacha à le suivre, à garder un lien en essayant d'organiser des concerts au sein de l'université.
Pendant l'été 1966, il interviewe des musiciens de jazz à New York et Coltrane figure en tête de sa liste. C'est ainsi que le 18 août 1966, faisant preuve d'une touchante disponibilité, le saxophoniste favorisa la rencontre, à l'arrière de sa voiture, sur le parking d'un supermarché, avant de raccompagner Kofsky à la gare et d'attendre avec lui son train pour Manhattan.
Une conversation passionnante qui alla bien au-delà de la seule musique de jazz et de la New thing. Kofsky insiste sur l'humilité et la sincérité de l'engagement de John Coltrane qui reliait la musique à une autre dimension, essentielle. "La musique est un instrument qui peut amener les gens à penser différemment."
Cet échange restitue le contexte social et politique d'une Amérique raciste qui s'enlise au Vietnam. Et pourtant le monde change, quelle créativité dans cette avant-garde musicale à laquelle Coltrane participe, presque malgré lui, tant il est alors absorbé, encore et toujours, par sa musique, expression de tous les enjeux. Kofsky, un pur "socialiste" au sens américain du terme, a une idée très précise de l'histoire en marche et ses questions orientées ( la réception et l'exploitation d'une musique noire par les Blancs, les différences d'approche en Europe...) ramènent toujours le musicien vers ce jazz en ébullition qui fait presque table rase de tout : pas étonnant que Kofsky ait ensuite écrit John Coltrane and The Jazz Revolution of the 1960s.
Cette conversation, précieuse, permet à Coltrane d'évoquer ses recherches et expérimentations après Ascension, de préciser en quoi le passage au soprano, dont il avoue préférer la sonorité, a modifié jusqu'à sa façon de jouer du ténor. Il cherche à évoluer, même au prix de bouleversements, il s'est séparé d'Elvin Jones et de Mc Coy Tyner, il choisit de faire appel à plus de percussions et moins de piano, d'aller vers des systèmes musicaux extra-européens, de jouer avec d'autres groupes, dans d'autres contextes que les clubs, devenus inadaptés à une musique qui doit prendre le temps de se développer.
L'énergie doit circuler et le musicien écouter jusqu'à l'intérieur de lui même, pratiquer sans cesse, chercher, quitte à s'arrêter s'il ne trouve plus ce qu'il faut jouer. Eternel insatisfait, Coltrane mourra moins d'un an après, en juillet 67, mais il aura transformé le jazz.

Sophie Chambon          
FRANK KOFSKY John Coltrane Conversation
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14 décembre 2017 4 14 /12 /décembre /2017 09:32

2017 aura été, ad nauseam, l'année des centenaires : un siècle de jazz, si l'on considère que l'histoire commence avec l'enregistrement de l'Original Dixieland Jazz Band, et multiples célébrations d'artistes nés en 1917, de Thelonious Monk à Ella Fitzgerald en passant par Dizzy Gillespie, avec aussi quelques oubliés d'importance, que l'on n'a guère célébrés : Tadd Dameron, Denzil Best, J.C. Heard, Lena Horne, Charlie Chavers, Buddy Rich, Robert Mavounzy....

Le chroniqueur avec son 33 tours 25cm original de Theolonious Monk (sic ! ), solo Paris 1954, acquis dans ses années lycéennes du milieu des sixties....

 

Thelonious Monk aura été le mieux servi, avec l'exhumation des séances enregistrées en 1959 pour le film Les Liaisons dangereuses 1960, de Roger Vadim : plages inédites au disque, alors que les contributions d'Art Blakey avaient été publiées à plusieurs reprises. Barney Wilen figurait dans les deux groupes, et la parution des plages de Monk est une belle entreprise, à laquelle a participé le regretté Alain Tercinet, disparu au début de l'été dernier. Et même si Charlie Rouse ne joue pas toujours très juste, c'est un beau cadeau fait aux amateurs (chronique de Jean-Louis Lemarchand ( http://lesdnj.over-blog.com/2017/06/thelonious-monk-les-liaisons-dangereuses-1960.html ). Monk encore, avec la réédition augmentée du célèbre solo de 1954 pour Vogue, avec des inédits, à nouveau l'irremplaçable contribution de Daniel Richard, le coup de main d'Alain Tercinet là encore, et un texte éclairant de Laurent de Wilde (Th. Monk « Piano solo, Paris 1945, The centennial edition », Legacy Jazz Connoisseur / Sony music). Laurent de Wilde que l'on retrouve au piano et en trio dans une célébration du pianiste (chronique de J.L. Lemarchand http://lesdnj.over-blog.com/2017/10/laurent-de-wilde.new-monk-trio.html ). Autre célébration, celle réalisée par le saxophoniste Xavier Richardeau (chronique de J.L. Lemarchand à nouveau http://lesdnj.over-blog.com/2017/11/boo-boo-s-birthday.xavier-richardeau-plays-monk.html ), et celle du jeune prodige dont tout le monde s'émerveille : Joe Alexander (« Joe.Monk.Live ! », Motéma/pias) : enregistré en concert au Lincoln Center, ce disque est une approche très personnelle et plutôt mature d'un répertoire périlleux. On peut conclure le chapitre du Moine sphérique avec un inédit de concert, « Live in Rotterdam 1967 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music). Inédit ? Pas totalement, car des plages figuraient sur une édition plutôt pirate en vinyle. C'est le début de la tournée de ce quartette augmenté en nonette (avec Clark Terry, Ray Copeland, Jimmy Cleveland, Phil Woods et Johnny Griffin) : on peut préférer (si on le trouve !) le disque enregistré à Paris six jours plus tard (Thelonious Monk Nonet « Live in Paris 1967 », Esoldun France's concert FCD 113), car là l'orchestre est vraiment rodé....

 

Après cette débauche de célébrations monkiennes, Dizzy Gillespie fait presque figure de parent pauvre, alors que sa contribution à la révolution du jazz dans les années 40 ne fut pas moindre. Heureusement une très belle anthologie en 3 CD signée Claude Carrière lui rend justice (chronique de Sophie Chambon http://lesdnj.over-blog.com/2017/11/claude-carriere-the-extravagant-mister-gillespie.html ). À quoi s'ajoute un inédit de concert « Live at Singer Concert Hall 1973 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music), enregistré au festival de Laren, aux Pays-Bas. Inédit, assurément, plaisant, avec présentation par le leader dans un registre d'humour décalé, ambiance caribéenne, et quelques beaux moments, dont un thème dédié à Martin Luther King, et un blues avec en invité John Faddis. Mais on n'est pas au niveau du Gillespie des années suivantes sous le label Pablo : duo avec Oscar Peterson, grands concerts de Montreux, etc....

 

On ne peut évidemment clore ces centenaires 2017 sans évoquer Ella Fitzgerald, avec un coffret de 5 CD recensé par J.L. Lemarchand ( http://lesdnj.over-blog.com/2017/04/100-titres-pour-le-centenaire-d-ella.html ) et une belle surprise, « Live at the Concertgebouw 1961 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music), enregistré la veille du concert de Berlin 1961 (« Ella Returns to Berlin ») qui donnait la réplique à celui, légendaire, de 1960 (« Mack the Knife, Ella in Berlin »). Ce n'est pas un inédit mais c'est une édition avec un traitement du son particulièrement soigné. Ella fait preuve d'une grande liberté dans ses improvisations, elle se trompe sur Mr Paganini et s'en sort par une pirouette, et si le Mack the Knife ne fait pas oublier celui de Berlin l'année précédente, le Saint Louis Blues est d'anthologie. On ferme donc le registre du centenaire, en se disant que l'année aura réservé quelques belles résurrections.

Xavier Prévost

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13 décembre 2017 3 13 /12 /décembre /2017 22:50
UNITRIO  PICASSO

UNITRIO ARGENTIERI/BOREY/TISSOT
PICASSO

Freshsound New Talent
www.unitrio.ch
 
 
 
Picasso n'en finira jamais de faire parler de lui, à voir le nombre d'expositions qui continuent à lui être consacrées en France, à Paris bien entendu mais aussi en province. J'en veux pour exemple l'hommage du peintre colombien Botéro à la Fondation de l'hôtel de Caumont d'Aix en Provence où figurent deux des tableaux qui ont inspiré la musique de cet album, Massacre en Corée de 1951 et L'Acrobate 1930, les deux toiles provenant du Musée Picasso de Paris.
Les musiciens s'y sont mis aussi mais l'Unitrio franco-suisse n'est pas le premier puisque le grand saxophoniste Coleman Hawkins a donné à l'un de ses plus beaux solos le nom du peintre. C 'était en 1948....
Nos trois compères ont décidé, lors d'une tournée, d'écrire des compositions sur le travail d'un artiste d'une autre discipline. Ils ont ainsi choisi de "se sortir de la zone de confort", de se frotter au génial Espagnol, de se balader au coeur de la musique en ayant sous les yeux  une oeuvre de Picasso qui leur servirait de matrice.... Une fois le choix du peintre décidé, encore fallait-il se décider sur les partitions. Vaste et infini programme vu la fécondité picassienne. L'album est sorti sur le label de Jordi Pujol, Fresh Sound New Talent, à défaut des Picasso records de Norman Granz!
Damien Argentieri à l'orgue Hammond, Frédéric Borey au sax ténor et Alain Tissot à la batterie sont tombés d'accord pour constituer deux suites tripartites sur le même thème pictural : Buste de Femme (1943) et Femmes d'Alger d'après Delacroix (1955). Alain Tissot a choisi La nouvelle ronde de la jeunesse de 1961, très singulière, dessinée aux crayons de couleur dont on ne sait où elle se trouve! Frédéric Borey a choisi pour sa part l'Acrobate et Damien Argentieri Massacres en Corée.
Il est difficile de distinguer les différences de composition même si les rythmes, les styles changent, d'une ballade sensible que survole un ténor velouté à une chansonnette plus heurtée. L'unité du trio est  évidente. Les musiciens sont complices et savent se jouer les uns des autres, changer de rôle, toujours attentifs à la cohésion de l'ensemble. Si Picasso les a inspirés, ils sont parvenus à l'illustrer en quelque sorte, à rendre une forme sonore avec leurs propres couleurs, issues d'une palette commune. Et puis, l'une des astuces de ce projet qui unit finement peinture et musiques, est de présenter des concerts du trio lors de futures expositions : superbe idée car entendre de la musique au musée est l'une des plus formidables expériences sensorielles. L'oeil écoute et entend bien, on le sait depuis Claudel...

Sophie Chambon
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11 décembre 2017 1 11 /12 /décembre /2017 23:49

STÉPHANE PAYEN « Morgan the pirate »

Stépahen Payen (saxophone alto, percussions), Sylvain Bardiau (trompette, bugle), Frédéric Gastard (saxophone ténor), Matthias Mahler (trombone), Gilles Coronado (guitare), Christophe Lavergne (batterie)

Villetaneuse, janvier 2017

Onze Heures Onze ONZ 023 / Absilone

 

C'est une sorte de jeu à contraintes, comme la musique, et plus largement les arts, peuvent en susciter. C'est une histoire vieille comme l'histoire de l'art. Quand Bach s'emparait d'un petit thème du roi Frédéric II pour le magnifier en Offrande musicale, c'était une sorte de jeu à contrainte, avec le résultat génial que l'on sait. Ce détour n'est pas là pour voir en Stéphane Payen l'égal de Bach, mais simplement pour rappeler qu'en art la contrainte peut être l'un des ressorts de la créativité, et un générateur d'espaces de liberté insoupçonnés. Le matériau, ce sont des compositions de Lee Morgan, issues de quelques-uns de ses disques Blue Note des années 60 : « The Sidewinder », « Search for the New Land », « The Rumproller », « Cornbread », « The Procrastinator ». Beaucoup de thèmes bâtis sur des structures (élargies) de blues, souvent joués dans leur tonalité originelle, parfois transposés (voire agrémentés d'escapades polytonales), parfois exposés dans leur intégrité, souvent déconstruits (et reconstruits) avec une passion amoureuse et créative. S'intercalent des compositions originales (signées par le leader, mais aussi par les membres du groupe, parfois très brèves, et parfois très développées), qui peuvent apparaître soit comme la clé d'interprétation, soit comme la trace de l'inspiration ; et aussi comme autant de dérives suscitées par les thèmes choisis. Comme toujours avec Stéphane Payen (et aussi avec ses comparses, le guitariste et le batteur du groupe Thôt, partenaires depuis deux décennies, ainsi que les membres du trio Journal intime), c'est élaboré, et très libre, dans le même geste. C'est passionnant, surtout si l'on multiplie les écoutes, de surcroît en revenant vers les originaux de Lee Morgan. Ce fut pour moi l'occasion de me replonger dans des disques du trompettiste qui pour certains n'avaient pas quitté les rayons de ma discothèque depuis des années. En prime une plage, non mentionnée sur la pochette, où l'improvisation se débride avec gourmandise. Cela nous change des relectures-prétextes dont l'époque est prodigue. Pour toutes ces raisons, et notamment pour cette occasion rare de savoir, dès la première écoute d'un disque, que l'on y reviendra, et avec plaisir, à tous les membres du sextette je dis : merci !

Xavier Prévost

 

Le groupe jouera le mercredi 13 décembre à Paris, au Studio de l'Ermitage

 

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9 décembre 2017 6 09 /12 /décembre /2017 17:28

Jean-Marc Foltz (clarinette, clarinette basse), Philippe Mouratoglou (guitares)

invité : Ramon Lopez (batterie)

Pernes-les-Fontaines, printemps 2017

Vision Fugitive VF 313014 / l'autre distribution

 

Bâtir un programme sur l'évocation d'un recueil de nouvelles de Jim Harrison (publié en français sous le titre de Légendes d'automne, Robert Laffont, 1981) : selon la doxa de la vie artistique ordinaire, on appellerait ça un 'projet'. Il s'agit ici de tout autre chose : construire librement un imaginaire musical sur un univers littéraire nourri des grands horizons nord-américains, avec tout ce qu'ils suggèrent d'ouverture et de décalage. Les deux comparses n'en sont pas à leur coup d'essai : après un premier disque autour du presque légendaire Robert Johnson, les voici improvisant sous l'emprise d'une certaine perception de l'espace (géographique, sonore, fantasmatique....), et d'un grand désir de liberté. Leur degré de connivence est extrême, forgé par des expériences antérieures autant que par la communauté que constitue ce label, qui les associe à Philippe Ghielmetti, et qui est une sorte d'incubateur artistique. Rumeur folk, ombre du blues, mémoire des musiques européennes aux temps oubliés du luth, tout un monde lointain surgit, ou resurgit,   affleure à nos consciences auditrices, et nous embarque dans ce voyage où l'inconnu se fera guide. Invité sur quatre plages, Ramon Lopez nous accompagne, en percussionniste plus qu'en batteur, et nous avançons, pas après pas, émoi après émoi, vers un horizon qui se dérobe en de nouvelles promesses. Un beau texte de Gilles Tordjman, et un riche livret graphique dessiné-peint par Emmanuel Guibert sont nos compagnons d'un voyage que nous n'oublierons pas. Et par le disque cette magie s'offre à nous, comme renaissante à l'envi.

Xavier Prévost

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?time_continue=11&v=aKgdR_3tM-U

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8 décembre 2017 5 08 /12 /décembre /2017 22:20

Miles Davis sur scène à Pleyel le 3 novembre 1969 saisi dans un faisceau de lumière : la photo de Guy Le Querrec est devenue une image-icône. Elle figurait déjà dans «  Jazz de J à ZZ, ouvrage publié en 1996, avec 389 autres photos d’un photographe fan et féru de jazz (Editions Marval).

 

« Je m’efforçais d’anticiper ses déplacements, et c’est ainsi que je me retrouvai juste au bon endroit au bon moment lorsqu’il s’immobilisa dans un faisceau de lumière émanant du plancher, qui l’éclairait en contre-plongée et projetait son ombre sur le rideau des coulisses, se souvient Guy Le Querrec.. Miles passa ainsi sans transition de la lumière brutale et uniforme du milieu de scène à un éclairage sculptural sophistiqué qui faisait ressortir son étrange et fascinante beauté et soulignait la profondeur de son regard - qualités qui caractérisent aussi sa musique.»
 Pour célébrer ses 70 ans l’agence Magnum Photos, où Guy Le Querrec est entré en 1976, dispose d’un espace éphémère au Bon Marché. C’est là que samedi 9 décembre (à partir de 16 h) le photographe présentera et dédicacera la planche-contact comprenant l’instantané-culte et d’autres photos prises lors de ce concert du Festival de Paris,  organisé par André Francis : on reconnaît ainsi les quatre autres membres du groupe de Miles (Wayne Shorter, Jack DeJohnette, Dave Holland et Chick Corea) et les quatre musiciens de la formation de Cecil Taylor programmé le soir même, Sam Rivers et Jimmy Lyons, Andrew Cyrille.
Jean-Louis Lemarchand
Guy Le Querrec au Pop’UP Magnum Photos au Bon Marché, samedi 9 décembre à partir de 16h00 au 1er étage de la Galerie Imaginaire du Bon Marché (24 rue de Sèvres – 75007 Paris). La planche contact est vendue 330€ TTC non encadrée et 380€ encadrée (cadre blanc uniquement) TTC.

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5 décembre 2017 2 05 /12 /décembre /2017 10:00
Sweet Dog  JARRET/SORO/TEISSIER

Sweet Dog

 

www.collectif-blo.fr

https://pauljarret.bandcamp.com/album/sweetdog

www.pauljarret.com

 

 

Ils ne sont que trois (sax ténor, guitare, batterie) et cela suffit au bonheur de l’auditeur : cet album improvisé sur le vif et produit par 3 chiens doux (allez donc savoir... le mystère des titres) en 2015 représente sans doute un courant de la musique actuelle que nous aimons à découvrir. Cette musique a tout pour réconcilier (si besoin était) avec la complexité des sons et rythmes libres. On se laisse bien volontiers entraîner dans cette déferlante de 11 plus ou moins petites pièces canines, pas toujours faciles « robot dog », « crazy dog », « arctic dog » ( mon préféré et ce, dès la première écoute)….ainsi de suite, ils ont même osé « hot dog »…mais pas « white dog », ceci dit.

On se laisse embarquer dans cette expédition vers des terres non défrichées encore complètement. Ce n’est pas la destination qui compte mais le voyage : les sons, les textures se marient doucement dans des mélopées sourdes, lancinantes. Ou des éclats de free sons, des embardées quand même maîtrisées, où se joue l’instant et le ressenti. Immédiat. Un récital d’improvisations colorées, tantôt fougueuses, tantôt délicatement impressionnistes.

Si mon oreille va chercher et se laisse charmer par le son du saxophone du ténor (ici) Julien Soro que je ne vous présente plus, car il joue (comme ses petits camarades dans une  tripotée de groupes), je suis aussi sensible aux interventions moins éclatantes mais tout autant soutenues du guitariste Paul Jarret. Quant au drumming intense et doux d’Ariel Teissier, il imprime une tension constante à cette musique de virtuoses qui ne mettent pas tant en avant une formidable maîtrise de l’instrument qu’un sens poétique incontestable et pourtant éphémère.

A écouter d’un trait et à programmer absolument.

 

Sophie Chambon

 

 

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30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 22:49

 

Jazz Xavier Richardeau, saxophone baryton et ténor, clarinette, Laurent Courthaliac, piano, Thomas Bramerie, basse, Romain Sarron, batterie, Véronique Hermann Sambin voix. 20-21 février 2017. Studio de Meudon. Jazz Family/Socadisc.

 

L’année Monk n’est pas finie et c’est tant mieux. Les fans ont déjà pu se rafraichir les idées (et les oreilles) avec le trio de Laurent de Wilde (et de ses brillants comparses, Jérôme Regard, basse et Donald Kontomanou, batterie) et revenir aux sources mêmes de Thelonious grâce à la réédition de ses enregistrements parisiens de 1954. L’hommage que rend le saxophoniste Xavier Richardeau vient nous rappeler que le grand-prêtre du bop aura aimé dialoguer avec des praticiens du ténor (Rouse, le fidèle, Coltrane, Griffin) et plus rarement du baryton (on se souvient du duo avec Mulligan en 1957). Baryton qui mène sereinement son chemin sur la scène hexagonale, Richardeau démontre ici qu’il peut aussi manier le ténor et même la clarinette. Il a choisi la voie du respect pour proposer une sélection de titres emblématiques de Monk, avec deux versions de l’inoxydable Round Midnight, offrant la possibilité de s’exprimer de belle manière à la (trop méconnue) chanteuse Véronique Hermann-Sambin. Les autres contributeurs sont également à féliciter, que ce soit le pianiste Laurent Courthaliac (habitué du répertoire de Monk) ou la rythmique (Thomas Bramerie et Romain Sarron).
Jean-Louis Lemarchand
Xavier Richardeau présentera son album avec son groupe les 2 et 3 décembre au Duc des Lombards (75001).

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30 novembre 2017 4 30 /11 /novembre /2017 22:33

Jean-Louis Lemarchand
 

Leur première rencontre a donné lieu à un livre « Le Roi René » (Editions Odile Jacob, 2016). Un an plus tard, René Urtreger et Agnès Desarthe se sont retrouvés en studio. Après l’écrit, et le récit d’une vie de roman, l’oral où l’écrivaine prête sa voix au pianiste légendaire. L’entente s’avère naturelle, l’exercice séduit par sa spontanéité. « C’était un bonheur », confie René Urtreger. « Chacun sait où l’autre est, René dans la musique, moi dans les mots », souligne Agnès Desarthe.  Cette écoute réciproque s’entend dans un album « Premier rendez-vous » où le jazz a toute sa place entre standards (Gershwin, Cole Porter, Bud Powell) chansons françaises, compositions des deux comparses, avec la complicité de musiciens de premier plan (Géraldine Laurent, Pierre Boussaguet, Simon Goubert, Alexis Lograda). Entretien en toute liberté et décontraction.

Les DNJ :  Avec ce duo, vous prenez un nouveau risque, à l’oral après l’écrit ?
René Urtreger : Oui le risque de recevoir une volée de tout ce que l’on veut , des épluchures …(rires)  .
Agnès Desarthe : René est un homme qui prend des risques depuis qu’il est né.  Il y a une très belle phrase de Virginia Woolf qui m’a toujours guidée dans tout ce que je fais : «  à quoi bon écrire si on ne se rend pas ridicule ». On peut élargir la formule : «  A quoi bon créer si on ne se rend pas ridicule ». En acceptant le risque, en allant au-delà de la convention, un tout petit peu au-delà de ce que l’on sait faire de ce que l’on a l’habitude de faire. Sinon ce n’est pas de la création.


DNJ :  Comment s’est établie cette relation entre le jazzman et l’écrivaine qui se concrétise par un disque ?
RU : Ce n’était pas du tout prévu au départ. Dans les entretiens qui  ont conduit à la confection du livre, Agnès avait exigé la présence d’un piano. Je pianotais, le répertoire était très varié. Agnès a commencé à chantonner.  Petit à petit, je l’ai vue s’affirmer, faire des progrès. L’idée est alors venue de faire un disque qui s’est concrétisée quand on a rencontré Vincent Mahey, un homme de prises de risques.
AD : Il n’était absolument pas question de faire un disque. René m’a donné deux conseils :

ferme les yeux  et écoute. Il m’a fait une remarque qui m’a beaucoup donné confiance par la suite, il m’a dit, je n’avais pas remarqué les paroles de cette chanson. Quand je chantais, il écoutait ce que je disais. Je m’intéressais au texte quand je chantais. Je me suis dit : si je peux raconter une histoire à ce musicien qui a entendu cette chanson dix mille fois, cent mille fois.

DNJ : S’attaquer à Body & Soul, c’est en quelque sorte  l’Everest pour un chanteur ?

AD : L’avantage du novice, c’est qu’il ne sait pas à quoi il s’attaque. Pour moi il y a Au clair de la lune, Il était une bergère, Body & Soul. (sourire) Quand j’aborde Body & Soul, je ne pense pas à telle ou telle chanteuse ou tel ou tel chanteur qui l’a interprété mais à l’esprit même de la chanson, l’histoire de l’âme et du corps. Qu’est ce que c’est que de donner, de son corps, de son âme ? Je raconte cette histoire-là. Et c’est cette façon d’aborder les choses qui a permis d’éviter ce déséquilibre entre nous, le grand musicien qui a une emprise-René n’est pas du tout comme cela- et l’autre qui est dans la révérence.
RU : J’ai dit à Agnés, une fois : « écoute-moi, écoute le piano ». Je dis cela à toutes les chanteuses : « écoute les gens qui sont autour de toi » parce qu’il y a tellement de musiciens qui n’écoutent qu’eux-mêmes et c’est peut-être une part de trac. Alors que, prenez l’exemple de Miles Davis, et c’est ce qui fait sa grandeur ; ses silences, ses fameux silences, ils permettent à l’auditeur d’écouter tout ce qu’il y a autour. Il y a des moments où Miles pense qu’il doit s’interrompre car ce qu’il pourrait jouer ne sera pas mieux que ce qu’il y a autour de lui. C’est cette notion-là que j’ai exposée à Agnés.

DNJ : Vous avez laissé l’interprète s’exprimer avec toute sa fraîcheur ?

RU : Dans la musique de jazz, que je défends depuis fort longtemps, il y a quelque chose d’imparfait. Le jazz est parfaitement imparfait comme musique. Si l’on ne fait pas confiance aux gens, si l’on a peur du risque, de l’improvisation, si on a les jetons (sic), il vaut mieux faire autre chose, écrire note pour note. Si tout est écrit, ce n’est pas de la musique de jazz. Même dans des orchestrations de Kenton,  Herman, et Basie encore plus  il y avait la part écrite et la part de la liberté donnée à l’interprète qui allait prendre un solo. Cela pouvait être super bien ou pas bien. Il faut prendre ce risque-là.

DNJ : Le choix de la chanson «  Le premier rendez-vous » c’est un clin d’œil à votre rencontre qui a mené à cette aventure artistique ?

AD : C’est René qui a eu l’idée. Il avait le souvenir de cette chanson (musique de René Sylviano, pseudonyme de Victor Caffot Sylvere et paroles de Louis Poterat) Premier Rendez-Vous, qu’interprétait Danielle Darrieux dans le film éponyme d’Henri Decoin en 1941. Pourquoi ne pas reprendre une chanson très française et en faire quelque chose de nouveau et lui donner une âme jazz ?.

RU : J’ai vu ce film à 8 ans. L’idée m’est venue de reprendre cette chanson qui était bien foutue (sic) harmoniquement, l’équivalent de Cole Porter ou Gershwin et de la moderniser avec des rythmes latinos et des harmonies « davisiennes ». Cette chanson est une merveille. J’aime la fragilité avec laquelle Agnès chante. cette chanson qu’elle connaissait à peine. J’aime le duo entre Géraldine (Laurent) au saxo et Alexis (Lograda)  au violon et cette fin déchaînée qui n’a rien à voir avec l’esprit du début.

DNJ : Comment s’est effectué le choix des titres du disque ?

AD : On n’avait pas établi une liste. Chacun des musiciens a fait des propositions.

RU :  Il n’y avait pas de plan précis. C’est parti comme cela. Pierre (Boussaguet) a eu l’idée de Bouncin with Bud, Géraldine Just One of Those Things. (pause) C’est un disque de jazz que l’on a fait.
Propos recueillis par Jean-Louis Lemarchand
 

Premier rendez vous. René Urtreger-Agnès Desarthe. René Urtreger, piano, Agnès Desarthe, voix, Géraldine Laurent, saxophone alto, Pierre Boussaguet, basse, Simon Goubert, batterie, Alexis Lograda, violon. Studio Sextan-La Fonderie. réalisation Vincent Mahey. mai/juin 2017. Naïve
En concert le mardi 5 décembre à 20 h 30 au New Morning (75010) à l’initiative du Sunset-Sunside avec la formation du disque, Jean-Philippe Viret remplaçant Pierre Boussaguet.

 

 

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28 novembre 2017 2 28 /11 /novembre /2017 18:13

Diego Imbert (contrebasse), Enrico Pieranunzi (piano), André Ceccarelli (batterie), Pierre Bertrand (arrangements), Johann Renard & Caroline Bugala (violons), Grégoire Korniluk & Paul Colomb (violoncelles), Stéphane Chausse (clarinette), Anne-Cécile Cuniot (flûte), Ariane Bacquet (hautbois)

Meudon, 28 février, 1er mars & 26 avril 2017

Trebim Music TREBMUS 054 / l'autre distribution

Le vieux rêve, vif et persistant, du jazz avec cordes. D'autant plus vif, et légitime chez Diego Imbert, qu'il joue précisément d'un instrument à cordes. Et le fait qu'il joue majoritairement en pizzicato ne change rien à l'affaire. Très beau trio, celui du disque «Ménage à trois», publié l'an dernier. Avec cette fois le renfort de cordes et de bois, arrangés par Pierre Bertrand. Le sujet, le thème (plus qu'un prétexte!) c'est Charlie Haden, pour lequel Diego Imbert a une véritable passion, et avec qui Enrico Pieranunzi a joué (et enregistré) à maintes reprises. Le disque commence avec une mélodie emblématique du contrebassiste américain, First Song. Quatre mesures d'intro de cordes et bois, thème effleuré, écriture dense et soignée, puis vient la basse avec le thème, et l'orchestre qui tisse des liens plutôt subtils. Quand vient le piano en paraphrase sinueuse, les cordes surlignent les harmonies, avant que les bois ne libèrent quelques dissonances appuyées. Dans son solo, le piano s'évade de la contrainte mélodique avec superbe avant d'y revenir, en majesté. Dans la plage suivante, valse composée par Diego Imbert en hommage à Charlie Haden, et après un beau solo de basse, Stéphane Chausse sort du rang pour un solo de jazzman. Puis c'est le tour du pianiste d'apporter une composition, simplement intitulée Charlie Haden : la bien nommée, car elle repose sur une de ces marches harmoniques mesurées qu'affectionnait le dédicataire, avant une mélodie tout aussi fidèle à son esprit. Dans Liberation Suite (en 3 parties), de Diego Imbert, on peut apprécier la force de l'arrangement qui soutient le solo de basse (en fait, semble-t-il, les parties orchestrales ont été arrangées et enregistrées après l'enregistrement du trio). Vient ensuite, en trio, Nightfall, signé Haden, que Pieranunzi avait enregistré avec lui (et Paul Motian) en 2003. Puis, toujours en trio, un tango de Diego Imbert (Last Dance) et un thème de Lennie Tristano, avant une composition du leader où l'orchestre dialogue avec les solistes. Toujours en trio un standard des années 50, In the Wee Small Hours of the Morning, dont la mélodie mélancolique colle à l'univers de Haden : très réussi, mais avec une bizarrerie : à 2'27'', après une gamme ascendante, survient un accord sans attaque, comme si la souris (le temps des montages au ciseau est révolu....) avait dérapé. Pour conclure l'inoxydable Silence, que Pieranunzi avait enregistré avec Chet Baker, Charlie Haden et Billy Higgins en 1987. Les bois et les cordes sont de retour : exercice difficile, car le chemin harmonique est très balisé, les échappées périlleuses, et le bassiste et le pianiste convainquent sur ce thème plus que l'arrangeur. Mais au total c'est un beau disque, et un bel hommage.

Xavier Prévost

En concert, avec cordes et bois, le 29 novembre 2017 à Paris au Studio de l'Ermitage, et à la Grange au Lac d'Évian le 17 décembre

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?time_continue=5&v=PJhMJbcvIj8

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