PIERRE DE BETHMANN MEDIUM
LA HUIT DVD
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2 films de GUILLAUME DERO
STANDARDS du Trio de PIERRE DE BETHMANN ET MEDIUM ENSEMBLE PARIS JAZZ FESTIVAL
Sortie le 5 février 2019
Premier des deux films de Guillaume DERO de ce DVD, le trio de Pierre de BETHMANN (Sylvain ROMANO à la contrebasse et Tony RABESON à la batterie) joue avec des standards. Ce projet donne visiblement beaucoup de plaisir au pianiste : avec deux pareils compagnons, véritables puits de culture, le choix de standards est un parcours amoureux, auquel il faut donner du sens, une recréation envisagée avec humilité, sans déformer les lignes pour le plaisir… Choisir par exemple la chanson de Laurent VOULZY “Belle Ile en mer, Marie Galante” parce qu’elle est tout simplement belle et qu’elle se prête-ce qui se vérifie admirablement, au cadre du jazz. On ressent très bien la diversité des influences et traditions avec d’Ivan Lins “Começar de novo” sur un rythme dédoublé ou la “Forlane” du Tombeau de Couperin de Ravel qui respecte la mélodie, l’exprime clairement avant de se lancer dans l’improvisation. Ce qui montre une belle déférence, une distance teintée de respect.
"La forlane" est un choix peut être moins évident que “Le chant du partisan”, qui, sur près de dix minutes, retravaille le rythme, lancinant puis intense avec un solo formidable de Sylvain Romano. Tony Rabeson n’est jamais en reste, un des magnifiques percutants du jazz, qui aux balais est de la plus grande finesse. Le pianiste lui même avec ce trio donne la pleine mesure de son amour du rythme dans un jeu volontiers très rythmé et percussif. La caméra qui se fixe sur le jeu, les mains, les gestes plus que sur les visages.
Un très bon et beau concert enregistré au Théâtre de St Quentin en Yvelines le 23 Mai 2017.
On suit à présent dans un autre projet très différent mais complémentaire de son activité de musicien, le travail de l’ensemble Medium.
Sixième étape d’un projet initié il y a près de vingt ans, en 2002, ILIUM que le pianiste Pierre de BETHMANN a développé en diverses formules du quartet au sextet avant de se lancer dans un ensemble de 12 solistes.
Alors que vient de sortir le 3ème album de Medium Todhe Todhe, après Exo et Sisyphe, la HUIT nous livre un concert enregistré en live au festival de Paris, au Parc Floral, le 6 juillet 2014.
Ce formidable ensemble, composé quasi exclusivemement de soufflants, avec un vrai vocabulaire de solistes aguerris mais à l’“ego mesuré” selon les mots du chef, fait sonner le collectif sur ses compositions reéarrangées pour entrer dans ce projet d’écriture à long terme. On entend successivement Stéphane Guillaume au ténor dans un long solo passionnant et free, Sylvain Beuf à l’alto dans une intervention d’un autre lyrisme, plus coltranien, et enfin le saxophoniste ténor David El Malek tout aussi convaincant; dans cette formation très masculine, la chanteuse Chloe Cailleton tire son épingle du jeu, sans se livrer à des élucubrations vocales trop appuyées, sa voix se fondant dans la masse sonore du collectif, son chant se tressant dans les autres timbres instrumentaux, ou se détachant dans les interventions en duo avec Stéphane Guillaume, à la flûte cette fois.
Le filmage est au plus près, en gros plans serrés sur les mains des instrumentistes, les isolant en plein effort : la section rythmique intense et nerveuse, ne relâche jamais la tension mais sans la moindre esbroufe, Franck Agulhon toujours vif mais comme assagi dans ce contexte et Simon Tailleu très concentré. La caméra sait aussi enregistrer les mouvements d’ensemble sur de très beaux tutti et saisit comment le pianiste fait swinguer son Fazioli.
Toutes ses longues pièces sont entrecoupées d’une interview de Pierre de Bethmann qui explique clairement son travail (interview et solo au studio ALEA à Ivry sur Seine, le 22 juillet 2014). On comprend mieux qu’avec son insistance charmante, le pianiste joue ce qu’il aime quand il est touché à vif, que l’émotion surgit tout en ne lui faisant jamais perdre de vue la cohérence. Et ça sonne toujours car tous les musiciens s’y retrouvent. A ce stade de l’histoire de la musique, alors que tout ou presqu’a été dit, écrit, joué, il demeure excitant de se réapproprier des influences disparates, de donner des propositions nouvelles, retravailler la forme, la conception du rythme, des “détails harmoniques”. Et de trouver la juste place du passage à improviser alors que l’écriture est volontairement complexe, avec multiples ramifications où les solistes doivent se couler et s’intégrer. Des contraintes fortes mais stimulantes pour des musiciens de talent qui y trouvent leur compte et leur justification. Une histoire avec des acteurs qui évoluent sur une syntaxe dont aucune règle n’est immuable.
Pierre de Bethmann révèle ainsi sur la distance, ce qui le motive et l’agit. Ressource, énergie, intensité que son physique peut révéler. Cette flamme qui le consume, c’est le plaisir addictif de jouer.
Sophie CHAMBON