C'est le privilège de suivre un label que de découvrir de temps à autre des "curiosités" comme cette B.O très suggestive, créée pour illustrer un film documentaire, CY DEAR, sur le peintre américain CY TWOMBLY dont figure sur la couverture une reproduction de "Fifty Days at Iliam "( Part V- The Fire that consumes all before it).
Ce grand artiste de l'abstraction lyrique qui a influencé nombre de jeunes peintres dont l'un des plus célèbres, JM Basquiat, est l'objet d'une exposition actuelle à la Fondation Vuitton, où l'on peut ressentir une filiation par l'usage de listes et de mots sur ses toiles... Car Twombly, exilé volontaire en Italie, use d'un vocabulaire tout en graffitis, inscriptions, souvent se référant à la mythologie,irruptions de couleurs mettant en scène une nature incontrôlable, pour structurer une peinture de la mémoire, le flux et reflux du temps, du transitoire.
Une abstraction météorologique, atmosphérique, voire stratosphérique, pourrait-on dire en entendant ces nappes de son tirées de guitares, couche après couche, avec des échos, délais et réverbérations qui entretiennent cet aspect ouaté de sensations perçues comme à travers un rêve. Le compositeur confirme qu'il a "commencé à chanter des harmonies qui entraînaient la pièce de plus en plus profondément dans les eaux de la mémoire, où tout commence à s'estomper et où seules les émotions flottent". D'où les titres des thèmes de cette longue suite "To make things float", "From a distance", "Swirling colours", " Near by distance". Comme des filaments qui s'effilochent d'une mémoire désagrégée.
Cette sensation d'engourdissement progressif peut renvoyer fugitivement aux accents saturés des guitares hallucinées de Neil YOUNG, dans la B.O de DEAD MAN, de Jim JARMUCH, bien que plus violents et fragmentés. C'est que dans la bande son de Bernocchi, nous ne sommes plus vraiment sur terre. On peut penser alors puisque seule l'oreille est sollicitée avec le CD à un autre film expérimental, l'ERASERHEAD de DAVID LYNCH.
Une musique très cinématographique, où l'on entendrait des voix irréelles,intercalées de dreams non moins étranges, reprenant le même trame. Un climat insolite, tout un arrière-pays dans une tonalité sourde plus aquatique (peu d'évocation de ce feu qui consume tout qui renvoie au titre de la peinture de Cy TWOMBLY, évoquant l'ILIADE, l'enfer de la chute de Troie qui prit 50 jours. C'est en tous cas dans de drôles de voies, des espaces obliques que nous entraînent ces sons, nous devenons ce voyageur immobile, en partance pour un ailleurs indécis, le monde floconneux des perceptions. Hypnose, fantasmagorie, dimension poétique pour cette éternité en musique d'ccompagnement d'un cinéma virtuel qui se projette dans notre tête.
Ce serait une autre histoire si nous pouvions visionner en même temps le documentaire sur le peintre... Let's wait and see!
Pour compléter les comptes rendus précédents, quelques souvenirs et photos des trois derniers jours de l'édition 2018 du 'Nevers D'Jazz Festival', laquelle s'est terminée le samedi 17 novembre par un concert décevant de James Carter (photo ci-dessus), enfermé dans une ostentation qui ne rend pas justice à son (très grand) talent d'instrumentiste et de musicien.
L'avant-veille, jeudi 15 novembre, nous nous étions régalés à l'écoute du trio Ikui Doki, improbable mélange d'instruments (sax/clarinette, basson/voix, harpe celtique) au service d'un cocktail musical où Debussy croise le répertoire Renaissance avec des escapades vers le jazz, les éclats du rock, et autres musiques d'aujourd'hui. Six heures plus tard le saxophoniste du trio, Huges Mayot, présentait sur une autre scène son groupe « What if ? », où le piano électrique de Jozef Dumoulin, métamorphosé jusqu'à l'inouï par une savante cohorte d'effets, fait écho à la batterie de Franck Vaillant, qui habille le binaire d'aventureuses polyrythmies, et à Joachim Florent, dont la guitare basse chante et gronde à souhait.
Re Focus, le groupe avec cordes de Sylvain Rifflet, était sur les traces de « Focus » d'Eddie Sauter. Le saxophoniste a su évoquer Stan Getz sans demeurer prisonnier du concept, et tout en faisant sa propre musique. Nous avons ensuite écouté l'accordéoniste Daniel Mille (avec trois violoncelles, et la contrebasse de Diego Imbert) dans un hommage d'un lyrisme appuyé au compositeur-bandonéoniste Astor Piazzola.
Le lendemain midi, la journée de concerts commençait avec Laura Perrudin, harpiste-chanteuse en solo, virtuose des effets électroniques et des boucles superposées (tout en temps réel, pas de séquençage) : belle leçon d'usage technologique qui ne brime ni l'expression ni le talent. En fin d'après-midi, au théâtre, Gauthier Toux donnait en trio un bel aperçu de ses talents de pianiste, de compositeur et d'improvisateur.
Retour ensuite à la Maison de la Culture pour écouter le grand orchestre 'Collectiv' du vibraphoniste Franck Tortiller, très belle machine bien rôdée, avec de très bon solistes (beaucoup de jeunes talents bourguignons), et une musique qui caracole de Mingus à Zappa en passant par les compositions du leader, lequel n'a oublié ni Gil Evans, ni le big band 'Word Of Mouth' de Jaco Pastorius, ni le 'Vienna Art Orchestra', dont il a été membre pendant des années. Et la soirée s'est terminée en beauté avec le saxophoniste Steve Coleman et son groupe 'Five Elements', avec un parcours labyrinthique entre les rythmes mouvants, les cellules mélodiques, les leitmotive et le saillies improvisées, avec çà et là des standards, à la lettre (Cheek to Cheek), ou au contraire passés à la moulinette (Giant Steps), et en rappel un Salt Peanuts très direct, dans la pure tradition bop, histoire de rappeler que la prospective musicale conserve la mémoire du jazz : passionnant d'un bout à l'autre !
Le lendemain, dernier jour du festival, le concert de midi (et quart !), dans la petite salle de la Maison de la Culture, accueillait Claude Tchamitchian dans un solo d'une formidable richesse musicale, joué sur la contrebasse du très regretté Jean-François Jenny-Clark, basse prêtée par Anne Jenny-Clark.
Un prêt motivé par le recours à un accordage particulier, qui enrichit les horizons de l'improvisation, mais ne permet pas d'utiliser un instrument que l'on joue régulièrement avec l'accordage traditionnel en quartes. Claude Tchamitchian a parcouru sa propre histoire, avec des références à ses deux disques en solo, à ses racines arméniennes, et il a aussi évoqué les rythmes du Sacre du printemps : un grand moment de musique.
En soirée un autre contrebassiste assurait dans la grande salle la première partie. le Suédois Lars Danielsson a donné en quartette une musique lyrique, souvent fondée sur de motifs simples, propices tremplins à de belles digressions pour lui et ses partenaires. Et le festival s'est terminée avec James Carter, entre des compositions de Joe Sample ou Roland Kirk, et un rappel sur Nuages de Django Reinhardt. Déception (évoquée plus haut) du chroniqueur, même si une bonne part du public semblait ravi....
Allan Harris, vocal, Eric Reed, piano, Willie Jones III batterie, George de Lancey, basse, Richie Cole, saxophone alto, Ralph Moore, saxophone tenor. Yamaha Studios, New York.2018. Resilience Music Alliance.
Il n’est pas trop tard pour réhabiliter Eddie Jefferson ! Mettons à profit le centième anniversaire de la naissance (1918) du chanteur entré dans l’histoire du jazz pour avoir, sinon inauguré, du moins généralisé, dès 1939 au sein de l’orchestre de Coleman Hawkins, le style vocalese. Ce traitement consistant à adapter des paroles sur des thèmes instrumentaux fut popularisé par King Pleasure qui devança de quelques mois dans le témoignage discographique le natif de Pittsburgh. Ce (mauvais) coup du sort, qui permet à Jefferson de figurer dans « Petit dictionnaire incomplet des incompris » d’Alain Gerber (Editions Alter Ego), n’a pas empêché le chanteur de marquer les esprits et de gagner la considération de voix émérites du jazz (Jon Hendricks, les Double Six, Manhattan Transfer…). Doté d’une profonde voix de baryton, le chanteur new-yorkais de Harlem Allan Harris se livre à un hommage de belle facture à Eddie Jefferson. Son répertoire inclut des thèmes des années 40-60, Billy’s Bounce (Charlie Parker), Sister Sadie (Horace Silver), Dexter Diggs (Dexter Gordon), So What (Miles Davis). L’esprit de Jefferson est bien présent au sein de ce groupe réuni par Allan Harris (62 ans), à commencer par le saxophoniste alto Richie Cole qui, souligne Alain Gerber, relança la carrière d’Eddie Jefferson dans les années 70 par son énergie communicative. Hélas, Richie n’était pas là pour servir de bouclier à son idole abattu de quatre balles de revolver à la sortie d’un club de Detroit le 9 mai 1979. Le mystère reste entier sur les motifs de ce crime (erreur sur la personne ?). Toujours est-il que le talent d’Eddie Jefferson, virtuose vocal innovateur, mérite amplement l’hommage rendu ici par Allan Harris, avec vivacité et allégresse.
Jean-Louis Lemarchand
Allan Harris est en concert au Duc des Lombards (75001)les 19 et 20 novembre à 19 h 30 et 21 h 30
Troisième journée chargée pour le chroniqueur, tout absorbé par les travaux d'écriture en retard pour cause de pérégrinations endeuillées. Arrivé sur place quand le public a quitté la salle, j'aurai manqué la version de L'Histoire du Soldat donnée par le Quartet Novo, sur le texte de Charles-Ferdinand Ramuz, avec une musique du contrebassiste Pascal Berne et des allusions à la version de Stravinski. Mais au cours de la journée j'aurai largement profité des autres concerts, avec le duo Foltz-Mouratoglou, le quartette de Benjamin Flament, le groupe de François Corneloup, et le trio DaDaDa de Roberto Negro.... sans Roberto Negro !
JEAN-MARC FOLTZ & PHILIPPE MOURATOGLOU «Legends of the Fall»
Jean-Marc Foltz (clarinette, clarinette basse), Philippe Mouratoglou (guitares, voix)
Nevers, Maison de la Culture, salle Jean Lauberty (petite salle), 14 novembre 2018, 12h15
Ce n'est pas «midi le juste» cher à Paul Valéry, c'est midi et quart, l'heure du concert, mais le recueillement est le même, et le paradoxe de Zénon («cruel Zénon ! Zénon d'ailée....» est à l'œuvre : comment le mouvement est-il une succession d'instants immobiles ? La réponse du duo est limpide : inspirées par le recueil de nouvelles de Jim Harrison (traduit en français sous le titre Légendes d'automne), ces musiques souvent plus que lentes, et tissées d'une infinité de nuances ténues, presque statiques, nous mettent en mouvement ; le mouvement de l'émotion ; bref elles nous émeuvent. Les compositions sont empruntées majoritairement au disque éponyme, enregistré en 2107. Philippe Mouratoglou opère par touches successives d'harmoniques extrêmement riches, très bien servies par la sonorisation, et la clarinette basse déploie sont chant, retenu et intense. On est au royaume de la nuance, comme composante de l'expression forte, et lyrique. Lyrique aussi sera cette pièce assez folky dédiée à Joni Mitchell, puis une composition extraite du nouveau CD «Nowaten», qui paraîtra deux jour après le concert : chaque note de guitare est comme sculptée, et les traits de clarinette sont autant de prières à une divinité de l'émoi. J'entends ici souffler l'esprit de Don't Explain, immortalisé par Billie Holiday autant que par Helen Merrill. La résolution harmonique est susurrée, comme une ultime confidence. Au retour de la clarinette basse, dans la pièce suivante, percera une certaine passion impétueuse, mais sans se départir jamais du Grand Art de la nuance. Suivra un espace d'improvisation modale évocatrice d'horizons infinis, et en fin de concert, avant et pour le rappel, la voix de Philippe Mouratoglou nous offrira deux blues de Robert Johnson que le duo avait enregistrés en 2012 avec le renfort de Bruno Chevillon : plasticité du timbre, beauté de l'expression, le guitariste est aussi un chanteur proche de la perfection. Et les clarinettes disent avec évidence la beauté d'un chant retenu autant qu'expressif. Comme une idée, dicible autant qu'il se peut, de la beauté.
Pendant l'émission Open Jazz où Alex Dutilh reçoit, en direct sur France Musique depuis le bar de la Maison de la Culture, Sophia Domancich, Michele Rabbia et François Corneloup, va commencer au théâtre, à quelques centaines de mètres de là, tout près du Palais Ducal, le concert du groupe de Benjamin Flament.
Nevers, Théâtre municipal, 14 novembre 2018, 18h30
On connaît ici, et un peu partout en France, Benjamin Flament, un enfant du Pays nivernais révélé notamment, au vibraphone, au sein de l'ensemble Radiations 10, avec lequel il avait joué dans ce théâtre, avant sa fermeture pour travaux, voici une dizaine d'années. On le retrouve devant un set de percussions de sa fabrication, où la grosse caisse et d'autres éléments de batterie côtoient un ensemble de cloches, et autres objets mystérieux. En ouverture, un ostinato rythmique de l'euphonium débouchera sur un intermède ouvert des autres instruments, avant un retour du rythme via le trombone. Le rythme est ici prépondérant, mais pas métronomique : on oscille entre l'esprit des musiques répétitives états-uniennes et la roue excentrée, et excentrique, dont le mouvement hante parfois la musique baroque jusqu'au vertige. Le dialogue entre les instruments est vif, et presque permanent. Quelques minutes plus tard le violoncelle donnera, en pizzicato, une suite de notes qui paraissent surgies d'une partita de Bach. Rejoint par la guitare, les percussions, puis le trombone pour une mélodie mélancolique et une série de variations, le groupe nous entraîne ensuite dans une atmosphère qui rappelle Purcell. Après une entrée du groupe par effraction dans le thème suivant, comme dans une intro de King Crimson, les solos se déchaînent et se répondent. Dans ce répertoire inspiré par les chants pygmées, les fermiers tanzaniens et d'autres musiques issues d'un monde lointain, Benjamin Flament fait place à l'évocation d'un petit village de la campagne nivernaise : lente cérémonie lyrique, pleine d'intensité et de grâce. Vient ensuite un tumulte dans une énergie presque destroy : le rythme installé, avec une série de ruptures, le tromboniste se saisit d'une sorte de flûtiau ou de sifflet à coulisse qui emballe le rythme jusqu'au déchaînement, avant retour en accalmie de tous vers la coda. Et nous serons ainsi conduits jusqu'au terme du concert, de nuances lyriques en fracas, avec détour par l'esprit du rock progressif, et tout au long des rythmes saisissants, des couleurs inattendues, et des solistes d'une belle expressivité. Réussite totale donc, pour ce groupe auquel on peut promettre un bel épanouissement artistique.
Nevers, Maison de la Culture, grande salle, 14 novembre 2018, 20h30
Le pianiste Roberto Negro, leader et compositeur du groupe, étant retenu en Italie par la naissance, la veille du concert, de sa fille Rossella, c'est Manu Codjia qui palliait son involontaire défection. Il faut dire que le guitariste est, depuis des années, un ami et complice musical d'Émile Parisien, autre pilier du trio, auquel incombait la lourde tâche de présenter le répertoire du leader, avec un humour décalé. Changement d'instrument, et de musicien, sur les mêmes compositions : la musique s'en trouve transformée, mais l'esprit demeure, qui mêle parfaite musicalité, audace, fantaisie et extrême intensité lyrique. Le saxophoniste est évidemment au premier plan quand il s'agit de s'envoler dans l'impro sans filet, jusqu'au vertige (et jusqu'à retomber sur le temps après mille pirouettes). Manu Codjia n'est pas en reste, qui tisse des arpèges et des harmonies proches de l'inouï derrière chaque soliste, sans s'interdire des éclats considérables quand l'espace s'offre à lui. Et Michele Rabbia, aux percussions comme à l'électronique, s'engouffre dans cet espace nouvellement inédit pour libérer sa verve, aussi turbulente que poétique. Bravo les g ars, Roberto sera fier de vous, et de l'amitié que vous lui avez témoignée en étant, en cette circonstance particulière, plus qu'à la hauteur de l'enjeu, en donnant un très très beau concert.
François Corneloup quintet pendant la balance
FRANÇOIS CORNELOUP QUINTET «Révolut!on»
François Corneloup (saxophone baryton, composition), Sophia Domancich (piano électrique), Simon Girard (trombone), Joachim Florent (guitare basse), Vincent Tortiller (batterie)
Nevers, Maison de la Culture, grande salle, 14 novembre 2018, 22h15
Un nouveau groupe, dont la primeur fut donnée à l'Europajazz du Mans en mai dernier. Et la suite d'une aventure qui continue, de concert en festival (Nantes, Jazz'Hum'Ah !, Berlin....). Musique sous influences multiples, en raison notamment de la présence au sein du groupe de trois jeunes musiciens, aux côtés de celui et celle qui sont des 'pointures' avérées de la scène hexagonale (et européenne) depuis quelques lustres. Musique très vivante, aux foucades bienvenues, au lyrisme vrai, qui va se déployer très ardemment, entre les improvisations cuivrées de Simon Girard, le foisonnement polyrythmique de Vincent Tortiller, la pulsation irrépressible de Joachim Florent, ce délicieux mélange de rage et de douceur propre à François Corneloup, et le parcours aventureux de Sophia Domancich, sur tempo lent comme dans les déboulés sur le fil. Bref une belle musique qui vous attrape et ne vous lâche plus, à déguster 'sur le vif', en attendant un disque à venir : pas de précipitation, c'est la vie de la scène qui porte un tel projet à son point idéal maturation.
Xavier Prévost
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Ce concert sera diffusé dans le 'Jazz Club' de France musique le samedi 17 novembre 2018 à 19h, puis disponible ensuite en ligne
Label Arts et Spectacle 2018no
Aurore Voilqué (vl, chant), Angelo Debarre (guitare solo), Mathieu Chatelain (guitare rythmique), Claudius Dupont contrebasse
On avait laissé Aurore Voilqué avec plusieurs albums dans lesquels elle avait mis un peu en retrait ses talents de violoniste grapellienne pour se lancer dans une carriere de chanteuse, sans je dois l'avouer vraiment parvenir à (me) convaincre.
Mais voilà, alignement des astres, alignement des rencontres, magie de ces standards magnifiés, avec ce nouvel album le pari aux accents manouche est ici totalement réussi. Car il fallait à Aurore à la fois le repertoire à chanter mais aussi l'association à un guitariste de génie, de l'espace pour s'exprimer au violon et enfin retrouver l'âme du jazz manouche qui lui va si bien.
Son association avec Angelo Debarre est absolument bluffante ( l'ecouter sur cette version renversante de I'll never smile again où le guitariste par la voix (la voie ou la soie) de son instrument se fait lui même chanteur. Mais quel magicien de la six cordes ! (comme sur cet incroyable morceau de bravoure virtuose sur Chinatown). A chacun de ses chorus, chaque note porte en elle plus que la musique parce que chacune de ses notes est essentielle.
Et Aurore ? Elle lui emboite le pas sans complexe. Qu'elle soit au violon ou qu'elle chante elle même, tout se passe comme si elle se trouvait libérée, follement libre et heureuse ( my melancholy baby qui inspire tout sauf la melancolie). Lorsque Aurore chante qu'elle aime Paris au mois de mai, on a envie de la suivre dans les rues joyeuses dd la capitale et de regarder sa robe légère voler au vent. Et dans ses chorus là encore, toute l'expression de l'âme.
Entre Angelo Debarre et Aurore Voilqué c'est fusionnel.
Et avec nous ? Pas qu'un peu !
Jouissif.
Jean-Marc Gelin
Ce jour-là le chroniqueur, contraint de déserter Nevers de l'aube jusqu'au début de soirée pour assister à la crémation d'un proche dans le Grand Est, a manqué les concerts de la Compagnie Ektos, et de François Perrin. Huit heures de train entre l'aller et le retour, dont presque une heure d'arrêt sur les voies pour cause d'incident de signalisation, et le poids d'un deuil : journée longue et lourde, dont le concert du soir fut l'heureuse conclusion.
RÉGIS HUBY 'The Ellipse', Music for large ensemble
Plaisir de revenir dans ce théâtre rénové auquel on a rendu ses ors, et pour une aventure musicale assez exceptionnelle. J'avais manqué la création à Malakoff l'an dernier pour cause d'indisponibilité, et quand ce fut donné à Marseille, au festival 'Les Émouvantes', j'avais du quitter la ville au matin du concert pour cause d'obligations diverses. Bonheur donc de réparer un double ratage personnel.
L'œuvre est monumentale : plus d'une heure en trois mouvements enchaînés. Et pourtant l'attention est captée, à tous les instants. On part d'un mouvement répétitif dont la présence sera récurrente, au fil du concert. Un balancement qui se compte souvent, me semble-t-il, en rythmes multiples de 3 : 6/8, 12/8. C'est mouvant, et c'est moteur. Je retrouve de très anciennes impressions d'écoute des années 70 : 'Centipède', le groupe aux cinquante musicien(ne)s de Keith Tippett, ou dans un autre registre, et quelques années plus tard, Einstein on the Beach, de Philip Glass. Illusion d'amateur ? Peut-être, mais c'est cela qui parle à ma mémoire. De ce mouvement pendulaire surgissent, par glissement progressif ou effraction douce, des improvisations, en solo ou en duo (Sylvaine Hélary en dialogue avec Bruno Angelini ou Claude Tchamitchian). Et aussi, à un moment du concert, un quintette à cordes qui rassemble le trio issu du Quatuor Ixi (Régis Huby, Guillaume Roy et Atsushi Sakaï) et les deux contrebassistes à l'archet. Par le crescendo et le decrescendo, avec la pertinence de l'à propos, et sans la lourdeur de l'effet, s'installe une dramaturgie qui porte la musique de phase en phase, sans que jamais la rigueur assumée de la forme n'étouffe la vitalité de l'ensemble par un formalisme corsetant. Cela tient probablement, outre les grands talents de compositeur de Régis Huby, au fait qu'il a su rassembler autour de lui des instrumentistes qui sont d'abord des artistes, qui dirigent souvent leurs propres groupes dans des musiques originales et exigeantes, et sont aussi de formidables improvisateurs/trices. Outre les noms déjà cités, on se doit d'ajouter Catherine Delaunay, Matthias Mahler, Olivier Benoit, Jean-Marc Larché, Michelle Rabbia.... mais il faudrait citer tout l'orchestre ! On est frappé par l'engagement individuel de chacune et de chacun dans ce projet collectif, animé par l'un des leurs (beaucoup ont côtoyé le compositeur dans des groupes, et les connivences croisées sont nombreuses), et c'est là que semble résider l'absolue réussite : pas un orchestre d'égos, mais un groupe d'égaux, mus par l'amour exclusif de la musique. Réussite artistique absolue, saluée par un public aussi attentif qu'enthousiaste, et après le concert, dans le foyer du théâtre où l'artiste rencontrait le public, Régis Huby a parlé de sa musique de manière lumineuse et limpide.
Samy Thiébault (saxophone ténor, flûte alto, chœurs), Fidel Fourneyron (trombone), Hugo Lippi (guitares, chœurs), Ralph Lavital (guitares), Felipe Cabrera (contrebasse, chœurs), Arnaud Dolmen (batterie, chœurs), Inoa Sotolongo (percussions, chœurs)
Bruxelles,18-20 décembre 2017 & Paris 2 février 2018
Gaya Music GAYA 044 / l'autre distribution
Il existe un version en double disque vinyle avec un titre qui ne figure pas sur le CD
Une traversée, à la fois réelle et imaginaire, de la Caraïbe : «Pas à fond de cale. A fond de train parfois. Pourtant, elle commence tout en douceur. Comme pour apprivoiser les vents du large». C'est ainsi que Christiane Taubira évoque ce disque singulier dans le beau texte qui ouvre le livret du CD. Le saxophoniste a entrepris un périple intérieur vers le métissage dont il est issu en explorant la créolisation musicale de façon très personnelle, entre compositions originales et reprises. Les musiques de l'espace caribéen au sens large, de la Floride au Venezuela, s'y trouvent évoquées. Cuba croise les Antilles françaises, Porto Rico fait écho à Trinidad, et une évocation de Tanger rappelle que le saxophoniste, né en Côte d'Ivoire d'un père français et d'une mère marocaine, se sent partie prenante de ce monde créolisé. La musique circule en souplesse dans ces méandres musicaux dont l'unité, sans doute, réside dans une certaine idée de la vie, d'un regard à la fois sensuel et mélancolique sur un monde dont la rudesse n'affecte pas une certaine aspiration à la douceur. Belle brochette de solistes au sein du groupe, ce qui donne une disque très réussi, comme une nouvelle fenêtre ouverte sur l'identité d'un saxophoniste qui avait déjà offert de belles pages dans des registres différents. À découvrir urgemment !
Martial Solal, Histoires improvisées (paroles et musique)
Martial Solal, piano. Studio de Meudon, 29 juin 2018. JMS/PIAS.
L’improvisation, voilà un exercice dans lequel excelle Martial Solal. Voici un quart de siècle, le pianiste avait laissé libre cours à son imagination au cours de concerts dominicaux au studio 106 de Radio France retransmis en direct sur les ondes. « Maître de l’expression musicale spontanée » (André Hodeir), « compositeur de l’instant »(Xavier Prévost), Solal s’attaquait alors aux standards parsemés de ses propres compositions. Jean-Marie Salhani, qui avait produit l’album recensant ces performances (Martial Solal improvise pour France Musique. 2 CD. JMS.1994), a de la suite dans les idées. Il a réussi à persuader l’interprète-compositeur de revenir sur sa décision de « refermer son piano avec l’intention de ne plus enregistrer, de ne plus paraître en public ». Une seule règle était imposée, choisir dans un chapeau parmi 52 petits papiers évoquant des personnes, des situations ayant compté dans sa vie, personnelle et artistique. Joignant le verbe –par une brève introduction, savoureuse, pour chaque titre- aux notes, Martial Solal nous présente ainsi ses mémoires aléatoires dans un pèle mêle où l’on retrouve des musiques de films (A bout de souffle, Léon Morin prêtre), des hommages à des géants (Ellington, Basie, Gillespie, Liszt), des souvenirs (Alger, sa ville natale, Lee Konitz), un coup de chapeau (Manuel Rocheman), sans oublier sa famille (charmante comptine à sa petite fille Amalia) pour s’achever sur un titre très Solalien, « N’importe où » (« je mets mes doigts n’importe où »). Le temps ne fait rien à l’affaire : Martial Solal (91 printemps), surprend, dépayse, amuse. « J’ai joué de la même façon que je le ferais chez moi, le matin, pour divaguer sur le clavier », confie-t-il dans le livret. On attend déjà la suite ; dans les « petits papiers » non dépliés, il reste entre autres Marius Constant, Madame Gharbi, son premier professeur de piano, André Hodeir, Village Vanguard- où il fit la réouverture du club après le 11 septembre- ou encore Aimé Barelli, trompettiste et chef d’orchestre populaire qui le fit travailler au début des années 50. Il est comme cela Martial Solal, il sort toujours quelque chose de son chapeau, ce que définit ainsi le dictionnaire « il trouve comme par magie un argument dont il a besoin ».
Jean-Louis Lemarchand
Martial Solal sera en concert en solo à la salle Gaveau (75008) le 23 janvier 2019.
Plaisir de retrouver les Bords de Loire dans une atmosphère d'été indien quand il fait un pluvieux temps d'automne en région parisienne.
L'embellie sera de courte durée car la pluie rejoindra Nevers dans l'après-midi, mais le plaisir reste intact.
Thomas de Pourquery par Erwann Gauthier
Après une visite de l'exposition 'La Couleur du Jazz', dessins, peintures et photos d'Erwann Gauthier, le moment est venu d'écouter Édouard Ferlet.
ÉDOUARD FERLET solo «Think Bach op. 2»
Édouard Ferlet (piano, piano préparé)
Nevers, Maison de la Culture, petite salle, 12 novembre 2018, 12h15
En préambule, Édouard Ferlet s'adresse au public, pour dire son plaisir d'être là (après une premier concert deux jours plus tôt au sein du trio 'Aïrés') pour donner en solo ce programme autour de la musique de Jean-Sébastien Bach. En cours de concert, il dévoilera par ses commentaires les différentes modalités de sa démarche de réinterprétation-digression-improvisation. Et il élucidera encore les mystères de l'arrière-cuisine artistique une heure plus tard, lors de la rencontre quotidienne entre le public et les artistes de ces concerts de 12h15. Le programme est celui du second volume sur CD («Think Bach, Op .2», Mélisse, 2017) d'un travail amorcé voici plus de 6 ans. Mais le concert en donne une version différente, dans la mesure où se mêlent des parties écrites originelles (celles de Bach), des parties transformées par la réécriture, et de larges espaces improvisés dans l'instant. D'ailleurs le concert commence par une improvisation, que le pianiste juge indispensable à sa mise en condition, pour déboucher sur fragment de Bach qu'il va tournebouler à souhait. Vient ensuite une séquence de piano préparé : la préparation se fait selon l'inspiration de l'instant, tout en parlant au public, pour éviter de perdre le contact. Là encore un thème de Bach se révèle, mais dans un phrasé inattendu, et avec des rythmes d'un autre univers. Et au fil des pièces Bach va croiser des gammes hispanisantes, des reconstructions thématiques bouleversées par un travail sur les partitions assisté ordinateur, un effet de bourdon provoqués par un mystérieux excitateur électro-magnétique, et différentes aventures sonres autour des Variations Goldberg. Et en rappel, en nous offrant une relecture respectueuse du Cinquième Concerto pour clavier et de son célèbre Largo, Édouard Ferlet va nous rappeler, d'une manière presque militante (et il a raison !) que Bach était un grand mélodiste. Bref, du début à la fin du concert, c'était une déclaration d'amour à la musique, et à celle de Bach en particulier, bien sûr !
THÉO GIRARD TRIO
Théo Girard (contrebasse), Antoine Berjeaut (trompette,bugle), Sebastian Rochford (batterie)
Nevers, Auditorium Jean-Jaurès, 12 novembre 2018, 18h30
Le trio va jouer essentiellement le répertoire du disque «30YearsFrom», enregistré en 2016. La musique est très directe, fondée sur une assise magistrale de la contrebasse, et une pulsation presque métronomique (mais non dépourvue d'écarts jouissifs) de la batterie. L'atmosphère est parfois celle des groupes qui firent la joie des jazzophiles des années 60 et 70, tendance Ornette/Don Cherry. Mais le propos musical n'est pas enfermé dans de telles références. Le goût des exposés segmentés et des phrases anguleuses, goût surgi dans les décennies suivantes, dit assez que l'on n'est pas dans la nostalgie. C'est vivant, très vif même, on vogue volontiers vers d'autres horizons. La trompette, et parfois le bugle, d'Antoine Berjeaut s'y emploient, déployant des lignes sinueuses au bout desquelles s'inscrit l'évidence de la forme. La contrebasse est ferme dans son rôle leader, mais elle n'écrase pas le sens collectif. La batterie semble imperturbable, et pourtant de joyeuses saillies émaillent son apparente impassibilité. On entendra dans l'une des pièces une atmosphère de marche écossaise qui sied aux origines du batteur, et pour le rappel Sebastian Rochford nous offrira, après un début binaire et plein de groove, un solo très ouvert qui s'envolera vers les explosions free jusqu'à revenir, decrescendo, vers un tempo plus classique. Musique vivante donc, et saluée chaleureusement comme telle par le nombreux public.
Les salles sont pleines, Le Jounal du Centre ne ménage pas ses efforts en faisant écho au festival, Philippe Jeanjean fait de même chaque soir à 17h30 sur la radio locale Bac FM, et le 14 novembe France Musique sera en direct du bar de la la Maison de la Culture.
Plaisir de revenir au théâtre après une longue période d'indisponibilité pour cause de rénovation. La salle 'à l'italienne' a retrouvé son éclat, mais les quelques strapontins qui complètent les rangées de sièges sont d'un inconfort problématique avec leur assise inclinée vers l'avant ; pas dramatique, d'autant que l'intensité du concert m'a fait oublier ce désagrément.... jusqu'au moment où je me suis levé : ma sciatique s'est réveillée en cette occasion !
'Living Being', le quintette de Vincent Peirani, est au milieu d'une tournée très étoffée qui parcourt la France, mais aussi la Suisse, l'Allemagne.... La vive intensité du groupe lui vaut une attention largement méritée. Le répertoire du concert est celui du second disque du groupe, «Night Walker» (Act/Pias distribution). Le concert ne duplique pas le disque, loin de là, l'ordre sera différent, même si comme le cd il commence avec Bang Bang, chanson des années 60 restituée avec un arrangement minimaliste d'une très grande finesse. Le ton est donné : très forte expressivité des solistes, dans un climat de groupe où chaque note et chaque accent rythmique sont au service de l'expression collective. Dans Unknown Chemistry, après un dialogue dense et mesuré entre Vincent Peirani et Tony Paeleman, la tension monte vers un tutti pop-rock où Émile Parisien va s'engouffrer jusqu'au vertige. La gestuelle hyper expressive du saxophoniste (indissociable de l'expressivité de son solo) contraste avec le côté plus statique de l'accordéoniste, qui propulse l'intensité de son expression sans en donner de signes extérieurs. Même chose quand Vincent Peirani se saisit de l'accordina, sorte d'accordéon à bouche ou de mélodica à clavier d'accordéon. L'échange avec le soprano est très intense. Après une ritournelle cubiste vient le suite concoctée autour de deux monuments du répertoire de Led Zeppelin, Kashmir et Stairway To Heaven. On monte encore d'un cran dans l'intensité, et Tony Paeleman met littéralement le feu avec une impro volcanique. Le groupe soigne les contrastes entre ces moments paroxystique et d'autres où, pour être moins violentes, les émotions ne sont pas moins intenses, par exemple pour le fameux air du génie du froid, tiré du King Arthur de Purcell : on part d'une intensité très mesurée, où l'accordéon joue parfaitement son rôle de 'boîte à frissons', puis dans un crescendo implacable le saxophone soprano nous conduit jusqu'à la transe extatique. Public emballé, à juste raison, deux rappels, et sensation palpable de bonheur chez toutes les personnes présentes.
Concert de sortie d'album / 7 Décembre à LA DYNAMO DE PANTIN mais également le 30 NOVEMBRE 0 AIX EN PROVENCE au PETIT DUC.
Un duo sensible et insolite que vous n’oublierez pas dès que vous aurez entendu cette "Biguine pour Sushi». La fantaisie est assumée dès le premier titre, l'émotion aussi. Quand ils entonnent une biguine ou une valse, ou reprennent ce paso doble "España cañi"que tout le monde connaît, même sans fréquenter les arènes, c'est pour mieux l'arranger ou le déranger. Comme des rappels d’un autre temps, réminiscences d’une histoire aimée, populaire, nostalgique. Ils dévoilent souvent le thème avec finesse et invention, se laissant aller au jeu des citations et associations libres. D’où une certaine familiarité que l’on ressent dès la première écoute. Ce Normand et ce Basque ont tous les deux animés des bals, voire commencé par là comme Michel Portal, ils reprennent d'ailleurs en le rafraîchissant "Passion", le tube de l'accordéoniste/bandonéonniste Tony Murena, très tôt attiré par le jazz. Christophe Monniot était d'ailleurs entiché à ses débuts en 2001, dans La Campanie des Musiques à ouïr, de notre Yvette Horner nationale et il eurent une vraie rencontre, un décalage d'oreille, ils avaient repris une composition du saxophoniste "La bourrée des mariés". Vous en souvenez-vous?
Dans l'imaginaire collectif, l'accordéon est associé à la musique populaire, au folklore et à la chanson. Instrument très complet, il est un véritable orchestre à lui seul, avec ses deux claviers, et plusieurs registres, comme sur un orgue.
Ce n'est pas pour autant du musette à l'image, hélas ringarde trop souvent, que jouent nos compères, c'est de la musique populaire savante.
Tout un répertoire à redécouvrir, des formes empruntées aux traditions, une certaine oralité, une musique différente en matière de phrasé et de sentiments. Certains morceaux sinuent autour d'images, d'obsessions clair obscur, tout un monde qu'ils explorent en funambules du sentiment, en affranchis de la rigidité des genres et des catégories. Ils créent des miniatures que l'énergie du live rehausse, des bibelots sonores exquis. Une musicalité savamment construite, dont le fond populaire est détourné avec une sophistication assumée. L'accordéoniste sait s'adapter, canaliser parfois certaines envolées de son comparse, vrai Pierrot lunaire. Ces deux là se cherchent et s'harmonisent avec élégance. Le deuxième titre "Nadir's"(C. Monniot) d'écriture complexe, paraît évident et lumineux à l'écoute. Et pourtant quelle mélancolie dans certains passages, dans le souffle déchirant du sopranino, vite contrebalancé par des pirouettes vertigineuses et ludiques. On entend tellement de nuances dans cette musique qui résonne en profondeur et réveille les sens, et toujours des échos insolites et nostalgiques au jazz des pères (Ellington, Gershwin même). Un équilibre irrésistible entre les deux musiciens, qui se complètent avec générosité.