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1 juillet 2017 6 01 /07 /juillet /2017 10:22

Kurt Rosenwinkel est un guitariste qui a inspiré une génération entière de musiciens. Le tournant qu’il prend aujourd’hui en a désarçonné certains et en tout cas intrigue sur le sens de ses nouvelles explorations.

A l’occasion de la sortie de son album Caipi » que le guitariste a sorti sur son propre label, Kurt Rosenwinkel était en tournée de promo. L’occasion pour nous de le rencontrer avant sa venue le 17 juillet au New Morning et de déchiffrer avec lui les lignes de ses nouvelles orientations musicales.


LES DNJ : Caipi a surpris beaucoup de monde à sa sortie. C’est un album très inhabituel par rapport à votre travail jusque-là. S’agit il d’un tournant pour vous ?


KURT ROSENWINKEL : La musique de « Caipi » m’est venue il y a pas mal de temps. Il y a plus de dix ans. Une chanson m’est venue comme ça, puis une autre plus encore une autre et j’ai commencé à réaliser que cela formait un nouveau genre dans mon propre univers musical. Et au bout d’un moment j’ai eu le matériau pour ne faire un album. Comme il y a des influences du Brésil j’ai trouvé que « Caipi » sonnait bien. Cela veut dire «  Caipirinha », comme l’alcool que l’on boit au Brésil. Au fil des années, petit à petit j’ai travaillé dessus mais au départ je n’avais aucune intention à ce sujet. Juste en studio , j’écoutais ces morceaux, en rajoutant un bout par-ci ou retouchant un autre par-là. Par exemple je me suis essayé à rajouter un rythmique avec des oeufs, et je me suis rendu compte que c’était très difficile.

 

Les DNJ : On a le sentiment parfois que le travail de Pat Metheny vous inspire ?


K.R : Non cela n’a rien à voir. J’adore Pat. Mais si vous devez y voir un rapport c’est qu’il a été aussi inspiré par la musique brésilienne. Mais surtout beaucoup de musiciens ont été inspiré par Milton Nacimento qui est un incroyable musicien. La musique de Milton est devenue vraiment une part de ma propre influence. Vous savez on écoute tous beaucoup de musiques mais il n’y en a que quelques une qui font vraiment partie de vous, de votre mémoire, de la façon dont vous ressentez la musique. «  Clube da Esquina » (1972) a été vraiment un album important pour moi. Tout simplement parce que c’est devenu la bande-son de ma vie. « Caipi » est arrivé à un moment où ressortaient toutes ces expériences. Il y a beaucoup d’amour dans cet album. Il y a aussi beaucoup de réflexions métaphysiques. Un de mes amis est mort récemment et une des chansons raconte le passage de l’autre côté. En fait j’ai été très étonné moi-même de ce que ces expériences pouvaient donner dans cet album.


LES DNJ : Mais tout cela marque un vrai changement dans votre musique. Et puis c’est un nouveau son ?

 

K.R : Pour tout vous dire cela m’a surpris moi même. Mais encore une fois cela m’est venu naturellement. Je n’ai pas essayé d’essayer quoique ce soit. Mais vous savez il y a beaucoup de genres différents dans ma musique : straight jazz, modern jazz, chansons, rock. Mais j’ai l’impression qu’avec « Caipi » je montre quelque chose de plus profond de moi-même.

 

Les DNJ : Vous êtes allé au Brésil ?

K.R : Oh oui ! Plusieurs fois. Magique !J’ai eu l’occasion de jouer plusieurs fois dans un super festival. J’ai passé des moments merveilleux à Rio. Il y a tant de choses sublimes dans leur musique.

 

Les DNJ : Dans cet album on entend toutes les influences dont vous parlez mais cela reste fondamentalement un album de Kurt Rosenwinkell ,

K.R : Pour moi « Caipi » est une sorte de renaissance. Mais pas une renaissance pour devenir quelqu’un de nouveau mais pour devenir plus authentiquement moi-même. Pour se connaître soi-même vous devez aussi savoir qu’il vous faudra changer.


Les DNJ : Sur votre album, il y a Eric Clapton qui vient jouer sur deux titres. Quelle en est la raison ?

K.R : En fait Eric est un élément important de l’histoire de « Caipi ». Il m’a vu développer cette musique à Manhattan en 2011 et nous sommes devenus très très proches tous les deux, partageant nos goûts musicaux, jouant ensemble. Il m’a beaucoup supporté lorsque j’ai décidé de franchir cette étape musicale l’an dernier et d’arrêter l’enseignement pour lancer ma propre maison d’édition. Il y a un an j’ai changé beaucoup de choses dans ma vie. Je vis toujours à Berlin mais j’ai arrêté tout le reste pour lancer Heartcore-records et « Caipi ». Et alors que je faisais ce grand ménage, Eric Clapton m’a aidé, matériellement, spirituellement. Lorsque nous avons remixé l’album à Londres, il est venu et je lui ai dit que ce serait super s’il participait, même pour jouer une seule note, juste pour signer et montrer qu’il fait partie de ce projet


Les DNJ : Avez vous déjà en tête les autres musiciens que vous aurez sur votre label ?

K.R : Oui le second album sera avec Pedro Martins. Il est aussi sur « Caipi ». C’est un merveilleux guitariste et multi-intrusmentiste. Nous venons de finir de mixer et c’est un album incroyable.
Ensuite nous aurons un album « Banded 65 » d’impros free avec moi et un autre guitariste Tim Motzer  (1) de Philadelphie et un batteur Gintas  Janusonis. Il y aura aussi un autre album avec un très bon ami qui est un chanteur de blues de Californie. Il y a aussi un album que je voudrais faire avec un guitariste chinois qui joue du blues mais chante de l’opéra chinois


Les DNJ : Vous faites partie, avec Steve Coleman des musiciens qui ont le plus d’influence sur la jeune génération. En êtes vous conscient et n’est ce pas trop lourd à porter ?

 

K.R : On me dit cela parfois mais je ne le le ressens pas. J’essaie seulement d’être moi même.


Propos recueillis par Jean-Marc Gelin


(1) pour découvrir Tim Motzer https://www.youtube.com/watch?v=R4wKsdtieB4

 

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29 juin 2017 4 29 /06 /juin /2017 19:34

Mets le feu et tire-toi
James McBride.

Traduit de l’américain par François Happe. Editions Gallmeister. Mai 2017. 336 pages. 22,80 € 
Il a marqué l’histoire de la « great black music » avec bruit et fureur. Plus de deux cent millions de disques vendus en quarante-cinq ans de carrière, des succès planétaires et éternels ( Please, Please, Please, Papa’s Got a Brand New Bag, Say it Loud, I’m Black and I’m Proud), des concerts-shows époustouflants : James Brown a connu la gloire de son vivant. Sa personnalité restait pourtant encore mystérieuse quand il disparut le 25 décembre 2006 à Atlanta (Georgia) à 73 ans. Le travail d’enquête auquel s’est livré James McBride, romancier américain (Color of Water,1995) et saxophoniste ( joua dans le groupe du chanteur Jimmy Scott) permet de dresser un portrait aussi précis qu’intime du Godfather of Soul, sans céder à la tentation des ragots, argument commercial habituel des biographies. McBride a rencontré de nombreux proches de James Brown, des musiciens (Pee Wee Ellis notamment), des gérants de ses affaires, des amis et nous offre des témoignages sensibles et percutants.
 Le petit homme (168 centimètres) du Sud, natif de Barnwell (Caroline du Sud) était un homme dur, voire brutal (en affaires et dans la vie privée), un artiste perfectionniste au dernier degré, n’hésitant pas à faire répéter deux à trois heures durant son orchestre, chœurs y compris, ….. et ce après un concert pour rectifier les moindres défauts. Il n’avait comme seul objectif que de « casser la baraque » sans aucun compromis et avait comme principe « Mets le feu et tire-toi ». On le vit ainsi reprendre son avion dès la fin du concert donné à Kinshasa à l’occasion du combat de boxe Ali-Foreman (1974) sans attendre les diamants promis à tous ses invités par le président Mobutu. L’homme qui s’était engagé publiquement en faveur de la cause de ses frères noirs ne se découvrait pas pour autant. « Il n’avait pas envie que les gens le connaissent (…) Il faisait tant d’efforts pour cacher ses sentiments », relève James McBride. Star  mondiale, James Brown est ici décrit comme un solitaire qui confie à un proche : «  Vous êtes le seul homme à savoir que je ne sais pas aimer ». Et pourtant, un de ses derniers gestes aura été de léguer une grande partie de sa fortune à une fondation qui devait financer les études d’enfants défavorisés de son Sud natal. Une disposition qui sera hélas annulée par une procédure judiciaire lourde engagée par les nombreux héritiers du Parrain de la Soul.
Un document sérieux et passionnant qui en dit beaucoup sur un artiste mythique et-ce qui n’est pas moins intéressant-sur l’état d’esprit  des Etats du Sud des Etats-Unis.
 Jean-Louis Lemarchand

 

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15 juin 2017 4 15 /06 /juin /2017 22:10

Inner Voice Jazz 2017
Marc Copland (p), Ralph Alessi (tp), Drew Gress (cb), Joey Baron (dms)

Il y a un an Marc Copland signait avec la même formation, l’album «  Zenith » (voir la chronique de Sophie Chambon  http://lesdnj.over-blog.com/2016/04/marc-copland-zenith.html)
« Better be far » en est la suite logique, inscrit dans la même dynamique d’un groupe totalement fusionnel et toujours porté par Ralph Alessi qui en est, bien plus que Marc Copland, la véritable pierre angulaire, même si le pianiste de Philadelphie signe-là des compositions magnifiques qui évoquent parfois l’écriture de Kenny Wheeler.
Le drive de Joey Barron, toujours magnifique apporte une lecture vivifiante comme sur cette version de Evidence de Monk que le batteur fait vibrer comme jamais.
Copland parle habituellement de sa formation comme d’une équipe de basket : «  si l’un des joueurs monopolise la balle, l’équipe stagne ». C’est pourquoi il y a dans cet album de vrais morceaux d’improvisations circulaires.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. D’un fluide qui circule et qui transporte une énergie subtile transmissible de l’un à l’autre en parfaite harmonie. Comme le disait Sophie Chambon il y a un an, ce qui circule entre eux, c’est une certaine forme de vision poétique du jazz.
Marc Copland nous offre ainsi un jazz intelligent et captivant. En éveil permanent.
Jean-Marc Gelin

 


 

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15 juin 2017 4 15 /06 /juin /2017 21:31

Thelonious Monk, piano, Charlie Rouse et Barney Wilen, saxophone ténor, Sam Jones, basse, Art Taylor, batterie. New-York, 27 juillet 1959. Nola Penthouse Sound Studios. Coffret 2 CD + livret. Sam Records/Saga. Sortie mondiale le 16 juin.

C’est un de ces hasards qui réjouissent. Dans un carton d’archives d’un producteur (Marcel Romano), son ayant-droit retrouve des bandes qui portent l’unique mention, Thelonious Monk. Une écoute attentive révèle qu’il s’agit là de la bande originale du film Les Liaisons Dangereuses 1960, un enregistrement réalisé en une seule journée, commande du réalisateur Roger Vadim. Un inédit attendu depuis un bon demi-siècle !
Fan de jazz, Vadim, qui avait choisi le MJQ pour Sait-On Jamais en 1957, fit appel à Romano, à l’origine de la participation de Miles Davis à Ascenseur pour l’Echafaud, pour persuader le pianiste. Pressé par le temps, Monk, après avoir visionné une copie du film mettant en vedette Jeanne Moreau et Gérard Philipe, enregistra sept de ses compositions (Rhythm-a-Ning, Crepuscule with Nellie, Well You Needn’t, Pannonica, Ba-Lue Bolivar Ba-Lues-Are, Six in One, Light Blue ) et un gospel de 1906, By and By.
Le grand-prêtre du Be-Bop est à son apogée, ainsi que le révèlent les deux versions en solo de son hommage à la baronne de Koenigswarter, Pannonica. A ses côtés, le fidèle Charlie Rouse et partageant les parties de saxophone ténor le jeune Barney Wilen (22 ans) qui participe à deux titres (ce sera la seule collaboration du prix Django Reinhardt avec Monk). La rythmique est toute récente avec Sam Jones à la basse et Art Taylor à la batterie (on entend dans un making of , Monk lui donner ses instructions sur le jeu qu’il attend).  Vadim était comblé et propose la musique de Monk pendant 30 minutes d’un film de 111 minutes.
Pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Thelonious Monk (le 10 octobre 1917), voilà un cadeau tout trouvé à tout amateur de musique (tout court). Chapeau bas à Frédéric Thomas de Sam Records, maître d’œuvre de l’opération, avec la complicité de François Lê Xuan, Zev Feldman et Daniel Richard, tous bien connus des jazzophiles. Une version en vinyle est également disponible.
Jean-Louis Lemarchand
 
 
 

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15 juin 2017 4 15 /06 /juin /2017 17:18

Bruno Schorp (contrebasse), Christophe Panzani (saxophone ténor, clarinette basse), Leonardo Montana (piano, piano électrique), Gautier Garrigue (batterie)

Invités : Nelson Veras (guitare), Charlotte Wassy (voix), Tony Paeleman (claviers)

Poitiers, 2015 ; enregistrements additionnels en 2016

Shed Music SHED 006 / Absilone

 

De ce disque on pourrait dire qu'il est, en lui-même, un éloge de la mélancolie. Un éloge par touches successives, dans les demi-tons (couleurs ? intervalles ?), des escapades rêveuses et des rythmes faussement alanguis. Un éloge positif, qui n'induirait nulle tristesse, mais serait un voyage vers des horizons où nous attendraient d'autres découvertes, et d'autres songes. Et les partenaires réguliers du contrebassiste, comme les invités, savent cet univers sur le bout des doigts, ils le peuplent et lui donnent vie. Bruissement des rythmes, nuances des couleurs, tout concourt à composer un paysage qui émerge, et où se mêlent la familiarité et l'étonnement. La plage avec voix, dans l'apparente simplicité de son chant, recèle en fait bien des mystères : couleurs un peu énigmatiques des percussions, cheminement sinueux dans des intervalles qui parlent d'ailleurs, tout semble nous prendre par la main vers une résolution attendue, et qui pourtant ne révèle pas l'entièreté de son secret. Alors il faut suivre le fil, jusqu'à l'ultime plage, et recommencer le voyage, qui nous guide au travers de ce monde que le groupe nous invite à (re)découvrir.

Xavier Prévost

 

Le groupe jouera pour la sorte de l'album à Paris, au Sunset, le vendredi 16 juin 2017

 

Un avant-ouïr sur Youtube

www.youtube.com/watch?v=5NmeOm4u4Aw

 

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13 juin 2017 2 13 /06 /juin /2017 21:04
Disparition : Christian Bonnet, adorateur du Duke

Duke Ellington perd un de ses plus fervents admirateurs avec la disparition le 13 juin à Paris, de Christian Bonnet, président de la Maison du Duke, à l’âge de 72 ans. Infatigable animateur de cette association fondée en 2009, il a veillé, avec  la complicité de Claude Carrière, au rayonnement de Duke Ellington par le biais de conférences, concerts et publications. On lui doit ainsi la supervision de la traduction en français de l’autobiographie du Duke « Music is my mistress » sortie en 2016 aux Editions Slatkine & Cie dont il avait notamment enrichi le texte initial publié aux Etats-Unis en 1973 de nombreuses  notes et d’un index aussi précis que précieux.
Christian Bonnet avait la singularité-rare- de mettre en pratique sa passion du jazz sous tous les aspects. Producteur (label Nocturne dans les années 90), directeur de collection (Masters Of Jazz 1990-2002), collaborateur de la collection BD Jazz, responsable de la collection Cabu Masters of Jazz (Nocturne), journaliste (Jazz Hot dans les années 70), il se produisait également sur scène –encore tout récemment- au saxophone ténor dans plusieurs formations (Swing Limited Corporation, Multicolor Fanfare d’Eddy Louiss, Black Label Swingtet).
Membre du bureau de l’Académie du Jazz, il assurait les fonctions de trésorier avec la rigueur du banquier qu’il fut dans sa vie professionnelle et une disponibilité bienveillante de tous les instants.
Les DNJ présentent ses condoléances à son épouse, Nicole et à ses enfants.
Jean-Louis Lemarchand
et toute l'équipe des DNJ, avec amour.

 

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8 juin 2017 4 08 /06 /juin /2017 22:05

Pierre Christophe (piano), Raphaël Dever (basse), Stan Laferrière (batterie) et Laurent Bataille (percussions). Festival Jazz in Vaux (17),  22 novembre 2013. Camille Productions.

 

Rien de tel que la musique d’Erroll Garner pour mettre en joie. La sortie voici deux ans de l’intégrale du Concert by the sea (19 septembre 1955 au Sunset Center , Carmel, Californie) par Sony avait comblé les fans du virtuose et ouvert les oreilles aux jeunes qui ne jurent que par Brad Mehldau ou Keith Jarrett. Oui, « le petit homme », comme le surnommait Art Tatum dans une allusion à sa corpulence menue (évidemment en comparaison !) était un géant du piano. Ahmad Jamal ne cesse d’ailleurs de vanter les qualités de son compatriote de Pittsburgh, cité natale également de Billy Strayhorn ou Earl Hines…
Aujourd’hui, c’est une maison de disques française, Camille Productions, qui choisit de sortir un concert dédié entièrement à Erroll Garner, enregistré il y a près de quatre ans par Pierre Christophe. On connaissait la passion que nourrissait le lauréat 2007 du prix Django Reinhardt de l’Académie du Jazz pour Jaki Byard dont il suivit l’enseignement à New-York. Son penchant pour Erroll Garner n’est pas moins fort. Il témoigne son admiration de fort belle manière en reprenant quelques-unes des compositions favorites d’icelui, Dreamy, The Loving Touch, Dancing Tambourine et, inévitablement, Misty dans une version épanouie (9 minutes). Le groupe démontre une homogénéité propre à séduire les plus exigeants, avec Raphaël Dever (basse), Stan Laferrière (batterie) et Laurent Bataille (congas). Bravo aux producteurs –Michel Stochitch et Pierre Christophe-d’avoir exhumé ce moment de grâce et de légèreté.  
Jean-Louis Lemarchand
Concert de lancement à Paris le 13 juin au Duc des Lombards (75001).

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8 juin 2017 4 08 /06 /juin /2017 09:15

Dominique Mandin, Olivier Zanot, Thomas Savy, David Sauzay, Jean-François Devèze (saxophones), Erik Poirier, Lorenz Rainer, Fabien Mary, Julien Ecrepont (trompettes), Michael Ballue, Bastien Ballaz, Jerry Edwards, Martin Berlugue (trombones), Florent Gac (piano), Yoni Zelnik (contrebasse), Andrea Michelutti (batterie), Denise King, Walter Ricci (voix), Dominique Mandin (direction musicale)

Villetaneuse, 23-24 novembre 2016

Gaya 035 / Socadisc

 

En décembre 2001, lorsque j'avais accueilli le tout jeune Vintage Orchestra dans la grande salle Olivier Messiaen (studio 104) de la Maison de Radio France, l'orchestre avait intégralement constitué son répertoire avec des thèmes de Thad Jones, composés pour le big band Thad Jones-Mel Lewis et gravés entre 1966 et 1970. Il y avait alors, dans les pupitres, une bonne part de ceux que l'on retrouve dans ce disque, mais aussi Sophie Alour et Airelle Besson. Plus de dix ans après l'album «Thad», l'orchestre revient vers la musique du big band Thad Jones-Mel Lewis, mais cette fois pour explorer la collaboration de cet orchestre avec les vocalistes. Les amateurs français se souviennent de la présence de Dee Dee Bridgewater avec l'orchestre, au festival de Chateauvallon 1973, pour 2 ou 3 chansons. Le big band avait aussi accueilli, dans les années 60, deux gloires du blues et du rhythm'n'blues : en septembre 1966 Joe Williams, pour le disque « Presenting Joe Williams, chez United Artists, et en juillet 1968 Ruth Brown pour l'album «The Big Band Sound of Thad Jones-Mel Lewis featuring Miss Ruth Brown» (Solid State), repris ensuite chez Capitol sous le titre de «Fine Brown Frame». Et les musiciens du Vintage Orchestra ont eu la bonne idée de rassembler des standards du blues, de la soul music et du jazz issus de ces deux disques, et de les confier aux voix de Denis King (4 titres) et Walter Ricci (8 plages). Le résultat mérite vraiment l'adhésion : 'ça balance' très fort, les cuivres exultent (les arrangements d'origine ont été soigneusement relevés par des membres de l'orchestre et leurs amis), les vocalistes sont parfaitement en phase avec le répertoire, et avec l'orchestre. Ils ne cherchent pas à imiter les interprètes des versions de Thad Jones-Mel Lewis, ni les créateurs de ces titres (il y a là Hallelujah, I Love Her So, Gee Baby, etc....). Denise King et Walter Ricci sont parfaits dans l'exercice, qui est d'ailleurs bien plus que cela : une plongée, corps et âme, dans l'expression musicale afro-américaine.

 

Xavier Prévost

 

L'orchestre est en concert à Paris, au studio de l'Ermitage, le jeudi 8 juin 2017

 

Un avant-ouïr en images

https://www.facebook.com/pg/Vintage-Orchestra-793765790697166/videos/?ref=page_internal

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1 juin 2017 4 01 /06 /juin /2017 06:54

 

Pour la 36 ème édition de Jazz Sous les Pommiers, mon séjour à Coutances fût bref (48h), mais particulièrement intense !

A peine arrivé, sous un ciel clément et une chaleur estivale, j’entrais dans le théâtre pour un voyage tropical au cœur de la Colombie. Il ne manquait rien, la chaleur, les couleurs, les tambours, les danses, et les mélodies typiques, chantées avec beaucoup de ferveur et d’élégance par la grande Toto La Momposina, en très grande forme, malgré son âge (77 ans !).

Difficile de retrouver le sol ferme normand après ce voyage exotique où Toto nous a démontré une fois de plus son talent de chanteuse et de danseuse, se donnant à 100 %, sans montrer aucun signe de fatigue, devant un public conquis qui lui fît une belle ovation. L’air du fameux El Pescador dans la tête, je ne vis aucun poisson à attraper entre le théâtre et la Salle Marcel-Hélie, où un célèbre guitariste américain en pull marin attendait une salle comble et surchauffée. Pat Metheny, après un concert d’anthologie la veille à l’Olympia, avait décidé de faire plaisir au public de Coutances, nous précisant d’entrée qu’il aimait particulièrement jouer à Jazz Sous les Pommiers. Le concert fût immanquablement un des plus beaux et des plus intenses du festival, pendant plus de deux heures, le jeune sexagénaire Pat Metheny (et même sexygénaire, comme le mentionnait ma voisine !), au sommet de son art, nous a donné beaucoup de plaisir et procuré beaucoup d’émotion en revisitant de fond en comble son répertoire. Un « Pat Metheny Song Book » très impressionnant, qui se déploie sur 40 ans de carrière et qui était entièrement revu et corrigé, avec des arrangements spécifiques pour ce nouveau quartette réjouissant qui propose un jazz acoustique, élégant, et sophistiqué. Le pianiste anglais Gwilym Simcock, jouant uniquement du piano acoustique, est une véritable révélation par son jeu subtil et délicat. Il s’intègre parfaitement bien au groupe au sein d’une interaction musicale jamais prise en défaut. La contrebassiste malaisienne Linda Oh, découverte dans la formation de Dave Douglas, est très à l’aise rythmiquement et fort inventive d’un point de vue mélodique. C’est une excellente recrue pour Metheny, et enfin, inutile de vous présenter Mr Antonio « Birdman » Sanchez, le batteur mexicain au physique impressionnant qui joue avec Metheny depuis plus de 15 ans et qui allie avec bonheur une puissance démoniaque avec une délicatesse d’ange ! Au cours du concert, Metheny s’est amusé à intégrer des passages en duo avec chacun de ses musiciens, ce fût des moments particulièrement propices à l’improvisation et à l’interaction. De purs moments de musique intense et jouissive ! Sortant de la Salle Marcel-Hélie sur un nuage, je n’avais plus qu’à me laisser guidé vers le Magic Mirror où le trio du pianiste Rémi Panossian investissait les lieux avec beaucoup d’aisance, comme si les musiciens étaient chez eux. Un concert très agréable avec ce trio « moderne » qui lorgne un peu dans la direction d’E.S.T., mais en développant un univers original tout à fait singulier. Une musique attachante, servie par le talent de trois musiciens en osmose, dont le contrebassiste Maxime Delporte et avec une mention particulière pour le jeu de batterie impressionnant de Frédéric Petitprez !

Douze heures plus tard, dans ce même Magic Mirror, j’ai pu apprécier les trois groupes français programmés avec beaucoup d’intelligence et de clairvoyance  au sein de l’intitulé : « Scène Découverte ».  Le trio Ikui Doki, composé du saxophoniste Hugues Mayot, de la bassoniste Sophie Bernado et de la harpiste Rafaelle Rinaudo, revisite avec bonheur la musique française impressionniste du XX ème siècle (Debussy en tête) dans une logique jazzistique, c’est-à-dire vers une musique ouverte sur l’improvisation. Un très beau moment de poésie musicale chambriste ! Puis ce fût au tour de Post K d’investir les lieux, ce quartette impressionnant (Jean Dousteyer aux clarinettes, Benjamin Dousteyer aux saxophones, Mathieu Naulleau au piano et Elie Duris à la batterie), s’inspire du jazz des années 1920 en le dépoussiérant afin de proposer un jeu ouvert sur l’audace et le free. C’est original, euphorisant et totalement réussi !

Le groupe Awake (Romain Cuoq au sax, Anthony Jambon à la guitare, Leonardo Montana au piano, Florent Nisse à la contrebasse et Nicolas Charlier à la batterie) termine en beauté cette scène découverte avec cinq musiciens talentueux en parfaite harmonie autour d’une musique très bien écrite, lyrique et expressive.
Retour dans le théâtre de Coutances, où les concerts ont toujours une saveur particulière avec un public généreux et enthousiaste pour une création d’Airelle Besson qui achève ainsi sa troisième année de résidence à Coutances. Une création passionnante où la trompettiste s’est entourée de deux musiciens allemands particulièrement doués : le pianiste Sébastien Sternal (ancien élève de John Taylor et d’Hervé Sellin), aussi inventif au piano acoustique qu’au Fender Rhodes et le batteur Jonas Burgwinkel qui a stupéfait le public par la singularité de son jeu très sophistiqué. Des nouvelles compositions écrites spécialement pour ce trio où venait se greffer la comédienne sourde Clémence Colin qui proposait une lecture improvisée, chorégraphique et gestuelle, en langage des signes, en adéquation avec la musique du trio. Une belle leçon de poésie et d’humanité qui me fit prendre des ailes pour filer Salle Marcel-Hélie écouter le nouveau groupe de Youn Sun Nah pour la sortie de son nouvel album : « She Moves On ».  Notre chanteuse coréenne préférée était très émue de présenter ce nouveau répertoire et ce nouveau groupe à Coutances, première date d’une longue tournée qui se terminera le 13 août. Quatre musiciens américains l’entourent avec bonheur pour interpréter les excellentes chansons de ce dernier album (Jamie Saft aux claviers, qui a produit l’album, Clifton Hyde à la guitare, qui remplace Marc Ribot pour la tournée, Brad Jones à la contrebasse, et Daniel Rieser à la batterie). On retiendra l’impressionnante reprise de Jimi Hendrix (Drifting) avec le solo fougueux du guitariste Clifton Hyde, le Teach The Gifted Children de Lou Reed (inspiré du Take Me To The River d’Al Green), le très émouvant Black Is The Color Of My True Love’s Hair, et au final sa reprise de Jockey Full Of Bourbon de Tom Waits, issue de son premier album chez Act (« Voyage ») et réarrangé pour l’occasion avec ce groupe.

Quatre-vingt-dix minutes de bonheur intense et d’émotion à fleur de peau qui ne s’arrêteront pas là, car l’un des plus grands pianistes de jazz américain va investir dans la foulée le théâtre pour un concert mémorable (écoutable sur France Musique dans le podcast du « Jazz Club » d’Yvan Amar). Il s’agit de Fred Hersch, qui avec le contrebassiste John Hébert et le batteur Eric McPherson ont bouleversés le public de Coutances. Impossible de trouver un pianiste aussi habité, élégant, et lyrique, chaque morceau est un véritable joyau ciselé avec finesse et remarquablement sculpté par les trois musiciens, au même diapason et en parfaite cohésion. Les compositions de Fred Hersch sont lumineuses et profondes (Serpentine, Floating) et ses reprises particulièrement réjouissantes et émouvantes (For No One des Beatles ou We See de Monk). Enfin, n’oublions pas de mentionner les deux concerts promenades du vendredi matin dans des lieux idylliques, en plein air : le duo composé du trompettiste italien Luca Aquino et de l’accordéoniste Carmine Ionna, rejoint sur deux titres par Eric Truffaz et le trio magique du vibraphoniste David Patrois avec le saxophoniste Jean-Charles Richard et le batteur Luc Isenmann. Un festival réussi qui a apporté beaucoup de bonheur et d’émotions aux festivaliers, venus comme d’habitude fortement nombreux (la plupart des concerts affichaient complet !).

Vivement l’année prochaine pour une autre aventure où l’on attend avec impatience la résidence d’Anne Paceo !
 

Lionel Eskenazi

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31 mai 2017 3 31 /05 /mai /2017 15:18
Jamie SAFT trio & Iggy POP Loneliness Road

Jamie SAFT trio et Iggy POP dans Loneliness Road

Jamie Saft (p), Steve Swallow (eb), Bobby Previte (dms)

Iggy Pop (voc)

Loneliness Road

Rare noise records


https://www.youtube.com/watch?v=TY0huZRQbuU

 

Sans doute, l'un des premiers facteurs d’attraction quand on voit la pochette de cet album de Rare Records, LONELINESS ROAD est le nom de l’icône pop exubérante des Stooges ; si son grand copain est parti en janvier dernier, Iggy Pop qui a soixante-dix ans lui aussi (mystère, comment a-t-il fait pour durer autant ?) se met au jazz dans un trio «classique». Se rangerait-il enfin ? Les héros sont fatigués, Iggy Pop ne met plus ses tripes et autres organes sur la table, la voix est éraillée, le tempo ralenti. « Don’t lose yourself » résonne d’une voix sépulcrale ainsi que le titre éponyme de l’album « Loneliness road ». On sent que si l’envie demeure, il a moins de jus, ou alors est en adéquation avec l’esthétique de l’album : ceci dit, il ne chante que sur 3 des 12 titres. Rien de surprenant cependant qu’il se joigne à Jamie Saft, pianiste-organiste et leader atypique dans cet album plutôt « mainstream » comme disent les Anglo-saxons. Pas d’avant-garde ici dans le rendu des compositions du pianiste, pourtant propulsé par l’irréductible John Zorn,  dont l'allure impayable est surlignée d'une barbe bifide digne de Moïse ou pour rester dans la musique, des ZZ Top !

Revenons à la musique de ces 9 titres, en trio exclusivement, composés par le pianiste pour ce second album du groupe avec ce blues magnifique « Pinkus » où brille le bassiste Steve Swallow . Quant à Bobby Previte, il est discret mais efficace et sa pulsation s’accorde à merveille avec les pianismes de Jamie Saft. Chacun a le temps de s’exprimer, en liberté, le travail d’ensemble est accrocheur, doux sans être suave; il emmène loin dans un imaginaire apaisé, sans réelle mélancolie. C’est aussi un hommage à la tradition de la musique américaine, de Dylan et The Band, du folk et de l’écriture à la Cohen. Cette « Loneliness road », on l’emprunte volontiers en leur compagnie…

Sophie CHAMBON

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