Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

Act 2009

 

Vijay IYER (p), Stephan Crump (b), Marcus Gilmore (dr)

 

Une des significations du mot anglais « Historicity », titre du dernier cd du trio du pianiste Vijay Iyer, est la qualité d’un élément à faire partie de l'histoire ou de participer à son déroulement, en opposition aux mythes et autres légendes. Les différentes traditions musicales et les faits historiques, qui les ont faites évoluer, ont amené le jazz à ce qu’il est devenu aujourd’hui: une musique improvisée dont les structures prennent leur source dans la tradition du jazz d'abord et dans d'autres formes musicales, modernes ou traditionnelles. Vijay Iyer nous montre qu'il en est un des témoins et qu'il s’inscrit dans le langage musical historique avec Historicity.

Accompagné de Stephan Crump à la contrebasse et de Marcus Gilmore à la batterie, petit fils de Roy Haynes et avec qui Iyer a enregistré Reimagining et le fameux Tragicomic, le pianiste se fait le chantre de la transculturalité new-yorkaise. Dans Historicity, le trio donne sa version de certains thèmes subversifs en leur temps, choisis arbitrairement dans le patrimoine, en leur redonnant vie et en y apportant une couleur renversante de modernité et de fraicheur. Côté jazz, Iyer salue Andrew Hill - pianiste toujours moderne et influent chez beaucoup de jeunes pianistes – avec ce titre « Smoke Stack » qu'on écoute comme un standard - le saxophoniste Julius Hemphill – icône, avec David Murray, des Loft Sessions de NYC dans les 70s – les compositeurs Leonard Bernstein et Stephen Sondheim et l'organiste jazz et soul Ronnie Foster. En même temps, il reprend « Big Brother » du grand Stevie Wonder et « Galang » de la chanteuse subversive M.I.A. (de son vrai nom Maya Arulpragasam). Très influente sur la scène rap londonienne, elle allie des styles divers comme l’electro, le grime (1), le ragga, le hip-hop, le dancehall (2) – ce qui donne à sa musique un son urbain très actuel qu'affectionne Iyer dans son jeu par ailleurs – et est devenue l'une des cent femmes les plus influentes au mondes selon Time Magazine. Si, avec ce titre de M.I.A., le trio se rapproche du style éclatant des power trios, devenu classiques, avec une interprétation vigoureuse et « coup de foudre » et un résultat musical jetable,  il donne une version toute en profondeur de « Smoke Stack », sans verbiage ni superflu, avec une montée en puissance d'un développement mélodique qui évoque Hill, Ornette Coleman et peut être, et seulement dans ce contexte, Oscar Peterson. La reprise du titre « Mystic Grew » de Ronnie Foster est étonnante de la part d’Iyer car elle se démarque de toutes les autres par son caractère fortement soul et groove. Au fur et à mesure de la pièce, Iyer se l’approprie complètement par un savant mélange de blues et de variations rythmiques foisonnantes. Enfin, il reprend quatre de ces compositions qu’il réexplore avec un regard plus philosophique où il met en évidence sa propre situation historique dans le contexte de l’historicité.    

Le trio mélange les genres et réussit brillamment à combiner les influences de musiciens diverses comme Mike Ladd, Rudresh Mahanthappa ou Wadada Leo Smith.

Comme pour boucler la boucle sur la mixité de l' « Historicity » de la musique, une photo du trio montrent les trois hommes, aux origines ethniques et culturelles différentes, souriants et heureux de poser ensemble.

 

Jérôme Gransac

 

  1. grime : style de rap

  2. Dancehall : style de reggae

Partager cette page
Repost0