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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 10:18
PHILIPPE SOIRAT «You Know I Care»

David Prez (saxophone ténor), Vincent Bourgeyx (Piano), Yoni Zelnik (contrebasse),Philippe Soirat (batterie). Malakoff, 2 & 3 juillet 2014

Paris Jazz Underground PJU 015 / Socadisc

S'il est un sideman qui se soucie de la musique en train de se jouer, en se mettant au service du groupe au sein duquel il œuvre, c'est bien le batteur Philippe Soirat. Depuis quelques lustres déjà, il a sollicité les fûts de sa batterie en bonne compagnie, de Barney Wilen et Alain Jean-Marie à Phil Woods et Dee Dee Bridgewater, en passant par les frères Belmondo, Barry Harris, Lou Donaldson, Johnny Griffin, Lenny Popkin ou Mark Turner.... Et pour son premier disque en leader, après plus de 25 années de carrière, il prend soin (grand soin) de veiller au choix le plus en phase avec son cœur musicien. Un cœur qui penche du côté de Blue Note, assurément, et des grands maîtres du jazz moderne. C'est ainsi qu'il reprend des thèmes de Monk, Hancock, Gillespie, Wayne Shorter, George Russell, Andrew Hill, Joe Henderson, Tony Williams ou Duke Pearson (dont il reprend malicieusement un titre, pour identifier ce cd). Et il y ajoute une composition du saxophoniste David Prez, ainsi qu'un court solo de son cru. Le répertoire, loin d'être joué dans un esprit d'épigone, est soigneusement remis sur l'établi, retravaillé avec l'amour d'un artisan d'art. Cela est sensible dès la première plage, The Eye of the Huriccane, traité très différemment de la version princeps d' Herbie Hancock : le choix par Philippe Soirat d'un dialogue anguleux en tandem contrebasse-batterie comme assise rythmique, là où l'interprétation de référence offrait une ligne de basse cursive, induit un déroulement différent de toute la plage, et engendre des improvisations (les solistes son en verve !) qui échappent à la redite. Et il en va ainsi de la plupart des plages. Car le batteur, comme ses partenaires, est bien de cette trempe d'artisan dont on fait les vrais artistes. Et c'est en artiste qu'il nous fait savoir, via l'intitulé de son album, qu'il prend soin de la musique, et qu'il a de longtemps fait de la beauté son beau souci. Nous le savions déjà ; nous n'en douterons jamais plus.

Xavier Prévost

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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 10:12
ARRIGO CAPPELLETTI-FURIO DI CASTRI-BRUCE DITMAS   «Homage to Paul Bley»

ARRIGO CAPPELLETTI-FURIO DI CASTRI-BRUCE DITMAS « Homage to Paul Bley »

Arrigo Cappelletti (piano), Furio Di Castri (contrebasse), Bruce Ditmas (batterie)

Udine, Artesuono studio, 25 & 26 mars 2015

Leo Records CD LR 732 / Orkhêstra

Le pianiste italien, également pédagogue, admire Paul Bley (auquel il a consacré un livre : Paul Bley, la logica del caso, L'Epos, Palerme, 2004) ; mais il aime aussi Bill Evans, Lennie Tristano et John Lewis. Pour cet hommage à Paul Bley, enregistré dans la foulée d'un concert du trio à la Casa del Jazz de Rome, il a fait le choix, plutôt que de jouer les compositions du pianiste canadien, de compagnonner avec deux de ses anciens partenaires : le contrebassiste Furio di Castri (« Chaos », 1994), et le batteur Bruce Ditmas (« Pastorius-Metheny-Ditmas-Bley », 1974). Le trio, dans sa conception, très ouverte et très interactive, évoque les trios de Paul Bley dans les années 60. On n'y trouve aucune composition de Paul Bley, et pourtant bien des plages, composées par Arrigo Cappelletti, évoquent son univers d'intervalles distendus, de phrases en suspens, de cheminements sinueux. Ici une sorte de blues en mi bémol (Breaks) rappelle ce que le Paul Bley de la fin des années 50 devait à Lennie Tristano, et à d'autres contemporains. Et les seuls autres compositeurs convoqués (Monk, pour un medley, et Andrew Hill), disent assez que la quête pianistique se fait ici hors des courants dominants. Dans sa conception du trio, le musicien revendique explicitement la sobriété, voire un certain ascétisme. Et pourtant l'intensité de la relation musicale qui s'établit entre les partenaires procure une vive impression de densité et de richesse. Ce qui fait au total, en plus d'un très bel hommage, un très très bon disque de trio.

Xavier Prévost

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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 10:09
PRINTS & FRIENDS « TRANSFORMATIONS »

Sylvain Cathala (saxophone ténor, composition), StéphanePayen (saxophone alto), Jean-Philippe Morel (contrebasse), Franck Vaillant (batterie), Gilles Coronado (guitare), Benjamin Moussay (piano électrique), Alain Vankenhove (trompette), Sébastien Llado (trombone, tuba). Montreuil, 21 & 22 mai 2014.

Connexe Records CR-004 / Muséa

http://www.sylvaincathala.com/

www.sylvaincathala.bandcamp.com

Dix-neuf ans après la création du quartette Print, et 6 ans après la publication du premier opus de son extension en Print & Friends (« Around K », Yolk records), le saxophoniste ténor Sylvain Cathala récidive, avec une œuvre intitulée « Transformations » (Commande d'État), créée à la Cave Dimière d'Argenteuil, et enregistrée dans la foulée en mai 2014 au studio Séquenza. Autour du noyau originel de Print (Stéphane Payen, Jean-Philippe Morel, Franck Vaillant), Sylvain Catahala rassemble une équipe partiellement renouvelée : Benjamin Moussay succède à Jozef Dumoulin, Alain Vankenhove remplace Laurent Blondiau, tandis que Gilles Coronado et Sébastien Llado restent fidèles au poste. La musique procède des fondamentaux assumés par le saxophoniste-compositeur : prégnance des rythmes complexes, déroulement polymétrique et poly-vitesses parfaitement maîtrisé, ce qui constitue une sorte de dramaturgie où chaque intervenants peut délivrer expression et émotion, en toute cohérence, que la séquence soit écrite ou improvisée. On est assurément dans le jazz, cette musique qui s'écrit pour des interprètes-improvisateurs choisis avec soin, pour ce qu'ils apportent d'engagement, d'expression individuelle et de sens collectif au service du groupe. L'univers musical circule librement entre une espèce de sérialisme adouci par des pulsions tonales, et des développements dans l'univers modal. Les solistes se montrent parfaitement à l'aise dans ce cadre de rigueur tempérée, où leur autonomie d'expression est assurée ; le tandem contrebasse-batterie est comme toujours d'une solidité exemplaire, avec cette indicible faculté d'insuffler de la vie au sein même de ce qui, écouté sans l'attention requise, pourrait paraître abstrait. Bref ce disque est exemplaire d'une forme d'aboutissement, dans une direction musicale vivace dans notre paysage hexagonal, depuis le début des années 90 ; direction où l'on retrouve, sans souci de hiérarchie ou de chapelle, Kartet, Marc Ducret, Benoît Delbecq, Stéphane Payen, Benjamin Moussay, et beaucoup d'autres, qui construisent en permanence un nouveau jazz qui n'a pas besoin de se dire Nujazz pour convaincre .

Xavier Prévost

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21 septembre 2015 1 21 /09 /septembre /2015 09:54
PIERRE CHRISTOPHE QUARTET « Valparaiso »

Olivier Zanot (saxophone alto), Pierre Christophe (piano), Raphaël Dever (contrebasse) & Mourad Benhammou (batterie). Enr. le 14 septembre 2014.

Black & Blue BB 803.2 / Socadisc

http://www.microscopie.fr/pierrechristophe/pages/accueil.htm

On aurait tort de circonscrire Pierre Christophe à sa passion pour Jaki Byard, dont il fut l'élève à New York (et auquel il consacra trois CD), ou à son goût précoce pour Erroll Garner. Jaki Byard lui a légué une ouverture d'esprit qui embrasse tous les territoires du jazz, de Fats Waller à Sam Rivers, en passant par Bud Powell, Eric Dolphy, Mingus ou Ellington.... Avec ce quartette très consonnant, où la mélodie fait en permanence valoir ses droits, on pense à Art Pepper, ou Paul Desmond chez Brubeck, à cause du saxophoniste Olivier Zanot, dont la sonorité délicate éclaire ce projet musical. Il faut se rappeler que Pierre Christophe, qui a travaillé ses classiques à la Manhattan School of Music de New York, est un fin connaisseur de l'idiome, et il a fait partager son enthousiasme et sa compétence aux auditeurs de France Musique en participant à plusieurs reprises au « Matin des musiciens jazz » d'Arnaud Merlin, programme hélas passé à la trappe dans les bouleversements de juillet 2014. On peut encore réécouter sur la toile l'émission où Pierre Christophe faisait partager sa connaissance de Dave Brubeck :

http://www.francemusique.fr/emission/le-matin-des-musiciens-du-mardi/2012-2013/dave-brubeck-avec-pierre-christophe-05-07-2013-00-00

Et c'est un peu vers Brubeck que nous entraîne ce disque de Pierre Christophe : atmosphère assez cool, mais avec intensité de la pulsation ; soigneuse élaboration harmonique et variété des rythmes choisis. L'histoire parle au fil des plages, avec Fats Meets Erroll, ou encore la segmentation façon bebop de l'exposé de Grumpy Old Folks, hymne aux pépés grognons. Et dans le solo de piano de Relaxin'at Battery Park (un parc à la pointe sud de Manhattan, où il fait bon flâner), j'entends comme un écho d'un des solos de Jaki Byard dans The Black Saint and the Sinner Lady de Charles Mingus : phantasme d'amateur fanatisé ? Illusion sonore ? Peu importe.... Ce disque fait voyager dans le jazz, dans l'amour du jazz, et c'est un plaisir (rare ?) qui ne se refuse pas !

Xavier Prévost

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20 septembre 2015 7 20 /09 /septembre /2015 21:48
DOMINIQUE PIFARÉLY « Time Before And Time After »

Dominique Pifarély (violon). Poitiers, Auditorium Saint-Germain, septembre2012 ; Argenteuil, Cave Dimière, février 2013.

ECM 2411 / Universal

www.pifarely.net

Alors même qu'il a enregistré, au début de l'été 2015, avec son nouveau quartette (Antonin Rayon, Bruno Chevillon & François Merville), le violoniste publie un album solo totalement inclassable. Entre écriture et improvisation, sans qu'il soit possible de faire de l'une et l'autre l'exact départ, l'album se construit, de plage en plage, avec une cohérence remarquable. Chaque pièce, après avoir été jouée dans l'intensité de l'instant, a reçu pour identité un mot ou une expression, et ces titres sont empruntés à des poètes dont le violoniste tire sa sève d'artiste : Paul Celan, Mahmoud Darwich, Fernando Pessoa, André du Bouchet, Henri Michaux.... Quant au titre de l'album, il est emprunté à un poème de T.S. Eliot, où « le temps présent et le temps passé sont tous deux peut-être présents dans le futur, et le futur contenu dans le passé ». La question de l'idiome sera fatalement posée par tel ou tel, mais elle ne s'impose pas : on est ici en territoire de musique, au sens le plus large, et dans ce lyrisme assumé, dans cette finesse d'expression, et dans cette audace mélodique, le jazz, la musique dite contemporaine, ou classique, et bien des musiques du vaste monde, pourront se reconnaître. Le timbre de l'instrument est d'une richesse incroyable, entre acidité et rondeur, et cette sonorité fait corps, à chaque instant, avec le propos musical. L'album se conclut pas un magnifique standard, My Foolish Heart, ultime poème d'amour de la poésie. On tutoie ici une forme de perfection, ou plutôt d'accomplissement. On écrit souvent, et souvent avec une certaine imprudence, que l'improvisateur est un compositeur de l'instant. On pourrait dire, non sans malice, que composer c'est improviser durablement. Car ce disque, et cette musique, traverseront à n'en pas douter les affres du temps, passé, présent et futur enfin réconciliés.

Xavier Prévost

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20 septembre 2015 7 20 /09 /septembre /2015 11:18
STEVE COLEMAN Music live in Paris

2Oth anniversary Collector’s Edition

1 coffret 4C D RCA Legacy / Sony MUsic

Ceux qui se désolent encore de ne pas avoir pu assister aux résidences du grand saxophoniste de Chicago lors du festival Jazz à la Villette (sessions 2015) ont matière à se consoler. En effet, Sony Legacy vient de rééditer l’enregistrement des 3 concerts mythiques donnés par Steve Coleman en mars 1995 au Hot Brass (l’actuel Trabendo). Comme le racontent les pages du superbe numéro de Jazzmagazine n°676 consacré ( enfin !) au saxophoniste, ces concerts restent de toute évidence gravés dans les mémoires des aficionados parisiens.

1995. Le jazz cherche ses nouvelles voies. Ses nouveaux moyens d’expression. De nouvelles musiques surgissent et Steve Coleman avec ses trois formations (Mystic Rythm Society, Metrics et Five elements) faisait alors, comme il le fait toujours : ouvre des portes. Va puiser dans toutes ces musiques, qu’elles soient traditionnelles ou modernes pour en offrir un génial melting pot syncrétique. Trois volets donc. Avec « Mystic Rythm » il y est question de transes mêlant le jazz à la world music, au koto japonais autant qu’aux chants arabes. Avec « Metrics » il y est question du mélange des pulses du jazz avec celles du rap ( Coleman n’aime pas parler de rappeurs il préfère parler de lyricists). Là, c’est le jazz qui s’acoquine avec une autre musique de la rue. Et enfin avec « Five Elements » il est question d’une vraie réflexion sur les formes du groove plongeant au cœur des racines d’un jazz plus bop pour lui montrer des vois plus actuelles et incandescentes.

Sans relâche, Coleman travaille sur l’intégration des différentes formes d’improvisation dans le cadre de structures polyrythmiques complexes. Quelle qu’elles soient. Et c’est toujours jouissif ! Notamment parce que dans la bande des fellow partners de Steve Coleman il y a un Gene Lake qui atteignait des sommets. Ou encore un maître du groove, avec un Reggie Washington impérial. On y entend aussi les interventions du trompettiste Ralph Alessi ou encore d’un tout jeune pianiste promis à l’avenir que l’on sait, Vijay Iyer. Et même David Murray qui s’invite sur le plateau le dernier soir pour jeter une huile bouillonnante sur le feu de la lave colemanienne.

Le dernier soir, C’est le grand gourou de ces sessions, Steve Coleman lui-même qui explose, pas seulement grand ordonnateur, pas seulement grand maître du tempo, pas seulement cérébral mais aussi grand maître d’un son venu de très loin, digne héritier de Charlie Parker par d’autres moyens.

Ces sessions rééditées par Daniel Baumgarten sont le formidable témoignage d’une époque. Si les rappeurs des Metrics peuvent nous sembler un tantinet désuets et ringards aujourd’hui, force est néanmoins de constater que les deux autres volets n’ont pas pris une seule ride et qu’hier comme aujourd’hui la musique des Five Elements porte le jazz aux sommetx que seuls des génies de la trempe de Steve Coleman ou John Zorn peuvent atteindre..

Est ce qu’en mars 95, Paris brûlait ? En tous cas il se consumait de plaisir ….

Jean-Marc Gelin

Pas beaucoup de traces vidéo des sessions de 95. Celle-là date de l'année suivante.

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11 septembre 2015 5 11 /09 /septembre /2015 07:04
Vincent Courtois : " WEST "

Label La Buissonne/ Harmonia Mundi

www.labuissonne.com

www.LACOMPAGNIEDELIMPREVU.com

www.vincentcourtois.com

https://www.youtube.com/watch?v=SZk_SijXtQw

Une musique fraîche et enthousiaste, grave et introspective pour un musicien établi qui continue à chercher, pour qui la chose qui compte encore avant tout est le plaisir de jouer ensemble, de se surprendre et nous surprendre, de ne pas se reposer sur ses lauriers. Le violoncelliste Vincent Courtois sait valoriser l’apport des musiciens qu’il a choisis, deux excellents saxophonistes ténor, combinaison inédite d'instruments du milieu, proches du registre du violoncelle. Comment arrivent ils à s’ajuster et se répartir les rôles? Cela semble aller de soi, tant ces deux musiciens Robin Fincker et Daniel Erdmann jouent avec une pertinence élégante, se répartissant les rôles avec une rapidité confondante, en bonne intelligence. Le quatrième larron est le formidable pianiste Benjamin Moussay (sur 5 des onze titres) dont la folie inventive s’accorde à merveille à tous ces « jouets » musicaux, variations du piano, du toy piano au célesta ou au clavecin. Quant à Vincent Courtois, il peut, je le répète, tout obtenir de son violoncelle, le transformer en guitare, violon, lui faire pleurer le blues, ou le rendre à sa dignité classique à l’archet. Electrifié, il sonne autrement et donne des effets plastiquement sonores fascinants.

Une façon pour le groupe de jouer avec la spontanéité, tout en enfonçant le clou d’une certaine sophistication, n’omettant jamais la préméditation de ce projet baroque et foisonnant où distorsions électriques, envolées pop rock, jazz et classique se jouent dans l’instant. Ce nouvel album évoque le "Go West Young Man", une nouvelle frontière à atteindre?, un départ vers l’inconnu, et montre, en un écho brillant et évident, une réelle continuité avec le précédent Mediums en trio (les mêmes saxophonistes sur le même label). Il y est par exemple question de ces êtres monstrueux des baraques foraines, ces « Freaks » en hommage au film muet en noir et blanc de Tod Browning, dont la plainte intérieure nous est perceptible par le velouté tendrement moelleux des saxophonistes. Parfaite bande originale du film qui se joue dans nos oreilles si l’on se prête au courant de la narration. Et que dire de «West», le titre éponyme de l’album qui vous emporte dans une boucle obsédante? Poursuivant la beauté pleinement féconde de ses projets qui trament une toile de vie, Vincent Courtois a déjà d’autres idées à défendre, avec cette formation qu’il affectionne, sur les «Bandes Originales» de films, justement. En attendant, voilà un cadeau pour les fans, qui continueront ainsi à le suivre avec délectation comme moi cet été à Cluny et une entrée pour ceux qui étaient peut-être restés en retrait jusque là.

Sophie Chambon

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7 septembre 2015 1 07 /09 /septembre /2015 21:25
Gérard Marais quartet : " Inner Village"

Gérard Marais quartet

INNER VILLAGE

Cristal records/ harmonia mundi

www.cristalrecords.com

www.gerardmarais.com

Concert le 29 septembre à Paris au Sunside

Voilà un CD que vous ne regretterez pas d’écouter et de réécouter pour en découvrir les moindres espaces et recoins cachés. Du jazz qui groove d’un bout à l’autre de cet album d’un fameux quartet qui célèbre le retour après dix ans du leader, le guitariste Gérard Marais. Lui qui pensait avoir pris sa retraite, l’âge venu, n’a pu résister à revenir sur scène, pour notre plus grand plaisir. Gérard Marais, l’un des pionniers de la guitare jazz des années soixante dix, a multiplié les rencontres et les échanges avec la « crème » de la scène jazz hexagonale : jugez plutôt, en duo avec Raymond Boni , en trio avec Didier Levallet et Dominique Pifarély ; en sextet, il créa Katchinas et participa aussi au collectif Zhivaros, réunit enfin le premier big band de guitares...Un palmarès de choix pour ce musicien surdoué qui réarrange brillamment pour l’occasion certaines de ses compositions, dans cet Inner Village, sorti chez Cristal Records. Il est entouré de son vieux complice Henri Texier à la contrebasse, du bouillonnant Christophe Marguet, intense jusqu’au solo final de « Katchinas ». On ne saurait rêver de plus puissante et mélodique rythmique comme dans «Think Nocturne». Quant au pianiste, ce pourrait être une révélation pour ceux qui ne connaissent pas le collectif lillois Circum, ou le trio TOC dont Jérémy Ternois fait partie. Il accomplit ici un travail extraordinaire d’improvisation en parfaite osmose avec le guitariste. Le résultat est une musique fluide et si brillante qu’elle en paraît simple. Elle restera dans votre oreille : écoutez donc «Le Rouge et le noir», qui a plus à voir avec Nino Rota qu’avec Stendhal, ou «Inner Village Song». Mais comme le souligne fort justement Xavier Prévost dans son compte rendu du Festival de Jazz Campus en Clunisois, sur les DNJ, «ce sont des circonvolutions très lyriques où le chant conduit toujours vers des sentiers harmoniquement féconds». C’est là tout l’art de ce compositeur subtil et discret que de nous révéler les formidables envolées de son chant intérieur.

Sophie Chambon

INNER VILLAGE

Cristal records/ harmonia mundi

www.cristalrecords.com

www.gerardmarais.com

Concert le 29 septembre à Paris au Sunside

Voilà un CD que vous ne regretterez pas d’écouter et de réécouter pour en découvrir les moindres espaces et recoins cachés. Du jazz qui groove d’un bout à l’autre de cet album d’un fameux quartet qui célèbre le retour après dix ans du leader, le guitariste Gérard Marais. Lui qui pensait avoir pris sa retraite, l’âge venu, n’a pu résister à revenir sur scène, pour notre plus grand plaisir. Gérard Marais, l’un des pionniers de la guitare jazz des années soixante dix, a multiplié les rencontres et les échanges avec la « crème » de la scène jazz hexagonale : jugez plutôt, en duo avec Raymond Boni , en trio avec Didier Levallet et Dominique Pifarély ; en sextet, il créa Katchinas et participa aussi au collectif Zhivaros, réunit enfin le premier big band de guitares...Un palmarès de choix pour ce musicien surdoué qui réarrange brillamment pour l’occasion certaines de ses compositions, dans cet Inner Village, sorti chez Cristal Records. Il est entouré de son vieux complice Henri Texier à la contrebasse, du bouillonnant Christophe Marguet, intense jusqu’au solo final de « Katchinas ». On ne saurait rêver de plus puissante et mélodique rythmique comme dans «Think Nocturne». Quant au pianiste, ce pourrait être une révélation pour ceux qui ne connaissent pas le collectif lillois Circum, ou le trio TOC dont Jérémy Ternois fait partie. Il accomplit ici un travail extraordinaire d’improvisation en parfaite osmose avec le guitariste. Le résultat est une musique fluide et si brillante qu’elle en paraît simple. Elle restera dans votre oreille : écoutez donc «Le Rouge et le noir», qui a plus à voir avec Nino Rota qu’avec Stendhal, ou «Inner Village Song». Mais comme le souligne fort justement Xavier Prévost dans son compte rendu du Festival de Jazz Campus en Clunisois, sur les DNJ, «ce sont des circonvolutions très lyriques où le chant conduit toujours vers des sentiers harmoniquement féconds». C’est là tout l’art de ce compositeur subtil et discret que de nous révéler les formidables envolées de son chant intérieur.

Sophie Chambon

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2 septembre 2015 3 02 /09 /septembre /2015 08:25
CECILE MC LORIN SALVANT : «  For one to love »

Mack Avenue / Hamonia Mundi

Cécile McLorin Salvant (voix) - Aaron Diehl (piano) - Paul Sikivie (contrebasse) - Lawrence Leathers (batterie) - Vincent Peirani (accordéon)

Nouvel album de Cecile Mc Lorin. Véritable choc !

Ceux qui ne connaissaient pas la jeune chanteuse franco-haïtienne, ex-lauréate du prestigieux concours Thélonious Monk, ne resteront pas longtemps dans l’ignorance, on peut vous l’assurer. Car, tenez-le vous pour dit, Cécile Mc Lorin est ce qui nous arrive de mieux dans le paysage du jazz vocal depuis bien longtemps.

Quelle chanteuse !

Dans cet album très personnel qui exhale à chaque chanson l’essence et les racines du jazz, il y a une formidable et audacieuse liberté où elle livre beaucoup d’elle-même.

Cette liberté, elle se l’accorde en premier lieu en nous livrant cinq sublimes compositions personnelles. Il faut entendre ce Look at me poignant, à la musique et aux paroles sublimes ou encore Monday. On les croirait tous sortis du real book. Moment d’intimité partagé avec la chanteuse. De proximité.

Mais il n’ y a pas que cette mise à nue. Il y a aussi cette liberté du chant incroyable où Cécile Mc Lorin se livre toute entière, sans réserve et sans calcul. Car avec Cécile Mc Lorin il n’est pas seulement question de chanter, il est question d’interpréter, de se muer en diseuse d’histoires.

Artiste totale.

Engagement corps et âme où toute la gamme des expressions humaines passe par sa voix. A la fois joueuse, cajoleuse, railleuse ou gouailleuse, Cécile Mc Lorin Salvant est devant nous la pièce maîtresse d’une comédie musicale faite de jazz et de blues.

Elle y proclame son amour sans limites pour cet art de la scène, se fait elle-même comédienne avec beaucoup d’humour comme sur ce Stepsister’s Lament de Rodger's et Hammerstein (« Cinderella ») ou encore dans Trolley Song immortalisé par Judy Garland (tiré du film « Meet me in Saint Louis ») et ici magnifié par une rythmique exceptionnelle. On se pince, on croit à la réincarnation, cette fois de Sarah Vaughan. Parfois enfantine ( « Woman Child était le titre de son premier album), Cécile nous émeut aux larmes ou à la joie. Chacune de ses chansons parle d’elle-même. Son interprétation de Barbara nous bouleverse. Celle très simple et efficace de Burt Bacharach frémit de soul.

Son chant, on l’entend, on le sent, on le ressent, il vient du fond des tripes. Il brûle et se consume à la manière d’une Bessie Smith réincarnée dans un rade de la Nouvelle Orléans (comme ce Growin dan totalement incandescent et sexuel ou encore sur ce What’s the matter now chanté jadis par la reine du Blues ).

Se murmure dans un chant d’amour déçu.

Donne beaucoup d’elle-même avec une sincérité touchante et parfois même d’autodérision émouvante.

Et pour faire un grand album de jazz, il faut de bons musiciens, il faut un groupe. Cécile Mc Lorin Salvant s’accompagne ici de ses musiciens habituels avec lesquels elle a l’habitude de tourner. À la légèreté délicate d’un Aaron Dhiel s’ajoute la profondeur sensuelle de Paul Sikivie et le drive très subtil de Lawrence leathers.

« For One to Love » est le 3ème album de la chanteuse. Le plus personnel. Le plus intime.

Il dit en musique la comédie de l’amour. Sa tragédie aussi.

Jean-Marc Gelin

NB : album très personnel où Cécile va jusqu’à signer elle-même la pochette en rouge et noir.

Cecile Mc Lorin Salvant sera au Festival Jazz à la Villette le samedi 5 septembre à 21h30. A ne manquer sous aucun prétexte.

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28 août 2015 5 28 /08 /août /2015 06:47
YARON HERMAN : " Everyday"

Yaron Herman (p, vc), Ziv Ravtiz (dms, vc), Helgi Jonsson (vc), Jean-Pierre Taieb (vc)

Bluue Note 2015

On aurait un peu peur d'utiliser une formule galvaudée si l'on disait que ce nouvel album du pianiste marque une nouvelle étape dans le développement de la musique de Yaron Herman. C'est pourtant bien de cela dont il s'agit lorsque l'on écoute "Everyday", le nouvel opus enregistré en grande partie en duo avec batteur israélien Ziv Ravitz. Car ainsi qu'il le confiait dans les colonnes des DNJ, Yaron Herman est parvenu à exprimer ici l'essentiel dans un rare moment d'entente télépathique entre les deux musiciens.

Avec ce 7eme album on entre de plain pied dans une musique fusionnelle, au confluent de sa propre progression musicale, entre classique et tradition, jazz et pop, entre chant et impro, entre le groove qui emporte tout et les fluidité harmoniques qui enveloppent. Il y a tout ! Et il y a surtout la fraîcheur d'un travail en studio en grande partie spontané où Yaron et Ziv se jouent des structures rythmiques complexes ( Nettish) ou bien , dans un moment de jaillissement font émerger un groove absolu, forme d'art total, engagement à corps perdu ( Everyday). Une sorte de dialogue interactif sans cesse en mouvement.

Si l'on sait que Yaron Herman aime rendre quelques hommages à ses contemporains en empruntant parfois au répertoire de la pop actuelle, il s'agit ici moins d'emprunt que d'une influence forte et prégnante sur sa musique, celle de l'esthétique de Radiohead dont il revendique clairement qu'elle est pour lui une source fondamentale d'inspiration. Comme sur ce coup de génie sur Volcano où Yaron Herman ajoute un duo de voix qui s'envolent au dessus de la mélodie portée avec autant de force que de légèreté. Il en est de même sur 18:26, très fort dans la force d'entrainement d'un flot inexorable portée à son paroxysme par l'intervention furtive et éphémère des voix et par le silence brutal qui s'en suit. Ou encore sur Rétrograde, morceau de James Blake admirablement suspendu comme entre deux eaux, morceau flottant et très émouvant par la place qu'il laisse à l"espace, au non dit, à la force suggestive.

Cet album est puissant, terriblement puissant. Structuré ou déstructuré, improvisé ou harmonisé, il dit quelque chose d'un moment de musique essentiel au sens propre du terme. Cet album est powerful et riche. Riche de la force de ses reliefs, de ses micros incrustations sonores, de son travail sur le son façonné à quatre mains. Ce travail sur le son. Ce travail d'osmose.

On a souvent dit que Yaron Herman suivait un chemin Jarretien. Image un peu agaçante parce que, là encore galvaudée. Il y a bien sûr un peu de cela tant il est marqué à vie par le pianiste américain. Toutefois on entend bien comment sur Fast life cette influence importante débouche sur un discours original où Yaron Herman semble explorer tous les registres d'émotions portées par le grave du piano. Exprime une identité. Mais surtout on est ici, avec "Everyday" à la croisée des chemins de toutes ses influences, de tout ce qui le nourrit depuis des années, de tout ce qu'il écoute et, forcément de tout ce qu'il vit.

Et si la croisée des chemins débouche toujours sur une route nouvelle, celle qu'il va suivre désormais s'annonce d'ores et déjà lumineuse.

Jean-marc Gelin

Ps : Mention spéciale au graphisme de la pochette ( Yann Legendre) , un peu destructurée et très moderne. Très urbaine dans un esprit Kandisky.

PS : Yaron Herman sera en concert à Paris, à la Villette le 10 septembre 2015

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