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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 07:14

 

Dominique Pifarély (violon, compositions) et l’ensemble Dédales : Guillaume Roy (violon alto), Pascal Gachet (trompette), Christiane Bopp (trombone), Vincent Boisseau (clarinettes), François Corneloup (sax baryton), Julien Padovani (piano), Hélène Labarrière (contrebasse), Éric Groleau (batterie)

Poros Editions AC26DP / L’autre distribution

www.pifarely.net

dominique-pifarely-time-geography.jpg

Infatigable acteur de la scène jazz et musiques improvisées, le violoniste Dominique Pifarély  poursuit avec ce nouvel opus son travail d’écriture en creusant la notion de labyrinthe. Et le moins qu’on puisse dire est que cet ensemble ne tourne pas en rond, tant il maîtrise collectivement l’exploration d’un matériau intemporel, recyclable, toujours actuel en fait. A l’exemple du premier titre « Ordinary chaos »  que conduit un Icare fiévreux et incandescent, le batteur Eric Groleau. Cette musique ardente dans ses commencements, souvent nerveuse, entraîne au delà de la sensibilité et du lyrisme, sans produire une excitation violente, tant on la sent contrôlée, presque mesurée dans ses dérèglements. La sensibilité de chacun s’accorde à l’esprit de l’ensemble. C’est la force de cette écriture que décrivent les notes de pochette expertes de Denis-Constant Martin.

Pourtant, on ne voit guère l’ensemble Dédales programmé dans les festivals Afijma ou autres... Frank Bergerot  révélait sur le blog de Jazz Magazine, il y a déjà quelque temps, que la formation n’avait joué ce programme que quatre fois en deux ans...Bigre c’est vraiment peu !

Peu de rodage donc entre les membres de ce nonet éclectique et pourtant ça circule entre eux. Ils réussissent, avec des ruptures, des alliances ou alliages qu’ils tordent, combinent, font et défont  à explorer le temps et ses échelles, cette géographie si particulière: voilà de la belle ouvrage, une mécanique de grande précision- le moins que l’on puisse attendre d’un travail sur le temps. Même s’il faut se plier, se déplier, passer « per angusta » par la voie étroite, voilà une mise en place redoutable qui donne une grande lisibilité à l’ensemble, une cohérence parfaite avec des transitions souples et subtiles entre les compositions qui se suivent avec une science consommée.


Les musiciens partent de la partition concoctée par leur leader qui a pris soin de mettre en valeur chacun d’entre eux  et en quelques solos, avec des duos et parfois des unissons, beaucoup de contrepoints, aboutissent à des combinaisons inouïes, regroupant ou dissociant les pupitres. Indiscutablement, le caractère organique de l’écriture est perceptible, avec tout un jeu de motifs, en miroirs déformants ou non. Des solis ébouriffants du trompettiste  Pascal Gachet  ou de la  tromboniste Christiane Boppqui ne vient pas du jazz ( !) mais de la musique contemporaine et  de la musique ancienne. Le grand écart en somme, que pratique aussi l’autre complice de cordes de Dominique Pifarély, l’altiste Guillaume Roy, à l’articulation exacte entre musique de chambre et improvisation. Des cordes et des vents, du souffle... ça joue sur de nombreux registres et instruments, sur des nuances atmosphériques, des climats, ça décolle avec les échappées du baryton de François Corneloup, la pulsation souple et musculeuse, follement élégante de la contrebassiste Hélène Labarrière. Quant au pianiste Julien Padovani,  il est à la fois délicat, obsédant, percussif quand il le faut,  dans le final qui ordonne le chaos.

HD-Pifarely-124913-c-Eric-Legret.jpg

 N’hésitez pas à écouter d’un trait cette œuvre dense et passionnante. Vous prendrez plaisir à y revenir car la musique exigeante finit par s’abandonner à ceux qui en manifestent le désir. On ressent étonnamment la prise en compte du corps dans tous ces cheminements personnels, ce parcours labyrinthique, jamais effrayant ni carcéral. Au contraire, il nous semble que le résultat magnifie l’intelligence du corps entier, redirige vers la lumière avec une délicatesse sensible au plus fort des éclats. La musique n’a aucune difficulté à occuper l’espace, et l’on est vite captivé par son éloquence brûlante. Cet album est tout sauf une musique de l’instant, il est donc définitivement convaincant.

On espère bientôt entendre cet ensemble en direct tant leur travail profond et engagé marque l’empreinte d’une musique porteuse de sens et de vertus formelles.

Sophie Chambon

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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 18:10

 

Motema 2014

Jacques Schwarz-Bart (ts), Erol Josué (vc), Rozna Zila (vc), Stephanie Mc Cay (vc), Etienne Charles (tp), Alex Tassel (flgh), Milan Milanovic (p), Gregory Privat (p), Ben Williams (b), Regie Washington (b), Obed Calvaire (dms), Arnaud Dolmen (dms), Gaston «  Bonga »nJean-Baptiste (perc), Claude Saturne (perc)

 JSB-JRH.jpg

JSB raconte des histoires créoles. Des histoires venues de cet Haïti- pays meurtri, pays des raconteurs d’histoires, pays d'envoûtements, pays de ceux qui parlent haut et chantent avec âme.

Avec un jazz très marqué 80’s mariant un esprit funky et une rythmique gwoka le saxophoniste donne à ces histoires une réelle densité. Un réel ancrage au cœur d’un volcan haïtien qui fait vibrer au tréfonds de nous-mêmes que l'on soit ou non natif des îles. Parce qu’il y a dans ce discours, un cri sous-jacent, une douleur lancinante et récurrente, parce qu’il y a une humanité, spirituelle et révoltée aussi, parce qu’il aussi une fierté antillaise qui frappe au coeur. Une fierté finalement universelle.

JSB sait donner à ce discours une incroyable densité. D’abord avec ce son des (très) grands ténors qui expriment cette virilité féminine. On pense à Michael Brecker par exemple. Aussi un peu à Joe Henderson. A tous ceux qui ont su donner au sax tenor de l'après-Coltrane une puissance expressive radicale. Ce son d'une totale puissance maîtrisée tant dans les graves que dans les aigus, ce son qui sait manier l'agilité du placement et la félinité du déplacement. Ce genre de son qui traverse les corps et les esprits. Et surtout ce son qui porte autre chose que la seule musique.

Avec lui Jacques Schwarz-Bart embarque un vrai collectif particulièrement soudé dans cette urgence à dire. On notera au passage la présence de ce grand trompettiste, Etienne Charles et la présence puissante de Reggie Washington à la basse. Et pour raconter ces histoires créoles, JSB fait aussi appel à des chanteurs qui ancrent leur voix exceptionnelles dans la tradition du chant antillais, dans les racines caribéeennes. 

Les rites vaudous émergent de ce ballet puissant et finalement nous emportent dans le flot de ce qu’exprime ici l’un des plus grands jazzman de sa génération.

Jean-Marc Gelin

 

Reyrouvez ici le concert donné à Banlieues Bleues

http://concert.arte.tv/fr/jacques-schwarz-bart-jazz-racine-haiti-au-festival-banlieues-bleues

 

 

 

 

 

 


 

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3 février 2014 1 03 /02 /février /2014 21:08

 

ECM 2014

Arild Andersen (cb), Paolo Vinaccia (dms), Tommy Smith (ts, fl, shakuhachi)

 arild.jpg

 L'ouverture de l'album est ….désespérément ECM. On a le sentiment que l'on a entendu cela des milliers de fois malgré la qualité du son projeté du saxophoniste ténor anglais Tommy Smith qui, il faut bien le reconnaître n'a pas beaucoup d'équivalent sur la scène européenne aujourd'hui.

Mais c'est aussi plus exactement la rencontre de deux sons, celui du saxophoniste justement mais aussi celui du célèbre contrebassiste norvégien habitué du label.

Il y a là une rencontre de personnalités fortes comme sur ce Blussy où tout en maîtrise, les trois protagonistes laissent traîner le son et le tempo et montrent le genre de défi qu'ils aiment relever. Juste un peu sale ma non troppo. Il y a de la gravité dans cet album-là. Il y a des moments de pur classicisme comme sur cet Aifie composé par ce génie de Burt Bacharach où l'on est (c’est un clin d'oeil) dans une inspiration du saxophoniste très Rollinsienne où en remontant plus loin dans la lignée de Coleman Hawkins. Il y a une belle musicalité dans cette rencontre très élégante. Peut-être en revanche un poil monotone. Peut-être aussi un peu trop lissée parfois. Tommy Smith y fait chanter son instrument alors qu’Andersen a cette façon de faire sonner la note en lui donnant la résonance nécessaire au soutien harmonique et rythmique. C'est quand même pas du jazz pour faire la révolution avec.

Mais c'est du sérieux et un poil neurasthénique à force mais cela reste la trace d’une belle rencontre entre trois musiciens de l’intime, trois musiciens de l’indicible.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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1 février 2014 6 01 /02 /février /2014 15:33

 

Bee Jazz 2013

Sashin Novrasli (p), Nathan Peck (cb), Ari Hoenig (dms)

 novrasli-cover.jpg

 

Shashin Novrasli est un pianiste  azerbaidjanais jusqu'ici totalement inconnu au bataillon. Il nous arrive aujourd'hui en pleine poire, à la tête d'un véritable power trio qu'il a constitué autour d'une musique exigeante et terriblement forte. On pense à l'entendre à de pianistes de la trempe de Jean-Michel Pilc dans leur art consommé de fusionner les renversements harmoniques et les pulsations rythmiques. La musique de Sashin Novrasli c'est l'envie de jouer, l'envie de proposer, ce sont des idées plein la tête et un talent fou au bout des doigts.

Loin des écoles du trio jazz classique, ce pianiste qui possède véritablement déjà tout des grands est impressionnant de maîtrise, enchaînant les triolets et les renversements d'accords. Il faut écouter comment il part du Prélude en Mi mineur de Chopin pour en faire un thème de jazz à part entière. C'est véritablement de haute volée.

Sans compter que derrière, Ari Hoenig est à lui tout seul un fin mélodiste de la batterie, multipliant les reliefs, les coups de grosses caisses, les feulements vibrants  ou les pulsation polyryhtmique. de quoi donner une très sérieuse la densité à la musique du pianiste.

shahin-novrasli.jpgBien sûr, comme souvent chez les pianistes jazz de l'europe de l'Est on entend à l'instar d'un Tigran hamasyan, parfois quelques inflexions traditionnelles, quelques clins d'oeil discrets puisées dans le patrimoine de ce pianiste azerbaïdjanais. Mais c'est pour mieux aller vers autre chose, plus personnel ( Bayati Shirzaz) où l'on entend que dans sa tête et sous ses doigts tout se mélange, depuis cette musique des traditions jusqu'au jazz et à la musique classique des maîtres du romantisme. Et cette expressivité romantique se marie à merveille avec un sacré sens du swing ( From Mill station) où l'on est assez bluffé par la précision et la puissance des attaques de main droite du pianiste. Et quel moment de grâce sur Elinde Sazin Qubani, morceau traditionnel où le temps est suspendu, où le pianiste fait résonner le son dans l'espace.

Sashin Novrasli, c'est la découverte d'un vrai talent. D'une passion jazz terriblement communicative. Il n'y a aucun doute qu'il va falloir s'habituer à lui et que les plus grands

labels ne tarderons pas à lui faire les yeux doux.

A découvrir de toute urgence.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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27 janvier 2014 1 27 /01 /janvier /2014 23:02

 

 

Label La Buissonne / Harmonia mundi

Sortie le 28 janvier 2014

www.andyemler.eu 

 ete.jpg

 

Cet ensemble de belle facture  a vu le jour il ya dix ans sur le label au titre original  In circum girum, fondé par Olivier Aude et Thierry Pichon et promu par l infatigable Thierry Virolle.  Ce trio est en fait un quatuor, un quartet, appelez-le comme vous voudrez, mais sachez que  cette formation qui n‘a enregistré en fait que trois disques. C’est dire que ces musiciens prennent leur temps, élaborent des projets et une musique soigneusement réfléchis.  Et ce n’est pas seulement parce qu’ils sont engagés ailleurs, mais parce qu’ils sont soucieux de produire du sens : ils présentent une musique en expansion, « expansive » aussi, du jazz contemporain mâtiné de beaucoup d’autres influences. Leur univers est vite identifiable cependant,  une « abstraction lyrique » qui concourt à édifier une histoire, une fiction mentale dont on suit les épisodes à la sortie de chaque album, cette fois sur le label de la Buissonne.  Nos amis  reviennent  cette saison avec Sad and Beautiful que confirme le motif peint  de la pochette,  en belle résonance, comme un rideau de pluie zébrant  un ciel outre-mer,  « outre profond » à la manière d’un Soulages.

“Small and beautiful”, “sad and beautiful”…. On peut sourire de ces expressions  populaires,  si ce n’est qu’elles expérimentent quelque vérité, enfouie au plus profond du collectif et de son imaginaire.

Les musiciens du trio organisent une musique qui appartient à eux seuls, avec un désir et un plaisir communs du jeu : de  véritables voix se font entendre dans cette musique  fluide, étrangement palpitante qui circule entre inquiétudes et révélations,  avec toujours la même subtilité dans les traits et alliages de timbres : « A journey through hope » et un « Try home » sont révélateurs,  après « Tee time » (reprise de l’album éponyme de 2003.)

Fidèle au trio depuis leur création en 2003, ce que j’écrivais alors n’a pas été démenti par la suite : « entre énergie déployée en force, moments d’improvisation ouverte,  jeu de questions-réponses ,  ce TEE crée une voie rigoureuse et poétique  ... les potentialités musicales d’une telle formation semblent inépuisables. »

 La valeur hypnotique qui berce tous les titres ou presque comme « Elégances » provient du piano d’Andy Emler,  soucieux de nombreuses nuances,  impressionnistes entre autres. On sait aussi que Ravel  vient de mobiliser son imaginaire et d’accaparer toute son attention. Au centre de l’attelage, le contrebassiste Claude Tchamitchian  joue de l’archet à grands traits sombres et inspirés, souvent nostalgiques. On reconnaît sa patte, sa palette de compositeur de musiques. Le batteur, c’est évidemment Eric Echampard qui constitue l’une des rythmiques les plus solides  avec « Tcham ». Celui  qui passe souvent avec une vigueur inégalée, ralentit ici, imposant un rythme sûr et léger, aidé, il est vrai, dans sa démarche percussive par les assauts du piano qui se déchaîne comme dans « Tee time ».

On souhaite donc que ce T.E.E nous fasse encore voyager longtemps,  que ce bel   E.T.E persiste dans sa démarche esthétique d’un « solo permanent à trois », pour une musique savante et populaire, actuelle surtout. Séduisante entreprise que l’on aimerait voir programmée très vite....

Sophie Chambon

 

 

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18 janvier 2014 6 18 /01 /janvier /2014 21:33

 

www.thomasdepourquery.com

Arnaud Roulin ( p, cl, vc), Edward Perraud (dms, perc, elect, vc), Frederic Galiay (b, elec, vc), Fabrice Maryinez (tp, fch, tuba, perc, vc), Laurent Bardaine (ts, bs, perc, vc), Thomas de Pourquery (dir, arrgts, as, ss) + Theremin (melodica, perc), + Jeanne Added (vc)

 thomas-de-pourquery-supersonic-play-sun-ra.jpg

Gloire soit rendue à ce voleur indélicat qui déroba un jour chez Thomas de Pourquery la 1ere version de cet hommage à Sun Ra et qui obligea alors le saxophoniste à tout réécrire en à peine quelques jours. On ignorera quelle était la première version mais, à l’instar d’un Brassens il y aurait matière à écrire des stances à ce cambrioleur providentiel par le hasard duquel Thomas de Pourquery a accouché d’un petit bijou.

L’exercice de l’hommage est pourtant difficile qui plus est avec un génial compositeur comme Sun Ra. Il ne faut pas copier mais dans le même temps il ne faut pas non plus dénaturer. Thomas de Pourquery relève ce pari avec brio, non pas en imitant mais en amenant la version originale sur un terrain plus actuel et ceci en restant à la fois proche des lignes mélodiques, rythmiques et surtout de l’esprit frondeur du génial jazzmen interstellaire. Qui mieux de Thomas de Pourquery pour s’atteler à la tâche. Qui mieux que ce sympathique et ultra-doué mégalo pour entreprendre de revisiter Sun Ra. Qui, aussi révolutionnaire, aussi gourmand de son époque, aussi moderne comme l’était le patron de l’Arkestra.

Il y a au gré des reprises tirées du répertoire de Sun Ra  pas mal d'humour décalé comme on l'aime souvent chez Thomas de Pourquery qui partage avec lui ce goût de la provocation fantasque. Shadow world tiré de l’album « Nothing is » publié en 1966 et qui ouvre l’album démarre sur un ostinato de piano bastringue avant que toute la mécanique ne se mette en route avec une énergie du chaos qui n'est pas sans évoquer Mingus dont on ne peut nier l’influence qu’il avait sur Sun Ra lui-même. D'emblée Thomas de Pourquery prend le taureau par le casque et promet d'entrer dans le vif du sujet. Mais avec un esprit moderne. Lorsque le Rocket number Nine avait presque des allures post bop lorsqu'il était joué par le Sun Ra Arkestra où l’on y entendait presque du Salt peanuts revisité, avec TdP c'est une version à la fois modernisée mais dans le meme esprit jouissif et décalé. Il faut aussi écouter Love in the Outer space avec la voix d'un superbe chanteur (TdP) flottant dans un espace de miel et de douceur ou cet esprit pop 70's à l'image de cet Enlightement qui respire le bonheur juvénile. Watusi Egyptian march se transforme en énergie festive, en bandas explosif où la marche n'est plus lunaire mais forme une sorte de procession joyeuse et déjantée qui explose en feu d'artifice. Terriblement jouissif ! Puis des sons lunaires et spacieux. Mais aussi l'énergie du free. Les arrangements sont enthousiastes et les musiciens partagent ce mordant communicatif à l’image d’un Fabrice Martinez magnifique trompettiste qui vient entailler le son, lui donner des saillies déchirantes. (Discipline). thomas.jpg

Et il y a toujours chez TdP un reste de pop funky qui colle aux basques de cet ancien rapeur. TdP est lui aussi une sorte de fanfaron céleste pourrait t-on dire à l'écoute de The Perfect man, totalement électrisant. TdP en restant assez proche de la musique originale, démontre les portes que Sun Ra a ouvertes en grand dans la musique moderne.

TdP est  aux manettes de cet album de son premier album avec des arrangements somptueux, un vrai esprit collectif où tout le monde embarqué dans l’aventure chante joyeusement. Avec un art consommé de la direction artistique en pointant du doigt le génie de Sun Ra et sa vision hallucinée de la révolution. Et c’est tout le génie fantasque de Sun  Ra qui avec Thomas de Pourquery prend une saveur nouvelle.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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9 janvier 2014 4 09 /01 /janvier /2014 22:03

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Okeh 2014

Miguel Zenon (as), Lionel Loueké (g), Jeff Ballard (dms)

 jeff-ballard-trio.jpg

On a tellement d’admiration pour cet immense batteur qu’est Jeff Ballard, depuis peu sous nos contrées, que l’on aurait franchement aimé pouvoir nous enthousiasmer.

L’ex-batteur de Metheny, de Corea et surtout aujourd’hui de Brad Mehldau dont il constitue l’un des piliers indissociable du trio ne manque pas de forcer l’admiration de tous pas son jeu d’une incroyable finesse au drive d’une légéreté et dune aisance polyrythmique absolue. Il y a moins d’un mois nous nous étions emballés sur l’apport du batteur dans le dernier album d’Olivier Bogé.

Alors vous pensez, avec une affiche, comme celle qui réunit Loueké et Zenon, nous partions avec un à priori 100% acquis à la cause.

Et pourtant nous voilà bien obligés d’admettre que nous ne sortons pas toujours convaincus par la musique qui se dégage de cet album. Un album sans véritable nervure, sans véritable ligne directrice et qui semble parfois se chercher un peu à l'image de Mikavpola qui n'a pas réellement de direction et où Lionel Loueké semble un peu perdu sans trop savoir ce qu'il a à faire.  Pourtant dès que ce dernier affiche sa personnalité musicale, avec toute son africanité (Virgin forest), Miguel Zenon lui emboîte merveilleusement le pas avec toute sa latinité. Mais c'est alors Jeff Balard qui semble un peu à l’ouest ne parvenant pas vraiment à s’insérer entre les deux.

Bien sûr, bien sûr il y a le talent immense de Miguel Zenon .../... lire la suite....

 

Jean-Marc Gelin

 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 20:32

 

Bill Carrothers

With Peg Carrothers, Matt Turner, Jean Marc Foltz, Nicolas Thys

And  CHOIR

www.visionfugitive.com

www.billcarrothers.com

  carrothers.bill_sundaymorning_w.png

Voilà  une nouvelle idée de Philippe Ghielmetti qui a vu le jour sur son label  Vision fugitive, profitant d’une longue complicité avec le pianiste Bill Carrothers. Reprenant une formation élargie qui nous fait souvenir du superbe Armistice 1918,  sorti  sur le label Sketch, le projet revient cette fois à la source, fouille et entreprend  comme une « psychanalyse musicale », explore les origines. Et pour les Américains, la source est souvent à l’église. Ce n’est pas de jouer du gospel ou du blues qui anime le pianiste du Midwest  (Minneapolis), même si le Mississipi est proche... Il cherche à s’emparer d’un répertoire traditionnel et à’en faire une musique de chambre, en utilisant  comme matérieu, les chants de l’église luthérienne de son enfance.

Pour celui qui s’appuie sur l’histoire de son pays depuis si longtemps, en puise force et  énergie communicative, voilà un exercice de style d’un genre nouveau, une façon d’aborder et d’intégrer les « Hymns et Church songs » à sa vision de l’ « americana » et ainsi de  la compléter aujourd’hui. Un «  story telling » continu qui englobe ce qui l’inspire, la vie de tous les jours, la famille et les grands espaces qui ne manquent pas autour de lui. Une tâche ardue mais enthousiasmante, plus encore que collective,  fraternelle sans tomber dans un communautarisme suspect et souvent dangereux.

Quelle meilleure idée que d’écouter ces chants, un dimanche dans l’entre deux, de Noël et Jour de l’An . Le chœur  fut enregistré à Minneapolis avec  des arrangements soignés, écrits par le pianiste pour l’occasion  comme on peut s’en faire une idée sur « A mighty fortress is our god », ou « Eternal father, strong to save ».  Quant à l’équipe resserrée  autour de lui, elle se  compose des « fidèles », de sa femme Peg, membre de la même chorale , le clarinettiste, l’ami français Jean Marc Foltz, le violoncelliste américain Matt Turner  et le contrebassiste belge Nicolas Thys.

Quelle que soit notre croyance, après les chants laïques de Noël, on peut puiser du réconfort dans cette musique pure, simple et si belle. Pas vraiment légère,  mais  lumineuse, en dépit d’une certaine mélancolie. La voix, par instant légèrement rauque de Peg entonne à la moitié de l’album,  très exactement, sur un rythme jazz « Just a closer walk with thee », et ce swing invité nous ferait presque chavirer de bonheur. Douceur enivrante de ce quintet  chambré à la bonne température. C’est encore Noël mais sur sa pente calme. Se dessaisir de ce souffle vital, le déposer en partage pour le voir renouvelé, avec toujours plus de vie et de musique partagées.  Est-ce se sentir reliés par cet appel à la vie, plus large, qui nous dépasse, nous garde debout, les yeux fixés vers d’autres ?  Le message teinté de spiritualité, sans tomber dans un mysticisme suspect, atteint son  but, quel que soit le degré de croyance. Cette circulation d’être que nous avons en commun,  avec la musique, cette fraternité des voix est- ce là, une forme de transcendance ? Le final boucle cette suite avec un rappel du premier thème emprunté à Bach et que l’on soit ou non athée, « Oh God, Our Help in Ages Past », cela fait sens.

 

Sophie Chambon

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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 20:25

 

Christian Gaubert /André Ceccarelli/Jannick Top

+Thomas Savy

Cristal Records/ Harmonia Mundi

www.christian-gaubert.com 

www.lignesudtrio.com

www.cristalrecords.com

 gaubert-ceccarelli-top_lignesud_w.jpg

Beau palmarès que celui du pianiste Christian Gaubert, né en 1944 : 50 années d’écriture, d’arrangements dans la chanson (chef d’orchestre de Bécaud et Aznavour entre autres) et les musiques de films (plus de 150 partitions[i]). Cela fera peut-être reculer les « puristes » en jazz qui n’apprécient pas souvent les musiciens dits « de studio ». On y verrait plutôt la preuve d’un bel éclectisme et une raison supplémentaire pour écouter la musique de ce trio Ligne Sud. Car Gaubert se souvient qu’il aime aussi le jazz, tout comme ses copains : ses compositions sont rehaussées du savoir-faire du bassiste Jannick Top qui fit, un temps équipe avec Christian Vander et Magma, sans négliger de travailler lui aussi pour de nombreux artistes de variétés dont Michel Berger, Jacques Dutronc... Quant au troisième larron, ce n’est autre que le batteur niçois André Ceccarelli qui, lui aussi s’est illustré dans de nombreux styles, ayant rencontré Jannick Top en 1971 et formé un trio de fusion nommé TROC... Le clarinettiste saxophoniste Thomas Savy est le « jeune » invité que l’on ne présente plus, mais qui contribue par la grâce de son phrasé à la réussite de nombreuses pièces dont « Lumières citadines » . 

Ligne sud est revenu à Marseille - deux des trois membres sont en effet originaires de la cité phocéenne- lors de l’année « capitale ». Un concert fut donné en novembre dernier dans le cadre de l’opération Jazz sur la ville, labellisée MP 2013, à la Bibliothèque régionale à vocation multiple ( BMVR) l’Alcazar (partenaire incontournable du festival Jazz des cinq continents).

 Pas de nostalgie ni d’hommage particulier cependant dans cette musique d’une grande fluidité: profondeur veloutée du piano (« Bill Nostalgie »), drive énergique et continu. La lumière du sud (belle pochette monochrome) brille sans aveugler  comme dans « Un beau jour de novembre », tant il est vrai que c’est alors une des meilleures saisons à vivre dans le sud.

Il ya une réelle cohérence dans cet album qui s’écoute en tendant l’oreille, car, sous le chant feutré de ces mélodies, sous le style tranquillement voluptueux, s’impose un parti pris aussi simple qu’efficace, non dénué d’une certaine émotion.

A écouter chez soi entre amis, ce sera assurément un bon moment partagé.

Sophie Chambon



[i]  Dans sa discographie très riche, on relève  Une ville, une vie  chez Trema  et Les grands compositeurs français de musiques de filmschez Fremaux.

 

 

 

 

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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 16:50

 

Vijay Iyer  compositions (1-16),  piano, Fender Rhodes, programming and live electronics , Mike Ladd  (lyrics, 

lead vocals), Maurice Decaul  (lyrics, vc) , Lynn Hill  (lyrics, vc), Pamela  Z (vc), Guillermo E. Brown  (vc), Liberty Ellman  (guitar) Okkyung Lee  (vcle), Kassa Overall  (dms)

iyer-ladd.jpg 

Il y a dans Dreams in color ou dans Mess Hall une atmosphère fantomatique, faîte de récurrence de sons, de nappages sonores et de voix de slam parfois désincarnées ou au contraire remplies d'âme(s).  Cette vapeur onirique qui enveloppe les rêves de ces vétérans noirs américains est la matière première de cet album. Mike Ladd les a  interrogés : vous qui avez vécu les guerres d’Irak ou d’Afghanistan, de quoi sont fait vos rêves ? Il y a alors la voix de Lynn Hill et de Maurice Decaul (deux vétérans) qui, en parlé-chanté disent des textes forts sur leur expérience presque traumatique. Et de ces entretiens qu'ils ont eus avec le chanteur et poète Mike Ladd est résulté cet album étrange totalement iconoclaste de slam, de rap, de rock et de jazz à la fois.

Depuis 3 ans qu’ils travaillent ensemble, Vijay Yer et Mike Ladd se sont engagés dans plusieurs projets bâtis chaque fois autour de la parole et du témoignage de noirs américains anonymes. Aujourd’hui la parole est donnée (entre autres) à Lynn Hill, militaire basée à Las Vegas chargée de piloter des drônes américains bombardant l’Afghanistan ou à Maurice Decaul, poète noir ancien des Marines en Irak.

Et c’est de leurs récits qu’émerge parfois cette étrange douceur ( celle des rêves), cette obsession lancinante et fatalement, cette violence aussi. Les textes retranscrivant ces rêves sont parfois hallucinants mais aussi parfois incroyablement banals ou donnent matière à des poèmes superbes de Mike Ladd. Pour autant Vijay Yer et Mike Ladd n’avancent aucun jugement politique mais donnent force à ces témoignages toujours bouleversants. La musique est dense, palpable, au coeur de la chair et de l'âme. Car ce projet exprime autre chose que de la musique. La place est parfois prise par la parole, par la voix, par le rythme, par les nappes électriques, par le clavier et parfois par tout cela ensemble. A la fois les textes sont admirablement mis en valeur mais aussi mais ils laissent la place à la musique où le jazz s'exprime sous les doigts de cet admirable pianiste qu’est Vijay Iyer ( écouter sa puissance lyrique sur Requiem for an insomniac). Les arrangements sont exceptionnels et créent ainsi une sorte d’atmosphère réellement envoûtante et toujours d’une force émotionnelle rare ( Capacity)

Mais il est clair que cet album s’appréhende dans sa globalité et doit s'appréhender textes à la main au risque de passer totalement à côté. Distingué par l'Academie Charles Cros "Holding It Down" est une réflexion parfois effrayante, et une combinaison exaltante de poésie et de musique qui émerge de la guerre, du fantasme et du traumatisme dicible ou indicible.

Œuvre psychanalytique, œuvre fascinante, œuvre choc !

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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