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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 22:25


Impulse 2014

Ran Blake (p), Ricky Ford (td), Laika Fatien (vc)

C'est un album choc. Certainement l'un des évènements majeur de cet automne ( avec celui d'Antonio Sanchez dont on vous parlera plus tard ).

Avec Cocktail at Dusk, le pianiste signe un hommage à la chanteuse américaine Chris Connor dont il fut l'un de ses amies et disparue en 2009. Chris Connor, malheureusement un peu ignorée du grand public était une immense chanteuse de jazz qui eut son heure de semi-gloire àla fin des années 50 lorsqu'elle signa chez le label Bethlehem ou encore pour le mythique label Atlantic sur lequel Creed Taylor signa aussi  de fameuses chanteuses de jazz ( Julie London !!) avant d'aller créer Impulse. Mais ça c'est une autre histoire qui d'une certaine manière se perpétue ici puisque cet album est signé sur le même label repris récemment par Jean-Philippe Allard.

Ran Blake lui rend donc hommage par cet album tout en délicatesse qui mêle à la fois les parties instrumentales en solo ( les plus nombreuses) ou accompagné du sax tenor de Rick Ford sur deux titres mais aussi quelques parties chantées par la sublime Laika Fatien ou encore quelques discrets passages collés où l'on entend la voix de Chris Connor apparaître et disparaître de manière fantomatique.connor

Ran Blake, immense pianiste conversant sans cesse avec lui même et son propre piano dans une relecture souvent très monkienne est amoureux des chanteuses et des chansons elles mêmes. Sa carrière a d'ailleurs véritablement débuté avec un chef d'oeuvre iconique, son duo avec Jeanne Lee ( "The newest sond around "- 1962) qui continue à marquer de son empreinte des générations de chanteuses de jazz, au rang desquelles Laika elle même.

Tout au long de cet album c'est une succession de petits chefs d'oeuvre alignés les uns après les autres. Les interventions de Laika sont proprement renversantes. Sa version de All About Ronnie nous bouleverse. Comme si effectivement l'ombre de Jeanne Lee planait sur la session plus que celle de Chris Connor ( écouter la version de Jeanne Lee et ran Blake de 1963)

Chaque morceau, repris du répertoire qu'affectionnait la chanteuse, est une sorte de relecture très personnelle qu'effectue le pianiste maître dans l'art de la digression, de l'appropriation, de l'acculturation. Toute l'essence du jazz est au bout de ses doigts dans cette façon de relire et d'improviser sans jamais dénaturer. Car même si le pianiste on l'a dit, converse avec lui même, Ran Blake ne donne jamais le sentiment d'être un pianiste introspectif. Sa reprise répétée des motifs mélodiques de ces standards que nous connaissons bien nous aide àgarder pied et à nous sentir sous maîtrise. Sa version un peu sombre de Speak Low par exemple, est un modèle du genre.

Tout au long de cet album Ran Blake impose sa marque et semble nous inviter dans une sorte de confidence intimiste, dans une sorte de conversation évocatrice de quelques tendres souvenirs.

Juste sublime !

Jean-Marc Gelin



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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 20:00

 

Label NOME/ L’autre distribution

Concert de sortie au New Morning le 28 octobre

David Enhco (tp), Roberto Negro (p), Florent Nisse (cb), Gauthier Garrigue (dms)

 

encho.jpg

C’est le second album en quartet du trompettiste David Enhco  qui sort sur le tout nouveau label NOME, fondé avec cinq autres musiciens pour gérer de façon plus autonome la mise en place et la promotion des albums du groupe.

C’est effectivement la deuxième couche (traduction de «layer») après l’inaugural  La Horde, sorti déjà en autoproduction chez Cristal Records. Gageons que le jeune musicien et ses comparses sont en train d’édifier un édifice musical qui va durer, un projet collectif cohérent, intègre, combinant rigueur des échanges et appétit de jeu. Le quartet concocte un  millefeuille musical  délicieux, léger et profond à la fois. Composé en courtes séquences que séparent des interludes, Layers constitue un portrait sur le vif de cette génération qui passe  sans problème du classique au jazz, s’aventurant dans la composition d’un univers personnel, toujours mélodique, non dépourvu de lyrisme et d’efficacité.

Deux voix, celles du trompettiste et du pianiste s’élèvent avec bonheur et complicité  dans un registre de mélodies aux harmonies retenues, harmonisant la lisibilité d’un ensemble tout en finesse et en demi teintes. Mais chacun a sa place dans ce quartet équilibré, libre d’exprimer sa personnalité dans un contexte modifiable selon les improvisations. C’est la rythmique souple et rebondissante qui permet au trompettiste de prendre ses envols poétiques, déliés (il est magistral sur « In Waves »). Et Gauthier Garrigue sur « Rude and Gentle » impose lentement et délicatement le chant ininterrompu d’une batterie insistante et frémissante en jouant sur les peaux, le métal, les balais.

C’est sans aucun doute la signature d’un album jazz que dessine cette «story» aux couleurs tendres et fraîches : dès les premières notes de « Nancy With A Laughing Face », on reconnaît  un discours musical référencé, un savoir-faire qui provient d’une solide culture musicale. Cette version réussie de la chanson de Jimmy van Heusen  que Sinatra dédia à sa fille Nancy, fait remonter les effluves d’un jazz d’autrefois, un vrai régal sans mièvrerie, avec le son feutré et doux de la trompette et une contrebasse chantante, évidemment, proche et palpitante.

L’album dans son enchaînement et ses «Séquences » même, nous entraîne de climats percussifs en moments de méditation et de rêve éveillé : une miniature sonore, ce « Childhood Memories » qui laisse la place au pianiste Roberto Negro qui sait depuis sa Loving Suite pour Birdy So ce que conter veut dire. Et d’ailleurs en appui avec le contrebassiste Florent Nisse, il continue sans transition, tout simplement , à jouer une musique désirante avec  cet « Oiseau de Parhélie », arc-en-ciel situé de part et d’autre du soleil. Oiseaux de paradis, oiseaux de parhélie, ces musiciens savent nous faire rêver... avec une facilité apparente, sans recherche d’effets virtuoses. Voilà de grandes qualités qui jouent en faveur d’un album plus que convaincant.

Sophie Chambon

 

 
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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 01:10

 

Soupir editions

www.jeanlucfillon.com 

www.son9.com

 oboman.jpg

Sortie le 15 Octobre 2014

Belle invitation que ce Begin the night (en fait une contraction de « Begin the Beguine » et «Night & Day» ) que nous propose Oboman (Jean Luc Fillon) pour son nouvel album en trio après 7 disques en leader. Il s’agit de rendre hommage cette fois au musicien poète de Broadway, Cole Porter qui disparut  il y a juste 50 ans. Et d’ailleurs par une élégance suprême, l’album sortira le 15 octobre, date de la disparition de cet auteur prolifique génial.

Tout le monde connaît Cole Porter, même les plus jeunes et ses chansons  ont fait le tour de la planète, des années vingt aux années cinquante, gravées dans les mémoires dans l’interprétation qui les rendit célèbres, à Hollywood. Prenez Marilyn pour « My Heart Belongs to Daddy » dans Let’s Make Love ou Fred Astaire pour « Night and Day » dans l’une de ses séquences les plus «glamour» avec Ginger Rogers dans The Gay Divorcee. Parfois on ne sait pas qu’il s’agit de lui, mais le plus souvent, le titre est sur le bout de la langue... ce qui est arrivé à Oboman lui-même avant de reconnaître « Easy to love » et d’ajouter non sans humour que  « Love is everywhere » ...chez Cole Porter, même si l’on pourrait ajouter qu’il s’agit aussi d’amour vache, désespéré ou désespérant  comme dans “Love for sale”, “What is this thing called love?”  Cole Porter savait utiliser la musique pour mordre à la réalité qui pouvait lui échapper, se révélant souvent  vulnérable, étrangement familier. Disposant d’une solide formation classique,  Cole Porter a vite aimé le jazz, la musique de l’époque et s’est particulièrement  illustré dans la comédie musicale avec de grands succès à Broadway comme Anything goes.

Douze titres, parmi des centaines de chansons, le choix a du s’avérer difficile pour le trio sans rythmique composé de Joao Paulo au piano, Fred Eymard à l’alto (il s’agit de violon) et Jean Luc Fillon pour le hautbois. « Un trio à l’instrumentation romantique pour servir le lyrisme du poète de Broadway », qui fait résonner le classique dans le jazz, la musique savante du XXème siècle.

Avec le souvenir de ce musicien,  commence une histoire... Même si les mélodies demeurent, les harmoniques sont revisitées et les arrangements sont suffisamment rythmiques pour entraîner sur la piste et inviter à la danse... C’est une des caractéristiques de la musique de Cole Porter, il n’y a donc aucun faux-sens dans ce  parcours impeccablement cohérent, qui transforme les standards coleportiens en les réadaptant au style particulier d’Oboman. Amoureux du timbre si original du hautbois, Jean Luc Fillon a choisi de servir l’instrument - dont il est capable de tout obtenir, en en repoussant les limites, dans un autre contexte que celui du répertoire classique.  Sans rejouer ces chansons en « revivaliste », Oboman réussit à adapter le monde brillant de l’auteur, superficiel en apparence et léger. Pas du tout opposé à la tradition américaine, le trio la fait revivre, mais différemment. C’est beau, c’est autre chose et en même temps c’est encore du Cole Porter, évoqué de façon lumineuse. S’arracher à la continuité du temps, pour mieux s’y replacer. Voilà vraiment une façon de le revisiter dignement. Quoi de plus jazz dans cette attitude ? Respect.

 

Sophie Chambon

 

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 21:50

 

Island 2014

 jamie-cullum-interlude-album-cover.jpg

 

L’Amérique et l’Angleterre peuvent dormir tranquille. Certes le terrorisme, certes la crise mondiale, certes Ebola frappent à nos portes mais les valeurs de ces grandes nations sont bien intactes et les crooners qui savent donner du bonheur simple aux gens sont bel bien présents. Les enfants naturels de Franck Sinatra, de Nat King Cole et de Mel Tormé chantent encore l’amour sur des mélodies sucrées et des grooves à faire se dodeliner comme avant les ménagères dans leur cuisine.

Alors oui, Jamie Cullum, l’ex-jeune garçon de Rochford fait partie, à 35 ans de cette belle génération qui porte en elle cette part de vieux rêve américain jamais vraiment usé. Elevé maintenant au rang de super star planétaire, Jamie Cullum gagne tous les jours de nouveaux galons dans cette course à la crooneuse attitude qu’il maîtrise avec un talent fou. Avec cette voix exceptionnelle et ce feeling incroyable qui fait qu’il peut à peu près tout chanter avec la même classe. D’une ballade hyper romantique (My one and lonely love), à des trucs pas net comme traînés du côté de la Cité du croissant, New-Orleans (Lovesick blues), ou encore des trucs blues qui groovent grave ( Sack O’ Woe), Cullum peut tout faire et toujours avec talent.

 

Dans cet album un peu fourre-tout on trouve des arrangements hyper classiques et un peu old style. Tout y passe de la formule simple à l’accompagnement d’un big band ou à celui de cordes violonantes et même deux duos, art pour lequel le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas vraiment sa cup of tea. Malgré le fait qu’il tourne en boucle sur toutes les radios son duo avec Gregory Porter sur Don’t let me be miss Understood est un peu fadasse tant l’ampleur de Gregory Porter semble jeter loin derrière Jamie-le-faux-bad-boy. Car il a beau essayer de se donner des allures de mauvais garçon Jamie, à chanter ses petites chansons d’amour on y croit vraiment pas. Jamie Cullum fait un peu penser parfois à ces fils de bourges qui sortent de leur appart de Neuilly et se mettent une casquette à l’envers et une ceinture à clous pour faire genre. Ça colle pas.

Mais on ne lui en veut pas à Jamie tant le gamin ( qui n’en est plus vraiment un d’ailleurs) nous en avait mis plein la vue avec « Momentum ». Tant on sait qu’il enflamme les scènes partout où il passe avec un charisme de folie.

Jamie Cullum c'est simple , il dégage ! Avec cet art de rendre le swng évident et les gros mots classieux !

Simplement là, avec cet album conçu parfois comme pour un gala de bienfaisance pour riches milliardaires, il semble avoir pris un petit coup de vieux le Jamie.

On est bien sûr scotchés par cette version simple de Losing You ou par cette ouverture sublime sur Make Someone happy. Bien sûr le feeling est toujours omni présent et ce que fait Cullum, il le fait hyper bien. Mais il faut attendre la toute fin de l’album pour qu’il se passe quelque chose d’un peu inattendu. Et l’on découvre alors avec un vrai frisson cette merveilleuse version de la chanson de Sfjan Stevens ( The Seer’s tower*) avec laquelle, enfin Jamie Cullum fait courir un vrai vent de modernité.

Jean-marc Gelin

( *dont on trouve le superbe original ici https://www.youtube.com/watch?v=RyoMt1-vvbw)

 

 

 

 

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12 octobre 2014 7 12 /10 /octobre /2014 21:26

 

Coax records 2014 (*)

Ayemric Avice (tp, perc), Antoine Viard (sax), Rafaelle Rinaudo ( elec harp), Romain Clerc-Renaud (kybds), Julien Desprez (g), Simon Hnocq (g), Xuan Lindenmeyer (b), Yann Joussein (dms, compos)

 

retrouvez ici lien avec le collectif Coax records

coax.jpg

 

L’univers de ce jeune collectif est assez chamboule-tout pour s’apparenter à un exercice de style brillant. Oubliez tous vos repères car Coax s’amuse illico à tout déstructurer avec des vraies manies de mauvais garçons. Avec une volonté de soigner les arrangements à l'extrême ils parviennent à mêler allègrement le rock progressif avec une bossa destructurée, du jazz "garage" avec du funk de fanfare qui s'accoquine avec du free jazz rock brouillon. Ça part dans tous les sens et ça le(s) mets en éveil. 

Des sons saturés laissent place à des interférences et des sons parasites. Les tuilages à la manière de DJ’s se superposent sur Discoax, où les sons se brouillent et se gênent.

C'est ultra-inventif même si, il faut bien le dire, à vouloir faire trop dans le colectif,  ça manque parfois d'expressivité et d’interprétation.

 

Mais Coax avec l’humour de bandits pas sérieux fait du détournement sonores. Leur imagination passe par le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, par l’esprit provoc de Carla Bley, par le free d’Ornette. On y entend des montées paroxystiques ponctuées de cris à la Mike Patton ( on pense au Naked City de Zorn) mais l’instant d’après  ce sont des boules à facettes de dance floor qui envahissent une piste qui débouchent sur une plage brésilienne.

Si cette musique est un tantinet déficiente sur le plan émotionnel, elle convoque en revanche un imaginaire presque théâtral, presque artistique. Un imaginaire où l’on retrouve la modernité de quelques dramaturges des temps modernes.

Jean-Marc Gelin

 

 

 (*) Coax est avant tout un collectif de jeunes musiciens. Une coopérativre crée en 2008 et dont sont issus parmi les groupes hexagonaux les plus imaginatifs du moment ( radiation 10, MeTaL-O-PHoNe)

 

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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 23:31

 

Label Durance/ Orchêstra

www.label-durance.org 

www.orkhestra.fr

www.atelier-de-musiques-improvisées.com

 

 capucine.jpg

Joli titre pour ce projet ambitieux, car reprendre Brassens et son univers en le chantant est toujours périlleux. Capucine Ollivier s’y est attelé à la tête d’un trio expressif, accompagnée au bugle et à la trompette par Jean Bernard Oury et à la guitare par Alain Soler, pour l’excellent label Durance, basé à Digne dans les Alpes de Haute Provence. Une instrumentation originale « voix-trompette-guitare » qui sert d’écrin aux chansons éternelles de l’ami Georges.

9 chansons à choisir  dans l’intégrale du poète sétois, voilà qui n’était pas chose facile. Celles retenues sont  certes parmi les plus connues, mais sans doute ont-elles été sélectionnées  pour la capacité d’improvisation qu’elles  permettent. Le projet est séduisant car il introduit le jazz dans la grande chanson française à moins que tout simplement la musique de Brassens ne s’y prête. Il est certain que l’un de nos auteurs-compositeurs-interprètes les plus populaires  savait  rythmer sa prosodie. Brassens swingue sans doute, comme Nougaro, bien plus que Brel ou Barbara. Il aimait le jazz d’ailleurs et Django Reinhardt, ne s’en est jamais caché, et savait ce que la « pompe » veut dire. Il s’accompagnait lui-même à la guitare avec le fidèle contrebassiste Joel Favreau.

Capucine Ollivier parvient à créer un univers très personnel, ce qui est en soi  épatant, tant les mélodies semblent coller à la voix de Brassens. Quand Maxime Le forestier reprenait certaines chansons, il agissait en fidèle disciple, en parfait épigone, dans une fusionnelle correspondance de style.

 Capucine Ollivier se démarque volontiers : elle  chante doucement, d’une voix volontairement neutre, « blanche ».  Elle scate aussi  comme dans «La mauvaise réputation » et entraîne alors vers des rythmes plus bluesy  («L’orage ») voire  latin. Sans être adepte de cette forme d’ « élucubration » vocale, il faut reconnaître que  le parti pris est juste et convient à cet hommage réel, discret et tendre. Bien entendu même si c’est plus simple pour une femme, vocalement, Capucine Ollivier ne se place pas du tout dans le même sillon. Car pour qui aime, connaît et donc fredonne les chansons de Brassens, revient toujours en mémoire le rythme marqué, la cadence si spécifique. Et l’humour pince sans rire et aussi très « vache » de Brassens qu’elle arrive à rendre un peu tout de même dans l’inébranlable « Le Temps ne fait rien à l’affaire » où on la sent sourire ....enfin.  Car elle colore souvent d’une nuance mélancolique comme dans le délicat premier titre « Les passantes ».

Le résultat est très original et au bout de quelques mesures, on ne reconnaît plus vraiment  Brassens et cela est bien... elle  l’interprète à sa façon. Tous les arrangements et accompagnements instrumentaux sont résolument jazz et le tempo est volontairement cassé, plus lent, très lent même, brisé parfois. Mention particulière aux formidables accompagnateurs  qui  interviennent en un contrepoint particulièrement réussi  comme dans « Je me suis fait tout petit » ou « J’ai rendez vous avec vous » : le trompettiste/bugliste Jean Bernard Oury s’envole généreusement,  Alain  Soler n’est pas en reste avec une guitare cristalline et perlée.

Au final  cet hommage contribue à faire de ces thèmes intemporels des standards jazz, après Les doigts de l’homme ou les Etrangers familiers, Brassens revient ...encore. Et cela est bon.

 

Sophie Chambon

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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 23:27

amsallem.jpg

www.amsallem.com

Franck Amsallem (piano, vocals), Sylvain Romano (bass), Karl Jannuska (drums)

 

 

Frank Amsallem persiste et signe...avec ce second volume de chansons, très cohérent et de bonne longueur (36’50), qu’il interprète cette fois en trio, cinq ans déjà après le premier Franck Amsallem sings. Et il a raison de continuer à creuser ce sillon dans lequel il réussit, d’abord parce qu’il aime cette musique que d’aucuns pourront trouver surannée aujourd’hui, et qu’il la joue avec le cœur, sans emphase, avec tout le swing nécessaire et une extraordinaire maîtrise de l’accompagnement. Il a eu certes des prédécesseurs admirables comme Nat King Cole, Fats Waller, Ray Charles qui ont su créer un style inimitable mais même avec un filet de voix, le grand Hoagy Carmichael, auteur de chansons admirables sait nous séduire dans To have and have not par exemple chantant « Am I blue ? » avec Lauren Bacall ou un amusant « Hong Kong Blues »... Rien de mieux qu’un pianiste qui chante ou un chanteur qui sait jouer du piano, l’osmose est parfaite, les solos viennent à point nommé ; c’est toute la différence  que cette vision d’un pianiste qui sait chanter.

Voix de velours sans aller jusqu’à rivaliser avec Mel Torme ou Frank Sinatra, il charme avec ce phrasé nonchalant, décontracté, pro comme seuls les Américains savent faire sur leurs mélodies, réservoir inépuisable. Le répertoire est choisi avec soin, avec ces classiques, ces incontournables du Great American Book dont il avoue ne pas pouvoir se passer (comme on le comprend) et puis quelques perles plus méconnues de Henri Mancini (le final  est «Two for The Road ») ou Jimmy van Heusen  « The Second Time Around ». Franck Amsallem ne compose pas vraiment sauf un autobiographique « Paris remains in my heart ». Mais il est parfois courageux, car plus difficile de reprendre les chansons dont les versions antérieures sont gravées dans la cire ... Comme  ce « Body and Soul » par exemple avec lequel j’ai souvent du mal à oublier quelque version princeps.

La voix est chaude et souple, le phrasé et l’énonciation parfaitement adaptés au sujet, avec  de l’humour dans le parti pris volontairement dynamique de « Never Will I Marry ». Un peu décontenancé au départ par le rythme volontairement langoureux, on admire ensuite ce « Dindi » qui chaloupe merveilleusement, accompagné par le batteur Karl Jannuska qui peut décidément tout faire avec cet épatant éclectisme nord américain. Rebondissant et vif dans ses attaques, toujours franches comme dans « Just One Of Those Things », il maintient le temps avec Sylvain Romano à la contrebasse (écoutez les dans «How deep is the ocean») en accord avec le piano et ses envolées dynamiques.

On sait que les « male jazz singers » ont toujours plus de mal à se faire entendre mais vous pouvez suivre mon conseil, les yeux fermés : écoutez ce trio par n’importe quel temps et pourquoi pas un dimanche matin un peu « gloomy » pour reprendre quelques couleurs.

Sophie Chambon

 


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3 octobre 2014 5 03 /10 /octobre /2014 08:11

 

Kakoum ! Records/ Harmonia mundi

 open

S’il n’est plus produit par John Zorn sur son label Tzadik, le saxophoniste Guillaume Perret et son  quartet électrique  continuent à nous troubler par les fulgurances d’une mélodie toujours présente  dans cet Open me plus qu’engageant, sorti chez Kaboum. Etrange performance  qui nous conduit aux portes d’un jazz/funk/rock progressif hypnotique. Une extension du champ sonore  qui  nous fait penser parfois que le saxophone est devenu guitare, tant le son est transformé en associant l’instrument à d’autres machines.  Comme si Perret voyait son bois transformé en torche électrique.

N’ayant pas eu la chance de le voir en live à la Villette, comme l’ami Jean Marc (voir son incandescent article), j’en fus réduite à la seule écoute, d’abord sur France musiques dans Open Jazz et ensuite... sur mon lecteur CD. Ce fut l’un de mes coups de cœur de cette rentrée très estivale.  Pourtant, ce n‘est pas une aventure en terre musicale complètement inconnue. Cette musique crée un espace des plus vifs, grave et dansant  à la fois avec ces bruits insolites, le travail soigné des textures, une rythmique tranchante, comme il le faut. Rappelons, comme on peut le lire par ailleurs, que le bassiste Philippe Bussonnet a joué chez Magma, que Yoan Serra était le batteur de l’Onj d’Yvinek. Quant au guitariste Jim Grandcamp, il est marqué par l’afro beat. Le résultat est surprenant, électrisant évidemment, créant de nouvelles atmosphères en utilisant  couleurs et  timbres différemment. Les thèmes ressortent avec éclat, mis en valeur par un groupe qui joue collectif, réactualise le son funky et groovy, en lui conférant une résonance quelque peu « futuriste ».   

La musique est en expansion dans ce « Brutalum » inquiétant  qui va tourner en boucle sur vos platines alors que « Voluptuous » entraîne sur les terres du jazz éthiopien. Cet album tente-t-il quelque chose de différent en franchissant quelques frontières ? Il nous semble répondre en tous les cas à ce que l’esprit du temps demande. Dès le début de l’aventure de ce quartet, la musique a trouvé ses interprètes. Souhaitons-leur que cela dure ...

 

Sophie Chambon

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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 22:17

GUILLAUME PERRET & THE ELECTRIC EPIC : "Open me"
Kakoum Records 2014

open.jpg
Guillaume Perret prend des allures de bête de scène et de véritable star. Avec son sens du spectacle, son public jeune, son couturier attitré, il fallait le voir à la Villette entrer sur scène ménageant ses effets, la lumière rouge sortie de son ténor se détachant du noir de la scène avant d'entrer dans le déluge sonore, entre furie nocturne et jazz new-âge exprimant bien plus que la musique elle-même, un vrai paysage sonore, sorte de ring dont on sort à la fois bousculés et exténués.
Guillaume Perret qu'il soit sur disque ou sur scène y apparait en effet comme une sorte de boxeur engagé dans une maestria fantasmagorique. Car l'essentiel est là, Guillaume Perret se consume dans ces univers magiques qu'il crée, jouant de son ténor comme d'un instrument à créer des foultitudes de sons. Guillaume Perret crée des univers qui convoquent toute sorte de sentiments poétiques et surtout incroyablement sauvages et pourtant au bout du compte,toujours domptés.
S'engage dans une sorte de suite-opéra rock de longue haleine perché très haut dans l'expression d'un véritable spectacle. C'est fait pour être fort et puissant On y entend le vent souffler dans le crépuscule, on y entend les portes grincer et des lampadaires de cristal tintinnabuler dans le manoir. Des voix de sorcières mauvaises s’incrustent dans la bande son à la scénographie très zornienne. « Open me », le titre évoque assez bien cette magic box pleine de surprises mystérieuses, poétiques et terrifiantes à la fois.
On pourra lui reprocher parfois qu'au-delà de la formidable orchestration et de sa science des arrangements, les compostions soient en elle-même parfois un peu inégales. A force de traficoter le son de son sax, il lui arrive d'avoir parfois un son de bigoudaine en goguette ( ouverture). Et de fait, pour l'avoir vu à la Villette on se dit " whaouh" et puis l'instant d'après , "mais ne serait ce pas un poil de too much ?".
Mais ce serait oublier qu’il y a chez Guillaume Perret un vrai son de groupe qui ne ressemble à pas grand-chose de connu.
Ecouter ou voir Guillaume Perret relève d’une expérience quasi sensorielle.

Celui que John Zorn vient d’approcher pour écrire une nouvelle version de ses Book of angels est bien un phénomène. Une sorte de continuateur d’un monde extrême, véritable sorcier en combustion.

Perret brûle t-il ? En tout cas, il se consume. Et nous avec.
Jean-Marc Gelin

 

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28 septembre 2014 7 28 /09 /septembre /2014 20:35

 

Cristal Records 2014

Riccardo del Fra (cb), Bruno Ruder (p), Airelle Besson (tp), Pierrick Pedron (as), Billy Hart (dms) + strings (Deutsches Filmorchester Babelsberg, Torster Scholz Premier Violon)

 riccardo.jpg

 

Je sais bien que c’est notre boulot de journalistes de trouver les mots qui conviennent. De vous dire de quoi il s’agit. De vous raconter nos émotions. On voudrait vous parler du dernier album de Riccardo Del Fra en termes choisis, synthétiques et concis. Mais alors comment vous dire toute la beauté de cet album sans en perdre une miette.

Car cet hommage que rend le contrebassiste à Chet Baker est pour nous un monument. Pourtant : Riccardo Del Fra rendant hommage à Chet Baker : sur le papier pas un sujet très nouveau et l’on pensait qu’on allait être en terrain connu. Seulement voilà, ce que Riccardo insuffle ici, avec ses arrangements pour cordes et ses deux merveilleux solistes, est absolument renversant, bouleversant.

Il y a des albums de jazz qui possèdent ce supplément d'âme indéfinissable dont on décèle vite l'amour de leur auteur pour leur sujet. Celui que signe Riccardo del Fra est rempli d'émotion pour Chet Baker qui reste pour le contrebassiste et directeur du CNSM comme une ombre tutélaire qu'il chéri avec beaucoup de tendresse.

Chet Baker en héros hollywoodien ? Assurément ! Et va pour le cliché assumé jusqu’au bout des ongles dans cette mise en scène digne des plus grands drames des studios de Los Angeles.

Pour cela il fallait des arrangements sublimes dont le pathos est parfois revendiqué puisque c’est par lui que vient cette émotion qui vous porte parfois l’écoute au bord des larmes. Alors Riccardo Del Fra y va de ses ouvertures sublimes comme celle de For all we Kow ou celle encore de I’m a fool to want you où l’on bascule dans ce drame en technicolor. Pierrick Pedron y apporte une intensité exceptionnelle dans son jeu au lyrisme débordant. Et si c’était l’album à cordes de Pierrick que l’on attendait ? Quant à Airelle Besson, elle est brillante d’intelligence du jeu. Airelle Besson admirable en ce qu'elle ne cherche pas à faire du Chet mais qu’elle fait du Airelle Besson. Il faut l ‘écouter sur I'm a fool to want you où chacune des ses notes me transperce le coeur. Moment de pure beauté encore sur ce I remember you ralenti à l'extrême de l'extrême avec des parties de cordes qui jouent quasiment le rôle de solistes à part entière.

Soin particulier porté aux arrangements à la Gil Evans comme dans cette ouverture sombre de But not for me. Relecture brillante où les cordes viennent après un début en quintet donner une vision à la fois crépusculaire mais aussi avec un souffle ample et grandiose. Les violons arrivent et s'insinuent discrètement dans le combo avec une rare subtilité après le magnifique chorus de Pierrick Pedron sur la reprise du thème. Quelle direction !

 

C’est que Riccardo Del Fra ne cantonne pas les cordes à un rôle qui pourrait être mélo mais leur assigne un rôle aérien, genre de tapis violant sur lequel les solistes peuvent prendre de la hauteur avec beaucoup de classe. Il faut aller jusqu'au bout et écouter la coda de For Allwe know pour comprendre toute l'envergure de ces arrangements. Et puis il faut aller aussi tout au bout de l’émotion avec ce tout dernier morceau où Riccardo s’expose, met son cœur à nu, juste lui seul accompagné des cordes sur My Funny Valentine. 

 

On sort de cet album empreints d’une douce mélancolie, avec , en tête la poésie un peu désespérée de Chet Baker. Où les plus belles mélodies qu’il exaltait tant revivent ici autrement. Pour ce dernier hommage, au bord d’un gouffre bouleversant où le fantôme de Chet plane à jamais au-dessus des âmes.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

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