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28 mai 2014 3 28 /05 /mai /2014 08:08

 

Out Note Records 2014

Émile Parisien (ss), John Taylor (p), Stephane Kerecki (cb), Fabrice Moreau (dms) + Jeanne Added (vc)

 Pochette-Nouvelle-Vague-format-736.png

 

Emile Parisien se trouve ici au centre d'un dispositif particulièrement soudé et inspiré jouant autour des thèmes du cinéma de la Nouvelle vague. Avec un art consommé de l'arrangement, Kerecki reprend les grands thèmes du cinéma de la nouvelle vague qui, on le sait flirtait déjá pas mal avec le jazz. On y retrouve donc Godard ( avec Alphaville - Paul Misraki ou Le Mépris - Georges Delerue, Pierrot le Fou - Antoine Duhamel), jusqu'à Jacques Demy et Michel Legrand et finalement Miles D'avis pour Ascenceur pour l'Echafaud.

Dans cette entrepris l'association Parisien / Kerecki fonctionne à merveille, tous les deux étant particulièrement bien placés pour exhaler les mélodies et leur donner parfois un caractère un peu grave. Il y a de fait beaucoup d'intensité dans cette musique là. Mais si Émile Parisien est effectivement au centre, au coeur de la musique, Kerecki parvient a créer autour de lui une force collective impressionnante dans l'intention qu'elle donne à la musique, dans le soutien rythmique et harmonique.

Jeanne Added apporte une touche particulièrement émouvante sur La Chanson de Maxence ( You must believe in spring) avec toute sa fragilité gracieuse ou encore sur Pierrot le Fou.

Une version sublime d'Ascenceur pour l'Echafaud, très inspirée est portée à très haut niveau par le quartet. On est toujours impressionné par la puissance du discours d'Emile Parisień impressionnant de puissance et d'aisance mélodique, maître absolu de l'improvisation comme sur cette autre version de Pierrot le Fou de très haute volée. Sur Tirez sur le pianiste, le trio fusionne à merveille parvenant à porter la musique à haute incandescence.

Sur les 400 coups c'est la complicité entre Kerecki et John Taylor que nous avions connu lors du précédent album qui semble prendre le dessus.

 

Il manquerait  pourtant à cet album un petit quelque chose. Pas un truc qui renverse la table mais quelque chose qui s'inscrive dans l'émotion, dans un peu plus de suavité. On croit l'approcher avec la version très émouvante de La mariée était en noir d'une admirable sobriété.

 

Ce qui est surtout intéressant c'est que, au gré des morceaux Kerecki varie les formats et met en évidence telle ou telle association instrumentale qui donne ainsi à l'album une grande richesse de climats et le rend passionnant de bout en bout.

 

Jean-Marc Gelin

 

 

 

Jean-Marc Gelin 

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24 mai 2014 6 24 /05 /mai /2014 12:47

Neuklang 2014

Juan Camilo Villa (basse) et Miguel Altamar (batterie), elle invite Rhani Krija (percussionniste de Sting entre autres) et le trompettiste Joo Kraus.

 marialy.jpg

Sacrée découverte que cette pianiste cubaine. On sait bien qu'elle vient d'un pays où la maîtrise du piano est une chose si sérieuse qu'elle est souvent l'apanage des hommes. Voire une question de transmission de père en fils. Un pays où les maitres du clavier sont immenses et nombreux depuis Chuco et Bebo Valdes en passant par Gonzalo Rubalcabba, Omar Sosa, Harolp Lopez Nussa etc.....

Avec sa pochette racoleuse montrant la jeune femme dos nu et dessous affriolants on pouvait craindre au produit purement marketing. Et ce que l'on découvre est au contraire une grande pianiste de jazz matinée de rythme cubains. D'un Cuba que la pianiste à pourtant quitté dès l'âge de 20 ans pour vivre en Allemagne puis en Australie mais dont elle conserve l'empreinte génétique fortement imprimée.

On découvre alors une jeune femme jouant avec une rare intelligence, sans esbroufe une musique swinguante mais aussi et surtout pleine d'inventions rythmiques ou harmoniques. Jamais consensuelle et toujours alerte dans ses propositions, dans ses choix toujours inattendus et parfois décalés. On sent chez elle une énorme culture du jazz qui a dû aussi bien se nourrir des maîtres cubains que de Monk ou, plus près de nous, d'un Jason Moran. Toujours ancrée dans la musique cubaine mais en la relookant complètement à l'instar de ce tube, El manisero maintes fois entendu et ici totalement réinventé. Le cubain amené au jazz ou alors l'inverse à l'image de Afro-blue détourné en une Cuban suite impressionnante de savoir-faire. On pense parfois à Jamal avec ses stop chorus, ces silences intégrées à la pulse. Elle joue avec beaucoup de grâce et d'élégance, avec une rare compréhension de la mise en valeur du "texte". Marialy Pacheco s'amuse avec les rythmes et avec les phrasés, égrènne les triolets ou fait résonner les harmoniques. Mais elle ne tombe jamais dans une caricature et varie les plaisirs. Il faut l'entendre jouer avec les espaces sur El Manisero à la manière d'un Ahmad Jamal utilisant les silences comme autant de respirations sur un tapis de grive sous-jacent.

Marialy Pacheco à31 ans n'est pourtant pas une révélation si l'on en juge par ses 5 albums précédents et par son premier prix de piano solo gagné à Montreux. Elle était simplement passée au travers de nos radars. Il était grand temps de réparer cette injustice et de faire découvrir au public français une très grande pianiste à venir.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 21:22

 

Fresh Sound New talent 2014

Antoine Berjeaut (tp, flgh, fx), Mike Ladd (vc), Jozef Dumoulin (kybd, fx, p), Stephane Kerecki (cb), Fabrice Moreau (dms), Julien Lourau (ts)

 

 antoine-berjeaut-wasteland.jpg

 

Le jeune trompettiste Antoine Berjeaut qui signe son album chez Fresh Sound New talent a réussi son pari : créer une véritable atmosphère originale, charnelle, faite de groove et de textes poétiques et rudes signés de Mike Ladd.

Wasteland est un album sans concession, qui coupe dans le vif et porte avec profondeur des textes et des musiques à la modernité "urbaine". On suit avec attention les longs méandres du trompettiste, tout à l'honneur dans cet album où il fait office de point central d'attention, de véritable pivot. Il y a chez Berjeaut une façon de jouer de manière très apaisée, de tapisser l'espace musical. Totalement dédié à sa musique et sans le moindre souci de mise en valeur égocentrique, Antoine Berjeaut nous projette dans des climats multiples qu'il crée en jouant sur une gamme extrêmement large et variée de son instrument, s'appuyant ici sur des tramages sonores électriques et brumeux, là sur le son de Julien Lourau au ténor, ailleurs sur des volutes du clavier de Dumoulin ou enfin sur les textes de Mike Ladd qui, en parlé chanté nous ouvre sur un monde dur, violent et tourmenté. Les arrangements et l'écriture de cet ensemble sont intéressants, expressifs et presque cinématographiques.

La pulse est toujours présente, sous-jacente, prégnante comme une sorte de cœur battant (Balcony). Et l'ensemble fonctionne bien et accompagne une sorte d'imagerie subconsciente faite de projections imaginaires.

Il est facile de se perdre dans cet univers à la sensualité brumeuse et de faire l’experience de cette plongée en Wasteland. 

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 


Ps : nous aurons très bientôt l’occasion de vous parler d’Antoine Berjeaut à l’occasion de la sortie du merveilleux disque de Denis Colin consacré à la musique de Nino Ferer.

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5 mai 2014 1 05 /05 /mai /2014 19:22

Label 10H10 by Cristal records/ Distributeur Sony

 

Sortie  le 5 mai 2014

www.jmbernard.net 

Illustrations by Michel Gondry et Charlotte Arene 

 

jazz-for-dogs.jpg


C’est en écoutant le 27 mars dernier Cinémasong de Thierry Jousse sur le festival international du film d’Aubagne et la musique de Jean Michel Bernard que surgit l’envie d’en savoir plus sur Jazz for Dogs, album au titre étrange, qui n’est pas seulement du jazz ni de la musique de film, malgré des allusions très fortes à ces deux univers.

 http://www.aubagne-filmfest.fr/fifa2014/fr/evenement-fr/concerts/jazz-for-dog)

Voilà  en effet, un objet sonore des plus insolites, une œuvre discographique pour les chiens.  Le disque est  vraiment conçu du point de vue de l’animal, « concept saugrenu et un peu barré » comme l’écrit Stéphane Lerouge dans ses excellentes notes de pochette très complètes sur la genèse de l’album et du projet.

Fanny Ardent prête sa voix en introduction, en récitant son propre texte sur du duduk, une flûte arménienne particulièrement expressive : ainsi avec «Lettre à ma maîtresse» démarre une incursion dans un nouveau monde, une quatrième dimension : du jazz cinématographique pour les maîtres et leurs chiens. Jazz for dogs est un album de chansons originales concernant les chiens,  leur quotidien et leur besoin d’écouter une musique avec des textes adaptés à leurs demandes  lorsque leurs maîtres s’absentent. 

Animateur de la masterclass du festival, toujours prêt pour de nouvelles aventures musicales, Jean Michel Bernard est le maître d’œuvre de cet album, et il nous fait partager son univers plein de fantaisie, dans une sorte de bricolage onirique. La genèse du projet remonte à quelques années et à un projet cinématographique non abouti, un travail pour le film de Thomas Gilou, Michou d’Auber. JM Bernard avait gardé dans ses tiroirs, des  chansons depuis 5 ans, thèmes que sa femme Kimiko Ono a ressorti et adapté : le programme de l’album s’est étoffé et l’histoire de Jazz for Dogs a pu commencer, avec l’aide active et enthousiaste d’un troisième personnage, le saxophoniste baryton québecois Charles Papasoff.

 19 chansons ont été rassemblées et orchestrées comme une musique de film avec « un combo de haut vol », enregistré en direct, sans recording et trucage, au studio Alhambra de Rochefort. Le disque paraît donc sur le label Cristal dans la collection 10h 10.

Voilà une histoire d’amitié et de musique et la voix si caractéristique de Kimikoi fait souvent songer à la fragile et enfantine  Blossom Dearie. Des invités de marque se joignent au trio de tête, le temps d’une chanson : Laurent Korcia est  au violon, Francis Lai à l’accordéon sur la valse « Garlic dog », Bruno Coulais est également présent sur«The Hills Beyond The Fence», et  le cinéaste Michel Gondry, complice génial, l’ami qui « apprend à désapprendre » est de la partie, il vient faire un  tour à la batterie. C’est que JM Bernard a composé les musiques de ses précédents films  de Human nature à Be Kind Rewind, sans oublier La science des rêves. 

Ces histoires de bêtes, sous une apparente légèreté, déploient tout l’éventail de sentiments, évoquant le bonheur  comme le chagrin de la perte et de la maladie comme dans l’émouvant «Losing a puppy is like losing an arm». Chaque composition a sa couleur particulière car le terme de jazz de toute façon « ratisse large », de l’aveu même de JM Bernard qui ne se prive pas d’un éclectisme brillant. On entend une musique qui évolue du funk  à la pop. Les sifflets du percussionniste Marc Chantereau nous font souvenir de la brillante Micheline Dax qui vient de disparaître, mais il y aussi un bon vieux blues, et le pot-pourri inimitable d’ «Uncontrollable Urges » regroupe « disco, Bach,funk et George Martin ».

Vous l’aurez compris,  il ne faut pas se priver d’écouter cette musique constamment surprenante... Quand une vraie fraternité musicale produit  autant d’invention, soyons curieux et à l’écoute...

 

Sophie Chambon

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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 15:52

Blue Note 2014

Jon Cowherd (p), Myron Walden (as, clb), Melvin Butler (ss, ts), Marvin Sewell & Jeff Parker (g), Chris Thomas (cb), Brian Blade (dms)

 

 brian blade landmarks

 

Dans la production surabondante d’albums qui nous parviennent quotidiennement, il y a parfois des petites pépites, surprises heureuses dans cette inégale profusion. « Landmarks », le dernier album du batteur Brian Blade fait ici exception.

A 44 ans, à l’instar d’un autre grand batteur, le regretté Paul Motian, Brian Blade , par ailleurs batteur incontournable du quartet de Wayne Shorter, apparaît aujourd’hui comme un compositeur remarquablement inspiré, capable d’insuffler une réelle âme à sa musique et à ceux qui la serve. Acteur et auteur immense de ce nouveau jazz américain, sa musique s’inscrit dans la lignée de celle d’un David Binney où les espaces mélodiques s’étirent, aériens et flottant dans une sorte de clair-obscur mélancolique et rêveur. Quelque chose de l’ordre du travelling, où la linéarité de la route dessinée entraîne vers un horizon très haut perché.

Des morceaux sublimes aux ostinatos très prenants ( Ark.La.Tex) ou à forte densité pop-jazz ( he died fighting) voire aux accents d’un blues gras  ( Farewell bluebird) sous la houlette de Marvin Sewell (le guitariste de Cassandra Wilson) embarquent leur monde dans ce voyage captivant.

Mais il y a aussi chez Brian Blade quelque chose d’Ellingtonien dans ce soin tout particulier réservé dans son écriture à la mise en valeur de ses solistes. Myron Walden, jeune saxophoniste bourré de talent pour lequel All About jazz (1) n’hésita pas il y a quelque temps  parler de l’une des étoiles les plus brillantes de sa génération, explose ici avec ce son torturé et acide.

Mais c’est avant tout une véritable œuvre collective que signe là son Fellowship Band avec lequel il tourne depuis près de 5 ans. Jon Cowherd et Marvin Sewell signent aussi 3 compositions et montrent qu’il y a là une grande implication partagée qui se ressent tout au long de cet album à fleur de peaux où l’émotion et la sensibilité effleurent avec élégance et légèreté.

 

Pour fêter ses 75 ans le légendaire label Blue Note renoue avec ce jazz de très haut niveau qu’il avait un peu délaissé ces dernières années. Avec Brian Blade, il inscrit de nouvelles pages essentielles du jazz. Avec alléresse on s’en réjouit. On s’en délecte.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

(1) "one of the true bright stars of his generation" who "has a very distinctive sharp tone with a rounded nasaly-inflection" and "has shown the ability to develop solos with both an incisive logic and an organic level of invention."[4] Describing his performance on tenor sax, writer John Kelman said that Walden was "as thoughtful yet fiery a player on the bigger horn as he is on alto" 

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29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 20:57

 

Topologie d’un manège

www.jazzus.fr

 

algebre_cd.jpg

Voilà un titre poétique pour une musique insolite, celle du trio Algèbre constitué de deux soufflants très complémentaires, François Cotinaud (saxophone ténor, clarinette) et Daniel Beaussier (hautbois, cor anglais, clarinette basse, saxophone alto et soprano) et  d’un guitariste exceptionnel,  Pierre Durand. Ils s’amusent à déconstruire et mettre au point des formes libres, ouvertes, avec ou sans algorythmes, se jouant très sérieusement des titres et des formules dans cet album Topologie d’un manège. Adepte de recherches expérimentales, de « sound painting », d’improvisations et de poésie, le saxophoniste François Cotinaud s’est entouré de complices, en phase : en invités, on retrouve avec bonheur le contrebassiste  Bruno Chevillon  sur quatre titres, et deux batteurs formidablement différents qui se partagent l’album, François Merville et Denis Charolles. La musique a une réelle cohérence, une structure narrative dense sans être étouffante, entre jazz de chambre et musique contemporaine. Point de vibrantes démonstrations free mais un accord en demi-teinte, intimiste et rebelle. Ils brossent un arrière-pays à l’élégance savante qui se découvre lentement, au fil du temps dans cette traversée initiatique, clairement exposée et pourtant d’une luminosité ténue. Clair-obscur des textures affranchies du trio aux envolées plus excitantes encore en quintette. Un bien beau parcours, peu balisé qui suppose l’engagement d’une écoute attentive et complice. On est au cœur d’une aventure collective dans ces dix pièces méditatives ou ludiques, toutes teintées de ces recherches qui installent une atmosphère poétique, frémissante, lyrique, dans des tableaux sonores complexes mais captivants. La musique, sensible, se risque dans le souffle, tente la déclaration sans affrontement, évite plainte ou stridences. Un album spontané et fraternel qui  exalte la rencontre.

 Sophie Chambon

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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 23:13

 

JOACHIM KÜHN & ALEXEY KRUGLOV : «  Moscow »

Act 2014

Joachim Kühn (p), Alexey Kruglov (ts,ss)

 moscow.jpg

 

JOACHIM KÜHN : “ Voodoo sense”

Joachim Kühn (p), Majid Bekkas (cb), Ramon Lopez (dms) + Archie Shepp (ts);

 Joachim_Kuehn_Trio_Voodoo_Sense_c_Act_Music_Jazz_A_4baa9b0c.png

 

 

A juste titre l’année 2014 sera entre autres marquée par un bel anniversaire, celui des 70 ans du pianiste de Liepzig. Musicien essentiel dans le paysage du jazz et ce depuis les années 70, le pianiste allemand qui fut l’un des compagnons du trio mythique qui l’associait à Daniel Humair et JF Jenny Clark (dont on réédite plusieurs albums aujourd’hui), Joachim Kühn est un sexagénaire étourdissant. Véritable force de la nature le pianiste apparaît dans une forme plus qu’éblouissante.

Le label ACT de Siggi Loch  qui l’abrite depuis quelques temps, ne manque donc pas de lui rendre un hommage appuyé avec la sortie rapprochée de rééditions mais aussi et surtout de plusieurs albums récents qui témoignent si besoin est de l’incroyable vitalité de Joachim Kühn. Et surtout de son absolue actualité.

Toujours à l’affût de nouvelles expériences musicales Joachim Kühn ne cesse en effet de multiplier les rencontres. Ouvert à toute remise en question de ses propres certitudes et de son propre champ d’expression Kühn donne l’image d’un jazzman jamais blasé, jamais à court d’envie ni d’idées. Toujours à l’affût de belles confrontations. On se souvient par exemple de la magnifique rencontre à 4 mains avec le jeune pianiste prodige et compatriote Michael Wollny qui fut éditée sur le même label, témoignage d’un concert assez inoubliable.

Dans le bien nommé «Moscow», Joachim Kûhn à l’occasion d’un déplacement en Russie a accepté la proposition de  l’institut Goethe de Moscou d’enregistrer avec talent de la scène moscovite, en l’occurrence le saxophoniste Alexey Kruglov.  Et c’est avec un sens du dialogue, de l’échange et du partage que le pianiste allemand dialogue avec ce musicien particulièrement expressif et engagé.

Car le saxophoniste qui affiche ici un sens un peu théâtral ne manque pas le rendez vous dans un moment d’une extrême intensité où la posture post aylerienne de Kruglov crie autre chose que la seule musique et insuffle un supplément d'âme parfois déchirant ( Because of mouloud) et presque exténuant. La musique évolue alors entre moments écrits très mélodiques et des libres improvisations free comme les aime le maître de Liepzig où ce dernier accompagne cette sorte de combat avec lui-même que semble se livrer le saxophoniste qui s’emballe parfois dans l'émotionnel. Tellement engagé qu'il en devient parfois théâtral ou à tout le moins mélo. La volonté d'en faire une expression tire-larme agace alors parfois par son côté limite mielleux ( Poet).

 

Mais au final si la rencontre ne porte pas tout à fait ses fruits, le pianiste y étant quand même très en retrait, elle porte à tout le moins la marque de l’extrême générosité de Joachim Kühn et son ouverture vers des horizons plus ou moins connus.

 

 

 

 

 

Avec Ramon Lopez et Majid Bekkas, l’affaire est d’un tout autre niveau. Le trio se connaît depuis de nombreuses années et a déjà à son actif trois albums avant celui-ci. Trio fusionnel s’il en est. Pas de round d’observation, mais plutôt une façon d’emblée de poser la musique sur des sommets exceptionnels. Il faut entendre cette lutte quasiment fratricide avec Ramon Lopez où tout deux parviennent à densifier de manière incroyable la musique, à lui donner vie, à l'animer en pulsation et en vibrations. Avec Majid Bekkas et son jeu très puissant et parfois très orientalisé ils forment là un trio powerful. Un supplément d’âme. Inspiré entre autres par l’album de Coltrane ( « Kulu Sé Mama » enregistré en 1965) dont il est repris le titre éponyme, « Voodoo sense » associe plusieurs invités à l’enregistrement et notamment Archie Shepp.

Le pianiste et le saxophoniste se connaissent bien et avaient l’an dernier scellé leurs retrouvailles en enregistrant un bel album et surtout en multipliant des concerts exceptionnels dans plusieurs festivals. Avec Archie Shepp on est là encore dans une forme d'expression tripale. Sauf que celle-là colle au blues du saxophoniste, colle à une expression qui est à fleur de peau et à fleur de mélodie. Avec la foi d’un enragé Shepp joue comme il chante à moins que ce ne soit le contraire. Avec toujours cet engagement total qui est le point commun à ces deux artistes sans concession.

Tout au long de l’album on frôle et même on atteint des sommets de densité, de groove et parfois même de transe. L’esprit de Coltrane plane dans cette séance ensorcelante. On plonge avec eux dans la moiteur de l’afrique et des racines du jazz.

 

Ces racines que le pianiste et le saxophoniste n’ont jamais cessé d’explorer.

Jean-Marc Gelin

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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 07:39

 

Bonsaï Music www.bonsaimusic.fr 

Distribution  Harmonia Mundi/idol

twenty.jpg

Concert de présentation  le jeudi 27 mars au Sunset/Sunside à Paris

 

« 20 », pour 20 ans tout rond, c’est le titre du dernier opus du trio chez Bonsaï music, enregistré à Antibes en août dernier. Il fête autant d’années de collaboration musicale et d’amitié entre le batteur André Cecarelli, le pianiste Jean Michel Pilc et le contrebassiste Thomas Bramerie. Ces noces de porcelaine consacrent  une authentique (et belle) vision du jazz avec des reprises réussies, un « Old Devil Moon » très enlevé, « caliente » à point, « On Green Dolphin  Street » lunaire et fantomatique, deux  versions impeccables des « tubes » de Miles Davis «All Blues» et «Solar», une relecture plutôt «allumée» du cultissisme thème monkien «Straight no chaser». Comme le trio est français, il ne va pas se priver d’ajouter Brassens et Brel au répertoire, avec ce «Ne me quitte pas» élégiaque, version très subtile et douce.

          Ce disque doit beaucoup à la plume du pianiste Jean Michel Pilc que l’on retrouve  avec plaisir, même s’il  vit à NYC depuis (bien) longtemps. Ecoutez le titre éponyme où affleure sa sensibilité toujours à fleur de touche. Le trio est la formation musicale essentielle qui a marqué sa signature dans ses divers groupes et le pianiste arrive souvent à (re) créer un sentiment unique, d’un jazz intemporel, par un jeu fougueux,  singulier, vital.

          Un trio classique donc pour une musique qui l’est moins. Une tension constante  affleure sans aller jusqu’à l’explosion ou la cassure, du jazz qui  apparaît presque  atypique aujourd’hui. On se laisse emporter par la fluidité des lignes mélodiques, faites aussi de surprises : une musique de franche affirmation, déterminée et  sans compromis. André Ceccarelli se montre attentif, constamment sur le qui-vive. Thomas Bramerie est toujours formidable, tout en retenue, inventif et complice, le compagnon indispensable.

           Une alchimie travaillée, une musique qui reste dans l’oreille, une alternance élégante de thèmes. Alors, bon anniversaire, messieurs et souhaitons de vous écouter encore longtemps!

 

          Sophie Chambon

               

    

 

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 11:12

 

Plus Loin Music 2014

Omer Avital (cb), Avishai Cohen (tp), Joël Frahm (ts), Daniel Freedman (dms), Yonathan Avishai (p)

 

omeravital.jpg 

Le contrebassiste israélien Omer Avital a longtemps été le ciment de ce qui se faisait de mieux sur cette scène des musiciens exilés à New-York. Le contrebassiste arrivé là-bas il y a près de 20 ans sur cette terre promise du jazz, en même temps que le contrebassiste Avishai Cohen fut longtemps l’un des piliers du Smalls, célèbre club de jazz de big apple où il venait fédérer les énergies et les rencontres entre les musiciens des deux continents. Et pour autant Omer Avital n’a jamais renié la musique de son pays natal. D'ailleurs tout se mélange allègrement chez lui qui revendique enpmius des racines marocaines et Yéménites. Il en a fait au contraire au fil de sa discographie le point central d’un métissage épatant et heureux qu’il marie avec les codes bien assimilés du bebop dans une sorte de noce festive où la musique est affaire de joie.

Car la musique d’Omer Avital, entre temps revenu en Israël a des fourmis dans les pieds et le groove chaleureux. Il le démontre ici avec ce quintet flamboyant qui nous offre sur un plateau luxuriant une musique gorgée de soleil et de fruits mûrs. Les paysages se mélangent et le taxi jaune de New-York semble nous déposer en au pied du lac de Tibériade. Ecoutez Le blue de Yemen Suite ou encore ce Tsfadina où la musique traditionnelle se mêle au bop et même à la salsa.

Et pour arriver à ce que cette recette savoureuse exhale tout son fumet, il faut une formation de haite volée. Et croyez moi, ça joue et ça joue même grave ! L’association d’Omer Avital avec le batteur Daniel Freedman y est irrésistible et la pulse qu’ils installent emporte tout jusqu’aux plus grincheux des insensibles du dodelinement. Cette musique amène immanquablement à la danse, à battre le rythme des pieds, des mains et de la tête.  Sur le devant de la scène ça étincelle avec deux soufflants de haute volée. Le saxophoniste Joël Frahm met le feu dans la lignée des grands du bop et l’exceptionnel trompettiste Avishai Cohen que nous tenons ici comme l’un des absolus géants de l’instrument explose à chacune de ses interventions.

Voilà bien un album à dévorer tout cru. A mettre sur sa platine ou dans sa voiture le lundi matin avant de partir travailler. Le jazz d’Omer Avital porte en lui la fraîcheur de la musique qui parle aux tripes et donne envie de mordre la vie à pleine dents.

A dévorer absolument !

Jean-Marc Gelin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ps : vous faites quoi le 28 avril ? Le fort bien nommé Café de la Danse ?

 

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16 mars 2014 7 16 /03 /mars /2014 00:09

 

Nonesuch Records - East West 2014

 mehliana-taming-the-dragon-450.jpg

C'est un album totalement iconoclaste auquel on était bien loin de s'attendre. Brad Mehldau décoiffe et trublionne. Bien loin des chemins sages, le garçon prend ici la tangente vers des horizons bien plus taquins, plus crades, plus voyous.

Voilà quelque chose qui vous réveille les écoutillles, assurément.

On sait que Brad aime bien les duos ainsi qu'il en avait témoigné avec son magnifique album avec Kevin Hays. Ici c'est un corpus fender/ batterie sur un répertoire très original et très électrique sur lequel le génial pianiste de Floride prend visiblement un malin plaisir à créer du son, à créer des formes musicales et à les faire évoluer. Totalement déroutant au premier abord.

 

 

 

Si l’album s’y fait parfois un peu rock (and beyond), Brad Melhdau invente surtout son propre langage et se fixe ses propres codes. Ici la fusée Meldhau se met à décoller avec son double (ou triple voire quadruple) clavier, devant lequel il semble se transformer en gourou lunaire. Meldhau se démultiplie, comme s'il recréait un orchestre à lui tout seul comme sur ce Hungry ghost totalement dévastateur. On y entend un Taming the dragon, le morceau éponyme très sale où le travail sur le son, disons plutôt les mille feuilles sonores est incroyable et très dense.

On y entend aussi des résonances jazz-fusion des années 70 comme Sleeping giant qui sonne comme un blues lunaire à la Zawinul. Dans le même mouvement très spatial, Meldhau ne se contente pas de créer de la musique, il crée aussi des images dérivant dans l'espace (Elegy for amelia E). On connaît les liens d’amitié très fort qui lient le pianiste à Charlotte Gainsbourg. Peut être faut il y voir cet hommage-caméléon qu’il y rend à son chanteur de père.

London Gloaming, magnifique morceau éthéré porteur d’une sourde angoisse révèle toute la richesse de cette association Mehldau-Giuliana.

 

 

Meldhau ouvre alors des voies à un jazz électrique en pleine mutation. On aime, on est totalement sous hypnose de cette musique aux formes nouvelles et incertaines, aux contours flous. Fantomatique et onirique ce jazz là nous emmène loin. Il en ouvre en tout cas de nouvelles brèches.

Passionnant !

Jean-Marc Gelin

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