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21 mai 2023 7 21 /05 /mai /2023 21:09

Hervé Sellin (piano), Jean-Paul Celea (contrebasse), Daniel Humair (batterie). Studio Sextan, Malakoff, septembre 2021. Frémeaux & Associés/Socadisc. Sortie mars 2023.

Est-ce un clin d’œil de l’histoire ? Le concert de sortie de New Stories s’est tenu le 22 mars, le lendemain de l’avènement du printemps et aussi pour les « soixante-huitards » associé au 22 mars 68, date de naissance du Mouvement ayant conduit à l’effervescent mai 68. Soyons clair : cette soirée au Bal Blomet (75015) restera comme la Première remarquée d’un trio aussi jeune (dans l’esprit) qu’expérimenté (dans la pratique) : Hervé Sellin, pianiste et initiateur du projet, Jean-Paul Celea, contrebasse, Daniel Humair, batterie.

L’art du trio, les trois comparses en connaissent les ressorts et les subtilités. La liste serait trop longue de leurs contributions depuis les années 60 à ce format le plus usité du jazz. Loin d’en avoir épuisé les charmes, Hervé Sellin, Jean-Paul Celea et Daniel Humair se livrent ici à une fête qui consacre le partage des valeurs suprêmes du jazz, la combinaison de l’écriture et de l’improvisation. Ces trois là ne cèdent pas à la tentation de l’excès de confiance et s’épanouissent dans une écoute et un respect réciproques.

Les douze titres, dont neuf compositions d’Hervé Sellin (y compris deux signées par les 3 interprètes), sont autant de miniatures, des pièces courtes (au maximum 5 minutes et 6 secondes) dévoilant l’essentiel et laissant deviner le reste. Une alternance de plages de sérénité –en ouverture et clôture de l’album- et de moments enjoués propres à la virtuosité (jamais gratuite) et à ce que l’on dénomme, référence classique, le swing. L’amateur éclairé y retrouvera par instants des accents de Martial Solal (le goût de la surprise) sous les doigts du pianiste, la plénitude du son de la contrebasse de Jean-Paul Celea (avec ou sans archet), la précision du coloriste batteur-peintre (ou peintre-batteur) Daniel Humair.

Un album enthousiasmant qui s’annonce déjà comme un des disques de l’année et qui prend tout son sel dans son expression sur scène. Avis aux programmateurs de festivals !

Jean-Louis Lemarchand

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19 mai 2023 5 19 /05 /mai /2023 21:53

Fanny Ménégoz (flûtes traversières, composition), Gaspar José (vibraphone, percussions), Alexandre Perrot (contrebasse), Ianik Tallet (batterie)

Villetaneuse, 23-24 mai 2022

Onze Heures Onze ONZ 050 / Socadisc

 

Deuxième disque de la flûtiste, et affirmation conjointe de la quête d’un jazz contemporain et d’une revendication de l’effervescence propre au jazz. Les thèmes s’affranchissent de l’univers tonal, les improvisations sont ouvertes, souvent dans un horizon modal. C’est très vif, sinueux, ça vous embarque : la flûte est d’une liberté insolente, tout en gardant l’élan thématique et ses intervalles distendus. Chaque titre nous emmène vers un univers autonome, et pourtant la constante est là, d’une esthétique aventureuse autant que maîtrisée. À la fin de chaque plage on se dit ‘où vont ils-elle nous entraîner’ ? Et chaque fois surgit un horizon neuf, une aventure musicale, un nouveau battement. Les partenaires de la flûtiste font preuve, dans leurs improvisations, de ce même goût d’une liberté qui entrevoit toujours son horizon. Libre et construit. Construit et libre. Comme le jazz. Une réussite.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le 24 mai 2023 à Paris, à La Petite Halle, en co-plateau avec le groupe Phonem de Maïlys Maronne

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Un avant-ouïr sur Youtube

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18 mai 2023 4 18 /05 /mai /2023 11:23

Adrien Moignard (guitare), Diego Imbert (contrebasse)

Saint Laurent du Mottay (Maine-et-Loire) 14-16 juin 2022

Label Ouest / Hachette distribution

 

Cela fait des années que j’écoute Adrien Moignard avec grand plaisir, et admiration. C’est l’Ami Franck Bergerot qui avait attiré vers lui mon attention. Le 23 janvier 2010, jour du centenaire de la naissance de Django Reinhardt, je l’avais invité à donner en trio un concert ‘Jazz sur le Vif’ au studio 105 de la Maison de Radio France. La veille, il jouait à Copenhague avec le big band de la Radio Danoise : les Scandinaves ont toujours accordé une attention particulière au prolongement du jazz manouche en Europe. Lors de ce concert, il n’y eut pas que des compositions de Django, ni même que des thèmes de son répertoire : par exemple le trio joua So What de Miles Davis. Ce que j’aime chez ce guitariste, c’est la liberté avec laquelle il prolonge cet héritage, liberté harmonique, autonomie du phrasé…. Le retrouver, 70 ans après la mort de Django, dans ce disque sur les compositions du guitariste (et aussi un thème co-signé par Stéphane Grapelli), c’est redécouvrir son art de dire sa singularité dans l’approche de cet univers. La complicité du contrebassiste Diego Imbert, orfèvre ès-duo, y contribue largement. La sonorité de la guitare chante comme on respire, et les phrases de l’improvisation, côté guitare comme à la contrebasse, s’engagent dans des méandres qui nous transportent au-delà de l’univers de référence. On est tout à la fois chez Django et ailleurs, du côté de ce que le jazz a produit depuis 1953, et que le Prince du jazz manouche entrevoyait dans sa période ‘électrique’, vers 1947. Le choix d’Adrien Moignard est de jouer un instrument acoustique - choix constant chez lui – avec ici des cordes nylon, confirme cette singularité. Et de plage en plage la réussite est constante : les thèmes de Django sont comme revivifiés, sans le syndrome naphtaliné qui affecte parfois de telles entreprises. Belle réussite, et considérable plaisir d’écoute.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube

 

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16 mai 2023 2 16 /05 /mai /2023 19:34

Laurent Cugny (piano électrique, arrangements, direction), Pierre de Bethmann (piano électrique), Laurent Coulondre (orgue), Manu Codjia (guitare), Jérôme Regard (contrebasse), Stéphane Huchard (batterie), Antoine Paganotti (batterie), Quentin Ghomari (trompette), Martin Guerpin (saxophone soprano), Stéphane Guillaume (clarinette basse), Clément Daldosso (contrebasse), Élie Martin-Charrière (batterie)

Villetaneuse, septembre 2022

Frémeaux et Associés FA 8601 / Socadisc

 

Le retour au disque de Laurent Cugny, avec un nouveau groupe, qui rassemble des partenaires de haut vol, entre ceux qui ont accompagné sa carrière, et la nouvelle génération. Deux batteries (l’historique Stéphane Huchard en permanence, et en alternance Antoine Paganotti & Élie Martin-Charrière), deux pianos Fender et un orgue Hammond B3, une seule contrebasse à la fois, et des solistes inspirés : Manu Codjia, Martin Guerpin, Stéphane Guillaume : une affiche de rêve au service d’une idée musicale, celle de Laurent Cugny, manifestement partagée par tous les membres du groupe. C’est comme la rencontre des tropismes du pianiste-arrangeur-leader (Miles Davis période électrique, Joe Zawinul….) et de sa culture, de Duke Ellington aux Beatles en passant par Joni Mitchell et Pat Martino. Avec en filigrane l’ombre tutélaire et bienveillante de Gil Evans, auquel il a consacré un livre décisif, et qu’il avait aussi accueilli dans son orchestre à la fin des années 80 pour une tournée européenne et deux disques. Deux compositions originales qui reflètent exactement les aspirations esthétiques de Laurent Cugny (foisonnement dans la lisibilité, liberté des solistes qui sont totalement en phase avec l’esprit de la musique). Et cet esprit va prévaloir, de plage en plage, dans la reprise de thèmes extrêmement divers : l’incroyable arrangement de  I Want You (Lennon-McCartney) va restituer, via le traitement des instruments à vent notamment, une vocalité expressive qui fait renaître l’impact de l’original. Ou encore L’air que l’on respire, de Michel Jonasz, que je ne connaissais pas, et dont je découvre les ressources dévoilées par le magicien Cugny et ses comparses. L’esprit du jazz, en somme, qui consiste à se réapproprier toutes les musiques pour en faire son miel. Le Mood Indigo d’Ellington se trouve paré d’habits neufs, sans être aucunement trahi ; etc…. etc…. La magie des alliages et des textures (3 claviers, 2 batterie) combinée à la force des solistes (que l’on devine tout à la fois dirigés et libres) fonctionne en permanence. Toutes les plages sont fortes, et ce disque est une absolue réussite, de sa première à sa dernière minute.

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 17 mai à Paris, à l’auditorium du site Jussieu de la Sorbonne (festival Jazz à Saint-Germain-des-Prés), le 9 juillet au Saint Omer Jaaz Festival (Pas-de-Calais) & le 4 août au festival de La Londe (Var)

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Quelques avant-ouïr sur Youtube

https://youtu.be/Nh3ELA7vrnQ

https://youtu.be/leLhUVem-sI

https://youtu.be/ureQXIq4Co4

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6 mai 2023 6 06 /05 /mai /2023 23:03

Le label de l’ingénieur du son-musicien Jean-Marc Foussat a publié récemment deux nouveaux disques, où il dialogue avec Urs Leimgruber et Carlos Zingaro d’une part, et avec Sylvain Guérineau d’autre part ; et deux rééditions venues l’une du label In Situ, qui rassemble Daunik Lazro, Carlos Zingaro, Sakis Papadimitriou & Jean Bolcato, et l’autre du label Potlatch, qui associe Daunik Lazro, Carlos Zingaro, Joëlle Léandre & Paul Lovens

 

JEAN-MARC FOUSSAT & SYLVAIN GUÉRINEAU «Rustiques»

Jean-Marc Foussat (synthétiseur, piano, voix, jouets), Sylvain Guérineau (saxophone ténor, clarinette basse)

24 novembre 2022, Montbarrois (Loiret)

Fou Records FR-CD 49 / Les Allumés du Jazz

https://www.fourecords.com/FR-CD49

 

Ici le dialogue se noue sous l’égide de Jacques Prévert, entre liberté corrosive et tendresse du son et des sens. Libre donc, comme l’air….

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=sB9NTl3HVw8

 

JEAN-MARC FOUSSAT, URS LEIMGRUBER & CARLOS ZINGARO «L’Aile d’Icare»

Jean-Marc Foussat (synthétiseur, voix), Urs Leimgruber (saxophones ténor & soprano), Carlos Zingaro (violon)

Bignac (Charente), 22 mars 2019

Fou Records FR-CD 44 / Les Allumés du Jazz

https://www.fourecords.com/FR-CD44.htm

 

Qu’est-ce qui, de l’envol ou de la chute, détermine le cours des choses, et de la musique donc. «Le mystère des choses, où est-il ?» nous dit le poème de Fernando Pessoa, sur le livret du CD. Ne le cherchons pas, laissons venir à nous ces sonorités vibrantes de sensations et d’images. Elles nous conduisent au terme du poème : «Les choses n’ont pas de signification : elles ont de l’existence. Les choses sont l’unique sens occulte des choses»

 

 

LAZRO-ZINGARO-PAPADIMITRIOU-BOLCATO «PeriΦeria»

Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Carlos Zingaro (violons électrique & électro-acoustique), Sakis Papadimitriou (piano), Jean Bolcato (contrebasse & voix)

Vandœuvre-lès-Nancy, 10-12 avril 1993

Fou Records FR CD 43 / Les Allumés du Jazz

https://www.fourecords.com/FR-CD43.htm

 

Dans le texte du livret le pianiste Sakis Papadimitriou évoque l’origine du titre en grec ancien, et tout ce qu’il transporte de sens induit, de rêves et de dérives. Entre le périmètre du cercle, le fait de porter la vie ou le sens, l’odyssée d’Ulysse ou le tournoiement du derviche, c’est un espace ouvert, et donc libre, qui s’est offert aux musiciens. Tous ensemble , ou par dialogues transversaux, ils nous entraînent dans cette liberté, la leur, qui devient nôtre autant que nous choisissions de les suivre. Le plaisir et la surprise sont au bout du chemin. Suivons-les avec bonheur.

 

 

MADLY YOU

Daunik Lazro (saxophones alto & baryton), Carlos Alves ‘Zingaro’ (violon), Joëlle Léandre (contrebasse, voix), Paul Lovens (contrebasse, scie musicale)

Le Blanc-Mesnil, 22 mars 2001

Fou Records FR CD 46 / Les Allumés du Jazz

https://www.fourecords.com/FR-CD46.htm

 

 

Pour évoquer cette musique, simplement citer cet extrait du livret, signé P.L. Renou : «Deux secondes à peine ont suffi à Joëlle Léandre, Daunik Lazro, Carlos Zingaro et Paul Lovens pour parapher d’une main collective ce silence d’avant la musique, dont la déchirure, si elle ne procède pas de lui, la soumet aux emprunts arbitraires qu’on a dits, qui l’inféodent aux langages communs, l’adressant ainsi à une oreille commune». Tout est dit, qui nous prépare à écouter ce nouveau miracle de l’improvisation collective, dont le quartette a cultivé dès longtemps le secret

Xavier Prévost

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6 mai 2023 6 06 /05 /mai /2023 12:32

Bobo Stenson (piano), Anders Jormin (contrebasse), Jon Fält (batterie, percussions)

Lugano (Suisse), avril 2022

ECM 2775 / Universal

 

À chaque fois que je découvre un nouveau disque de Bobo Stenson, je suis tenté de penser, et donc d’écrire, que c’est l’absolue quintessence du trio. On peut aussi le dire, ou l’avoir dit, de quelques trios dans l’histoire de cette musique. Pourtant, si je persiste et signe, c’est qu’il y là une singularité précieuse, une espèce de magie indécodable, tant le niveau d’interaction est confondant. Je m’explique : ce serait une sorte d’avers, ou de revers, selon qu’on l’interprète, de la conception du grand Ahmad Jamal qui vient de disparaître. Chez Jamal le fonctionnement du trio obéit à une construction tellement minutieuse qu’elle paraît corsetée. Ici c’est tout l’inverse, et c’est pourtant d’une rigueur folle. À ceci près que cela semble couler de source, jaillir d’une connivence partagée, et non d’une volonté de leader. Sur des thèmes empruntés aux compositeurs de musique dite savante des différentes patries nordiques, de Sibelius à Per Nørgård en passant par Sven-Erik Bäck, le programme se déploie. Mais il y a aussi une mélodie d’un musicien sud-coréen, et deux compositions du contrebassiste Anders Jormin, dont la très belle Unquestionned Answer, miroir de Unanswered Question de Charles Ives (à qui ce thème est dédié). Bobo Stenson n’a cette fois pas composé, mais chaque plage recompose en propre ce qui n’appartient qu’à lui, et évidemment à ses deux précieux partenaires, magiciens des nuances. Et la sonorité du magnifique studio-salle de concert, tout de bois habillé, de la radio suisse de langue italienne (RSI), où ECM aime à venir enregistrer, participe évidemment de cette troublante beauté. Grandiose !

Xavier Prévost

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30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 17:08
LAURENT DE WILDE TRIO     LIFE IS A MOVIE

LAURENT DE WILDE TRIO

LIFE IS A MOVIE

Sortie le 28 Avril

Label GAZEBO/ L’autre Distribution

Concert de sortie au New Morning  le 6 juin

 

Laurent de Wilde - Life Is A Movie - EPK - YouTube

 

La vie, ce n’est pas du cinéma a-t-on coutume de dire mais Laurent de Wilde a le sens des tournures et des renversements : dès la pochette, le trio bien calé dans les fauteuils rouges d’une salle obscure voit défiler les images d’un film qui n’a pas l’air de leur déplaire...Le film de leur vie?

Dans ce nouvel album Life is a movie défilent sentiments et émotions les plus divers, exactement comme dans le film d’une vie, traduits en une suite de morceaux différents par leur rythme et leur thème...

Producteur heureux, Laurent de Wilde revient en toute confiance à l’art du trio acoustique, avec ses partenaires de jeu dans cette formule depuis dix ans, le contrebassiste Jérôme Regard et le batteur Donald Kontomanou. Une alchimie perceptible dès qu’ils se retrouvent. L’album devait s’appeler “Back On The Beat” (le deuxième titre au riff entraînant, en hommage à Ramsay Lewis) pour célébrer la sortie d’un alitement forcé de plusieurs mois. Un retour à un jazz essentiel, existentiel après un accident de moto pour un  Laurent de Wilde mûri, peut-être assagi. Dans une réinvention permanente de sa musique, il se réenracine dans le jazz qu’il n’a jamais vraiment quitté mais qu’il explore de toutes les façons possibles. Car ce fou des sons sait traduire à merveille son imaginaire en musique!

Les neuf compositions se ressentent d’une gestation particulière, les sons et rythmes propageant l’élan d’une tension créatrice. Comme si le pianiste, spectateur de sa propre histoire, était le personnage d’un film qu’un autre aurait écrit.

Maître du jeu- il a créé son propre label Gazebo- il peut ainsi, en producteur heureux, enregistrer son travail et celui d’amis talentueux, les saxophonistes Géraldine Laurent, Pierrick Pedron, le pianiste Paul Lay. Il a choisi d’enregistrer cette fois, non dans son home studio, mais au studio Gil Evans d’Amiens (lié à l’ historique label Bleu ) qui dispose d’un piano magnifique et de cellules pour isoler chaque membre du trio.

"La Vague qui ouvre l’album, composée en pensant à la mer, commence et finit dans un clapotis de marée basse ou “grave”, précise De Wilde dans des liner notes très bien conçues qui donnent les clés de chaque composition tout comme les teasers de l’album intelligemment montés. Ce flottement, cette incertitude se poursuivent dès l’attaque des cordes de la contrebasse dans “Life Is A Movie” proposé par Jérôme Regard comme titre définitif.

L' album contrasté, souvent intrigant est à la fois cohérent et pluriel. Atmosphères et climats diffèrent comme autant de paysages mentaux dans une partition intime et retenue, presqu’autobiographique : après cette intranquillité vitale, la mélancolie s’empare du pianiste dans cette incroyable composition “les Paradis Perdus” qui glisse entre nostalgie et rêverie positive avec un son particulier de kora. C’est la patafix dans les cordes du piano qui produit cet effet où les cordes de la basse, en tressant leur motif s’enroulent au piano.

Rupture de rythme dans le vif “Easy Come Easy Go” dont les paroles peuvent être chantées sur le pont, comme un mantra. Après les roulements en introduction du batteur, toujours pertinent et léger qu’il soit aux balais ou aux baguettes, le piano chemine allègrement, allant bon train jusqu’au prochain artefact, accident du destin qui se traduit par un “Inner roads” plus sombre et néanmoins limpide. Musique de résilience que suit le sursaut, l’excitation du retour à la vie  avec la conviction et l' énergie  dégagées sur “Get Up And Dance”, hommage au grand Fela Kuti et à son Afrobeat pulsé par Tony Allen. Groove assuré! Changement de tableau, le jazz flirte avec la chanson d’amour sur “Liane et Banian” en souvenir du duo envoûtant formé avec Ray Lema.

 Life is a movie se termine sur la scansion d’un poème mis en musique “Mes  Insomnuits” suffisamment explicite.

On reste sur la force vitale que dégage le trio, l’ouverture d’esprit et de goût, l’humour partagés. Comme au cinéma où l’on savoure chaque instant en voulant retarder la fin, en espérant encore un sursis. Un memento mori en somme qui aide à vivre.

Sophie Chambon

 

 

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28 avril 2023 5 28 /04 /avril /2023 17:56

Dan Tepfer (piano)

StorySound Records / Proper Music

 

Plus de dix ans après le disque «Goldberg Variations / Variations», enregistré en 2011, Dan Tepfer revient vers Bach, et cette fois pas pour improviser sur chacune des pièces originelles après les avoir interprétées ‘dans le texte’. La caractéristique des Inventions de Jean-Sébastien Bach, c’est qu’elles ne sont qu’au nombre de 15 (BWV 772 à 786). Au lieu de donner 12 inventions en majeur et 12 en mineur, sur les 12 degrés de la gamme chromatique, Bach avait laissé de côté 9 tonalités et modes. Et le projet, aussi artistique de ludique, a consisté pour Dan Tepfer à proposer ses ré-inventions sur chacune des tonalités délaissées. Il en résulte une sorte de voyage, à la fois musical et spirituel, dans le passé de l’histoire et dans le présent de l’improvisation. Et l’esprit du jazz est bien là, où se jouent les relations entre l’écrit et l’improvisé, le familier et l’étrangeté de l’objet neuf qui surgit d’une impression, d’un désir, d’une émotion ou de la connaissance intime de la musique. Cérémonie secrète peut-être, c’est en tout cas fascinant, et intensément jouissif, pour le mélomane sans œillères que tente d’éveiller - ou de réveiller - en nous, le pianiste.

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Youtube :

Dan Tepfer : Invention improvisée en Ré bémol mineur

 

J.S. Bach : Invention en La Majeur / D. Tepfer Improvisation en Si bémol mineur

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20 avril 2023 4 20 /04 /avril /2023 11:41

Caracol, théâtre l’Echangeur, Bagnolet (93). Juin 2022.
Collectif Surnatural / L’autre distribution.
Paru le 31 mars 2023.


     En 2025, il sera célébré le centième anniversaire de la disparition d’Erik Satie, compositeur inclassable, atypique. Prenant de l’avance sur les hommages de la sphère musicale, le saxophoniste ténor Fabrice Theuillon s’est allié au pianiste Yvan Robilliard, pour réorchestrer treize œuvres, de courtes pièces, du normand né à Honfleur (1866) et décédé à Paris, « miné par les désillusions, la misère et l’alcool » (François Hudry).


     On y retrouve des titres qui prêtent à la mélancolie et d’autres qui prêtent à sourire. Les deux comparses reprennent ainsi les premières œuvres pour piano qui assurèrent le succès d’Erik Satie, la Gymnopédie n°1 (1888), deux Gnossiennes, les 2 et 4 (1890) ou encore un des Airs à faire fuir (1897). Mais aussi des Nocturnes (1 et 3) et des airs moins connus tels que Sévère réprimande ou Affolements granitiques.

     L’album est titré IKIRU dans une évocation du film éponyme d’Akira Kurosawa (‘Vivre’ en français) sorti sur les écrans en 1952 et inspiré en partie par le roman ‘La mort d’Ivan Illitch’ de Léon Tolstoï. Un scénario qui peut ainsi se résumer à gros traits la prise de conscience d’un modeste fonctionnaire atteint d’un lourd cancer qui choisit de vivre dès lors sans entraves ses derniers instants sur terre.

 

     Avec ‘IKIRU plays Satie’, Fabrice Theuillon (Surnatural Orchestra, PYG, The Wolphonics), à l’origine du projet, nous plonge dans un univers où l’étrange cohabite avec l’intime.


     Un album grave et léger qui va à l’essentiel en moins de 45 minutes. Nous sommes au cœur de l’œuvre de ce compositeur hors des sentiers ‘battus, surnommé par certains ‘Esotérik Satie’.  D’ores et déjà, une des belles découvertes discographiques de 2023.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

 

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15 avril 2023 6 15 /04 /avril /2023 15:35

 

Ingrid Laubrock (saxophones ténor & soprano), Mazz Swift (violon), Tomeka Reid (violoncelle), Brandon Seabrook (guitare), Michael Formanek (contrebasse), Tom Rainey (batterie)

New Haven (Connecticut), septembre 2019

Pyroclastic Records / https://ingrid-laubrock.bandcamp.com/album/the-last-quiet-place

 

En écoutant ce disque, je me souviens de la première fois où j’ai rencontré Ingrid Laubrock. Elle vivait alors en Angleterre, après avoir quitté son Allemagne natale en 1989, et avant son installation à New York en 2008. En janvier 2003, j’avais invité son groupe britannique (avec avec Karim Merchant, Larry Bartley & Tom Skinner) pour un concert ‘Jazz sur le Vif’ au studio 105 de Radio France. Je profitais ainsi du fait qu’un ami informaticien à la radio, qui animait à Lens (dans le Pas-de-Calais, sur la route d’Albion donc….) l’association ‘Jazz sur les terrils’, avait convié dans cette ville le quartette, ce qui nous permettait de part et d’autre de minorer les frais de voyage en les partageant. Et j’avais alors été très impressionné par cette musicienne, déjà en quête d’un jazz aventureux, mais loin encore de ‘sortir de clous’ comme elle l’a fait par la suite.

Au fil des ans j’ai écouté nombre de ses disques, et quelques-uns de ses concerts auxquels j’ai assisté, et je dois reconnaître qu’elle m’étonne encore. Le titre de ce disque est trompeur : cet ultime endroit tranquille, auquel chacun peut aspirer, lieu de méditation et de création sereine, est en fait le reflet du trouble et du tumulte d’un monde qui paraît courir à sa perte. La musique est turbulente, acérée, audacieuse et libre. Conçue avec d’infinies nuances, mais avec aussi des épisodes très décapants, elle conjugue les mystères d’une musique de chambre décalée et d’un jazz aussi libre qu’innovant. La qualité des membres du groupe permet de créer un univers où rigueur et liberté se donnent la main. Très belle réussite.

Xavier Prévost

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Ingrid Laubrock, de passage en Europe (Norvège, Allemagne, Angleterre….) jouera à Paris, en duo avec le saxophoniste Stéphane Payen, le lundi 17 avril 2023, à 20h, 3 rue Française (75001)

https://www.eventbrite.fr/e/billets-jazz-a-rue-francaise-18-607775662367

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