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12 novembre 2022 6 12 /11 /novembre /2022 07:41
Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER        POURQUOI

Philip CATHERINE  Paulo MORELLO  Sven FALLER

POURQUOI

 

Label ENJA Yellow bird / l’Autre Distribution

 

Pourquoi - YouTube

 

Philip Catherine résiste à l’épreuve du temps.

Des musiciens doués en harmonie mutuelle qui ont plaisir à se retrouver, il sait ce que cela veut dire. Ainsi de ce nouveau trio avec le guitariste Paulo Morello et le bassiste Sven Faller constitué en 2017, avec un premier album Manoir de mes rêves (Enja). Avec des héritages musicaux différents, les affinités et complémentarités se sont révélées à chaque fois qu’ils ont joué ensemble d’où cette envie de se retrouver régulièrement et à quatre-vingts ans, le guitariste sort, toujours sur le label ENJA un album enregistré en studio intitulé justement Pourquoi. Non une question mais l’affirmation d’une évidence! Compatibilité de jeux, compréhension mutuelle et créativité. Une entente instinctive...

Chaque titre dessine une histoire et un petit univers en soi depuis l’hypnotique “Pourquoi” inaugural où les guitaristes semblent respirer ensemble, comme s’ils se connaissaient par coeur. Un rêve éveillé dans lequel on évolue dès une introduction vaporeuse, mais le propos reste structuré autour de ce halo soyeux. Comme si les musiciens nous murmuraient à l’oreille, réconfortants. .Va t-on vers un éloge de la lenteur, de la douceur? Le sentiment d’intimité n’en est que plus partagé.

Mais déjà les trois complices s’amusent avec esprit et ça valse plus gaillardement avec le titre suivant, impulsant envie et couleur dans “Robert’s waltz”. Et il y aura plusieurs occasions de glisser sur le rythme éternel de la valse dans les onze titres de l’album dont 6 du guitariste, 2 de Paulo Morello, et une reprise “Inutil Paisagem” de Carlos Jobim qui se marie parfaitement avec le climat de l’ensemble.

Fluide et aventureux, avec une inspiration qui vagabonde volontiers, reposant sur une maîtrise technique à tout épreuve, Philip Catherine est un compositeur doté d’un sens mélodique à toute épreuve. Avec ce trio, il insuffle tout du long finesse et imagination créative. Philip Catherine continue à explorer et tisser des liens entre les époques traversées depuis sa passion pour Django, avec le tendre “Méline” où se juxtaposent aussi divers styles de jeu, un sens rythmique dans l’agencement des compositions, des percussions des accords. Aucune battle de guitaristes, mais au contraire une écoute attentive et une interaction réussie. Comment se répartissent ils les rôles? Philip Catherine s’affirme plus volontiers avec l’électrique : lyrique mais pudique, sensible, le guitariste joue comme il est, sans se prendre pour un guitar hero. Il joue à la note égrenée, dans des envolées mélodiques très contrôlées, d’une imaginative rigueur. Plus rythmique est Paolo Morello, proche de la bossa “Chateau Plagne”. Il suffit d’une contrebasse dans“To Martine” ou “Ozone” pour créer un contrepoint délicat et assurer la base rythmique sur laquelle s’envolent les deux guitaristes. Point de batterie dans ce trio d’où cette douceur extrême, cette légèreté qui n’a rien à voir avec un rythme qui s’amenuiserait. Le courant passe, il suffit de se laisser entraîner, soutenus sans effort apparent, puisque l’on entre dans un fantasme de l’instrument avec ces guitaristes pluriels. Une fois dans ce sillon, on ne demande qu’à y rester douillet et quiet à écouter les subtilités du jeu.

Sophie Chambon

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11 novembre 2022 5 11 /11 /novembre /2022 08:45
EXUDE   FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

FRANCESCA HAN    RALPH ALESSI

EXUDE

 

www.hanji.fr

www.francescahan.com

 

Sortie le 6 octobre

Francesca Han / Ralph Alessi 'Exude' teaser - YouTube

 

C’est à JP Ricard que je dois la découverte de ce trompettiste exceptionnel et plutôt rare en France. Il l’avait programmé à Jazz in Arles il y a quelques années, déjà en duo dans un intrigant Only Many, avec ce pianiste remarquable Fred Hersch qu’il rêvait d’inviter.

Pour la parution de ce duo Exude, en compagnie cette fois de la pianiste Francesca Han, Ralph Alessi n’est passé pour l’instant qu’à l’AJMI Avignonnais (dont Julien Tamisier assume la direction artistique à présent avec un goût très sûr) puis aux Caves de l’Abbaye de Beaune. On ne les verra pas dans un des grands festivals d’automne mais c’est dans une atmosphère feutrée que l’on apprécie le mieux l’échange de deux musiciens en accord, formés au classique et au jazz. Jamais dans une brillance forcée, ils sont moins soucieux d’envolées électrisantes que de jeux sur les timbres et couleurs, exprimant la plénitude de leur art.

Le Californien mise sur une complicité de longue date à présent avec la pianiste coréenne Francesca Han qui, après s’être frottée à diverses cultures autres que la sienne, s’est installée dans le sud de la France.

L’enregistrement a eu lieu à la Buissonne et cela s’entend immédiatement : ce duo raffiné et subtil pratique un jazz de chambre qu’affectionne particulièrement Gérard de Haro, mettant en valeur la qualité du son et du silence. Plutôt enclins à des confidences mélancoliques, ils se livrent tous deux à une sorte de récital, tout un art de pièces vives, libres, délicatement impressionnistes.

Voilà un trompettiste qui saisit par une fragilité apparente vite démentie, une fausse douceur injectant puissance et expression dans le moindre de ses traits et une sûreté d’exécution quel que soit le registre, avec des aigus qui ne passent jamais en force, virevoltant sur l' équilibre. Un chant qui se projette avec quelque vigueur, demande attention mais captive très vite, enveloppe dans une claire gravité comme ce délicat “Chrysantemum”.

Brillant contradicteur titrait un article de Jazz Times qui notait les oxymores des titres d’albums et de morceaux parfois, comme ce “Humdrum”, en rien monotone, et soulignait la ferme résolution du trompettiste à déjouer les attentes, avec un certain plaisir à subvertir les formes, comme dans ces formes d’études pour piano et trompette. Toujours sous tension sans que cela n’entraîne crispations et rigidité. Les thèmes, concis, servent de points de départ à des extrapolations aérées sans être éthérées, sophistiquées et rigoureuses. Les Américains parlent de jazz progressiste post moderne pour qualifier cette musique difficile, exigeante que le duo nous délivre sans faillir. Parce que leur univers très poétique s’appuie sur des connaissances techniques, harmoniques et rythmiques, ils créent des moments de grâce. Si le jazz leur colle à la peau, ils en font une musique vivante, plus «savante» aujourd’hui, une exploration très personnelle, une écriture dense qui prend des libertés avec, par exemple le traditionnel très connu en Corée “Arirang” que chante Youn Sun Nah de façon plus classique. Car, de toute façon, c’est la manière de jouer qui fait le jazzman, plus que le répertoire. Ils ne reprennent pas de standards en effet, sauf pour le final  avec ce ”Pannonica”, plutôt fidèle, moins heurté, sans chercher à se distancier ou à déconstruire la mélodie de Monk.

Attardons nous enfin sur la conception très étudiée de l’album, du titre sobre, le seul mot “exude”, à l’image de la musique pour évoquer ce qui perle, est secrété.  Une notion distillée jusqu' à la pochette, bleue… “quand tout au long s’écoule une sorte de bleu” comme l’écrit joliment JP Ricard dans les liner notes . Une pochette bleue intense que strient finement les entailles de Lucio Fontana. La classe!

 

Sophie Chambon

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9 novembre 2022 3 09 /11 /novembre /2022 17:26

Matthieu Mazué (piano), Xaver Rüegg (contrebasse), Michael Cina (batterie)

Pernes-les-Fontaines, juin 2022

Jazzdor Series 14 / l’autre distribution

 

Dans son texte de présentation Philippe Ochem, directeur du festival Jazzdor (qui est aussi la raison sociale de ce label), évoque la figure tutélaire de Mal Waldron, en particulier pour la première plage. C’est profondément juste et justifié. Dans ce goût d’une certaine lenteur, d’un labeur en train de s’accomplir, je vois une approche matérialiste -au sens philosophique- de la musique. Un peu comme dans le génial (et trop méconnu) film de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Chronique d’Anna Magdalena Bach. J’y vois aussi une trace du labeur monkien, comme lorsque chez le Grand Thelonious la musique résiste à l’instrument, à la forme convenue, aux diktats de l’esthétique dominante. J’y entend aussi de cette liberté foncière qui s’est épanouie chez Paul Bley. Bref une constante de la préoccupation esthétique, placée en priorité devant l’ostentation musicale et instrumentale. Un très beau disque à écouter, et réécouter, car il ne livre pas tous ses secrets dès la première écoute.

Xavier Prévost

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Le groupe est en concert le 3 novembre 2022 au festival Jazzdor de Strasbourg, puis en Suisse à Lavin le 12, Yverdon-les-Bains le 26, et Baden le 28

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8 novembre 2022 2 08 /11 /novembre /2022 16:51

Ellinoa (voix, composition musique et paroles), Christelle Bakhache (textes additionnels), Sophie Rodriguez (flûte), Balthazar Naturel (cor anglais, clarinette basse), Illyes Ferfera (saxophone alto), Pierre Bernier (saxophone ténor), Paco Andreo (trombone), Héloïse Lefebvre (violon I), Widad Abdessemed (violon II), Séverine Morfin (alto), Juliette Serrad (violoncelle), Matthis Pascaud (guitare), Thibault Gomez (piano), Arthur Henn (contrebasse), Gabriel Westphal & Léo Danais (batteries), Philippe Heck (son)

Ludwigsburg (Allemagne), 2020

Les Petits Cailloux du Chemin / l’autre distribution / Believe

 

Un hardi projet d’Art Total. Un thème : une fable écologique et dystopique, une sorte de conte d’anticipation. Une ambition : un spectacle immersif en 3D sonore, un diptyque vidéo et un jeu vidéo. Et pour ce CD, de la musique instrumentale et vocale, et des textes parlés. Il y est question d’une ville sinistrée, recluse et soumise à l’oppression dans laquelle la nature reprend ses droits, envahit les espaces bâtis et crée un nouvel espoir en forme de résistance. Dystopique, assurément, mais avec une lueur d’utopie.

Et la musique fait vivre toutes les étapes de cette métamorphose. Le grand orchestre, la voix d’Ellinoa, sa composition, ses orchestrations, et les improvisations des autres solistes dessinent une autre fiction, musicale, où le mouvement porte les étapes de cette aventure. Très belle écriture, intensité d’interprétation, ferveur des improvisations, puissance des mélodies et des rythmes, tout nous porte à embarquer dans ce périple de l’imaginaire. Une projet d’une très belle ambition, artistiquement aboutie. Bravo !

Xavier Prévost

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L’orchestre sera en concert le 9 novembre à Paris au Café de la Danse, en version de concert ;  en attendant une prochaine version façon ‘art total’ avec l’immersion en 3D sonore, et en images.

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Un avant-ouïr sur Facebook

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4 novembre 2022 5 04 /11 /novembre /2022 22:31

Bruno Angelini (piano, compositions), Régis Huby (violon, violon ténor, électronique), Claude Tchamitchian (contrebasse), Edward Perraud (batterie, percussions)

Pernes-les-Fontaines, 7-9 juin 2021

Label La Buissonne RJAL 397043 / PIAS

 

Le retour au disque de ce quartette, après «Instant Sharings», enregistré en 2014 (chronique ici), et «Open Land», en 2017 (chronique itou), tous deux pour ce même label. Inclassable formule instrumentale et musicale, qui procède tout à la fois de l’esprit de la musique de chambre et de l’aventure du jazz, en équilibre constant sur le fil du devenir. À l’exception d’un thème qui figurait sur le récent «Transatlantic Roots», ce sont de nouvelles compositions. Le pianiste revendique d’avoir pour ce disque avoir été inspiré par la poésie, de William Carlos Williams et ses errances à quelques autres dont j’ignorais jusqu’au nom, comme Ada Mondès ou Chandak Chattarji. C’est tout un monde de lenteur, de suspens, et d’infinies nuances, avec de soudaines saillies de lyrisme, des figures rythmiques obsédantes qui se fondent sans crier gare dans un chant qui nous happe. Une valse impromptue va nous embarquer vers un paysage plus dépouillé, plein des mystères d’instruments qui, en élargissant leurs modes de jeu, nous égarent. Inutile de préciser que cet égarement est un délice…. Et voici qu’un rythme obstiné nous emporte comme un torrent, bousculé par la batterie qui pose ses accents comme autant de météores qui ensoleillent la nuit. Une seule solution : s’abandonner au sortilège de cette musique,comme on céderait à une croyance magique ; le bonheur est au bout du chemin. Décidément Bruno Angelini, ses partenaires et leur Open Land sont comme des magiciens malicieux et bienveillants. Il suffit de succomber au charme, qui n’est pas maléfique mais magnifique !

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 11 novembre à Paris au 360 Paris Music Factory

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Des avant-ouïr sur Youtube

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31 octobre 2022 1 31 /10 /octobre /2022 11:08
MADELEINE & SALOMON    EASTERN SPRINGS

Madeleine & Salomon Eastern Spring

 

Clotilde Rullaud (vocals and flute) Alexandre Saada ( piano, vocals) Jean Paul Gonnod Fx effects

Label Tzig'art

 

Un duo étonnant (piano voix) qui reprend des chansons pop du bassin oriental de la Méditerranée, des années soixante et soixante-dix inconnues pour la plupart d’entre nous. “Chansons d’amour, de mort, de révolte”, des thèmes simples, universels même s’ils s’inscrivent dans un espace géographique très particulier ( Israel, Egypte, Liban, Turquie, Maroc, Tunisie ).

Après un travail de sélection minutieux sur un corpus patrimonial de plus de 200 titres, pour n’en conserver que 9, le duo a opéré un travail de traduction, en anglais le plus souvent-ce qui modifie la donne. Ainsi tout naturellement, sur l’hymne de la pop iranienne “Komakon Kon”après les mots que scande avec ardeur la chanteuse, le duo a inséré des fragments du mythique “Howl”, le cri d’Allen Ginsberg, le poète de la Beat géneration. Mais ce n’est pas tout: le duo a travaillé des arrangements de ces versions originales en improvisant des fragments personnels, intitulés justement “Rhapsodies”, c’est à dire des pièces libres utilisant des effets folkloriques et souvent électroniques.

Un répertoire révolutionnaire, humaniste, inscrit dans un temps certes révolu, qui entre hélas singulièrement en résonance avec l’actualité des dernières années, l’échec des printemps arabes, d’où ce titre d’Eastern Springs. Si les langues arabes sont sensuellement poétiques, métaphoriques, jouant toujours avec la censure impitoyable dans tous ces pays, Madeleine (le second prénom de la Française Clotilde Rullaud) ne voulait pas, selon ses propres termes, coudre un "patchwork" linguistique. L'anglais domine donc, une seule chanson est en français “De l’Orient à Orion”, extraite du patrimoine tunisien. Si le duo a gardé les mélodies et leurs rapports harmonico rythmiques, il n’en demeure pas moins que cette suite est remarquable par la sobriété, la volonté de ne laisser qu’un chant épuré dès le premier titre, où sur le piano élégiaque et subtil s’élève la voix fragile sculptant les mots du poète palestinien Mahmoud Darwich (“Matar Naem” libanais du groupe Ferkat Al -Ard).

Quel effet produit cet album, une fois exposé le propos généreux et ambitieux du duo? On est assez loin du monde originel du jazz commun à tous deux. Comme s’ils avaient voulu faire un pas de côté, essayer d’adapter leur regard passionné sur le monde et ses cultures à leur façon de travailler le duo. Pourtant, il fait retour,  le duo poursuit en un sens le travail du précédent album sur les “protest songs” de chanteuses américaines de la même période. Madeleine a d'ailleurs  gardé quelques inflexions de Nina Simone, ce qui contribue à augmenter le trouble. Après quelques écoutes, certains airs deviendraient ritournelles, fredons étrangement familiers. C’est le cas avec les comptines et berceuses israéliennes, plus proches de notre sensibilité occidentale? En particulier “Ha’Yalda Hachi Yafa Ba’gan”.

La voix de Clotilde Rullaud est plus qu’attachante, grave sans être trop profonde, sur cette petite fiction égyptienne “Ma Fatsh Leah” du groupe Al Massrien, qu’entraîne un piano vif, au groove hypnotique. Ou aiguisée sur le rock anatolien "Ince Ince Bir Kar Yagar".

Alexandre Saada (dont le second prénom est Salomon, on commençait à s’en douter) chante aussi. Il n'est pas que l'accompagnateur du duo, il souligne sans effort la ligne de chant, adaptant son jeu à chaque thème, impressionniste, syncopé, uni avec sa partenaire dans une même respiration jusqu’au final libanais "Do you love me?" qui s’achève en un murmure. Parfait.

 

Sophie CHAMBON

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25 octobre 2022 2 25 /10 /octobre /2022 21:36

Rémi Dumoulin (saxophones ténor & soprano), Bruno Ruder (piano), Frédéric Chiffoleau (contrebasse), Pascal Le Gall (batterie)

Sarzeau (Morbihan), septembre 2021

Eddie Bongo EB 0011 / Inouïe Distribution

 

La ligne de démarcation suggère le débat sur la manière de désigner la transformation que font subir les jazzmen à des standards, en utilisant leurs harmonies (souvent enrichies) pour un nouveau thème auquel on donnera…. un nouveau titre. Personnellement j’ai pris depuis des décennies le parti de parler de démarquage ou - démarcage - (on enlève le titre et le thème : la marque) quand la démarcation suggère une limite géographique (la fameuse ligne que les nazis tracèrent en France occupée pour la couper en deux, en 1940). Quoi qu’il en soit, c’est bien de cela qu’il s’agit. Rémi Dumoulin et ses amis transfigurent les thèmes en reprenant leurs harmonies (et leur segmentation rythmique), comme le faisaient Lee Konitz et Warne Marsh en perpétuant le péché mignon de leur Maître Lennie Tristano (et à leur suite Mark Turner, Gary Foster….). Et c’est bien de ce vertige particulier qu’il est question : se lancer sur la structure en cherchant d’autres chemins. Rémi Dumoulin y excelle, avec une sorte de gourmandise, sérieusement épaulé par ses partenaires. Le premier titre est Licks For 1 Penny, manière de se souvenir que Tristano imagina plusieurs démarquages sur les harmonies de Pennies From Heaven…. Je vous laisse découvrir ce que pourrait dissimuler Stelly ou Friendz…. Ce disque est jouissif, plein de verve et de surprises. Une absolue réussite, une œuvre collective forgée sur une passion commune pour le jazz, et plus précisément sur un jazz d’aventure. Chapeau bas !

Xavier Prévost

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Le groupe sera en concert le 15 décembre à paris au Sunset-Sunside

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Sur Youtube la genèse de l’aventure, par Rémi Dumoulin 

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 10:43

Sakina Abdou (saxophone, flûte), Raymond Boni (guitare)

Lille, 21-23 décembre 2020

Circum-Disc CIDI 2203

https://www.circum-disc.com/abdou-boni-sources/

 

Pour l’auditeur de musique improvisée que je suis, c’est comme un retour aux sources, qui fait écho à d’anciens émois musicaux éprouvés chaque fois que la rencontre est féconde. L’improvisation libre est un exercice périlleux, et il arrive (cela m’est arrivée récemment) que l’on assiste à des concerts peu convaincants. Mais avec ce duo, qui avait émergé pour l’émission d’Anne Montaron, ‘À l’improviste’, sur France Musique, et se poursuit avec ce disque, la communication s’établit dès les premiers instants, et la musique surgit, sans souci d’étiquette, de catégorie, de style, ou d’obédience. S’ils n’appartiennent pas à la même génération, la musicienne et le musicien ont manifestement en commun la maîtrise de leurs outils (instruments, mémoire, goût du risque) et la faculté de faire naître la beauté de la musique en osant le saut dans l’inconnu. Il devient de plus en plus difficile, à propos d’art en général, et de musique en particulier, d’oser parler d’inouï (surtout depuis que c’est devenu une marque commerciale pour une entreprise ferroviaire et néanmoins publique….). Et pourtant j’oserai l’adjectif. Ce disque m’a transporté vers un horizon neuf, un plaisir d’écoute qui, même s’il doit beaucoup à la somme (aujourd’hui assez considérable) des musiques (toutes sortes de musiques) que j’ai écoutées, m’a entraîné vers la fraîcheur d’une aube nouvelle, vers un horizon inexploré, franchissant une fois encore ce que le poète et peintre Bruno Capacci appelait Le balustrade du possible. Ce disque est une expérience musicale unique : on se précipite !

Xavier Prévost

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17 octobre 2022 1 17 /10 /octobre /2022 14:07

Christophe Monniot (saxophones sopranino, alto & baryton), Marc Ducret (guitares)

Lanmeur (Finistère), avril 2022

Jazzdor Series 13 / l’autre distribution

 

Deux irréductibles de la liberté et de l’audace, et deux musiciens qui se sont croisés dans leurs projets respectifs (Monio Mania, Métatonal….). En choisissant de constituer ensemble ce duo, et d’en composer les contours comme ils écrivent, improvisent et arrangent la musique, il était prévisible qu’ils nous entraîneraient loin : loin de nos bases, loin de nos réflexes d’écoute, loin de cette faculté prospective que nous avons tous, et qui nous pousse à attendre au fond ce que nous avons déjà perçu, éprouvé, aimé en écoutant tel musicien, en lisant tel écrivain, en découvrant tel film d’un cinéaste que nous aimons. Dès la première plage, ils passent d’un unisson funambule à un éclat de rock saturé, puis reviennent à des sons plus soyeux, avant de replonger dans des rythmes fracturés. C’est comme un collage, mais très composé, plein de références, de surprises, de pirouettes et d’idées, jetées à la volée et rattrapées en virtuoses, jusqu’à une coda apaisée…. en attendant le prochain éclat ! Et l’on file ainsi, de titre en titre, d’un simulacre de relecture sauvagement cubiste du Dernier Tango à Paris à des nostalgies orientales totalement resongées, en passant par des contrepoints lunaires, ou des impromptus façon pop dynamitée. Avec aussi une pièce du compositeur Michel Petrossian écrite pour eux. C’est totalement jouissif, assez déjantée, très inspiré, mené de part et d’autre avec ce mélange de maîtrise et d’abandon qui fait le Grand Art. Et je ne suis pas certain d’avoir le talent qu’il faut pour rendre compte de la totalité de ces événements musicaux qui m’ont ravi. Alors faites comme moi, plongez-vous dans ce maelström…. que j’avais trouvé génial, en concert au début de l’été dernier aux Rencontres d’Archipel en Charente, et encore maintenant à l’écoute de ce disque !

Xavier Prévost

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Le duo est en concert le 19 octobre à 18h à la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg, puis le 22 octobre en soirée au Comptoir de Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne)

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14 octobre 2022 5 14 /10 /octobre /2022 18:23

Bo Van Der Werf (saxophone baryton, électronique), Jozef Dumoulin (piano électrique, claviers, électronique)

Bruxelles, juin 2021

PeeWee! PW 1009 /Socadisc /https://peeweelabel.com/fr/albums/36

 

Une aventure musicale, assurément. Une rencontre singulière entre deux musiciens qui se sont souvent côtoyés dans une foule de groupes. Et ici le désir, assumé, de faire un saut dans l’inconnu. Ce qu’ils connaissent l’un de l’autre se trouve remis en jeu, dans ce projet presque insensé. En rejouant des musiques de l’un ou de l’autre, transfigurées par le contexte de ce duo bercé d’électronique ; en construisant un mystère qui va se fondre dans un chœur de moines tibétains ; en effleurant quelques mesure d’un trio à cordes ; ou en insérant dans un hommage à Martin Luther King une berceuse ukrainienne, les deux solistes nous entraînent dans l’inouï, et parfois nous ressentons que notre surprise à l’écoute n’a d’égale que la surprise qu’ils ont ressentie en inventant, dans la magie de l’instant, cet objet musical fascinant. Le traitement électronique du sax baryton, par un dispositif dont je n’indique pas la nom commercial (pas plus que je n’indique la marque du piano électrique….), dans son dialogue avec les sons traités des claviers, nous transporte dans un ailleurs qui nous dépayse (et nous enchante). Parfois on tourne (mais de très loin!) autour d’un standard. Dans le livret un beau texte de Nicole Caligaris, sans livrer les clés du mystère, nous ouvre des portes d’écoute et d’émois. Cette musique gardera sa part de d’indicible, et c’est cela qui la rend fascinante. Et pourtant elle peut nous toucher dans l’immédiateté de sa sonorité, de ses constructions labyrinthiques, de ces moments d’équilibres vertigineux qui se résolvent chaque fois dans un nouvel étonnement. Du Grand Art.

Xavier Prévost

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Des avant-ouïr sur Youtube

https://peeweelabel.com/fr/videos/50

https://peeweelabel.com/fr/videos/49

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