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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 23:54

 

ECM 2012

Chris Potter (ts, ss , clb), Craig Taborn (p), David Virelles (prepared piano, celeste, harmonium), Larry Grenadier (cb), Eric Harland drums

 chris-potter-the-sirens.jpg

C’est  du  grand  Chris  Potter que l’on retrouve dans ce nouvel album paru chez ECM.

A  42 ans le gamin de Columbia s’impose aujourd’hui comme l’une des figures les  plus  impressionnantes  du  sax  ténor.  Celui  que  l’on  connaissait impétueux  et irrésistible sur des albums déjà mythiques comme le superbe « Follow  the red line », accède, en signant chez ECM à une sorte de maturité impressionnante.  Là  où l’on entendait un génie débouler à fond la caisse, on  entend  désormais  la vraie profondeur d’un discours. Qu’il s’agisse du

ténor  ou  de   la  clarinette  basse sur laquelle il prend de plus en plus

plaisir  à  jouer. On entend toujours chez lui  (écouter Wine dark Sea) les révérences  qu’il  voue  à  Michael  Brecker  dont  il  est l’un des grands suivistes  (  au  point  d’avoir  joué  longtemps  sur  un Selmer lui ayant appartenu).  Mais  il y a maintenant une autre dimension chez Chris Potter.

Comme  si, ayant définitivement dompté l’instrument ( i tant est que l’on y parvienne  jamais),  Chris  Potter  mettait son talent au service d’un vrai propos  musical qui se traduit tant par sa science de l’écriture que par la dynamique  d’un  groupe  qu’il  crée et dont se nourri en retour. Ainsi par exemple  sa  complicité avec un Craig Taborn qui est ici fondamental, comme si  Chris  Potter  avait  trouvé  dans  le  pianiste, son double parfait en complémentarité mais aussi en contraste. Craig Taborn en véritable magicien

sort   ainsi   très  vite  d’un  rôle  d’accompagnateur  classique  et  son

association  avec David Virelles fait merveille comme sur ce Wayfinder très surprenant  dans leur manière de façonner un son envoutant. Il est un peu à Chris Potter ce que Jason Moran est à Charles LLyod par exemple.

A  l’entame  de  l'album on est immédiatement saisi par le son de sax juste énorme  et  une  mécanique  rythmique  qui se met immédiatement en place et place  la barre très haute. Quelle puissance du discours ! Une stature à la dimension  des  très  grands. Chez Chris Potter il y a (et c’est parfois ce que  certains  lui  reprochent – voir dernière chronique dans Jazzmagazine) une  sorte de véritable leçon d’histoire du ténor. Entendez par là, non pas les  tenors  de  velours  mais les incisifs, les puissants, les tranchants, ceux  qui jouent la ligne droite à haute pression. Il lui arrive parfois de donner  dans  une inspiration très coltranienne comme sur The Sirens  où il ouvre  le  morceau  avec  un passage admirable à la clarinette basse (vieil instrument  des  années 20 sur lequel il joue depuis plusieurs années) dans un moment d’envoutement total, de suspension du temps avant de reprendre le ténor  dans  une  sorte  de  mystique  coltranienne  particulièrement.  Cet exercice  là  apparait  cependant  un  peu  convenu comme un exercice quasi obbligé  dans  la  maison  de  Manfreid  Eicher. Mais la référence de Chris Potter,  il  ne  fait pas l’oublier a longtemps été celle de Sonny Rollins.

Référence  dont  il  se détache aujourd’hui peu à peu mais à laquelle il ne peut  s’empêcher de rendre un hommage comme sur ce Kalypso (forcément !) où il reprend pour son compte les idiomes du maître.

S’appuyant  sur une rythmique exceptionnelle d’où émerge un très grand Eric Harland  et  un Larry Grenadier pas moins exceptionnel (il faut écouter son chorus fascinant à l’archet), Chris Potter au-delà du name dropping de ceux qui  fondent  son  identité  de  saxophoniste  et  par delà ce qui pourrait laisser  penser  à un exercice de style, signe au contraire un grand album.

Le  gamin  de  caroline  Du  Sud  ne prend pas de l’assurance puisque cette absolue  confiance en son jeu a toujours été sa marque de fabrique. Mais en revanche  avec  «  the Siren » le saxophoniste entre dans la quarantaine en

prenant   de   l’épaisseur,   de   la  profondeur  de  champ  et  s’isncrit

définitivement  dans la cour des très grands ténors, dans le panthéon d’une histoire toujours recommencée.

Jean-Marc Gelin

 

Wayfinder avec Joe Martin à la cb et David Virelles au piano.

 

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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 22:20

 

 

Subatomic particle homesick blues

Ben Goldberg (clb), Joshua Redman (ts), Ron Miles (tp), Denin Hoff (cb), Chess Smith (dms), Scott Amendola (dm)

2008 Bag Production Records

 BenGoldberg1.jpg

Unfold Ordinary Mind

Nels Cline (g), Ellery Eskelin (ts), Rob Sudduth (ts), Ben Gildberg (clb, cl), Ches Smith (dms)

2012 BAG Production Records

 Unfold_Ordinary_Mind_-_new.jpg

 

Sortie simultanée dans les bacs de deux albums de Ben Goldberg enregistrés à 5 ans d’intervalle.

Belle occasion pour ceux qui ne connaissent pas encore le clarinettiste Ben Goldberg de découvrir sa musique et ses talents de compositeur. Ceux qui sont des habitués de la planète zornienne ont déjà eu l’occasion de l’entendre à ses côtés. Et avant même l’éclosion de Masada, Ben Goldberg s’inscrivait déjà dans cette tendance de la Radical Jewish Culture avec son New Klezmer Trio, il y a plus de 20 ans déjà.

Depuis, l’eau à coulé sous le pont de Brooklyn et Ben Goldberg poursuivant notamment son travail aux côtés de Myra Melford s’est détaché de cet aspect-là pour s’ouvrir à toutes les formes de jazz. Parfois même aux limites d’un rock un peu ésothérique.

Mais dans ces deux albums que nous présentons ici, ce que l’on découvre avant tout c’est sa manière de détourner sa passion pour la musique classique et pour les études de Bach et de venir ici s’appuyer sur un matériau focalisé sur le contrepoint.

Dans le premier album (« Subatomic particle homesick blues »), c’est au jazz straight façon Brass Band et New-Orleans qu’il applique ce modèle d’écriture en s’appuyant notamment sur le son superbe de Ron Miles ( Evolution, Possible). Mais comme Ben Goldberg est plutôt du genre à jouer le syncrétisme , ce jazz n’est pas si classique qu’il en a l’air et cette affaire-là tourne aussi à la musique plus funky comme Ethan Song dans laquelle Joshua Redman, abandonnant son staut de super star du jazz évolue, on le sait comme un poisson dans l’eau. Avec une pêche magnifique et une banane jusque-là Ben Goldberg propose, contrairement à ce que le titre de l’album pourrait faire croire, un album lumineux et parfaitement optimiste.

Certes avec ses couleurs matinées de rock plus lourd ou carrément de pop, sur « Unfold Ordinary Mind » la guitare de Nels Cline apporte dans ce second album sa part d’ombre et d’obscurité au paysage. Cline y prend alors le rôle de Ron Miles alors que la partie de sax occupée 5 ans auparavant par Joshua Redman est ici partagée par Ellery Eskellin et Rob Sudduth. Ben Goldberg y est un peu plus cantonné à un rôle de bassiste qu’il exerce à la clarinette basse essentiellement ( mais quel son , nom d’un petit bonhomme !). Plus éthéré sans être pour autant psychédélique, Ben Goldberg s’inscrit dans une mouvance alors plus moderne allant même parfois, avec un brin de second degré jusqu’au kitsch ( comme sur Xcpf) avant que le thème, à la base presque insipide n’évolue naturellement et ne se fonde dans des nappes plus électriques.

Dans les deux cas, soutenus admirablement par un Ches Smith transformé en caméléon, Ben Goldberg nous donne une leçon de musique et d’expression collective.

Dans son mouvement alerte et dans cette forme de langage interactif Ben Goldberg démontre de quoi le jazz d’aujourd’hui se nourrit.

Jean-marc Gelin

 

 

 

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 17:49

lesdoigtsdelhomme-copie-1.JPGMumbo Jumbo- Les Doigts De L’Homme ( Lamastrock-l’autre distribution)

 

Du cœur et de l’énergie, ils en témoignent en permanence les musiciens du groupe Les Doigts de l’homme, cinq comme les doigts de la main : Olivier Kikteff (guitare, oud, banjo), Yannick Alcocer (guitare), Benoit Convert (guitare),Tanguy Blum (contrebasse), Antoine Girard (accordéon).

Ils ont conquis leurs lettres de noblesse sur le terrain, la scène, avec plus de cinq cents dates à ce jour et déjà quatre albums depuis 2003. Leur dernier album, 1910, au titre évocateur de la date de naissance de Django Reinhardt, leur avait même permis d’obtenir une tournée aux Etats-Unis. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Nous n’avons pas affaire ici avec une de ces formations qui ont surfé sur la vague manouche.


Cette formation à base de cordes s’est bâtie sur des fondements divers donnant naissance à une mosaïque musicale aisément reconnaissable, signe d’une authentique personnalité. Le leader, Olivier Kitkeff, s’est nourri de la culture burkinabe, évoluant dans le groupe de Bilaka Kora, tout autant que de la musique celtique. Avec son comparse des premières heures, Tanguy Blum, ils se sont aussi aventurés sur les terres éloignées mais qui ne leur sont pas étrangères, les Balkans, le Brésil. Ces influences se retrouvent dans Mumbo Jumbo, voyage dépaysant où l’auditeur est traversé alternativement par la mélancolie, l’insouciance, la rêverie. Un véritable moment de bonheur, tout simplement.

Jean-Louis Lemarchand
  
 www.lesdoigtsdelhomme.com
En concert : Montgenèvre (05) le 6 février,

St-Etienne (42) le 21 février,

Clermont-Ferrand (63) le 22 février, 

Paris-New Morning le 26 février,

Festival de Samois sur Seine(77) le 30 juin

 Vienne (38) le 2 juillet.

 

Un extrait vidéo : "Blue Skies" de l'album 1910

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 23:33

PUJ

 ParisJazzUnderground.jpg

 

On suit toujours avec plaisir aux DNJ le devenir des membres talentueux et fort sympathiques du collectif PJU (deux saxophonistes, deux guitaristes, un contrebassiste, un batteur).  Leur dernier opus, éponyme du nom du groupe, commence par un titre merveilleux, comme on les aime, ce « Moon Woman »  construit sur un crescendo vrillant à souhait, déstabilisant, composition du guitariste Romain Pilon qui met particulièrement en valeur les saxophones d’Olivier Zanot et David Prez, sur la batterie exacerbée de Karl Jannuska. Suivent deux compositions plus « calmes » de l’autre guitariste du groupe, Sandro Zerafa, qui prolongent cet effet d’ « inquiétante étrangeté » que l’on ressentait dès l’ouverture. La marque distinctive du PJU, ne réside-t-elle pas dans ce son toujours très pur, élégant, cette chaleur de son de timbres patinés, la complicité réelle qui s’entend du début à la fin de l’album ? Le tandem rythmiquede  Karl Jannuska et Yoni Zelnik, particulièrement créatif, propulse les souffleurs qui marient leurs impressions, belles effusions fécondantes, « drippings de son » sur un « Pollock » énergique (on n’en attendait pas moins pour un hommage au grand peintre de l’ « action painting » ). Un album qui sait être offensif dans ses contrastes dynamiques, ses foucades rythmiques comme dans ce « Stealth » enthousiasmant ; ou à l’envi, élégiaque, à moins que ce ne soit rêveur, dans l’entrelacs d’autres thèmes  comme « For F. Mompou », « PJU Blues », longuement fouillés, joués avec fluidité et délicatesse. Il y a du rêve, des couleurs souvent grisantes et aussi cette touche de mélancolie qui vous atteint très directement au coeur. Voilà pourquoi l’on aime ce collectif attachant aux voix aussi singulières qu’affirmées. Une certaine idée du jazz qui n’est pas pour nous déplaire… N’hésitez pas à  aller les écouter s’ils passent près de chez vous.

Sophie Chambon    

 

                                                   

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 10:58

Black and Blue 2012

Sylvia Howard (vc), Georges Dersy (tp), Jean-Sylvain Bourgenot (vtb), Christian Bonnet (ts, arr), Antoine Chaudron (ts), Jacques Carquillat (p), Jean de Parseval (elb), + Alain Chaudron (dm), Jean-Pierre Jackson (dms)

 Sylvia-Howard.jpg

Ça fait plaisir de recevoir dans sa boîte des petites galettes comme ça ! Des trucs qui fleurent le jazz à papa. Des trucs qui se la racontent pas. Pas des machins qui prétendent toujours révolutionner le jazz mais au contraire de petits bonbons qui ne demandent juste qu’à se (et à nous) faire un plaisir en jouant de sacrés saucissons bien goûtus mis en boîte par Black and Blue, le lendaire label du jazz hexagonal.

Et dans cet album de la chanteuse Sylvia Howard mis en bouche par quelques érudits-musiciens, dont notamment Christian Bonnet qui outre son incommensurable culture du jazz  ( que les lecteurs de BD jazz connaissent bien) nous régale ici de ses talents de saxophoniste et d’arrangeur « gourmand », tout le classique y est passé en revue. Tout ce que le jazz mainstream contient de pépites inaltérables incontournables comme Take the A Train, Fine and Mellow, On the Sunny side of the street, St James infirmary etc etc….. de quoi bien faire chauffer la marmite du swing.

Et celle qui est aux fourneaux c’est Sylvia Howard, chanteuse qui s’inscrit dans la lignée de ces chanteuses noires américaines tombées dans la marmite du gospel avant d’atterrir les deux pieds dans le jazz. Pas étonnant que les influences se mêlent dans sa voix en passant par Sarah, Billie ou Dinah. Mais Sylvia Howard qui pourrait être écrasée par tant de modèles y affiche aussi une réelle personnalité et d’autorité ( ecouter son Saint James Infirmary). Son sens du swing et du blues font merveille même si elle semble parfois un peu impressionnée par la formation qui , derrière , prend des allures de big band. Il faut dire que les arrangements simples et efficaces sont mis en valeur par de forts solides soutiers . Soutiers :  matelots responsables d’alimenter la chaufferie.

A suivre et surtout à écouter prochainement en live. Parlez-en à votre thérapeute préféré !

Jean-Marc Gelin

 

 

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29 janvier 2013 2 29 /01 /janvier /2013 21:43

 

Seventh tension records 2012

Elie Dalibert (as), Manuel Adnot (g), Arthur Narcy (dm)

 Sidony-recto-recadree.jpg

 

Nous nous étions extasié il y a plus d’un an sur ce jeune groupe qui était alors sélectionné par Jazz Migration ( 2011) et venait de remporter un tremplin à Jazz à Vienne (link)

Pour son troisième album, ce jeune groupe se présente dans la même formation de trio sax, guitare, batterie. Mais alors qu’hier nous étions séduits par cette façon de fabriquer la musique ensemble et par son expressivité, allez savoir pourquoi, ici le charme n’opère plus comme avant.

Bien sûr il y a la performance orchestrale qui impressionne toujours autant. Comment ces jeunes garçons dans une formule aussi simple que le trio peuvent-ils donner autant d’intensité à leur musique, autant d’épaisseur orchestrale et de puissance à leur jeu, là où derrière la mélodie, (ici très anecdotique) une autre forme de musique s’exprime, symbiotique entre jazz-rock et pop. Chacun des trois musiciens est ici totalement impliqué dans un rôle bien défini. Elie Dalibert s’y montre, au sax, un improvisateur exceptionnel alors que Manuel Adnot ancre la musique vers une texture électrique et très rock parfois (trop) saturée et que de son côté Arthur Narcy déploie un énorme volume de jeu et de mise en reliefs sombres.

Cet album joue à la fois sur les ostinatos rythmiques qui créent la dramaturgie ( Girafe) à la limite même du heavy métal parfois (Dark Wizard) ou au contraire sur des moments très espacés, très étirés  jusqu’à l’extrême limite du minimalisme ( Nocturnum ou ce très beau Ambre qui clôture l’album ). Un peu comme ils le faisaient dans le précédent album.

Mais le problème c’est qu’entre ces deux procédés musicaux, le matériau compositionnel semble bien plus faible qu’il ne l’était dans « Pink Paradise ». L’alternative entre en mettre trop ou n’en mettre pas assez peine à émerger. Et ce n’est pas d’ailleurs le très pop Electric Lovequi parvient totalement à réconcilier ces extrêmes. Balaçant sur deux pieds, l'ossature de l'album se révèle à la longue sans grande surprise.

Mais il n’en reste pas moins qu’avec un groupe comme Sidony Box, les jeunes explorateurs du jazz visitent de nouvelles contrées avec un sens du son et de la musique qui peur surprendre et étonner ceux qui ne les connaissaient pas avant. Ceux-là se laisserons à tous les coups embarquer dans l'affaire.

Ce qui est en soi très remarquable.

Jean-Marc Gelin

 

Nous n’avons malheureusement pas reçu le DVD qui est censé accompagner le disque. Gageons qu’un lecteur avisé nous en fera amples commentaires.

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 22:58

Gaya Music Production 2013

Samy Thiébault ( ts), Julien Alour (tp,fgh), Méta (vc ,perc),  Sylvain Romano (cb), Philippe Soirat (dm), Adrien Chicot (p), Alexandre Freiman (g)

samythiebault.jpg

Attention les oreilles ! Le disque que l'on pressentait, la galette que l'on attendait du jeune saxophoniste prodige Samy Thiebault arrive enfin dans vos bacs. Et n'allez pas dire que l'on ne vous aura pas prévenu !

Disons le tout net : cet album est une vraie tuerie et va faire grand bruit. Pour tous ceux en tous cas qui goûtent au mythe coltranien et qui ne se sont jamais remis de l'un des plus grand quartet de l'histoire du jazz ( Coltrane, Mc Coy Tyner, JimmyGarrisson, Elvin Jones). Car c'est bien sur cette veine que le saxophoniste s'inscrit, après "Gaya Scienza" en 2007 et "Unpanishad Experiences" en 2010 dans une esthétique coltranienne évidente qu'il parvient à détourner tout en lui restant fidèle.

Au titre du judicieux détournement d'abord :  cette idée géniale de faire intervenir un chanteur, Méta,  assez exceptionnel pour faire ressortir au delà d'un ancrage modal fort, des inspirations world ( brésiliennes ou orientales) qui se conjuguent merveilleusement avec cette approche, chantant dans les quarts de tons ou flirtant avec des mélismes poétiques. Mais dans l'amour que le saxophoniste porte à Coltrane il y a aussi le versant plus hard (bop) auquel il se réfère volontiers en s'appuyant alors sur un Julien Alour particulièrement flamboyant et sur une rythmique qui n'a rien à envier aux belles mécaniques du label Blue Note façon 60's ( Some other song) propulsée par un grand Philippe Soirat à la batterie toujours prompt à relever tous les propos. Quelques moments de grâce émergent comme ce " les yeux de N " totalement envoûtant dans une atmosphère flottante déambulée par la voix gracieuse de Méta comme une danse lascive aux arabesques découpées par Samy Thiebault. Et puis il y a la force de l'expression toujours présente, cette force du dire et cette urgence de la poésie brute, terrienne, épicurienne, dionysiaque ( pour reprendre le titre d'un des morceaux). Qu'il y ait là une sorte d'hommage à Baudelaire n'est donc pas surprenant. Cet album est charnel.

Mais à tout seigneur tout honneur, le maître de cérémonie c'est bien le saxophoniste lui même qui prend avec cet album-là une tout autre dimension. Une incroyable épaisseur. Car ce que l'on pressentait sur « Gaya Scienza », ce que l'on guettait comme potentiel chez lui explose ici au point de le hisser au niveau des grands  ténors. De ceux qui affichent dans leur jeu autant de virilité que de sensualité. Avec puissance et velours du timbre. Et sortir un album de cet acabit, avec ce qu'il a de remarquable au niveau de la direction artistique, de la composition, des arrangements et de la conception globale tout en parvenant à hisser son jeu à un tel niveau est quelque chose de rare, qui n'est donné qu'aux plus grands.

Jean-Marc Gelin

 

 

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 07:06

  Chris Cheek (ts), Pierre Perchaud (g), Nicolas Moreaux (cb) + Sergio Krakowski, André Charlier

Gemini Records 2012

 pierre-perchaud-waterfalls.jpg

C'est avec beaucoup de courtoisie et de discrétion que Pierre Perchaud réalise son deuxième album. Loin d'une mise en valeur de lui-même c'est avant tout un écrin qu'il a décidé d'offrir au saxophoniste Chris Cheek. Sur des compositions de toute beauté signées du guitariste, écrites entre deux tournées avec l'ONJ ou au hasard des longs voyages entre deux concerts, Pierre Perchaud avoue avoir écrit spécifiquement en fonction du superbe saxophoniste ténor avec qui, depuis longtemps il rêvait d’enregistrer. Et le moins que l’on puisse dire c’est que celui-ci s’est totalement approprié la musique de Perchaud pour trouver dans les belles mélodies du guitariste matière à improviser avec des accents et un phrasé à la Stan Getz ( Le vieux piano et la lampe). Chris Cheek, saxophoniste incontournable du paysage New-Yorkais contemporain a un sens incroyable de la musicalité, le sens du soyeux, du velours qui enveloppe ces belles compositions Presque comme un chanteur de charme. Une façon de prendre son temps et de laisser s'écouler l'improvisation dans le prolongement naturel de la mélodie. C'est à la fois fort joli et très intimiste. Perchaud quant à lui passe de la guitare électrique à l'acoustique avec des inspirations parfois très folk (voire le très beau Montréal). Il a ce type d'élégance des guitaristes qui le rapproche de quelques uns de ses modèles comme notamment Jim Hall dont on le sens proche sur un standard comme No moon at all ( où l'on pense aussi à ce guitariste oublié, Oscar Moore qui joua notamment avec Nat King Cole).L’ensemble de l’album se déroule ainsi sur un mode soft d’une grande douceur où les trois membres du trio sont véritablement dans l’écoute d’une musique au charme irrésistible. Et c'est lorsque cette musique atteint ce degré de non –prétention, qu'elle se livre avec cette émouvante simplicité elle déploie alors tout son charme.

Pierre Perchaud sera au Duc des Lombards vendredi 25. Il serait vraiment dommage de manquer ce très bel instant de grâce

Jean-Marc Gelin

 

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22 janvier 2013 2 22 /01 /janvier /2013 19:44

Bonsaï Janvier 2012

Paolo Fresu (tp,flgh,multi effects), Bebo Ferra (g), Paolino Dalla Porta (cb), Stefano Bagnoli (dms) 

 paolo-fresu-desertico-20130107074635.jpg

 

Avec “Desertico”, Paolo Fresu propose une musique d’une grande beauté qui s’inscrit dans la continuité de son oeuvre. Disposant d’une sonorité feutrée à la trompette ou au bugle évoquant plus la clarté lumineuse de la Méditerranée que la noirceur sombre des ténèbres, Paolo Fresu développe, loin de toute esbroufe et avec le naturel que lui permet une technique accomplie, un discours d’une grande musicalité qui concourt au charme placide distillé par la majorité des morceaux de cet album (Ambre). Toutefois, cette succession de climats uniformes engendre à la longue une impression de monotonie que vient fort heureusement rompre le groove solide de (I Can’t Get No) Satisfaction. Étroitement associés à la réussite de l’entreprise, Bebo Ferra (g), Paolino Dalla Porta (b) et Stefano Bagnoli (dms) du Devil Quartet - un clin d’oeil ironique à l’Angel Quartet, le groupe précédent du trompettiste - font preuve d’un savoir-faire accompli et d’une grande cohésion. Une musique de bonne facture et sans accrocs, dans laquelle il serait vain de chercher le cri qui fait le jazz.

Alain Tomas

 

 

 

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20 janvier 2013 7 20 /01 /janvier /2013 18:40

 

Mosaic records

mingus-mosaic.jpg

ll y en a des qui devraient être béatifiés. Des qui ont leur place directe au paradis. Tenez pas plus tard que mardi soir, l'Académie du jazz décernait à juste titre ses décorations à Jordi Pujol , patron de Fresh Sound pour le formidable travail de réédition qu'il effectue depuis 30 ans. Et bien moi je dis que Michael Cuscuna, chief editor de Mosaic devrait bien lui aussi se trouver sa place dans le jardin d'Eden des jazzmen. Car voilà des années que cet inlassable chercheur d'or et de raretés nous offre, et de la meilleure des façons qui soit, de sublimes rééditions agrémentées d'inédits épatants. On se souvient notamment du récent coffret Ahmad Jamal paru en 2010.  Aujourd'hui c'est avec Charles Mingus et ses Workshop de 1964-1965 qu'il nous régale encore. Avec un matériau incroyable de 7 Cd’s (dont les deux derniers totalement inédits) et autant d’heures d'écoute de 5 concerts enregistrés entre avril 64 et mai 65. Certaines pièces sont connues mais d'autres jamais éditées ont été exhumées par Sue Mingus la veuve hypra-active et gardienne du temple de son génie de défunt mari.

Le résultat est absolument remarquable.

En 1964, Mingus est au sommet de sa gloire.Toujours en effervescence, toujours prompt à faire émerger les meilleurs combos de la scène américaine, le contrebassiste-compositeur a déjà gravé des chefs d'oeuvre comme Pithécanthropus Erectus, Blue Roots, Mingus Ah Um, The Black Saint and the sinner lady, Mingus ! etc…… En 1964 Charles Mingus poursuit son travail avec des petites formations allant du quintet au sextet et travaille et répète inlassablement, remettant sans cesse l’œuvre sur l’ouvrage. C’est de cette période que date la série de concerts qui sont ici réédités. Les deux premiers cd’s reprennent les enregistrements live à Town Hall ( 4 avril 1964). 5 des 12 morceaux présentés étaient jusque là inédits. Suit le concert de Concertgebouw à Amsterdam 6 jours plus tard. La formation ce des concerts y était mythique. Elle regroupait Johny Coles, Eric Dolphy, Clifford Jordan, Jackie Byard et l’éternel Dannie Richmond. Avec le concert de Town Hall qui ouvre cette série, on atteint déjà des sommets. Il suffirait pour s’en convaincre d’écouter cette pièce magistrale de 27mn (Praying with Eric) qui donne l’occasion à Eric Dolphy d’écrire l’un de ses plus magnifiques chorus.

 

 

 

 

Avec la mort du saxophiniste-clarinettiste deux mois plus tard c’est une autre formation qui se produit à Monterrey le 18 et le 20 septembre 1964 puis Minneapolis le 13 mai 1965. En Californie Lonnie Hillyer prend la trompette, Charles Mc Pherson l’alto et John Handy le ténor. Jacki Byard et Dannie Richmond restant fidèles au poste. Là encore , cette réédition nous donne l’occasion d’entendre plusieurs rareté dont un «  Copa City Titty », jusque là jamais entendu.

 

Les hommages de Mingus «  à sa façon » se multiplient : à Ellington ( Sophiticated lady,  Duke Ellington Meddley), au ragtime et aux grands pianistes ( ATFW pour Art Tatum et Fats Waller) ou encore à Bird ( Parkeriana). Mingus puise bien sûr dans le blues, source d’inspiration première mais aussi dans le jazz New-Orleans qu’il ne rejette pas ( When the Saints go marching in) ou même au mainstream qu’il joue avec bien sûr un clin d’œil un poil ironique ( Cocktails for two). Et ces célèbres ateliers de Mingus aboutissent à un véritable feu d’artifice d’inventivité rageuse, de solistes héroïques, de musique engagée et de créativité qu’il nous est donné d’entendre. Et surtout la concrétisation du génie compositionnel du contrebassiste. Pour preuve de cette créativité collective, ce célèbre Fable of Faubus qui à Town Hall faisait 11’’06 alors que 6 jours plus tard le même thème fait l’objet d’une véritable suite de + de 30mn.

Pour aboutir à réunir ces inédits il a fallu un véritable travail de fourmi qui a été effectué en collaboration avec la veuve de Mingus, avec une partie du matériau trouvé à la Librairie du Congrès ou encore avec d’autres pièces dénichées  dans l’obscure collection du festival de Monterey et conservées par le label de Clint Eastwood. Le livret qui accompagne la musique est lui aussi remarquable tant pour ses liners notes signées Sue Mingus et Brian Priestly que par les photos magnifiques qui les accompagnent.

Autant dire que ce travail de réédition exceptionnel devrait valoir à Michael Cuscuna au minimum sa place au Paradis.  

Quant à Mingus ne vous inquiétez pas pour lui, il l’y attend depuis belle lurette.

Jean-Marc Gelin

 

 

 

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