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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 19:06

Archieball - Harmonia Mundi

Archie Shepp – saxophones ; Joachim Kühn – piano

 shepp-kuhn-copie-1.jpg

 

 

C’est de la rencontre de ces deux géants du jazz au festival « Jazz à Porquerolles » que naîtra le disque Wo ! Man.

En 2008, le festival Jazz à Porquerolles invite le trio Kühn/Bekhas/Lopez. Pendant la balance, Kühn troque son piano contre son sax ténor et se lance dans un chorus déchainé et surprenant. C’est à ce moment là que Samuel Thiebault, directeur du festival, imagine non seulement une rencontre musicale entre Archie Shepp (fidèle du festival) et le pianiste germanique mais aussi un échange d’instruments entre les deux.

Ces deux monstres sacrés ont respectivement un parcours riche de rencontres et d’expériences musicales qui les a portés aujourd’hui au rang de légendes. L’un comme l’autre a déjà pratiqué des duos sax/piano durant leurs longues carrières, lesquels ont donné des albums réussis (Shepp/Adullah Ibrahim ; Joachim Kühn/Ornette Colman…).

Enregistré à la mi-Novembre 2010 au Studio de Meudon, Wo ! Man rassemble des compositions du saxophoniste, du pianiste ainsi que trois standards.

Complices artistiquement, leur dialogue intimiste occupe pleinement l’espace. Le saxophone d’Archie Shepp aux sonorités reconnaissables, improvise sans compromis sur les morceaux de Kühn. De fait, seul avec le pianiste, Shepp n’a d’autre choix que de puiser au meilleur de lui-même. Le pianiste quant à lui improvise avec la virtuosité qu’on lui connaît sur la musique de Shepp. Même sur un morceau de blues, les deux musiciens parviennent à faire oublier l’absence de base rythmique : leurs seuls instruments suffisent à offrir une musique pleine de lyrisme et d’émotion, partagés entre passé et présent tant sur leurs compositions respectives que sur les standards qu’ils interprètent.

 

Lors du concert donné le 12 Mai dernier à la Fondation Cartier à l’occasion de la sortie de leur disque, les deux artistes nous ont fait partager la même émotion. Le public est venu nombreux ce soir-là écouter deux étoiles encore bien vivantes sous le ciel de Paris. Si les deux artistes n’ont pas échangé leurs instruments comme le souhaitait Samuel et bien qu’Archie Shepp ait mis du temps à se donner, le concert fut un moment de magie où les musiciens nous ont transportés avec générosité dans l’intimité de leur rencontre.

 

Julie-Anna DALLAY SCHWARTZENBERG

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 07:57

Amina Alaoui : « Arco Iris » ***

ECM – 2011

Amina Alaoui (vc, daf), Saïfallah Ben Abderrazak (vl), Sofiane Negra (oud), José Luis Montón (gt flamenca), Eduardo Miranda (mandoline), Idriss Agnel (perc, gt élec)

 

Amina-Alaoui-Arco-Iris.jpg

 

Pour un cinquième disque sous son nom, la chanteuse d’origine marocaine Amina Alaoui nous revient avec « Arco Iris », entourée ici majoritairement par des instruments à cordes. Avec aussi le daf et quelques percussions orientales, ce divin enrobage instrumental nous transporte tout au long du disque au-delà des frontières musicales. La suavité de cette voix aux mille émotions voyage entre Andalousie, Portugal, Maghreb et Orient, au gré d’improvisations libres autour de thèmes traditionnels. Les langues et les cultures se mêlent entre elles au fil des œuvres, allant de l’arabe au portugais, en passant par l’espagnol. Il est possible aussi d’y trouver un certain parfum occidental de cadences harmoniques qui à l’écoute ne nous est pas inconnu, en témoigne l’introduction de Flor de nieve. L’équilibre entre toutes ces origines s’approche de la perfection par ce savant mélange entre les effluves sonores improvisés d’une guitare flamenca et le lyrisme d’un violon sauvage du désert. Que dire encore de l’ambiance d’un Fado venu de nulle part emplissant nos cœurs de mélancolie par le biais d’une mandoline aux cordes sensibles, dans Fado menor. Paradoxe de la lenteur du discours et de la chaleur intense de l’émotion. Quelques années après cette formidable collaboration avec Jon Balke et Jon Hassell dans « Siwan », enregistré sur ce même label ECM en 2008, Amina Alaoui nous offre à nouveau de belle manière l’occasion de voyager par la Musique.

Tristan Loriaut 

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 07:53

Black & Blue – 2011

Laurent Marode (pno), Karim Gherbi (cb), Abdesslem Gherbi (dms)

 

Le-Trio-Invite-Grits-and-Groceries.jpg

 

Après l’expérience très convaincante du sextet, le pianiste Laurent Marode nous offre ici un disque en trio accompagné par une rythmique de choc en la personne de Karim et Abdesslem Gherbi, respectivement contrebassiste et batteur. Le concept de ce trio est simple, il s’agit d’un socle prêt à accueillir tout soliste désireux d’évoluer en harmonie avec un groupe solide. Dans « Grits & Groceries », Le Trio Invite a enregistré d’audacieuses compositions, parfois sous forme romanesque avec Three Robberies at Grits and Groceries, ainsi que quelques standards aussi fameux que légendaires commeTaking a Chance With Love, Recorda Me, I’ll Remember You, Easy Living, Old Devil Moon ou bien encore On Green Dolphin Street. En ressort un groove incommensurable, arrangement après arrangement, toujours au sein d’une mécanique bien huilée, d’un son de groupe relativement homogène. Ce trio rend hommage de fort belle manière à la tradition du Jazz et plus précisément à celle du trio piano. En témoigne d’ailleurs les collaborations passées avec certains ayatollahs français de ce style inépuisable de Musique, comme David Sauzay ou encore Fabien Mary, pour ne citer qu’eux. On attendait dans ce disque peut être un peu plus de folie, de surprise, de nouveauté dans l’improvisation ainsi que dans l’arrangement des thèmes. Mais l’originalité des compositions nourrira quand même de sincères félicitations, celles-ci étant particulièrement dédiées aussi bien aux interprètes qu’aux compositeurs évoluant sur ce disque. Force est de constater que la puissante alchimie qui anime la collaboration entre ces trois musiciens remarquables est promise à un futur prolifique.

Tristan Loriaut 

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 07:50

ECM – 2011

Mathias Eick (tp), Audun Erlien (bass), Andreas Ulvo (pno), Torstein Lofthus (dms), Tore Brunborg (sx ten), Gard Nilssen (dms), Morten Qvenild (key), Sidsel Walstad (harpe)

 eick.jpg

  Musicien reconnu de la décennie passée, artiste devenu incontournable sur le mythique label ECM, le trompettiste norvégien Mathias Eick nous offre un second disque sous le nom de « Skala ». En plus de son savoir-faire de trompettiste arrangeur et compositeur, on lui découvre ici des talents de guitariste, vibraphoniste ou encore contrebassiste. Teinté d’émotions aussi intenses que diverses, ce nouvel opus est habité par le côté Pop du Jazz actuel. Fraicheur et inventivité des compositions, science de l’économie dans l’improvisation, le son général de ce projet musical est maîtrisé à l’extrême, de façon à transmettre avec le plus de justesse possible un message clair et distinct. Mélancolies passagères (Skala), lyrisme des harmonies (Edinburgh), démesure de l’écho (Oslo)… tels sont quelques uns des ingrédients utilisés par le créateur d’origine nordique. A noter aussi le groove incommensurable d’une rythmique évoluant parfois sur une thématique Electro. L’ensemble du disque offre une ambiance langoureusement homogène, le timbre des instruments étant pour beaucoup dans cette succession de morceaux à ambiances quasi-identiques, pour ne pas dire monotone. Ce qui ne dénaturera pas la qualité et la quantité du travail accompli. Signalons au passage la robuste participation en tant que sideman du saxophoniste ténor Tore Brunborg qui distille magistralement ses phrases pendant le solo de Day After. Avec audace, nous pourrions entrevoir chez ce trompettiste une certaine filiation avec la carrière de musiciens comme Erik Truffaz ou bien encore Dave Douglas. Ce disque est fait de blanc, de gris et de pourpre, en accord parfait avec la nature. C’est dans Epilogue que prend fin ce voyage à travers des effluves sonores enchanteurs.

Tristan Loriaut 

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1 juin 2011 3 01 /06 /juin /2011 07:46

Cam Jazz – 2011

Kenny Wheeler (bugle), John Taylor (pno), Steve Swallow (elec. bass)

 

kenny-wheeler-one-of-many.jpg

 

Trois amis. On imagine bien la scène. Trois monstres sacrés de l’improvisation se retrouvant en studio pour le bonheur de nos oreilles, réunis pour l’occasion d’enregistrer ensemble ce qui deviendra, pour sûr, un disque de plus dans le rayon chef-d’œuvre de nos discothèques personnelles. Cent ans d’histoire du Jazz sont résumées le temps de ces quelques compositions, interprétées par les maîtres de Musique que sont le bugliste Kenny Wheeler, le pianiste John Taylor et le bassiste Steve Swallow. Chaque mesure offre la possibilité d’être transporté à chaque fois dans un monde différent, aux travers des modes harmoniques se succédant avec élégance, comme dans Phrase 3, le thème ouvrant l’album. Elégance aussi dans le touché magistral du britannique John Taylor qui séduit toujours un peu plus à chaque album où lui est donné l’opportunité d’évoluer. Steve Swallow quand à lui arbore toujours aussi fièrement le timbre si caractéristique de sa basse électrique, lui qui est en recherche perpétuelle autour du son de instrument de prédilection. Soulignons aussi, et surtout, la ferveur incommensurable de Kenny Wheeler qui habite chacune de ses improvisations avec sobriété et lyrisme, comme au bon vieux temps de « Gnu High », tel un peintre insatiable déclinant les formes et les couleurs à l’infini. L’intéraction entre ces trois artistes est elle aussi infinie. La formule risquée du trio sans batterie est évidemment une réussite en la présence du talent de ce genre d’oiseaux rares. Et puis combien de musicien voudrait avoir à 81 ans autant de ferveur que ce bugliste légendaire !

Tristan Loriaut 

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 22:36

Dreyfus 2011

Marcus Miller (b), Christian Scott (tp), Alex Han (as), Frederico Gonzales Pena (clav), Ronald Brun Jr (dm)

 marcus-miller-tutu-revisited-feat-christian-scott-live-live.jpg On serait bien tenté de se dire que Miles Davis constitue aujourd’hui un filon inépuisable que d’aucuns auraient tendance à exploiter jusqu’à la corde en se gavant de rééditions multiples et variées et de commémoration en hommage divers. Sauf qu’il ne s’agit pas ici du nième album de Ron carter rendant hommage au trompettiste mais de la captation live d’un concert donné en décembre 2009 à Lyon pour revisiter « Tutu » l’œuvre majeure de Miles de 1986, par son principal protagoniste, Marcus Miller qui en fut à la fois le compositeur, l’arrangeur, le bassiste et le producteur. Et là, forcément on se dit que le garçon a bien le droit de se faire plaisir et de faire revivre ce répertoire en l’animant d’une autre flamme. En plus des compositions de l’album de 86, Marcus Miller y adjoint d’autres thèmes de Miles, plus un sentimental mood un peu plus incongru dans le contexte.

Et si on sent quand même l’affaire commerciale à plein nez, on ne peut pas s’empêcher de prendre un panard monstrueux à l’écoute de ce live au cours duquel tous les acteurs sans exception ont largement mouillé la chemise pour donner ce soir-là le meilleur d’eux mêmes. Marcus Miller était accompagné pour l’occasion d’une jeune garde et notamment de deux jeunes pousses remarquables. Christian Scott aussi frimeur que Miles, flamboyant, balançant des grooves terribles (Ecouter sa version de Tutu) fait un très honorable Miles alors que le saxophoniste Alex Han fait lui aussi très très bonne figure, propulsant une dynamique extrême et un sacré son qui l’impose certainement comme l’un des talents de demain à suivre.

Marcus Miller avec son côté « bass-hèro » que l'on retrouve constamment chez lui aligne des chorus de folie, funky en diable mais parfois un peu lassants, comme autant de moments de prouesses à la manière d'un chien savant. Mais on lui pardonne cette manie bien communicative de se faire plaisir et de se la donner à fond. Car dans cet exercice, Marcus Miller fait exploser le groove comme personne. Ce qu'il fait sur Tomaas ( entre autre) montre qu'il est bien aujourd'hui la référence absolue de la basse moderne, dont le lyrisme dispute au beat infernal. Insurpassable. N'en reste pas moins que certains de ses interminables chorus, qui se conçoivent en concert lorsque Marcus fait le show, auraient peut être gagné à être ici raccourcis au montage.

Aux claviers, signaler absolument un extraordinaire Fredrico Gonzalez Pena qui irradie la scène de ses nappes sonores.

Marcus Miller n’avait jamais donné Tutu en live avant ce concert Lyonnais. Il y met l’âme et la braise.Ne donne jamais dans l'économie. Dans cet écho au concert de Miles de 1991, Marcus Miller fait revivre cette flamme de manière intense et totalement probante. Le public lyonnais (le veinard) que l’on peut voir dans le DVD qui accompagne le CD, exulte et s'emballe, chaud bouillant à l’unisson.

Jean-Marc Gelin

 

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31 mai 2011 2 31 /05 /mai /2011 07:12

Cam jazz 2011

John taylor (p), Julian Argüelles (ts, ss), Palle Danielsson (cb), Martin France (dm)

John-Taylor-Martin-France-Requiem-for-a-dreamer.jpg Avec son  trio de base auquel il rajoute le saxophoniste anglais Julian Argüelles, John Taylor signe un petit album très court consacré à l’écrivain Kurt Vonnegut (1922-2007) dont l’une des œuvres ( non éditée mais publiée dans le magazine In These Times) avait justement pour titre Requiem for a dreamer.

Et c’est sur cette base que John Taylor livre un matériau d’une belle finesse, tout empreint de cette belle rencontre entre le pianiste et le saxophoniste. Musique raffinée s’il en est, qui se donne le temps de déambuler, sans rêverie excessive mais avec légèreté. Le saxophoniste, très suave répond aux couleurs harmoniques données par le pianiste. Car s’il est des batteurs qui par leurs riffs parviennent à relancer les solistes, c’est pour John Taylor par son accompagnement que Julian Arguelles voit toujours ses discours relancés. Car , il ne faut pas s’y tromper, le maître de cérémonie est bien ici le pianiste dont la ligne esthéttique, le parti pris artistique est toujours bien cadré, remarquablement défini dans son écriture. John Taylor en a défini un cadre d’une superbe richesse musicale. Note particulière pour le saxophoniste, malheureusement trop absent de ce côté-ci de l’Atlantique.

Le format court est assez plaisant. Aucune lourdeur de style. Tout est en grâce sans toutefois jouer l’épure.

On aimerait cependant que les 4 protagonistes sortent parfois un peu de cette musique très intime, impose un point d’accroche. A défaut on aura pas trop de mal à se laisser séduire par ces quelques minutes de grâce.

Jean-Marc Gelin

 

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 08:04

Mario Canonge (p), Félipe Cabrera (cb), Obed Calvaire (dm), Linley Marthe (b), Chander Sardjoe (dm),

Mario-Canonge.jpg

Avec ses airs un peu ronchon, limite grognon, Mario Canonge risque de nous en vouloir un peu. On va longer les murs et se faire tout petits minuscules. Songez, avec 6 mois de retard, au moment où le père noël s’apprête à vous balancer dans la cheminée tous les cadeaux dont vous avez toujours rêvé, juste à ce moment-là nous découvrons le dernier album du pianiste martiniquais comme une sorte d’ultime pépite dans cette fin d’année morose. Et que l’on ne vienne ici pas nous parler de crise, de déprime généralisée et. Ah que non !

Car ce que nous entendons ici, c’est tout le contraire, c’est l’opulence, c’est la profusion, c’est la délectation à foison d’un pianiste aussi génial qu’hors pair. Chez Mario Canonge le piano semble s’allumer d’un feu jusque là éteint. Son sujet l’inspire. Qu’il s’agisse des poèmes d’Edouard Glissant, des textes de Chamoiseau ou d’Aimé Césaire en l’occurrence.

Prenez ce matériau de base, faîte appel à l’intelligence de son écriture et ce que vous trouverez ici c’est ici un de ces grands (immense) pianistes de jazz capable de vous emporter bien loin. Une présence qui irradie. Mario Canonge c’est la puissance d’un jeu très percussif alliée à une technique exceptionnelle ( ah cette sacrée main gauche capable de vous jouer des contre temps et de marteler des rythmes syncopés !). Avec toujours cet équilibre délicat entre le discret chaloupement et le swing « dur ». J’enrage de le voir mis dans certaines cases comme celle du «  jazz carribéen ». Foutaises. Bien sûr les racines sont présentes mais en filigrane plus ou moins visibles selon les thèmes. Mario Canonge ne renie rien. La créolité de la biguine au Gwo Ka. Noel filao est l’illustration la plus criante d’une créolité qui avance dans le temps, réinventée. Où l’on perçoit la qualité du travail d’arrangement du pianiste aussi à l’aise ici qu’un poisson de toutes les couleurs dans une eau bleue turquoise. Travail qui fait passer le thème par tous les reliefs possible, jamais linéaire et toujours brillant.

 

 

On jubile et en plus c’est de saison ! Et Mario Canonge de nous expliquer clairement que tout est aussi une question du son, de maîtriser ce fichu son qui pourrait se diluer dans le groove si on se laissait aller mais qui chez lui n’en est au contraire que l’expression de la force vive. Mario Canonge vient aussi du jazz et il faut absolument entendre ce très beau morceau, «  A fleur de terre » où la pianiste s’inscrit dans la lignée des grands pianistes de trio jazz actuel. Dans une forme jazz plus classique, Room 150 y affirme un swing à la classe suprême, où Canonge et Michel Zenino au sax se partagent les harmonies avec luxe de raffinement. Il y a là sous les doigts de Mario Canonge l’esprit de Bill Evans à fleur de peau.

Mais cet album va de surprises en surprises. Il y a de tout, dans un syncrétisme étonnant. Toujours nous laisse à l’affût. Manie même parfois une petite dose d’humour comme sur ce Ska du Scalp  (pour moi pas forcément le meilleur des morceaux). Va même jusqu’à embrasser la musique traditionnelle arménienne dans un geste qui trace un pont entre les cultures. Car finalement ce doit être un peu cela le jazz. Ce qui jette un pont entre des cultures où domine ce sens du rythme et du swing. Il faut être un très grand musicien pour en faire une démonstration si cohérente. Mario Canonge de toute évidence se range dans cette catégorie.

Jean-Marc Gelin

 

 

PS : que l’on me permette ici de rappeler toute l’affection que l’on porte au travail que Mario Canonge fait régulièrement avec Viviane Ginapé, cette magnifique chanteuse que nous ne saurions que vous encourager à aller voir lorsqu’elle se produit près de chez vous.

 

 

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26 mai 2011 4 26 /05 /mai /2011 06:44

 

Emarcy 2011

Gérald Clayton (p), Joe Sanders (cb), Justin Brown (dm)

 gerald-clayton-bond-the-paris-sessions.jpg

Et si la maturité n'avait strictement rien à voir avec l'âge ? C'est en tout cas une question que l'on est en droit de se poser en écoutant cet incroyable album du jeune pianiste néérlando-américain, Gerald Clayton. Avant de l'entendre on aurait pu croire que pour jouer comme ça, il fallait avoir beaucoup vécu, avoir mûri l'art du piano pour parvenir ainsi à en retenir l'essentiel. On le connaissait ancré dans une autre modernité aux côtés notamment du trompettiste Ambrose Akinmusire ou du saxophoniste Walter Smith. On lui devinait déjà ce genre de délicatesse. Et surtout on pensait qu'il n'existait plus depuis Jarrett et Meldhau d'autres voies pianistiques chez les jeunes pianistes et l'on se disait que les écoles d'Oscar Peterson, de Kenny Barron ou d'Ahmad Jamal risquaient d'être définitivement perdues.

Avec ce "power trio", Gerald Clayton montre qu'il n'en est rien et prouve au delà de ces prestigieuses références un héritage qu'il cultive à la manière des très grands pianistes. Joué  tout au long sur un registre moderato, Clayton se fait ici défricheur et explorateur d'harmonies faisant sonner le piano avec une très grande subtilité, maître en renversement d'accords savants dans une lecture qui est tout sauf linéaire. Les accords sonnent dans le grave. Ses couleurs sont en clair-obscur. Le pianiste a une façon exceptionnelle de remplir l'espace alternant le jeu serré et dense avec de vraies respirations (Sun Glimpse). Des moments d'émotions palpables surgissent avec des progressions harmoniques magnifiques. Le pianiste affiche ainsi une présence forte parce que son jeu jamais brutal est fait d'autorité et de délicatesse à la fois. Ici Clayton alterne les renversements harmoniques et les ruptures rythmiques, maître dans l'improvisation mais surtout dans la construction thématique.  

Et dans cet exercice où la notion d'équilibre est primordiale, Gerald Clayton peut s'appuyer sur une rythmique tout bonnement exceptionnelle avec notamment Justin Brown qui, à la batterie fait véritablement figure d'extra-terrestre dans le genre réincarnation d'Elvin Jones.  Un critique de Allabout jazz estimait que l'association de Joe Sanders et de Justin Brown était à la hauteur de la paire Jorge Rossy/ Larry Grenadier qui faisait il y a quelques temps le bonheur de Brad Meldhau.

Clayton passe de quelques standards ( If I Were a bell, All the things you are) à des compositions de pure beauté. S'offre même un morceau en solo digne des plus grands sur le bien nommé Nobody Else but me de Jérôme Kern absolument remarquable de maîtrise technique et de groove insufflé.

 

Il y a  là du jazz de très très haut niveau et la perpétuation d'un geste transmis et assimilé. Il est rarissime pour un pianiste d'à peine 27 ans d'atteindre de tels sommets. Ceux que le pianiste franchit ici nous emmènent très loin, au coeur même de l'essence du jazz et de l'histoire des grands trios.

Jean-Marc Gelin

 

 

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20 mai 2011 5 20 /05 /mai /2011 16:19

Tzadik 2011

 Cyro Batista (perc), Kenny Wollesen (vib)

Peter Evans (t), David Taylor (btb), Marcus Rojas (tuba)

 

 zorn-cerberus.jpg  Dans sa série des files cards compositions, John Zorn poursuit ici avec deux petits enregistrements enregistrés en en juillet 2010 sous sa direction. Deux petites pièces réunies : l’une « Vision of Dionysus » (26’33) en duo avec Cyro Baptista et Kenny Wollense et l’autre, « Cerberus » (10’34) en trio avec trompette, tuba et trombone basse.

2 ensembles de fiches pour dépeindre le grotesque dans son acception zornienne et sur l’agencement du compositeur New Yorkais. Derrière les cris et les rugissements, le prolifique compositeur crée une sorte de férie champêtre faite d’animaux, de chèvres et de moutons s’ébattant dans le pré, dans la pure vision mythologique du Satyre. Zorn comme à son habitude endosse le rôle d’un réalisateur de cinéma, créateur d’installations sonores provoquant comme à son habitude les sens et les émotions de l’auditeur comme dans cette dernière séquence de Visions of Dyonisus où tous les sont sollicités dans la caverne du satyre.

Ce bestiaire sied bien à John Zorn qui navigue comme toujours entre enfer et féérie.

Les fouets qui claquent y sont presque délicieux. C’est totalement pervers et pour tout dire un peu jouissf.

A (ne pas) mettre en toutes les mains.

Jean-Marc Gelin

 

Ps : comme toujours les illustrations et le livret signés des dessins d’Austin Osman Spare illustrateur et magicien ( 1886-1956)  en font un objet superbe.

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