ACT 2011
Nguyên Lê: guitars, computer, fretless electric guitar (3), prepared Vietnamese Cai Luong acoustic guitar (8), baby 12-string acoustic guitar (14); Illya Amar: vibraphone (1, 2, 4, 5, 7, 9, 10-13, 15), marimba (1, 2, 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 15), electronics (1, 2, 4, 5, 7, 9, 10, 13, 15); Linley Marthe: electric bass (1, 2, 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 15), vocals (12); Stéphane Galland: drums (1, 2, 4, 5, 7, 9, 10, 13, 15); Youn Sun Nah: lead vocal (1, 10); Ousman Danedjo: vocals (1, 2, 7, 15), lead vocals (5); Gou Gan: erhu (1); Stéphane Edouard: percussion (1, 4, 9, 12, 15); David Linx: lead vocal (2, 9), vocals (7, 15); Himiko Paganotti: vocals (2, 5, 15), lead vocal (7, 12); Prabhu Edouard: vocals (2), percussion (2), tablas (10), Indian vocals (10); Dhafer Youssef: vocals (3, 4); Karim Ziad: percussion (5), karkabus (10, 12), drums (12); Hamid El Kasri: gumbri (5); Keyvan Chemirani: zarb (7); David Binney: alto saxophone (9); Julia Sarr: vocals (7, 15), lead vocals (11).
Au départ c’est presque une vieille histoire d’adolescent. Des souvenirs de jeune ado qui écoutait jusqu’à plus soif les tubes de l’époque et faisait tourner sur sa platine (vynile !) ses standards à lui. Et sur cette platine tournait du Stevie Wonder, du Led Zep, du Janis Joplin, du Bob Marley. Des tubes « gros comme ça », des chansons que tout le monde a dans la tête. Des trucs qui sentent un peu le shit dans la piaule d'étudiant et des « délires graves » et ça a le relent de tout ce qui nous a fait préférer le rock aux cours de maths et je me rappelle et je m'en souviens. Au départ donc, ça part comme ça.
À l’arrivée, cela donne un disque absolument énorme où le guitariste réinvente absolument tout. Se réapproprie sans trahir. Transforme sans travestir. Redonne une nouvelle vie à ces tubes interplanétaires que Nguyen Lê refaçonne avec génie. Tout prend une couleur nouvelle. Le I wish de Stevie Wonderpar exemple, est totalement réinventé par David Linx qui déjante et en porte quelque chose de profondément tripal. Tripal, c’est exactement le mot de cet album qui va chercher dans cette sauvagerie du rock et de la pop quelque chose de RADICAL. Whole Lotta Love de Led Zep ( les paroles raffinèes en gros c’est « je vais te la mettre profond ») transcendé par Youn Sun Nah dans une totale acculturation de la chanson.. Et que dire de ce beau Mercedes Benz de Janis Joplin porté par la voix sublime de Himiko Paganotti !
Après s’être attaqué au répertoire de Jimi Hendrix ( « Purple »), Nguyen Lê ( en home studio, excusez !!) retrouve la bande de ses fidèles comparses (Stephane Galland à la batterie, Linley Marthe à la basse et Illya Amar au vibraphone et stephane Edoaurd aux percus) et remet tout dans un ordre ( ou plutôt un désordre) qui lui tient à cœur. Il y a bien sûr ces racines vietnamiennes que Nguyen Lê ne renie pas et que, au contraire il utilise avec une pointe de génie en recourant parfois à la guitare vietnamienne ( sur quelques petites heureuses incises en guise d’introductions). Mais, nous le disions, ces tubes sont interplanétaires et donc quelque part universels. Il y a donc aussi de l’Afrique dans cet album ( Pastime Paradisepar exemple avec Ousman Danedjo) et du blues qui se moque des frontières. Il y a parfois quelques sucreries sauf qu'après tout, il n'y a pas de mal à se faire du bien. Et surtout Il y a tout au long de l’album la guitare de Nguyen Lê, parfois guitare héro parfois au contraire nuançant les couleurs. On entend chez lui Hendrix (référence suprême) mais aussi Steve Vai ou parfois même Clapton. Nguyen Lê a cette capacité de transformer son instrument avec une science de l’improvisation exceptionnelle capable d’imprimer la marque de tous les thèmes entre Europe, Afrique, Orient et occident. Ecouter par exemple comment avec subtilité il s’empare de Mercedes Benz de Janis Joplin pour l’amener petit à petit à un rock qui racle, qui graille, qui transcende le tout. Sur Black Dogil ne cherche pas à dénaturer et reste au contraire au plus près du sujet d’origine en l’explosant littéralement en vol avec son complice de longue date Dhafer Youssef qui sort le thème d’une transe magique et là encore tripale. Deux saxophonistes américains s’invitent sur cet album et non des moindres : David Binney sur More Over et Chris Speed à la clarinette turque.
Et il y a au final ce prodigieux travail d'arrangement. Entendez par là cette écriture - réécriture dont Nguyen Lê fait montre tour au long de l'album avec en toile de fond une direction artistique de haute volée. Avec ces thèmes connus , reconnus et redécouvert, le résultat est purement et simplement jubilatoire.
Jean-marc Gelin