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29 décembre 2009 2 29 /12 /décembre /2009 05:23

Futura et Marge. 2009.

`futurager16 130Dizzy Reece (tp), John Gilmore (ts), Siefried Kessler (p), Patrice Caratini (cb), Art Taylor (dr).



Ce disque est un OVNI que l’on doit à Gérard Terronès dont il faut redire le rôle crucial (crucial parce qu’absolument passionné) pour jalonner le jazz des années ‘70, bien au-delà de la mouvance free (1), de Steve Lacy ou Archie Sheep à Ben Webster, de Freddie Redd à Mal Waldron et jusqu’à cet album du trop confidentiel trompettiste Dizzy Reece qui a longuement séjourné en France. Insistons-y d’emblée : le plus sidérant, c’est que ce quintet est complètement d’époque et complètement d’aujourd’hui tant il continue de nous interpeller et de nous happer par sa ferveur et sa liberté intactes (le CD live des frères Belmondo, « Infinity » en fournit par exemple la démonstration). Quelques jalons : nous sommes en 1970, le groupe se produit à la salle des fêtes de Créteil et la musique est clairement placée sous le sceau du lyrisme coltranien le plus échevelé mais ce qui, en l’occurrence, sauve (et l’on est tenté de dire : « sauve » tout court sans avoir à préciser de qui ni de quoi !) c’est une étincelante communion qui estompe des positionnements stylistiques assez différents. On retrouve en effet dans cette formation deux hard-boppers orthodoxes, le leader et Art Taylor (sur le point de se retirer de la scène), la comète singulière John Gilmore, qui a marqué les albums de Freddie Hubbard ou Pete La Roca, entre autres, au-delà de sa longue collaboration avec Sun Ra, et deux artistes français : Patrice Caratini, âgé d’à peine 25 ans et Siegfried Kessler qui en a dix de plus. Ininterrompue sur 43’ mais remarquablement structurée en quatre mouvements (« Communion » / « Contact » / « Krisis » / « Summit »), leur musique est une traînée de feu qui naît, se déploie, s’apaise et se consume avec une énergie canalisée par une lisibilité de tous les instants. D’un drumming crépitant qui affirme la pulsation autant qu’il seconde de sa frappe sèche les discours les plus intenses, du soutien obsessionnel de la contrebasse, d’un jeu de piano portant l’harmonie à incandescence autant par méthode que par goût de l’embrasement, on ne sait d’abord que louer…Soulignons au demeurant que les choruses les plus insolents, les plus déroutants, d’une beauté altière, sont sans doute ceux de Siegfried Kessler, alors dans la souveraine plénitude de son expression. Bien entendu, les deux soufflants ne sont nullement en reste : John Gilmore parce qu’il développe, sans inféodation à Coltrane, un jeu sec, découpé, maître de son propre enfièvrement, Dizzy Reece parce qu’il démontre de superbe manière comment, et en quoi, le socle du hard-bop a permis d’ouvrir l’instrument, musique modale et défis de la virtuosité complètement assumés (Freddie Hubbard, Woody Shaw, etc.) à une expressivité saisissante, hallucinée, tout à la fois urgente et nuancée (cf. l’exposé de « Summit »). Ecoutez et réécoutez ce disque, le temps que – non simplement vos oreilles, comme on dit – les fibres de votre corps s’imprègnent de cette qualité d’explosion qui devrait être l’un des secrets de nos vies…


Stéphane Carini.


(1) un début de revalorisation du parcours de G. Terronès est heureusement en cours : cf. un article très documenté : « Les disques Futura et Marge ont quarante ans », tout récemment signalé par Jerôme Gransac et paru sur le site de nos confrères de Citizen Jazz.

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24 décembre 2009 4 24 /12 /décembre /2009 07:34

 

Nardis 2009

Ben Sidran (Vc,p, Hammond B3, Fender Rhodes), Alberto Malo (dm), Marcello Giuliani (b, cb) Rodolph Burger (vc), Bob Malach (ts), Michael Leonhart (tp), Amy Helm (Background Vc), Georgie Fame (Vc), Leo Sidran (Horn Arrangements, Additional Guitar, Hammond B3, Piano, Koto)

ben sidran

 

 

Si Bob Dylan avait eu le sens du swing, s’il avait eu celui du groove un peu sale, et s’il avait eu quelques notions de jazz, alors peut être l’appellerions nous…. Ben Sidran. Car le moins que l’on puisse dire c’est que le chanteur- pianiste s’est ici emparé  de son sujet (à savoir les chansons de Robert Zimmerman) comme si elles avaient été écrites pour lui. Voire comme s’il les avaient écrites lui même. Ben Sidran fait siens ces tubes légendaires auxquels il ne manque pas de donner une nouvelle vie. Celle d’un dandy élégant et toujours à la lisière du pas correct.Le chanteur de Chicago parvient en effet à donner à ces chansons une profondeur et une gravité virile qu’elle n’acquiert pas autrement tant la faiblesse des mélodies de Bob Dylan y est  ici criante. Mais avec pas grand chose, Ben Sidran parvient à faire amoureusement durer le plaisir. On l’a  bien vu en novembre au Sunside à sa façon de s’emparer d’un texte et de faire tourner sur une ou deux notes une intro en parlé-chanté et la porter à l’incandescence du groove. Avec de sacrés compagnons de route dont notamment un Rodolphe Burger qui marque sa forte  empreinte d’une pop nonchalantes, Ben Sidran transforme l’essai. On adore alors sa version de Eveything is Broken, ou encore  de Rainy Day Woman, de Knockin' On Heaven's Door lascivement sensuel, ou un final sur un Blowin’ the wind réinventé en couleur sombre et ténébreuse. Les arrangements et la direction artistique de cet album sont absolument irréprochables et l’on apprécie le grain de Bob Malach judicieusement mis en scène. Avec Ben Sidran, ce n’est pas « Dylan Different » c’est Dylan…..better. Jean-Marc Gelin

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22 décembre 2009 2 22 /12 /décembre /2009 07:43

Naïve

 

leekonitz

Vous voulez écarquiller les yeux d'un amateur de Jazz moderne? Rien de plus facile. Prononcez le nom de Lee Konitz. Le visage s'ouvre aussitôt. Vous avez autant de chance de vous planter que de tomber sur un Dayak en costume traditionnel dans une séance de Conseil municipal. Le Chicagoan octogénaire séduit depuis plus d'un demi-siècle. Qu'on se figure que le saxophoniste a commencé à jouer en 1943, au noir, dans un club. Il a brillé dans quasiment toutes les configurations, et cherche toujours à plaire, comme en atteste l'album avec Dan Tepfer. Lee s'est souvent entiché de pianistes. Sa préférence va vers les lyriques : ceux qui produisent un contrepoint, plutôt que l'accompagnement limité aux harmonies. Quand il en croise un; pof! Un disque. Qui s'en plaindrait? Pas ceux qui possèdent les duos avec Martial Solal, Michel Petrucciani, Gil Evans, Harold Danko ou Kenny Werner. Aussi, quand le disciple de Lennie Tristano voir débouler fin 2006 à New-York le Français Daniel Tepfer, recommandé par Martial Solal, le maestro l'écoute... et le mobilise quelques temps après pour un gig. Lee a le nez creux. Tepfer, converti par l'écoute du sublimissime concert de 1983 à Hambourg avec Solal (« Star Eyes », sur le label HatHut distribué par Harmonia Mundi) ne jure que par lui. Les voilà inséparables. Tepfer est capable de ressortir ses plus grands chorus. Il l'a prouvé fin novembre au Duc des Lombards. Il met sur orbite Lee, au premier concert, sur « Kary's Trance », un morceau de bravoure, provoquant une hystérie dans la salle!

Note quasiment pour note!! Lee se tourne alors vers lui . Il invite le public à lui rendre un hommage appuyé... et mérité. La part de Tepfer dans l'album chez Naïve n'est pas minime. Les deux artistes ont l'idée d'improviser sur des morceaux courts, chacun dans une tonalité différente, en partant du Do, avec des montées en demi-tons. Le morceau, décliné en dix pièces sera baptisé « Elande ». L'anagramme de Lee et de Dan, atteste de l'imbrication des deux musiciens. Lee étouffe le son en glissant un chiffon dans l'embouchure. Dan amortit les phrases au piano. Le résultat : s'ouvre un coffre aux merveilles de mélodies tantôt nostalgiques (N°2), tantôt ensorcelantes (N°3), tantôt dans la tradition (N°8), le plus souvent plus tranchées que les disques précédents de Lee (N°7). En lui montrant le chemin, en rétablissant le discours du soliste, en parachevant quelques hésitations, Dan rehausse le phrasé du démiurge. Sur deux de ses compositions (« No Lee » (piano solo) et « Merka Tikva »), Tepfer envoie des promesses fermes. Sur un standard des années 20 (« Trees »), le mélodiste de génie nous invite au feu d'artifice. L'art intact de Lee illumine un album impeccable, porté par un jeune pianiste de grande classe, dont les tablettes des amateurs peuvent relever le nom. Dans la mezzanine du Duc, avant le concert, le jeune homme éclairait ma lanterne : « Lee ne force pas, et je ne le force pas. Je suis entré dans son approche ultra-sophistiquée du rythme. Nous nous sommes mutuellement portés ». Les applaudissements du club ont validé largement une complicité de haut-niveau.

BrunoPfeiffer

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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 22:13

INFERNAL MACHINES

New Amsterdam records 2009

Darcy-James.jpg

C'est d'une vraie découverte dont il s'agit ici. La formation de Darcy James Argue, jeune compositeur de 34 ans qui signe là son premier album était quasiment inconnue au bataillon avant qu'un ami nous la signale comme l'un des plus prometteurs big band du moment. Pourtant, de prime abord, si sa "Société Secrète" flirte avec la tradition des larges formations c'est avant tout et surtout pour mieux en réinventer le discours et y introduire une sacrée dose de modernité.

Car le travail de ces jeunes musiciens qui la composent est basé sur la formidable écriture de Darcy James dont la force narrative impressionnante confine presque aux ambiances symphoniques. Darcy James possède en effet un sens aigu de la dimension orchestrale de sa formation vers une sorte de jazz "malherien" totalement fascinant. A la manière de grands compositeurs comme Maria Schneider ou Guillermo Klein ( même si leurs univers sont très différents), Darcy James utilise le big band pour faire naître un ensemble de thèmes émotionnellement très forts. Il n'est que d'entendre les couleurs étrange sur Phobos ou le now man's land magnifique sur Redeye pour s'en convaincre. OU encore « habeas Corpus » thème écrit pour Maher Arar, un martyre de la guerre de l’administration Bush, capturé à l’aéroport John F. Kennedy Airport en 2002 et  extradé en Syrie. Darcy James sait créer un climat instable dans lequel on sent bien que la machine infernale, sans être pour autant chaotique, est toujours à deux doigts de se dérégler. Un suspens latent. Un peu à l’image d’une longue marche dans une forêt à la fois bienveillante et menaçante. Derrière les solistes, au demeurant magnifique dans leur collectif, des motifs rythmiques se mettent en place comme autant de rouage à l'allure plus ou moins rapide. Il y a chez Darcy James Argue de l'ordre dans le désordre et réciproquement. Une capacité à faire sortir de ses gonds tout l'orchestre. Ses compositions sont toujours évolutives. Pas des compositions à tiroirs comme on entend souvent les big band moderne le faire mais des compositions qui progressent dans le temps, dans un approche cyclique du thème. Et dans cet ensemble magnifiquement servi on repérera quelques voix qui émergent comme celle de la jeune saxophoniste Erica Von Kleist que l'on se plaira à entendre sur Obsidian Flow. En mai dernier le jazz Journalist Association a désigné Darcy James Argue comme l’une des révélations de l’année ( jute derrière Esperanza Spaulding, c’est dire !). Ce n’est pas immérité du tout. Car Darcy James Argue et sa machine infernale, machine à écrire et à jouer des thèmes puissants montre, sans rupture la voix de la modernité des big bands. Il franchit là une étape assurément décisive. Jean-Marc Gelin

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 19:48

WATT 2009

Carla Bley, Steve Swallow, Ed partika quintet

Il y en a des ( j’en connais) qui sont toujours exaspérés par les Christmas songs que l’on se croit obligé de nous resservir tous les ans à l’heure des guirlandes et de la dinde aux marrons.  À ceux-là on ne peut pas toujours donner tort tant ils sont bien souvent un  terrain de prédilection pour l’affichage sans vergogne du mauvais goût libéré. Mais ceux-là auraient aussi la bonne heure d’aller écouter l’émission qu’Alex Dutilh a consacré à l’occasion du présent album de Carla Bley à ces chants de Nöel parfois magnifiquement transcendés. Car précisément, ce nouvel album échappe à cette mauvaise loi des séries pour rentrer plutôt dans la catégorie des réussites en la matière. La pianiste qui hésitait à faire un album en duo avec Steve Swallow, gênée par cette forme d’intimité, reprit cette idée des chants de noël autour le laquelle elle a souvent tourné au fil de sa carrière ( à titre très accessoire cependant) pour donner en décembre 2006 un concert à Essen avec le formidable quintet de cuivres Ed Partyka Brass Quintet. Et pour l’occasion Carla Bley eut l’idée d’arranger des chants de noël et d’y ajouter quelques compositions tournant autour du thème. Le résultat fut tellement surprenant et l’intimité avec ce quintet tellement fusionnelle qu’ils eurent l’idée de prolonger l’aventure et d’enregistrer ce répertoire en France à La Buissonne en 2008.

On ne pourra pas suspecter celle qui fut jadis une pasionaria montée sur les barricades des chants révolutionnaires avec Charlie Haden de tomber, l’âge aidant dans une sorte de nostalgie de ses racines suédoises. Ni même de succomber aux sirènes d’un marketing mal venu pour des compositeurs en mal d’idées fleurant l’aubaine du truc qui fait vendre à tous les coups. Car c’est ici tout le contraire. Carla Bley apporte au contraire une fort belle lecture à la fois sensible (mais pas trop) et décalée (juste ce qu’il faut) de ces chants de noël auquel elle apporte une sensibilité apaisée voire même un humour complice ( hell’s bells) . Avec l’aide d’un formidable quintet dans lequel le tromboniste Ed Partyka allume quelques guirlandes aux contours d’arabseque des cuivres,  Carla Bley et Steve Swalow se laissent aller avec douceur mais jamais avec mièvrerie dans une déambulation qui va de l’église allemande à une procession de Brass band dans la cité du Croissant un soir de réveillon (It came upon a midnight clear). Évitant tous les pièges de  ces chansons dégoulinantes de bonnes intentions chrétiennes que l’on écoute au pied du sapin, Carla Bley donne une autre vie à ces thèmes traditionnels. Il y a là une grande zenitude dans sa façon de concevoir la musique. Pas de la nostalgie mais juste une très grande tendresse.

Jean-Marc Gelin

 

réécoutez l'émision Open Jazz du 1er decembre

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 06:10



Justin Time Records 2009


David Murray est un personnage complexe. Ce musicien, qui a reçu de nombreuses récompenses semble être en quête perpétuelle de reconnaissance tout en souhaitant jouir de la plus grande liberté artistique. Après avoir rendu moult hommages à la musique afro-américaine sous tous ses angles, le saxophoniste s'est exilé en France il y a vingt ans, au risque d'être oublié par sa mère-patrie, pour raisons personnelles, se rapprocher du continent africain et poursuivre ainsi ses expérimentations dans le sanctuaire musical africain. Arrivé en France, commencent alors des rencontres avec des musiciens du crû africain (Positive Black Soul, Dieuf Dieul) et des musiciens guadeloupéens comme le formidable chanteur Guy Konket. Puis, il écrit un opéra en hommage à Pouchkine, dont le grand père était africain et compose un répertoire cubain pour un big band. En parallèle, ce boulimique maintient à flot le World Saxophone Quartet et développe différents quartets, d'abord avec D.D. Jackson puis Lafayette Gilchrist. David Murray est donc en quête d'identité: le jazz ou la musique de ses ancêtres? Les deux?

The Devil Tried to Kill Me est le troisième opus avec les Gwo Ka Masters, le quatrième projet créole avec Creole Project en 1998. Comme sur Yonn Dé et Gwotet , il s'est entouré d'un noyau dur de fidèles entouré de jeunes musiciens très talentueux et on y retrouve le même feu dévorant mais avec des compositions moins enthousiasmantes. Avec l'espoir de susciter une association aussi magique qu'inattendue, il fait de nouveau appel à une tête d'affiche (Pharoah Sanders pour Gwotet) en la personne de Taj Mahal – qui a du mal à se fondre dans l'univers Gwo Ka tellement Murray et ses monstres de groove occupent l'espace. Les musiciens se donnent avec sincérité et les envolées de Murray et de ses coéquipiers sont jubilatoires. D'ailleurs, une oreille non-avertie hurlera son exaltation et ses fesses du siège décolleront. Avec ces ingrédients, la musique aurait dû être – pardonnez l'expression – carrément bandante. Pourtant les arrangements flous de Murray, la grande confiance accordée à ses musiciens, les compositions expédiées font tourner l'affaire, généralement vibrante en concert, dans une certaine routine.

Jérôme Gransac

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12 décembre 2009 6 12 /12 /décembre /2009 06:40

1 CD Gone Jazz / Orkhestra

Bill Carrothers (p), Anthony Cox (b), Jay Epstein (dm). 31 juillet 2008


 

Au concours de la reprise la plus insolite et la plus réussie de l’année, le titre inaugural de cet album mériterait certainement la médaille d’or : interpréter le thème de Dark Vador dans La Guerre des étoiles avec autant de swing et d’élégance, il fallait le faire ! On trouvera encore quelques autres surprises au fil de ce disque, notamment White Room, fameuse chanson du groupe Cream. Si le nom de Jay Epstein est sans doute peu familier du public français (à en croire sa page MySpace, il ne tourne plus guère hors de son Minnesota natal), celui de Bill Carrothers l’est en revanche beaucoup plus. Ensemble avec le contrebassiste Anthony Cox, ils forment un trio des plus excitants, original, surprenant et hyper-réactif. Leur secret ? Ils se connaissent très bien et depuis longtemps, pour avoir écumé ensemble durant des années les clubs de la région de Minneapolis. D’où une cohésion parfaite et une interaction constante. Le jeu tout en subtilité harmonique de Carrothers s’appuie sur une contrebasse souple et inventive et sur un drumming d’une grande richesse de nuances, particulièrement dans l’utilisation des cymbales. L’un des charmes de ce disque est d’être structuré un peu à la manière d’un album pop, avec pas moins de quatorze morceaux généralement assez courts, voire parfois très brefs. Autant de petites vignettes aux ambiances bien affirmées, où le lyrisme et la poésie alternent avec des moments plus abstraits où étranges, telle cette marche brinquebalante jouée au piano préparée sur For All We Know. Soyons donc reconnaissants à l’infatigable Philippe Ghielmetti d’avoir initié la réunion en studio de ce magnifique trio : treize ans après leur premier enregistrement, il était temps !

Pascal Rozat

 

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10 décembre 2009 4 10 /12 /décembre /2009 06:35

1 CD Bee Jazz/Abeille Musique

Nelson Veras (g). Mai et août 2009.



« Ton jeu sonne plus américain que brésilien. Tu es sûr que tu es brésilien ? » lança en plaisantant Pat Metheny un jour de l’été 1992, alors qu’il venait d’entendre pour la première fois le jeune prodige Nelson Veras, tout juste débarqué en France à l’âge de quatorze ans. Près de deux décennies plus tard, la remarque a perdu beaucoup de sa pertinence. À l’écoute de ce premier opus en solitaire, pas de doute possible : Veras vient bien du pays de Baden Powell (le guitariste, bien sûr, pas le chef scout). En témoignent le choix du jeu aux doigts (sans médiator) et de la guitare classique, mais aussi un répertoire de reprises qui fait la part belle à Tom Jobim, Chico Buarque ou Milton Nascimiento, aux côtés de quelques standards à l’identité jazz plus affirmée. Contrairement à ce qu’ont fait récemment d’autres guitaristes (Philip Catherine, Sylvain Luc et bientôt – encore lui – Pat Metheny), Veras a fait le choix courageux d’un « vrai » solo : une guitare acoustique toute nue, sans overdubs ni bidouillages, au service d’une musique au dépouillement minimaliste, qui reste au plus près de la mélodie et fait chanter à merveille les cordes en nylons. Mais le jeu de Nelson recèle aussi sa part de mystère et d’abstraction, à l’image de l’étrange motif géométrique ornant le CD, qui n’est sans rappeler ses expériences passées proches du mouvement M-Base et de sa précision rythmique toute mathématique. Parfois, le guitariste déroute un peu, notamment dans sa manière laconique de laisser certaines pièces en suspens, sans réellement les conclure. D’une certaine manière, on aimerait retrouver plus souvent le sentiment d’évidence, le lyrisme simple et décomplexé de la dernière plage, My Favorite Things. À moins que ce ne soient justement les éléments de tension introduits ici et là au fil de l’album qui rendent cette ultime pièce aussi belle ?

Pascal Rozat



Pat Metheny et Nelson Veras à Marciac en 1992 (avec la citation ci-dessus) :

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9 décembre 2009 3 09 /12 /décembre /2009 06:20

Emouvance 2009




 C’est l’Evening mirror qui imprima le premier « The Raven »qui allait inspirer Manet et Mallarmé et dont Baudelaire devait reprendre le formidable « Jamais plus »ou  « Never more». La musique d’Eric Watson, inspirée du poème d’Edgar Allan Poe, accompagnait à l’origine la création Lettres, spectacle chorégraphique de la compagnie de Charles Créange, donné lors du festival de Strasbourg Jazz d’Or, en novembre 2007. Le compositeur songeait « à un rapport presque tactile entre musique et danse, ayant constitué un dispositif plutôt intimiste composé d’un piano, de deux instruments à cordes et d’une voix soprane.»  Très vite, les musiciens éprouvèrent le désir de s’approprier cette partition musicale, sans plus tenir compte des dispositifs scéniques et dramaturgiques. C’est l’origine de Midnight Torsion, projet musical d’improvisations, structurées par un texte en français et anglais, lu et chanté : un « sprechgesang » sensible et envoûtant, puisque c’est à la chanteuse comédienne Elise Caron qu’il fut demandé de se lancer dans cette aventure avec le goût, l’énergie, le talent qu’on lui connaît.  Admirablement secondée par le travail précis et affûté de Régis Huby au violon et de Claude Tchamitchian à la contrebasse, voilà une musique d’atmosphère qui saisit inéluctablement : on ne peut que s’abandonner en frissonnant à ce climat étrange, inquiétant, fantastique comme dans un film du genre. On est pris au cœur de la tourmente dans « The Visitor », malmené, bousculé, violenté même dans « Midnight extorsion ». Et jamais très loin de « La Chute de la maison Usher ». Le jazz est très loin, même si surgit, le temps d’un bref et doux répit, le piano d’Eric Watson avec la pulsation de « Lenore », le nom de la femme aimée. Au cœur de ces ténèbres qu’entretiennent cordes grinçantes, acérées, stridentes à souhait, crissements et frottements de l’archet, revit alors l’esprit de Poe, le maître du mystère, des dédoublements et apparitions, le chantre de ce réalisme étrange qui conduit au rêve, vite transformé en cauchemar. Une musique grave, exaltée, exigeante, lyrique que sert la plainte de tous les instruments . Comme toujours avec Emouvance, on retrouve la griffe du label, sa cohérence esthétique et artistique : le graphisme coloré, soigné de la pochette, le livret ombré de fantômes de textes, les notes de pochette explicites d’Eric Watson, assorties d’une présentation des plus pertinentes d’Anne Montaron, la prêtresse de la nuit d’A l’improviste, sur France Musique.

Une réalisation en tous points originale qu’il faudra aller découvrir en live pour sentir l’esprit du poète souffler derrière «the Purple curtain».

 

Sophie Chambon

 

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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 07:47

BMC 2009

 

 

C’est un album curieusement construit que cet opus du quartet Kuhn/Monniot/Boisseau/ Marguet avec ses reliefs sur lesquels on passe et ceux sur lesquels on s’arrête. Si homogénéité il y a dans cet album il faut la voir dans le sens du collectif. D'abord parce que le quartet, qui tourne ensemble depuis quelque temps, participe collectivement au travail d'écriture. Ensuite parce que ce collectif s'exprime aussi dans cette façon "homogène" de jouer ensemble dans des configurations d'écriture assez différentes. Comme on dit, « ça tourne » merveilleusement bien, malgré l’émergence évidente de 4 personnalités bien distinctes. Il peut s’agir de cette façon qu’à Christophe Marguet d’apporter du relief à chacune des compositions. Avec une sorte de diction bien à lui, une façon de faire rouler les «  R », orfèvre dans son travail de mise en évidence. Christophe Monniot plus inégal se révèle totalement libéré et sauvage dans une fin d’album magnifique. Si l'on est un peu décus par la composition de Monniot (Have you met mystic) qui frôlait un peu l’ennui, en revanche Marguet signe un Song for Bacon absolument magistral tant dans son écriture que par la façon  qu'à Monniot d’empoigner le sax avec un « son » d’une rare densité. Lyrisme déchiré. Déchirant.  Boisseau quand à lui donne du corps à ce quartet avec un mélange de présence affirmée et discrète. Avec la stabilité et la rondeur des grands contrebassistes. Et puis dans cet album qui manque parfois de fil conducteur, il y a Joachim Kuhn qui est ici le véritable centre nerveux. Pièce centrale du dispositif. Intelligence du jeu. Brillance de ses interventions. Brillance dans le sens littéral du terme " lumière vive et éclatante". Qu’il s’agisse de ses interventions de pianiste ou de ses compositions, le contraste et la puissance qu’il apporte au discours est tout simplement magique. Un catalyseur d’énergie. Dans une fin d’album décidément bien construite,  Léo mélodie toute simple du pianiste achève le cycle de cette rencontre comme en amenant les musiciens à revenir avec plus de force à leur point de départ. Sauf qu’entre l’ouverture de l’album et sa conclusion, c’est un instant de vie et de fusion qui s’est opéré sous nos yeux. Construction efficace du temps.

Jean-Marc Gelin

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