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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:34

JJJ JULIEN LOURAU VS RUMBABIERTA

Label Bleu 2007

lourau.jpg Pour ceux qui n’avaient pas eu l’occasion d’entendre Julien Lourau en concert ces derniers temps, la parution de cet album va faire l’objet d’une grande surprise. Car ceux qui en étaient resté à « Fire » and « Forget » où régnait une atmosphère plutôt funky, l’étonnement sera grand de voir notre saxophoniste s’entourer d’un groupe de chanteurs et percussionnistes cubains pour un album finalement dédié à la Rumba. Et l’on précise bien la rumba et non la salsa qui fut à la mode dans les milieux du jazz dans les années 60 lorsque Dizzy Gillespie faisait le boeuf avec l’Afro-Cuban. Non ici on n’est pas dans le domaine des cuivres mais dans celui du chant porteur d’une autre tradition plus créole qu’africaine. Et si la rencontre avec notre saxophoniste est inattendue, elle n’en est pas moins une totale réussite. Mélange de polyrythmie cubaines, de percussions sur lequel se greffe le discours presque coltranien de Julien Lourau ( Nigeria). Couleur tout à fait nouvelle dans notre paysage jazzistique où il est moins question de collage que de fusion, où les incises rauques du saxophoniste parviennent à prendre leur place. Son entente avec la section des percus est remarquable comme dans cet Instrumental Loco où dans un entendement commun ils se jouent ensemble des rythmes impairs, des décalages, des accélérations lorsque les percussionnistes s’amusent avec les décalages rythmiques comme d’autres parviennent à l’atonalité dans l’harmonie. Rien n’ets facile mais tout y est toujours évident. Et lorsque ces percus viennent au rock (Batacash) cela coule de source de la même façon. Et puis il y a les chanteurs qui semblent venir d’un vieux cuba largement moins visité que celui des Calle 54. On est pas dans la mode Buena Vista mais dans une musique portée par le chant des vieux sages qui, dit sa part de créolité, et montre qu’il peut se fondre sans se perdre dans d’autres musiques, dans d’autres sons. Un thème traditionnel chanté comme Oduddua se poursuit dans une intervention d’une guitare « rock » en toute continuité, sans rupture. Mais dans cet exercice l’équilibre est difficile et l’un doit passer devant l’autre. Julien Lourau qui place la rumba au centre d’un recherche comme pouvaient l’être en leur temps les recherches menées par d’autres jazzmen sur les musiques africaines réussit pourtant le tour de passe passe de ne jamais  disparaître tout à fait et, toujours à l’affût et sans y perdre son âme, fusionne à merveille. On est alors totalement séduits par cette belle rencontre sans être forcément convaincu qu’elle ouvre à de nouvelles voies jazzistiques.

Jean-Marc Gelin

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:33

JJJJ ONJ : « Electrique »

Le Chant du Monde/ Harmonia mundi

  onj.jpg

 

Electrique est le nom du dernier album de l’ONJ Franck Tortiller et il est  réussi, plus électrisant encore qu’électrique. Après le succès mérité de  Close to Heaven, dédié au flamboyant et mythique Led Zep

anglais, Franck Tortiller et ses hommes ne délaissent pas la période des seventies (« décade prodigieuse »  qui court de 1967 à 1976 ) et reviennent au jazz . Coltrane allait disparaître en juillet 67,  et son influence ne cesserait  de s’étendre-certains ne s’en sont toujours pas remis quarante ans plus tard-  et avec le free jazz, la « New Thing » s’imposait comme un courant musical très affirmé qui répondait avec éclat aux préoccupations politiques et sociales des Noirs américains en lutte pour leurs « Civil Rights ». Se développait parallèlement  le style prénommé « fusion » avec des groupes qui allaient s’incrire dans l’histoire de cette musique :  Hancock and The Headhunters, Weather Report et le Miles électrique  ( des albums  Miles in the sky,  Filles de Kilimandjaro, In a silent way, ou Bitches Brew, tous issus entre 68 et 69 !).

C’est l’esprit de cette époque que Franck Tortiller, dans ses compositions et arrangements, s’est attaché à évoquer plutôt que de plonger le revival d’une musique très connotée aujourd’hui. Ce n’est donc pas vraiment une relecture d’un répertoire précis, mais une interprétation très libre avec un  programme original qui  fonctionne parfaitement, avec ces dix musiciens soudés autour de leur chef : deux vibraphonistes, un batteur, une contrebasse, et cinq souffleurs ( 2 trompette-bugle, 1 tuba, 1 trombone et 1 saxophone). Sans oublier des effets électroniques et des samples utilisés avec pertinence, sans insistance (remix final de « Last Call before midnight »).

La référence (plus que l’hommage à Miles) est explicite dans la mini-suite  « Electrique » ou dans « The Move » servi par deux trompettistes Jean Gobinet et Joel Chausse qui se font l’écho de « l’ange noir »,  mais comment faire autrement sur un programme qui se revendique de cette période ?

Néanmoins, il ne nous semble pas que ce soit pas là-dessus qu’il faille « évaluer » l’album, paradoxalement.  D’une façon très personnelle, le chef de l’Onj réussit à faire revivre une époque définitivement  révolue,  qui réveille la nostalgie,  une certaine envie (« doux oiseau de jeunesse » ou simplement insouciance des « Trente Glorieuses »). Mais cette musique est ancrée dans notre époque et c’est moins dans la rock attitude ou les fulgurances davisiennes que dans une certaine image fantasmée, qu’elle se réapproprie un climat, s’en jouant et déjouant  par un bel effort sur des rythmiques qui changent tout :  ainsi, les moments de grâce sont  nombreux, mais ils ne reposent jamais  sur l’énergie pure, la puissance électrique.

Avec cet album, les solistes de l’ ONJ chantent, planant au-dessus de mélodies délicates, avec des crescendos très purs (« Les Angles » ou « Last call ») ou le chant sacré des soufflants dans « In April » que survole le solo « breckerien » d’Eric Séva. Tous ces traits concourent à une beauté apaisée, avec ce grain de nostalgie, cette légère mélancolie qu’éveille le tuba de Michel Marre dans la composition de Prince « Sometimes it snows in spring ».

Electrique souligne que cet ONJ, malgré son engagement éphémère, ne ressemble à aucune autre formation, il est parvenu à créer une alchimie qui lui est propre,  un son, une couleur  qui resteront  liés à l’Onj Tortiller.

Sophie Chambon

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7 juillet 2007 6 07 /07 /juillet /2007 21:29

JJJ DAVID TORN : « Prezens »

ECM 2007



 
Il y a dans la guitare de David Torn quelque chose qui n’est pas loin de la folie de Marc Ribot. Une façon de mettre dans sa guitare 1001 sons. Une expressivité rare dans une posture free-rock qui navigue entre les saturations acides et les errances à la Ry Cooder. Ce n’est pas pour rien s’il se définit lui même comme « texturaliste ». Dans ce contexte, ce qui est alors surprenant est moins de le retrouver entouré de ces musiciens post-underground de la scène New Yorkaise que sont Tim Berne (as), Craig Taborn ( fender, hammond) ou Tom Rainey (dm) que de les voir tous réunis sur le label de Manfreid Eicher tant l’esthétique développée ici semble éloignée de celle du label Allemand. Mais il est vrai que le guitariste avait déjà signé sous le label ECM dans le passé.

Alors de quoi s’agit il ? Dès le premier morceau s’installe un sens de la construction, du récit et de la mise en espace. On entre dans un univers un peu en dehors du monde, dans un univers étrange aux contours mal définis. C’est comme arriver dans une ville inconnue par un vol de nuit où la cité ne se dévoile qu’à coup de flash et de repères très flous. Il faut alors attendre un peu pour sortir de cette atmosphère hypnotique et  découvrir de la ville ses aspects plus nets et les plus tranchants. Dans cette lente maturation la progression des morceaux s’inscrit dans une sorte de logique intellectuelle (Bulbs). Rejetant souvent le ternaire le guitariste se décide alors à frapper plus fort et s’installe dans un système qui n’est pas sans évoquer les substances fortes que distillaient Zappa hier et Sonic Youth aujourd’hui. Une sorte de synthèse Zornienne passionnante où l’on entend Tim Berne dans une veine dérivant du free entrer dans les systèmes de David Torn qui dérivent du rock. Il est étonnant d’entendre la partition si différente des deux musiciens sur Transmit Regardless où sur une tournerie coltranienne, les deux jouent de leurs contrastes. Entre les deux, le liant est assuré par Craig Taborn un peu effacé ici mais surtout Tom Rainey, l’éternel compagnon du saxophoniste toujours aussi incroyable d’expressivité et de relance frénétiques. Une sorte de nervure de l’ouvrage. Quelques touches electro créent alors des riffs où l’ambiance hésite entre chiens et loups dans une lumière un peu glauque et blafarde. Ça surprend toujours, parfois ça crée le malaise mais ça ne laisse jamais indifférent.

Jean-Marc Gelin

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26 juin 2007 2 26 /06 /juin /2007 07:58
medeski.jpgJJJJ(J) MEDESKI, SCOFIELD, MARTIN & WOOD : « Out Louder »

Emarcy 2007

John Medeski (kybd), John Scofield (g), Billy Martin (dms, perc), Chris Wood (cb)




En voilà un qui ne va pas inspirer la mélancolie. Si vous n’avez rien contre la déjante grave (mais ils fument quoi ces gars là ?) et la musique kitsh où les vétérans s’amusent comme des potaches, ruez vous vers cet album totalement inclassable. Le groupe de Medeski, Martin and Wood n’est pourtant pas tombé du nid même s’il n’est pas très connu chez nous. Pourtant cette bande d’allumés tout droit sortis du Conservatoire de Boston tourne depuis plus de 15 ans. Installés depuis à New York ce trio ne cesse de secouer les clubs de la grosse pomme. Car avec MMW il y a une sorte de vent frais qui asse sur le paysage du jazz. Pas intello pour un rond, juste l’envie de s’amuser à faire tourner des riffs blues , pop et rock et à improviser dessus comme des fous avec une énergie débordante et une sacrée envie de se faire du bien. Alors forcément lorsqu’ils ont proposé à John Scofield de se joindre à eux, celui-ci mutin en diable n’a pas trop hésité à rejoindre la cour de récré. Et il fat dire qu’avec ces quatre musiciens c’est toujours border line, remarquablement joué, c’est crade à souhait, Medeski sature son orgue à la pop des années 70 et vous sors au moins 3000 sons différents alors que Scofield tombé là comme un gamin s’en donne à cœur joie avec des tonnes d’effets, jouant des distorsions et des abus de pédales wha wha comme un mort de faim. De toute évidence ces quatre là s’amusent, jouent à faire tourner des phrase mélodiques à deux balles avec lesquelles si on les arrêtaient pas ils joueraient encore à l’heure où je vous parle. S’amuseraient avec les sons, les pâtes sonores et les osmoses. C’est parfois criard, on est parfois dans un pop années 80 (Cachaca) qu’on jurerait tiré d’un Bowie éculé et plus loin cela se vautre dans un rock-pop où comme dans What Now ils se roulent dans la fange des salisseurs de son au groove qui dépote mon gars que t’en est tout grimaçant de plaisir, yeah ! Et même quand ils reprennent un Julia plus kitsh que ça tu meures ou un Amazing Grâce qui semble sorti d’un vieux rade country du Texas (mais sérieusement rafraîchi), ça ta laisse jamais de bois….  L’album se double d’une version live et c’est tant mieux par ce qu’avec un pied comme ça, dans un trip toujours émoustillant on n’a juste pas envie que ça s’arrête. Je ne sais pas si c’est du jazz mais ça y ressemble vu que les gars improvisent à tour de bras,  je sais pas si c’est de la pop ou du rock qui rappelle Hendricks. Le seul truc que je sais mon gars c’est qu’en tous cas avec celui là tu peux y aller,  c’est de la bonne !

Jean-Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:30

JJJ Frank Woeste trio:”Untold story”

Challenge jazz 2007


f-woeste-3o-150x150.jpg


On vous l’avait bien dit que l’on avait pas fini d’entendre parler de lui. Frank Woeste signe un deuxième album en leader d’un trio, avec ses deux complices Mathias Allamane (contrebasse) et Matthieu Chazarenc (batterie) qui l’avaient accompagné  sur son premier opus Mind at play.  Remarqué par les programmateurs de l’AFIJMA (Association  des Festivals Innovants de Jazz et de Musiques Actuelles), le jeune pianiste allemand a entraîné son groupe lors d’une tournée Jazz Migrations et consolidé ainsi son emprise. L’ensemble gagna alors en équilibre et savoir-faire, et dans l’échange confirma une belle sonorité. Après un an et demi, avec assez de matière pour un nouvel enregistrement,  Frank Woeste était décidé à poursuivre l’aventure, dans une certaine continuité, toujours sur le même label Challenge records, produit par le contrebassiste Hein van de Geyn.

Alors, nous direz-vous, un trio de plus qui s’affirme? Peut-être, mais on ne boude pas son plaisir, tout au long des dix compositions du pianiste, à l’exception d’une ballade «  In the wee small hours of the morning », qui ne dépare pas dans le contexte de ces Untold stories. Un bien joli titre d’ailleurs (Enrico Pieranunzi avait lui aussi tenté de dire l’indicible avec son Untold Story, il y a une dizaine d’années) pour un objectif précis : à chaque composition, une « histoire » qui dévoile une autre recherche formelle. La paire rythmique, parfaitement soudée, épouse les désirs de son leader : la structure du morceau est indissociable de l’état d’âme qu’il évoque (délicatesse cristalline de « Naked Moon », tonicité de « Rare Day »,  fascination atmosphérique de « Silent conversation » à la manière de certain « Power  trio » scandinave).  Ces variations n’altèrent en rien la cohérence de l’album, tant cette approche, souvent intime, est d’une fluidité nerveuse, tempérant  ainsi  une sensibilité qui n’est jamais trop appuyée. Efficace au piano comme au fender, Frank Woeste entend mener de front sa recherche sur les deux instruments : la combinaison, simultanée voire superposée des deux instruments (« Mother Adrénaline », « Naked Moon ») confère du charme et une sonorité particulière à ses compositions. S’il suspend provisoirement son histoire, il continuera son itinéraire : gageons qu’un troisième épisode viendra compléter ce premier triptyque woestien.

Sophie Chambon

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:26

JJJ DAVID PREZ et ROMAIN PILON 

Fresh Sound New talent 2007

prez-pilon.jpg

 
On est carrément fiers de ce côté-ci des Alpes de voir que Jordi Pujol en grand dénicheur de nouveaux talents du label Fresh Sound, en grand chasseur des futurs grands saxophonistes, soit allé chercher de l’autre côté de l’Atlantique nos deux frenchies alors que ceux-ci étaient un temps embusqués du côté de New York. Il faut dire que malgré leur jeune âge ces deux jeunes gens ont déjà un parcours confirmé. Prenez le saxophoniste David Prez. D’abord on serait tenté de lui demander si un tel patronyme n’est pas un  handicap pour devenir saxophoniste ténor eut égard au fait que le dernier qui portait ce blaze en guise de surnom n’était autre que Lester Young ! Rien moins…. Mais on a du lui faire la vanne 2000 fois par an alors vous pensez bien que c’est pas nous qu’on va être lourds ! N’empêche ce garçon (dont on ne connaît pas l’âge mais qui semble à peine tombé du nid) a fait ses classes chez Michael Brecker, Jerry Bergonzi et déjà enregistré un album avec Bill Stewart. Quand au guitariste Romain Pilon (dont on ne connaît pas l’âge non plus), son parcours à la Berkelee de Boston a déjà remporté 3 awards et joué en première parte de Pat Metheny. Rien que ça ! Alors quand on a l’âge qu’ils ont (au jugé entre 25 et 25 ½ ans !), quand on a traîné ses guêtres dans les clubs de New York avec des musiciens de leur génération, que l’on est un saxophoniste et un guitariste, s’il est une référence qui s’impose aujourd’hui sur la scène post New-yorkaise, c’est forcément celle de Kurt Rosenwinkel et de Mark Turner, référence obligé sinon obligatoire pour toute une génération de musiciens actuels. Au point que l’on peut craindre en début d’album que cette référence soit un peu trop appuyée comme une sorte d’hommage ou comme un désir de montrer qu’on peut faire pareil. Et force est de constater que ces jeunes gens impressionnent littéralement.  Le phrasé, la façon de moduler sans jamais donner  dans l’expansif, leur façon de contrôler et le son et la phrase, jamais démonstratifs mais toujours sous contrôle est la marque des grands. Pas grand-chose à redire donc sur le plan technique. Mais ils vont au-delà et l’on entend chez eux d’autres références comme celle du grand frère français, Jérôme Sabbagh (clins d’oeil évidents à l’album North de ce dernier par exemple) ou encore des références à la pop music comme dans Emma’s song qui nous semble tout droit sortie d’un album de Radio Head. David Prez dans un style post Hendersonien affiche une grande maîtrise harmonique et son phrasé bien que tranchant sait prendre des inflexions graves qui le démarquent un peu de la tendance post funk actuelle. Quand à Romain Pilon on adore sa façon de jouer legato avec une discrétion qui n’a d’égale que la chaleur de son discours terriblement efficace. Deux tout bon assurément. Et puis la véritable performance de cet album est celle de sa mis en scène et de sa progression qui parvient à dépasser son côté très formaté. Portés littéralement par une rythmique de très haut niveau et par un Karl Jannuska stupéfiant, le quartet parvient à hisser son niveau de jeu en fin d’album, à imposer un groove (Dark Side). L’association du batteur avec Yoni Zelnik est aussi une vraie révélation. La fin de l’album sur un morceau (Collecting Nights) qui commence très froidement et se termine superbement montre un réel sens de la Direction Artistique  dont le mérite repose en grande partie sur le talent de Jordi Pujol.

Jean-Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:24

JJJJ ERIC LE LANN ET JANNICK TOP : «  LE LANN-TOP »

Nocturne 2007 

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Ça commence comme un cri de trompette. Du genre de celui que l’on pousserait avant de se jeter dans le vide pour se procurer des sensations fortes. Car c’est bien de cela dont il s’agit d’emblée. De sport extrême ! Décoiffage garanti dans cette rencontre multiculturelle entre le rock pur jus « heavy » de Jannick Top, le jazz au classicisme post Milesien qui rappelle ses échappées urbaines-jazz et les couleurs d’Afrique de Lionel Louéké. Le tout soutenu par un remarquable batteur au drumming bourré de vitamine, Damien Schmitt absolument époustouflant et dont on devrait très certainement réentendre parler.

Ce que propose Eric Le Lann dans cet album qui, au départ était axé essentiellement sur sa rencontre avec l’ancien bassiste de Magma, Jannick Top, maître d’œuvre d’une post production exemplaire, est d’une absolue modernité. Se faisant fi des frontières et des clichés musicaux, le quartet mixe, mélange et pétrit plusieurs influences dont la principale viendrait d’une sorte de jazz-rock  (Babylone où Louéké fait avec brio ce qu’il fait habituellement avec Herbie Hancock) à moins qu’il ne s’agisse de rock-jazz (Middle Access) un peu à la manière de ces fameux quartet de Miles où toute expérimentation était possible du moment qu’elle était homogène et qu’elle conservait le son et le groove. Dans des formes plus classique Le Lann (une fois n’est pas coutume) sait aussi emboucher son pavillon (Back time trip ou The Silent track) et Louéké délivre sur la nylon quelques patern à l’African-fusion comme il les affectionne ( It’s so blue) et dans lequel Le Lann se glisse avec merveille. Le trompettiste, jamais à la recherche de la note juste mais plutôt de la note jouée avec l’intention la plus juste, donne toujours le sentiment de redoubler d’énergie avec la complicité et l’encouragement d’une rythmique puissante, de mordre, tranchant dans le lard à coup d’incises aiguës tandis que derrière les musiciens trament et tissent une couleur unique issue d’un mélange inédit et dont la rondeur n’existe jamais au détriment de la pulse. Qu’il s’agisse de Mysterious City ou encore de The Silent Track ( le summum de l’album selon nous), le groupe parvient à créer au delà de l’énergie cette intensité dramatique à coup de groove sourd sur lequel contraste la brillance du son. Une grande part du mérite en revient au travail de post production qui réussit cet alliage surprenant en bien des points remarquablement moderne. Le Lann revient en force. En tous points irrésistible.

Jean-Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:22

J SUSI HYLDGAARD : « Magic Words »

Enja 2007


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Reconnaissons à tout le moins à la chanteuse danoise une immense liberté qui tangente avec l’inconscience. Car au risque de se planter sur toute la longueur, la chanteuse ose tout. Certes chanteuse de jazz avant tout elle reprend avec une sacrée personnalité des standards comme teach me tonight, when I Fall in love ou une Love for sale reprit à la mode soul. Mais dans un grand melting pot, voilà la chanteuse qui va chercher dans un répertoire R&B (in a summertime), puise dans la chanson française avec un  talent très incertain, se donne des airs (juste des airs je vous rassure) de Bjork (Kemo Kimo) et voudrais même nous faire le côté très sympa du genre comédie musicale (It’s cold outside qui ne tient que par les arrangements au demeurant plutôt réussis). Aldo Romano pourtant d’habitude si prompt à donner des cours de jazz à certains trompettistes de talent (qui va certainement bien rire ici), chante (mal) avec la chanteuse avec le pathétique d’un Higelin chantant Trenet et le ridicule consommé de celui qui voudrait bien mais qui ne peut pas. Triste, vraiment triste.

Pourtant pas de doutes, on entend bien une chanteuse remarquable, capable certainement d’aller chercher quelque chose. Quoi ? On ne sait pas trop. Mais que voulez vous sur cet album là, ça ne passe pas. Aucune authenticité. A force de varier les registres et les répertoires, Susi Hyldgaard ne convainc sur aucun d’entre eux. On a beau le réécouter plusieurs fois en se disant que l’on passe à côté d’un truc, l’émotion n’est jamais là et l’album fait alors l’effet d’une goutte de pluie sur une toile ciré au soleil, rapidement il n’en reste plus rien. Tout est propre et sec. Bien trop sec.

Jean Marc Gelin

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:20

JJJGrupa Palotaï – Singapore

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Surprise ! Autour des nouvelles compositions du guitariste hongrois Csaba Palotaï et de ses comparses parisiens Thomas de Pourquery et Rémi « Wildmimi » Sciuto aux saxophones, Nicolas Mathuriau à la batterie et Didier Havet au soubassophone. Grupa Palotaï est fondé en 1999 à Paris. C’est un troisième album qui consiste à plonger nos oreilles dans le monde du « road-jazz ». Teinté des couleurs de musiques de l’Est naviguant du post-rock au jazz
contemporain, ce nouvel opus intitulé « Singapore » promet une fantaisiste et visionnaire façon de faire de la Musique. Singapore, c’est probablement cette ville humide au bout du monde avec des gratte-ciels entourés de bidonvilles, sur la dernière île des pirates. Déjà, il faut noté en ouvrant la pochette du disque qu’il s’agit d’une réunion de drôles d’oiseaux. Une préparation à être malmené est-elle possible ? Pas dans le cas où la palette d’images que proposent ces musiciens vous transporte aussi du coté des douces rêveries printanières et régénératrices. Des thèmes simples comme « Fleur de Glace » suffisent à vous conduire au relâchement des sens. Le travail du son est lui aussi conséquent. Sylvain Thévenard au son, explore les possibilités électroacoustiques. Les guitares « cowboy-gitan » et les saxes sur-réverbérés s’entremêlent de boucles lo-fi non-quantisés, ou encore les sons ralentis ou accélérés, inversés, ou superposés. Un vacarme me direz vous. Non, une parfaite prise de son et un mixage de grande qualité. Un projet digne d’une production de Goran Bregovitch, le traditionnel en moins. Cela nous amène à cette pluralité qu’apporte le métissage des musiques, et notamment sur le sol français. Parlons de Hongrie avec Emil Spanyi le pianiste installé à Paris, tout comme Gabor Gado, autre fleuron d’une esthétique européenne de l’est. Ce n’est pas seulement le simple et médiatique résultat de l’immigration, Il s’agit là aussi d’un appel que nos oreilles font aux autres cultures que la nôtre. Un besoin. Retour au disque et aux enchaînements de scènes extraverties. La Musique cherche manifestement à sortir de la chaîne hi-fi dans laquelle on l’a inséré, par n’importe quel moyen. Une folie de l’écriture, alliée à celle de l’impro, on obtient une rare qualité de l’ébauche, de la tranche de vie superposée, du rire aux larmes, et toujours avec poésie. Ce frappant retour au Jazz dans « Adieu Printemps part 1 » est touchant de ressemblance avec la thématique d’Ornette Coleman. Encore et toujours, les blagueurs aux premiers rangs (mais au fond de la classe) prêts à bondir sur la note étrange. Le rire en Musique, c’est comme l’humour dans la vie. Comment dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.

Tristan Loriaut

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5 juin 2007 2 05 /06 /juin /2007 07:18

JJJJ ANDRE JAUME : « Sapto Raharjo - Gamelan Project first session»

2 CD Celp

Distribué par les Allumés du jazz

C55-2056.jpg


 
Le label sudiste Celp s’engage depuis longtemps dans une action aventureuse autant que difficile (actuellement, sa distribution n’est  plus assurée que par les Allumés du Jazz )  pour  éclairer le travail de quelques acteurs jazz en région. Le jazz a toujours été une musique d’urgence, de liberté, de prise de risque. Ce qui signifie que ces musiciens dits « régionaux » doivent s’engager dans une passe terriblement  étroite. Et pourtant leur justification est de donner à voir et entendre leurs musiques.

André JAUME, un des maîtres des saxophones et de la clarinette basse, est à ce titre particulièrement emblématique de cette démarche.

Cofondateur du label bleu  CELP avec Robert Bonaccorsi,  bien que totalement enraciné dans la réalité méditerranéenne, il a été toujours ouvert sur le monde, multipliant les expériences avec les musiciens et cultures planétaires, du Nord au Sud, d’Est en Ouest. Cette recherche de métissages sans préjugés ni effets de mode l’a conduit à parcourir le monde et c’est ainsi qu’en 1995, invité par le Centre Culturel  Français de l’île de Java, à Yogyakarta, il a tenté et réussi une expérience mémorable que l’on pourrait intituler «  Jazz et gamelan », objet d’un double Cd que l’on peut se procurer sur le site des Allumés.

Le gamelan  est un ensemble de percussions constitués de gongs isolés ou en carillon, de métallophones accordés, fonctionnant  comme un clavier éclaté entre différents instrumentistes. A Java comme à Bali, les gamelans se rencontrent lors de diverses cérémonies, fêtes de cour, processions religieuses, théâtres d’ombres ou de masques, danses.

« Expérimenté, prêt à toutes les audaces, André Jaume a rencontré son équivalent-miroir en Sapto Raharjo » comme l’écrit joliment  André Billy, à l’initiative du projet.  Lors de cette rencontre qui eut lieu juste  après la visite du temple de Borobodur, décision fut prise collectivement d’enregistrer librement selon l’émotion du moment : deux pièces en forme de suite furent ainsi enregistrées en deux jours.

Face au groupe, au véritable collectif des musiciens indonésiens qui jouent à tour de rôle des divers instruments sans que l’on puisse même  les identifier, André Jaume  est sur touts les fronts, improvisant brillamment au saxophone ténor et soprano, relançant le jeu, équilibrant la donne avec talent, toujours  inventif. Il soutient furieusement l’échange, développe le dialogue, fiévreux, virevoltant, toujours expressif, rarement mélancolique ou dans le registre de la plainte. Plutôt dans l’exaltation du chant.

Ainsi, on se surprend  à reconnaître ce que l’on croyait impossible, la fusion devient effective et  par extraordinaire, cette association de timbres ne se révèle jamais détonante, elle atteint très vite une qualité et une évidence troublantes pour une oreille occidentale. L’accord est parfait entre les saxophones vifs, acérés parfois ou rauques, plus sombres et les sonorités métalliques, percutantes, brillantes du gamelan.

Si les tambours indiquent  pulsation et changements de rythme, les gongs marquent les cycles, en fournissant  des frappes éparses, la mélodie principale est  rehaussée de contrepoints complexes. On ne s’embarrasse pas longtemps à essayer de déchiffrer cette musique savante, mais on s’abandonne vite au lancinant  vertige, à l’ivresse poétique du moment. Combinant spontanéité, lyrisme, rigueur des échanges  cet album saisissant conduit sans violence vers de nouveaux territoires aux frontières toujours repoussées, selon la capacité d’ouverture de l’auditeur.

Il nous entraîne de climats percussifs en moments de méditation et de rêve éveillé, sous la protection du volcan, au coeur des stupas, tout au  long de la Borobodur suite. Entre réflexion et transe, maîtrise et croyance. Jusqu’au bout de souffle

Sophie Chambon

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