JJJ JULIEN LOURAU VS RUMBABIERTA
Label Bleu 2007
Pour ceux qui n’avaient pas eu l’occasion d’entendre Julien Lourau en concert ces derniers temps, la parution de cet album va faire l’objet d’une grande surprise. Car ceux qui en étaient resté à « Fire » and « Forget » où régnait une atmosphère plutôt funky, l’étonnement sera grand de voir notre saxophoniste s’entourer d’un groupe de chanteurs et percussionnistes cubains pour un album finalement dédié à la Rumba. Et l’on précise bien la rumba et non la salsa qui fut à la mode dans les milieux du jazz dans les années 60 lorsque Dizzy Gillespie faisait le boeuf avec l’Afro-Cuban. Non ici on n’est pas dans le domaine des cuivres mais dans celui du chant porteur d’une autre tradition plus créole qu’africaine. Et si la rencontre avec notre saxophoniste est inattendue, elle n’en est pas moins une totale réussite. Mélange de polyrythmie cubaines, de percussions sur lequel se greffe le discours presque coltranien de Julien Lourau ( Nigeria). Couleur tout à fait nouvelle dans notre paysage jazzistique où il est moins question de collage que de fusion, où les incises rauques du saxophoniste parviennent à prendre leur place. Son entente avec la section des percus est remarquable comme dans cet Instrumental Loco où dans un entendement commun ils se jouent ensemble des rythmes impairs, des décalages, des accélérations lorsque les percussionnistes s’amusent avec les décalages rythmiques comme d’autres parviennent à l’atonalité dans l’harmonie. Rien n’ets facile mais tout y est toujours évident. Et lorsque ces percus viennent au rock (Batacash) cela coule de source de la même façon. Et puis il y a les chanteurs qui semblent venir d’un vieux cuba largement moins visité que celui des Calle 54. On est pas dans la mode Buena Vista mais dans une musique portée par le chant des vieux sages qui, dit sa part de créolité, et montre qu’il peut se fondre sans se perdre dans d’autres musiques, dans d’autres sons. Un thème traditionnel chanté comme Oduddua se poursuit dans une intervention d’une guitare « rock » en toute continuité, sans rupture. Mais dans cet exercice l’équilibre est difficile et l’un doit passer devant l’autre. Julien Lourau qui place la rumba au centre d’un recherche comme pouvaient l’être en leur temps les recherches menées par d’autres jazzmen sur les musiques africaines réussit pourtant le tour de passe passe de ne jamais disparaître tout à fait et, toujours à l’affût et sans y perdre son âme, fusionne à merveille. On est alors totalement séduits par cette belle rencontre sans être forcément convaincu qu’elle ouvre à de nouvelles voies jazzistiques.
Jean-Marc Gelin