JJJJAndy Emler MegaOctet – « West in Peace »
Nocturne 2007
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Argh ! Certains groupes portent très bien leur nom ! Impossible, non mes amis, impossible de rester de marbre face au MegaOctet du pianiste Andy Emler. C’est un saut que l’on fait à pieds joints dans une flaque d’eau, vous savez bien, ce genre de saut qui est censé faire des dégâts autour de vous. Ce nouvel opus du groupe est manifestement la suite du disque précédent, « Dreams in Tune ». Parmi ces neufs musiciens, on retrouve de drôles d’oiseaux comme Laurent Dehors et Médéric Collignon. Sans parler de la tout aussi étrange ressemblance de Thomas de Pourquery avec un certain Éric Dolphy. Guillaume Orti est le second altiste. Le « tuyau » du groupe est en la personne de François Thuillier, un adorable tubiste capable d’acrobaties digne d’un coléoptère en période d’accouplement. Dans le mot adorable, n’y voyez pas là d’amitié entendue, mais intéressons nous plutôt au fait d’être plus ou moins attendri par tel ou tel instrument, et en l’occurrence, le Tuba. Éric Echampard et Claude Tchamitchian donne l’énergie à l’ensemble, par leur complémentarité tout-terrain (on dit aussi la CTT !). Parce que c’est de ça qu’il s’agit, une passionnelle suite d’évènements, de scènes, d’épisodes, avec à chaque fois une nouvelle surprise au coin d’un passage. Un album irrésistiblement complet. Un florilège de beaux mouvements, de bons moments, forts et intenses. Avec ce coté expérimental qu’à plaisir à exercer Andy Emler, aussi bien dans son écriture que dans l’esprit de son entourage. Ce disque débute sur un ostinato avec le sampler et les cris déstructurés de Médéric, qui nous offre au bugle, un peu plus loin dans le disque, un phrasé très pertinent. Il y a là tant de styles abordés, magnifiés. Cet esprit collectif est vastement ouvert et repousse les limites de la Musique. François Verly use par exemple des tablas dans la pièce majeure du disque, West in Peace. Le groove bestial au thème modal menaçant, la douce poésie du chant de la contrebasse. Certains gestes invoquent le « free style », ce sont ces gestes qui transfigurent le « skate- boarder » en artiste. On penserait presque à un scénario dont le pianiste serait le gourou, l’arbitre, le maître, celui qui libère les enfants terribles à l’heure de la récré. Plus sérieusement, en suivant cette trame musicale, on pense à Debussy, en allant jusqu’à Gustav Mahler. Les cornemuses sont même de la partie ! Quel bouquet de fleur ! Une originalité sans limite, un avant-gardisme comme on les aimes. Et tout ce tintouin organisé est capté à la Buissone par le Gérard De Haro national. Nos oreilles sont kidnappées, emmenées dans un rêve sur tapis volant, voyageant dans les airs au-delà des paysages les plus divers. Époustouflant, renversant, ingénieux, enivrant, ce disque est incontournable de vérité, de fraîcheur aussi. Les commentaires littéraires inscrits dans le livret témoignent des sentiments du compositeur sur sa propre musique, comme pour mieux transmettre ce qu’il a de grand à offrir. Merci qui ? Merci Monsieur Emler.
Tristan Loriaut
Dans la lignée du précédent album Dreams in Tune mais encore plus captivant, West in peace nouvel opus du Megaoctet, réunit toujours une distribution de rêve. On se réjouit de retrouver le spectaculaire nonette du pianiste Andy Emler, en grande grande forme. La machine rutilante, puissante, démarre très vite, tout de suite, et très fort. Difficile de faire autrement quand on dispose d’ une section rythmique superlative ( Eric Echampard et Claude Tchamitchian, sans oublier le percussionniste, ami de longue date, François Verly) et de soufflants déchaînés autant que brillants (Laurent Dehors au ténor et aussi à la cornemuse, diable d’homme, Thomas De Pourquery et Guillaume Orti, souverains à l’alto, Méderic Collignon toujours aussi doué au bugle comme dans « Les neuf cents lunes »).
Quand on lit les notes d’introduction du pianiste, qui constituent son credo artistique, on comprend pourquoi on aime tant le musicien.
Ce n’est pas seulement une question de génération et d’éducation musicale. Emler allie de façon délibérée, une musique savamment composée, à une énergie très actuelle qui déborde tout en restant à sa place. Sans oublier l’intelligence mélodique des grands groupes pop des années 70 et l’étude admirative du travail de géniaux perturbateurs, comme F.Zappa. Ce qui explique en partie une démarche qui explore avec humour, impertinence et précision, certains territoires musicaux actuels : ruptures de tempos, suspens harmonique et rythmique, faux arrêts et donc faux départs, ostinatos souples et rebondissants ; par instant, une douceur de prélude suivie d’ envolées qui n’en seront que plus étonnantes. Des interventions plus « sauvages », chantées, marmonnées, ou hurlées aux saxophones, exaltent certains dérèglements assumés avec le plus sérieux.
Ce que le pianiste arrive à faire avec ce groupe de surdoués tient d’un véritable projet collectif dans lequel chacun reste à sa place, concourant à cette impression de joyeux chaos.
Voici donc une formation soudée prête à se lancer dans une aventure permanente sous la férule du chef. L’ improvisation collective malmène le travail soigné de composition, avec une tendance impulsive à rechercher un certain désordre que l’on met en scène. Un embrasement que l’on partage sans que cet enchaînement ne laisse de côté les moments plus tendres et rêveurs comme ce passage doux qui se glisse dans la première composition « Les ions sauvages » que domine au tuba, le trop rare François Thuillier.
C’est qu’Andy Emler compose très soigneusement, en fonction de « ses » hommes, en recherchant les combinaisons insolites ou intéressantes de timbres, de textures et de couleurs : du « cousu main » qui donne aussi sa pleine mesure en live.
Mais pour ceux qui achèteront le disque (oui, cela vaut encore le coup d’acheter un album), mention particulière à l’ « objet » conçu avec soin, de la poétique photo de graminée, en couverture aux explications révélatrices de la conception de chacun des titres (5 pièces longues et un court interlude, ludique, « Hugs » avant le final).
S’il fallait choisir un seul titre, « West in peace » aurait notre préférence : doux, tendrement nostalgique, et terriblement émouvant. Guillaume Orti dont on admire depuis longtemps déjà, la démarche, discrètement tenace, est saisissant dans ce chant de désir ou aveu d’une plainte, c’est comme on voudra, une ballade au cœur de la mélancolie, le climax d’un disque qui ne peut laisser indifférent.
Sophie Chambon